Les maladies métaboliques des bovins - Ma revue n° 105 du 30/05/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 105 du 30/05/2017

MÉDECINE BOVINE

FORMATION

Même si l’intensification des élevages bovins est aujourd’hui remise en cause pour des raisons environnementales, éthiques et sociétales, les performances des animaux n’ont cessé de croître depuis les années 1950, grâce aux progrès de la génétique et à une alimentation plus concentrée. Cette intensification provoque un équilibre fragile entre alimentation et production.

Une maladie métabolique désigne une altération de l’équilibre entre apport alimentaire et besoin. Ce besoin est d’abord un besoin d’entretien de l’organisme, mais aussi un besoin lié à la production de l’animal. La plupart des maladies métaboliques s’expriment dans les quelques jours avant le vêlage et jusqu’à deux mois après celui-ci, à un moment où la production du bovin est la plus importante. Par la suite, la production laitière diminue et le risque de déséquilibre également. Ainsi, les maladies métaboliques touchent plus fréquemment les vaches laitières que les allaitantes, la production étant moins importante chez ces dernières car se limitant à l’élevage du veau.

Se reposer pour mieux produire

Chez la vache laitière, tout se joue dans les 6 à 8 semaines précédant le vêlage, au moment du tarissement. Durant cette période, la lactation de la vache est stoppée. Cette phase non productive a plusieurs buts : mettre la mamelle au repos, renouveler ses cellules et, éventuellement, guérir les infections mammaires chroniques ; préparer la vache au vêlage suivant, en laissant ses ressources à la disposition de la croissance du veau et de la sécrétion d’un colostrum de qualité ; la laisser reprendre de l’état corporel, si cela n’a pas été réalisé en fin de lactation.

Le tarissement est schématiquement découpé en trois phases : la première correspond à l’involution mammaire, c’est-à-dire à la résorption des restes de sécrétion lactée et à la baisse importante du nombre de cellules mammaires assurant la production. La deuxième phase est une étape de remplacement cellulaire, permettant la régénération de la glande. Enfin, dans la dernière phase, les cellules recommencent à croître et à fonctionner et commencent à produire le colostrum.

Il y a encore quelques années, on pensait que chacune de ces phases devait durer au moins 3 semaines. Il est connu désormais qu’elles peuvent coexister dans la mamelle en même temps, et non se succéder strictement dans le temps. De nos jours, les durées de tarissement moyennes sont plutôt de l’ordre de 5 à 6 semaines, ramenant chaque phase à une durée de 10 à 12 jours.

Ces pratiques ont des conséquences au niveau de l’alimentation de la vache pendant la période dite sèche (tarissement). En effet, l’arrêt de la production et l’involution mammaire nécessitent une diminution drastique de l’alimentation et un isolement de la vache de l’environnement de production. Cette première période alimentaire, d’une semaine à 10 jours, porte le nom de dry-off : l’éleveur laisse à la vache un fond d’auge de la ration des laitières avec un foin de bonne qualité. Une fois la production complètement stoppée, il procure à l’animal une alimentation presque identique à la ration des laitières, mais en quantité plus faible. Le but étant de couvrir uniquement les besoins d’entretien et de croissance du fœtus. Cela représente environ un tiers de la ration de base des laitières. Cette ration, moins concentrée en énergie que celle des laitières en production, tout en évitant une prise de poids trop importante pendant le tarissement, joue aussi un rôle négatif sur l’activité du rumen.

Une question d’appétit et de papilles

Deux phénomènes préjudiciables surviennent durant le tarissement. D’une part, le volume du veau augmente progressivement au détriment du volume du rumen. Or, chez la vache, l’appétit est régulé par sa taille et son remplissage. Arrivé au vêlage, l’animal peut se retrouver avec un appétit très diminué, qui l’empêche d’avoir une prise alimentaire optimale par rapport à ses besoins. D’autre part, la ration du tarissement, moins concentrée en énergie, provoque une atrophie progressive des papilles ruminales. Ces petites extensions de la muqueuse de la panse sont extrêmement importantes puisqu’elles augmentent la surface d’absorption des acides gras volatils, produits de la dégradation des glucides par les bactéries et qui sont à la base du métabolisme énergétique de l’animal1. Elles s’amenuisent lorsque la ration est déconcentrée en énergie.

