Traitement chirurgical d’un cas d’urolithiases chez un lapin - La Semaine Vétérinaire n° 1535 du 12/04/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1535 du 12/04/2013

Formation

NAC

Auteur(s) : LAURIANE DEVAUX*, SAMUEL SAUVAGET**, EMMANUEL RISI***

Fonctions :
*praticien au CHV Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique)
**praticien au CHV Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique)
***praticien au CHV Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique)

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CAS CLINIQUE

Un lapin nain mâle stérilisé de trois ans et demi est présenté pour une anorexie et un arrêt du transit évoluant depuis trois jours.

Commémoratifs

L’animal vit en appartement dans une cage d’un mètre sur deux et est sorti quatre heures par jour. Il n’est plus vacciné depuis un an et demi.

Une première consultation, quatre mois auparavant, est motivée par la survenue d’une diarrhée. Le lapin présente alors une sablose vésicale sévère (voir photo 1) et un surpoids (2,23 kg). Aucune autre anomalie n’est relevée.

Un changement d’alimentation est prescrit pour régler les troubles du transit et le surpoids. Ce régime est correctement suivi par les propriétaires et aboutit à une perte de 500 g depuis la première visite. Le lapin s’est arrêté brutalement de manger trois jours avant la seconde consultation et les propriétaires n’ont pas remarqué de fèces dans la cage depuis.

Examen clinique

L’animal est abattu et présente une pododermatite au membre postérieur gauche. La palpation de l’abdomen caudal est douloureuse. Six calculs urinaires de 0,5 à 1 cm de diamètre, associés à une sablose vésicale marquée (voir photo 2), sont visibles à la radiographie. Une échographie de l’appareil urinaire confirme la position vésicale des calculs. Une cystotomie est proposée. Une prise de sang est réalisée au préalable afin de vérifier le bon état de la fonction rénale et de donner un pronostic aux propriétaires (urémie à 0,21 g/l et créatininémie à 12 mg/l). La glycémie (1,87 g/l) permet d’écarter l’hypothèse d’une occlusion.

Traitement

Le lapin est prémédiqué avec du butorphanol à la dose de 1 mg/kg et du midazolam à raison de 2 mg/kg. L’anesthésie, induite avec un mélange d’oxygène à 100 % (1,5 l/min) et d’isoflurane à 5 %, est maintenue entre 2 et 2,5 % d’isoflurane à l’aide d’une sonde endotrachéale.

Un cathéter intraveineux est posé à la veine céphalique gauche. L’animal est placé en décubitus dorsal et tondu de l’appendice xiphoïde à la pointe du pubis.

Après une désinfection de la zone chirurgicale à la chlorhexidine, une incision cutanée est réalisée sur 4 cm caudalement à l’ombilic et sur la ligne blanche. La cavité abdominale est ouverte et la vessie est extériorisée. Un amas translucide et gélatineux de 3 cm d’épaisseur, recouvrant le pôle cranial de la vessie, est observé (voir photo 3). Il s’agit d’une zone inflammatoire résultant d’une péritonite localisée due à la cystite chronique. Deux fils de traction non perforants sont posés à chaque extrémité, sur la face dorsale de la vessie. La paroi vésicale est incisée sur 6 mm. Celle-ci est épaissie et inflammatoire. Les six calculs sont retirés à l’aide d’une curette (voir photos 4 et 5) et la vessie est nettoyée avec du sérum physiologique tiédi jusqu’à l’obtention d’un liquide de rinçage clair. L’incision est suturée par un surjet non perforant avec un monofilament résorbable (Maxon(r) 4-0). Après avoir vérifié l’étanchéité de la suture vésicale, les plans musculaires et cutanés sont suturés avec un fil tressé résorbable (Polysorb(r) 3-0).

L’animal est hospitalisé afin de gérer la douleur (buprénorphine, 45 µg/kg, deux à trois fois par jour) et de s’assurer de la bonne reprise de la fonction urinaire. Il est maintenu sous perfusion intraveineuse puis sous-cutanée pendant la durée de l’hospitalisation pour forcer la diurèse. Des antibiotiques (triméthoprime et sulfamides à 30 mg/kg deux fois par jour) et des anti-inflammatoires (méloxicam à 0,3 mg/kg une fois par jour) sont administrés. Le lapin est également gavé deux à trois fois par jour et reçoit du métoclopramide par voie sous-cutanée (0,45 mg/kg deux fois par jour) afin de relancer le transit.

