MÉDECINE BOVINE
FORMATION
Encore improductifs, les veaux n’en sont pas moins les vaches de demain. Leur alimentation conditionne leur croissance et mérite des conseils, tant sur les quantités que sur les modalités de distribution.
Même si les veaux représentent l’avenir du troupeau, leur élevage est souvent négligé ou mal maîtrisé. Il souffre de l’augmentation de la taille des cheptels, de la diminution de la main-d’œuvre disponible, notamment des femmes habituellement plus enclines à s’occuper de ces jeunes mammifères maladroits, et de l’application de plans d’alimentation parfois inadaptés en l’absence de contrôle des objectifs de croissance.
Ces objectifs sont pourtant clairement établis. En race prim’holstein, la génisse de renouvellement doit au moins doubler son poids de naissance (45 kg en moyenne) à 2 mois, peser 200 à 210 kg à 6 mois, puis 450 kg au moment de la première insémination. Il convient de peser les animaux aux âges stratégiques afin de s’assurer de l’efficacité du programme alimentaire.
Les enjeux sont considérables : assurer une bonne croissance et une bonne santé de la jeune femelle afin qu’elle démarre au plus tôt sa carrière de reproductrice et de productrice de lait. Pour peser plus de 200 kg à 6 mois, le veau doit grossir d’au moins 900 g par jour. Cette croissance s’obtient avec 8 l de lait entier, 1 kg de lactoremplaceur ou 2 kg de granulés starter. Par comparaison, les gains moyens quotidiens (GMQ) des veaux de race bouchère ou non rationnés en lait sont bien plus élevés.
Une étude réalisée en 2015 sur plus de 1 300 génisses prim’holstein a montré que l’objectif de croissance n’était atteint que pour 22 % des veaux passés à la toise et dont le poids était estimé grâce à la mesure du périmètre thoracique (figure). Non seulement le déficit de croissance avant 6 mois n’est jamais rattrapé, mais encore il est évident que les jeunes animaux mal ou sous alimentés sont plus fragiles et sensibles aux infections et parasites.
Insistons sur les enjeux de la prise de colostrum, seule façon pour le veau nouveau-né d’acquérir des défenses immunitaires. Outre des immunoglobulines (Ig ou anticorps), le colostrum apporte de l’énergie, des minéraux, des vitamines et des oligoéléments. Sa qualité dépend d’abord de la santé et de l’alimentation de la mère au tarissement, notamment de la densité énergétique de sa ration et de l’apport d’un complément minéral et vitaminé (CMV). La santé du veau se prépare ainsi avant même sa naissance.
Classiquement, le veau doit boire 4 l de colostrum de bonne qualité dans les quelques heures suivant sa naissance (photo 1). L’achat d’un réfractomètre à échelle de Brix, pour quelques dizaines d’euros, est un investissement très rentable. Il permet, à partir d’une seule goutte, de tester le colostrum préalablement à sa distribution ou à sa congélation. Pour être conforme, il doit contenir au moins 50 g d’Ig/l (22 % Brix). Il arrive souvent que le colostrum sécrété par les vaches fortes productrices soit de piètre qualité. Au besoin, il peut être complété par celui d’une autre vache ou un colostro-supplément. L’apport de colostrum maternel frais est privilégié car certains facteurs de l’immunité ne passent que de la mère à son propre veau et la congélation détruit les globules blancs. Le colostrum est distribué précocement, au biberon à raison de deux fois 2 l ou à la sonde en une seule administration de 4 l.
Les veaux laitiers séparés de leur mère sont nourris soit au lait, soit à l’aliment d’allaitement (poudre de lait ou lactoremplaceur), voire avec un mélange des deux, généralement deux fois par jour (photo 2). Dans certains élevages, du lait fermenté, dit yogourtisé, est distribué froid aux veaux.
Chez le veau nouveau-né, les préestomacs sont peu développés et non fonctionnels. Le lait absorbé passe directement dans la caillette. Cette dernière sécrète la présure qui coagule la majorité des protéines du lait. Ce caillé piège les lipides. Lentement, pendant 8 heures environ, protéines et matières grasses seront libérées dans l’intestin où elles sont digérées.
Dans tous les aliments d’allaitement, la matière grasse du lait est remplacée par des huiles végétales (palme, coprah, colza, soja). Certains contiennent de la poudre de lait écrémé (PLE), d’autres des protéines végétales (de blé, pomme de terre, pois, soja) et du lactosérum. La quantité de PLE dans les lactoremplaceurs varie de 0 à 50 % pour les meilleures mais aussi les plus chères. Ces dernières sont mieux et plus lentement digérées. Elles diminuent les risques de diarrhée et permettent une croissance plus importante. Les protéines des aliments d’allaitement sans PLE ne coagulent pas dans la caillette, sa vidange est rapide, les résultats de croissance sont hétérogènes.