Ensuite, passant brutalement à une ration très concentrée de début de lactation, la vache peut se montrer incapable d’exploiter correctement les aliments qu’elle ingère. Il est donc primordial que le tarissement se termine par une période de transition alimentaire d’environ 3 semaines, pendant laquelle la quantité et la densité énergétique de la ration sont progressivement augmentées.

Lors de la lactation, les besoins en minéraux, notamment en calcium et en phosphore, sont très importants. Pendant la période sèche, ces besoins sont fortement diminués. Pourtant, la plupart des aliments des vaches laitières sont assez riches en calcium, particulièrement l’herbe, et leur apport peut ainsi être trop important en période sèche. En réponse, l’organisme fixe ce calcium excédentaire au niveau des os. Au moment du vêlage, lorsque la demande augmente brusquement, ce mécanisme, s’il persiste, provoque une chute brutale de la calcémie et explique l’apparition de la fièvre de lait. Une réflexion concernant l’apport de minéraux durant le tarissement est ainsi indispensable.

Chez les vaches allaitantes, l’absence de tarissement obligatoire et planifié et la plus faible quantité de lait produite protègent en général des maladies métaboliques.

Trouble lié au déficit énergétique : la cétose

La cétose est le trouble métabolique le plus fréquent chez la vache, avec la fièvre de lait. Elle apparaît lorsque l’animal ne produit pas assez de glucose par rapport à ses besoins. L’organisme puise alors dans ses réserves de graisse afin de fabriquer ce qui lui manque. Chez la vache, habituellement, le glucose alimentaire est presque intégralement utilisé par les bactéries du rumen pour produire de l’acide propionique. Cet acide gras volatil sert de brique à la vache pour fabriquer le glucose et l’énergie dont elle a besoin pour vivre et produire. S’il manque du glucose, l’animal utilise alors les acides gras venant de ses réserves adipeuses pour produire de l’énergie, en produisant des déchets nommés corps cétoniques. C’est l’accumulation des corps cétoniques dans l’organisme qui provoque la cétose. Plusieurs mécanismes peuvent déclencher une cétose. Mais à l’heure actuelle, la plupart des rations étant assez équilibrées, c’est le déficit énergétique lié à la production importante de l’animal par rapport à ses capacités d’ingestion qui provoque la maladie.

Selon son intensité, l’animal montre des symptômes évidents (cétose clinique) ou non (cétose subclinique). Dans tous les cas, une perte de production et une augmentation de la matière grasse avec diminution des protéines du lait sont observées. Certaines maladies sont favorisées : déplacement de caillette, métrite, mammite, infertilité. Lors de cétose clinique, les symptômes sont évidents : la vache chute en lait, mange moins et privilégie les fourrages en arrêtant de consommer ses concentrés. Elle présente une constipation, un tube digestif qui se contracte moins. Dans 10 % des cas, des signes nerveux complètent le tableau : agitation, difficultés à se déplacer, comportement de léchage compulsif.

Le traitement consiste en l’administration de composés énergétiques, d’abord par voie intraveineuse, puis orale (propylène glycol), et l’utilisation de corticoïdes qui augmentent le taux de sucre dans le sang. Certains éleveurs administrent systématiquement du propylène glycol aux vaches dans les 3 à 4 semaines qui suivent le vêlage. L’efficacité de cette pratique est discutable. La prévention, plus efficace, réside dans une bonne préparation au vêlage afin de maximiser l’appétit et l’ingestion au démarrage de la lactation.

L’excès d’énergie : l’acidose

L’acidose correspond à une augmentation de l’acidité du contenu du rumen. Cette affection résulte de l’accumulation d’acides organiques issus de la dégradation trop rapide ou importante de l’amidon par les bactéries du rumen. Cette situation intervient donc de manière accidentelle si l’animal ingère une grande quantité de concentré rapidement fermentescible : c’est l’acidose aiguë, très grave et potentiellement mortelle. Elle peut aussi se mettre en place de manière plus insidieuse et progressive lorsque l’animal a à sa disposition une ration trop riche en amidon (c’est-à-dire en concentrés énergétiques) par rapport aux fibres, ou lorsque la ration est changée brutalement sans transition : c’est l’acidose chronique ou subclinique, beaucoup plus fréquente chez la vache laitière.