Des urines claires, une reprise de l’alimentation spontanée et du transit sont notées 24 heures plus tard. Le lapin sort deux jours après l’intervention avec un traitement par voie orale : méloxicam (4 jours), métoclopramide (5 jours), triméthoprime et sulfamides (10 jours). Le régime alimentaire est modifié et privilégie le foin Cunipic Urinary(r) et les granulés Vet Care Urinary(r) pauvres en calcium.

Suivi

L’animal est revu dix jours après la cystotomie. Les urines, claires les premiers jours après la sortie, sont rapidement redevenues sableuses. La pododermatite est toujours présente. Les propriétaires rapportent par ailleurs que leur lapin boit peu et ne se déplace pas lorsqu’il est en liberté. Un traitement hygiénique est alors mis en place afin de favoriser l’élimination du calcium et de lutter contre la sédentarité de l’animal. Il est conseillé aux propriétaires de stimuler la prise de boisson chez leur animal en mélangeant l’eau à du jus de fruit, tout en continuant l’alimentation prescrite après l’opération. Afin d’augmenter l’activité physique du lapin, il est également recommandé de le laisser en liberté toute la journée dans un enclos aménagé.

DISCUSSION

Pathogénie

Bien que les urolithiases chez le lapin ne soient pas rares, la raison de leur formation est cependant mal connue. Il s’agirait d’une combinaison de plusieurs facteurs tels que l’alimentation, la génétique, l’anatomie (surpoids), l’environnement (sédentarité) et, plus rarement, un terrain infectieux.

Les calculs retrouvés le plus souvent sont des oxalates, des carbonates ou des phosphates de calcium. En effet, le métabolisme du calcium chez le lapin diffère de celui des autres mammifères. Tout le calcium alimentaire est absorbé par l’intestin et les excédents sont éliminés dans les urines. Ainsi, une hypercalciurie chez les lapins dont le régime alimentaire est riche en calcium est fréquemment observée. Elle est à l’origine d’un dépôt crayeux (sablose) dans la vessie, dont la concrétion aboutit à la formation de calculs.

Symptômes

Un lapin qui présente des urolithiases arrive souvent en consultation avec une hématurie, une strangurie, une dysurie ou une anurie. Les urines sont en général turbides, mais la sablose urinaire n’est pas toujours visible lors de leur émission. Une dermatite y est parfois associée. Une douleur abdominale peut être mise en évidence à la palpation, voire une masse ferme dans l’abdomen caudal.

Diagnostic

Le diagnostic est établi grâce à la radiographie et/ou via un examen échographique qui permet de localiser avec précision la position du ou des calculs dans l’appareil urinaire. L’analyse d’urine fournit un pronostic quant à l’état de la fonction rénale et peut éventuellement mettre en évidence l’existence d’une infection bactérienne. Dans ce cas, il n’est pas rare de retrouver des bactéries telles que Pseudomonas sp. et Escherichia coli.

Traitement

Le traitement dépend de la localisation et de la taille des calculs, mais aussi de la sévérité des lésions associées.

Dans le cas d’urolithiases vésicales de taille importante, la méthode de choix est la cystotomie. Pour des calculs plus petits (inférieurs à 6 ou 7 mm), le retrait peut être envisagé par cystoscopie à l’aide d’une pince basket.

Dans le cas d’une sablose urinaire importante ou de petites lithiases, une vidange manuelle peut être envisagée sous anesthésie générale, par hydropulsion. Si le calcul obstrue un uretère et/ou est à l’origine d’une hydronéphrose, une néphrotomie ou une néphrectomie est envisageable, selon l’état de la fonction rénale. Le pronostic d’une telle intervention est très réservé.

Un traitement hygiénique peut permettre de limiter les récidives. Ainsi, une alimentation pauvre en calcium et un environnement favorisant l’exercice physique doivent être systématiquement recommandés aux propriétaires.

Sablose vésicale lors de la première consultation (noter l’état d’embonpoint du lapin).

Calculs urinaires lors de la consultation suivante (noter la perte de poids).

Aspect avant la cystotomie, avec la présence d’une masse fibrineuse adhérente au pôle cranial de la vessie.

Retrait des calculs vésicaux à l’aide d’une curette.

Aspect des calculs vésicaux retirés.

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