Les plans d’alimentation sont nombreux et variés (encadré ci-dessous). L’éleveur doit en choisir un qui lui convienne et s’y conformer, y compris en ce qui concerne la régularité des horaires de distribution. Les pesées et mesures régulières permettent de s’assurer de l’efficacité du plan choisi. Attention, en cas de maladie ou de parasitisme, notamment de coccidiose, la courbe de croissance décroche. Depuis quelques années, en particulier à l’étranger, sont préconisés des programmes alimentaires proposant une quantité de lait ou de poudre plus importante que dans les plans classiques, proche de celle que consommerait le veau s’il restait avec sa mère ou était nourri à volonté.
Il est important de respecter les préconisations du fabricant dans la reconstitution du lactoremplaceur.
L’eau de reconstitution des repas (lactoremplaceur ou solution de réhydratation orale) et l’eau d’abreuvement doivent être potables. Une analyse bactériologique a minima annuelle le confirmera. Sa température doit être suffisante pour dissoudre la matière grasse végétale : 60 °C pour obtenir un lait reconstitué de 45 à 55 °C selon les poudres. Au-delà de 60 °C, les protéines se dénaturent. Ensuite, il faut battre au fouet pendant 30 secondes.
Lait entier et poudre dissoute sont distribués à 40 °C, aux alentours de la température normale du veau. Au besoin, un chauffe-lait permet d’obtenir la bonne température du liquide. Dans les grands élevages, un “taxi-lait”, cuve chauffante sur roulette, se révèle très utile pour diminuer la pénibilité du transport des seaux.
Plus il fait froid, plus le veau dépense de calories pour maintenir sa température : en hiver, il sera nécessaire de lui donner davantage de lait ou de poudre.
L’alimentation lactée est complétée par l’apport de céréales ou de concentrés, ainsi que de fourrage (paille ou foin grossier de bonne qualité, photo 3) permettant le développement progressif du rumen. L’objectif est d’accompagner le passage d’une physiologie de monogastrique à celle de ruminant.
Dès 10 jours, un aliment starter ou concentré premier âge est proposé au veau : les mashes, contenant un mélange de céréales cuites, de granulés, de flocons et de graines extrudées, sont appétents et digestes (photo 4). Ils stimulent la curiosité et l’ingestion par le veau. Par souci d’économie, certains éleveurs utilisent du maïs grain ou le concentré de production (la “VL”) destiné aux vaches.
Il est préférable de distribuer quelques poignées de l’aliment solide tous les jours, voire deux fois par jour au début, plutôt que d’en donner en grande quantité, vite dépréciée et colonisée par les mouches. Mettre à disposition le concentré dans une auge surélevée à l’intérieur du parc collectif des veaux les incite à en consommer plus qu’au cornadis où les animaux peuvent avoir expérimenté des situations douloureuses (contention lors de l’ablation des cornillons, injections). De même, le fourrage est proposé dans un râtelier bas facilement accessible.
Le veau doit disposer d’eau propre en permanence, même s’il n’est pas sevré (photo 5). Il n’est pas rare de voir des granulés starter proposés au veau sans eau, ce qui, évidemment, n’en favorise pas la consommation ! Les parcs collectifs sont équipés de pierres à sel.
Le distributeur automatique de lait entier ou d’aliment lacté (DAL, photo 6) représente un mode de distribution original. Il s’utilise pour des veaux de plus de 15 jours, 15 à 20 par poste, idéalement d’âge similaire pour éviter la compétition en défaveur des plus jeunes. Le DAL diminue considérablement l’astreinte horaire et la pénibilité du travail de l’éleveur. Il autorise le fractionnement des repas, généralement programmés à trois par jour.
Les tétines et la stalle doivent être régulièrement inspectées et nettoyées. La température de l’eau et du lait reconstitué, ainsi que la densité du mélange seront notamment vérifiées et le système éventuellement recalibré. La poudre de lait utilisée doit impérativement se dissoudre presque instantanément et à température inférieure à 50 °C. Le temps économisé grâce au DAL devrait être mis à profit pour améliorer la surveillance et les soins aux veaux car les problèmes sanitaires dans ces cases collectives se transmettent rapidement.
Il est tentant pour l’éleveur de donner aux veaux le lait non commercialisable. Le lait de transition entre le colostrum et les 7 jours légaux leur reste adapté, bien que parfois très riche en matières grasses, moins digestes pour les animaux. En revanche, les laits de mammite ou provenant de vaches sous traitement antibiotique générant un temps d’attente sont proscrits : ils perturbent la flore intestinale et peuvent favoriser la résistance des bactéries aux antibiotiques. Même le lait riche en cellules ne possède pas les qualités nutritionnelles requises. Par ailleurs, ces laits caillent moins bien dans l’estomac du veau.