Les signes cliniques sont nombreux et variés. Ils incluent essentiellement des troubles digestifs : diarrhée, météorisation, inappétence, ulcérations possibles de l’intestin ou de la caillette. L’animal présente une baisse de production importante avec une chute de la matière grasse du lait. Il montre aussi des épisodes de boiterie et une altération des performances de reproduction. Une fois l’acidose identifiée dans un troupeau, son traitement passe essentiellement par l’adjonction de bicarbonate de sodium à la ration pour contrer l’acidité du rumen. Il est également possible d’administrer des hépatoprotecteurs, par voie orale ou injectable, et de corriger la ration pour en limiter les effets acidogènes. La prévention repose sur la transition alimentaire avant vêlage pour favoriser une bonne évolution des papilles ruminales.

Le déficit en calcium : la fièvre de lait

Le calcium est le minéral le plus important en matière de proportion dans l’organisme des mammifères, avec le phosphore. Au moment du vêlage, le début de la production laitière provoque une exportation brutale de calcium vers la mamelle. Un excès de calcium dans la ration au moment du tarissement représente l’un des facteurs de risque les plus importants de la fièvre de lait. L’équilibre en minéraux est également essentiel.

La fièvre de lait porte mal son nom puisque l’animal ne présente pas de fièvre. Dans les quelques jours qui suivent le vêlage, parfois un peu avant, la vache présente une incapacité à se relever, puis une paralysie progressive qui peut aller jusqu’au coma et la mort si l’épisode n’est pas traité. Dans des formes plus limitées, lorsque le calcium n’est pas suffisamment bas pour provoquer la paralysie, l’hypocalcémie augmente le risque d’autres pathologies : déplacements de caillette, mammites, cétose, troubles du vêlage si elle débute avant la mise bas. Le traitement est simple mais doit être rapide : perfusion intraveineuse de calcium, avec un éventuel relais par voie orale pour maintenir l’apport pendant quelques heures.

La prévention passe essentiellement par un contrôle de la ration des vaches taries et l’adjonction de chlorure de magnésium pendant le tarissement. En outre, différentes formes de calcium par voie orale peuvent être administrées avant et après vêlage pour diminuer les risques : solution buvable ou injectable, bolus ou gel oral.

Le déficit en phosphore : l’hypophosphatémie

L’hypophosphatémie correspond à la diminution de la quantité de phosphore dans le sang. Cette condition accompagne généralement l’hypocalcémie, mais ne lui est pas systématiquement associée. Le mécanisme de l’hypophosphatémie reste mal compris. Il est toutefois relié au métabolisme du calcium. D’ailleurs, un excès de phosphore alimentaire pendant le tarissement augmente les risques de fièvre de lait. Il semblerait qu’une faible prise alimentaire avant et juste après le vêlage augmente les risques d’hypophosphatémie. Celle-ci fait partie des causes du syndrome de la vache couchée et peut représenter un facteur aggravant la fièvre de lait ou expliquant un échec du traitement. Lors d’absence de réussite du traitement initial d’une vache couchée après vêlage, un dosage du calcium et du phosphore sanguin est ainsi systématiquement réalisé. En effet, l’hypophosphatémie provoque une altération de l’appétit et une difficulté, voire une incapacité, à se lever.

Une autre pathologie, rare mais grave car pouvant provoquer la mort, semble reliée à une hypophosphatémie dans les 3 à 4 semaines suivant le vêlage : il s’agit de l’hémoglobinurie puerpérale. Un faible taux alimentaire puis sanguin de phosphore après vêlage provoque une fragilisation de la paroi des globules rouges et un éclatement de ceux-ci dans le flot sanguin (anémie hémolytique).

1 Voir Supplément ASV n° 100 de juin 2016, pages 14 à 16.

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