Quand un lait entier est trop riche en matières grasses, il convient de ne pas le diluer mais d’en donner moins.
Finalement, le lait de mélange du tank, destiné à la consommation humaine, serait le plus indiqué pour garantir la croissance et la santé du veau. Mais quel que soit son prix, il est rare que les éleveurs l’utilisent pour les veaux.
Pour la dilution, 200 g de poudre de lait par litre de buvée signifie qu’il faut mélanger 200 g de poudre dans 800 g d’eau et non dans un litre. Sinon, le mélange est plus dilué que prévu. Il est préférable de peser la poudre régulièrement pour s’assurer du bon dosage, plutôt que d’utiliser un gobelet doseur marqué d’un vague repère.
Il est indispensable de procéder au nettoyage des seaux, des biberons et des calf drenchers après chaque utilisation. Le calf drencher doit être différent de celui utilisé pour réhydrater les veaux malades et entreposé propre à l’abri de la poussière. Les seaux sont nettoyés, par exemple, avec le désinfectant basique de l’installation de traite, rincés puis mis à égoutter à l’envers.
Si les erreurs d’alimentation constituent souvent le point de départ des diarrhées, la restriction en lait au cours des premières semaines de vie ne permet pas de les prévenir. Avant 3 semaines, la consommation d’aliments solides est négligeable en matière d’apport énergétique. Les veaux nourris au lait à volonté ne consomment pas moins de concentrés que ceux qui sont rationnés. Les éleveurs craignent d’avoir des génisses trop grasses, ce qui est en effet préjudiciable à l’expression de leur potentiel laitier. En réalité, l’accumulation de gras dans la mamelle n’intervient qu’à la puberté. Une alimentation non restrictive avant un mois ne peut que favoriser le développement des tissus osseux, musculaires et mammaires. Il n’y a aucun intérêt à se réjouir d’avoir des animaux de moins de 6 mois grands mais squelettiques. Bref, il vaut mieux un veau un peu trop gros que beaucoup trop maigre.
Plus la composition du lactoremplaceur s’éloigne du lait, moins il est digeste et plus la croissance est irrégulière, surtout pour les très jeunes veaux.
Le mode de distribution du lait est tout aussi important que sa composition. Quand le veau boit au seau, il ingère très rapidement une grande quantité de lait, qui plus est dans une position qui ne favorise pas la fermeture de la gouttière œsophagienne (shunt entre l’œsophage et la caillette). Au contraire, quand le seau mis en hauteur possède une tétine (photo 7), le veau boit en position physiologique (comme un veau tête sa mère au pis), salive beaucoup plus, mange plus lentement, satisfait son besoin de téter et digère mieux. Le seau avec tétine flottante est un compromis.
Les céréales à paille (blé, orge, avoine) sont à éviter car acidogènes. L’ensilage de maïs, peu appétant et chauffant rapidement, est déconseillé chez le veau avant 2 mois : « Pas d’alcool ni de conserves aux enfants ! ».
Le sevrage est une période de transition délicate. Il est d’usage de sevrer les veaux, c’est-à-dire de cesser tout apport lacté aux alentours de 2 mois. En élevage bio, le veau est alimenté avec du lait de vache, préférentiellement celui de sa mère, et pendant au moins 3 mois. Même si, pour des raisons économiques, l’éleveur souhaite une phase lactée écourtée, la réussite du sevrage repose avant tout sur la diminution graduelle de l’apport en lait, la consommation de 2 à 2,5 kg de concentré et un poids de naissance au moins doublé. Il convient de ne pas y ajouter d’autre stress tels que le changement de bâtiment, de groupe, de concentré ou de fourrage.
Même si le contexte délétère de l’élevage laitier n’incite pas les éleveurs à concentrer leur attention, leurs efforts ni une part importante du budget sur les animaux improductifs (comme les veaux), de plus en plus de cliniques vétérinaires proposent des audits “santé du veau”, impliquant évidemment une évaluation de leur alimentation, du logement et de leurs soins. Nul doute que ces analyses globales des facteurs de risque de maladie et de déficit de croissance des très jeunes bovins puissent diminuer leur taux de mortalité préoccupant, atteignant souvent les 10 %, parfois 20 % dans certains élevages.
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EXEMPLES DE PLAN D’ALIMENTATION
LE BIEN-ÊTRE DES VEAUX LAITIERS : DES VOIES DE PROGRÈS
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