Radioprotection : des résultats encourageants du côté des vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1535 du 12/04/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1535 du 12/04/2013

Dossier

Auteur(s) : Serge Trouillet

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a enjoint la profession vétérinaire de se mettre à jour en matière de radioprotection, au début des années 2000. Son retard en la matière devenait préoccupant. Aussi, l’action de la Commission de radioprotection vétérinaire, créée en 2005 sous l’impulsion de l’Ordre et du syndicat, a réveillé la profession. En témoignent les résultats encourageants de ces dernières années.

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Un générateur de rayons X n’est pas un appareil anodin. Les personnels qui travaillent avec ces rayons doivent suivre une formation spécifique, être protégés et suivis médicalement. La détention des appareils et leur utilisation sont soumises à des contraintes réglementaires qui peuvent apparaître lourdes. Les recommandations sont intégrées dans toutes les réglementations internationales sur la radioprotection.

La radioprotection regroupe l’ensemble des règles, des procédures, des moyens de prévention et de surveillance pour éviter les effets nocifs des rayonnements sur les personnes et l’environnement. Il s’agit donc de ne pas effectuer des radios n’importe où et n’importe comment. À l’extérieur, il convient de choisir un endroit isolé ou un box, afin de n’exposer personne. L’installation d’une salle doit être conforme à la norme NFC 15-160, dont une nouvelle version permet, le plus souvent, d’alléger les contraintes : la radio-opacité des parois dépend directement de l’activité radiologique de la structure.

UNE OBLIGATION DE RADIOVIGILANCE

En radiologie canine, il faut au minimum deux tabliers, parce qu’il y a deux personnes dans la salle. En équine, ils sont au nombre de trois : un pour la personne qui tient le licol du cheval, un pour celle qui tient la cassette près de l’animal, et un autre pour le vétérinaire qui tient le générateur.

Les contrôles à mettre en place concernent les moyens de mesurer les doses de rayonnements, avec les dosimètres appropriés : témoin à l’extérieur de la salle, d’ambiance à l’intérieur, individuels pour les personnes, voire opérationnels en zone contrôlée. Ces contrôles visent également le générateur, que ce soit en externe par un organisme agréé, ou en interne afin de vérifier qu’il ne fuit pas. Rassurons à cet égard les plus inquiets : il n’est nul besoin aujourd’hui d’avoir un radiamètre, qui coûte 5 000 €, pour le contrôler. Les vétérinaires, pour résumer, ont une simple obligation de radiovigilance.

Les appareils les plus courants sont liés à l’activité canine. Ils sont à poste fixe et à tir vertical. Avec les rétro-alvéolaires dentaires, ils constituent les deux types d’appareils dont la détention et l’utilisation sont soumises au simple régime de la déclaration, car le risque d’exposition des intervenants est minime. Les autres activités sont soumises au régime de l’autorisation. Cela touche les portables et les fixes pour l’équine, les scanners, les arceaux d’interventionnel, ou amplificateurs de brillance, qui permettent de visualiser de façon précise un acte chirurgical. Actuellement, des techniques beaucoup plus coûteuses (scintigraphie, curiethérapie, radiothérapie), avec d’autres rayonnements ionisants provenant de la médecine nucléaire humaine, commencent à se développer chez les vétérinaires. Sur près de 6 000 cliniques, quelques-unes seulement en sont équipées.

PAS PLUS DE 20 MSV PAR AN EN DOSE EFFICACE

La quantité de rayonnements reçus est mesurée par les dosimètres. Ces doses d’énergie s’expriment en grays (1 Gy = 1 J/kg). « Ce sont des doses mesurables, explique Catherine Roy, vétérinaire, consultante et expert auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Pour autant, des calculs ont été élaborés afin de préciser ce que cette énergie induit comme nocivité sur l’organisme. Si l’on parle de dose équivalente, ce sera la toxicité sur un organe selon le rayonnement ; si on parle de dose efficace, ce sera une toxicité sur un organisme entier. La première renseigne sur le taux d’ionisation ou de mutation dans un organe, la seconde donne une idée plus générale sur la carcinogenèse, c’est-à-dire la génération de cancers à l’échelle de l’organisme entier. » Dose équivalente et dose efficace s’expriment en sieverts (Sv). C’est une unité de même dimension que le gray, mais qui, assortie de facteurs de pondération, prend en compte l’évaluation du danger pour le corps humain.

Pour les organes les plus fréquemment concernés par l’exposition aux rayonnements dans l’exercice vétérinaire (les mains et les pieds), la limite de dose équivalente est de 500 millisieverts (mSv) par an. Pour le cristallin, la recommandation actuelle, qui sera intégrée dans la directive Euratom (Communauté européenne de l’énergie atomique) en 2014, est de 20 mSv par an, versus 150 aujourd’hui. Le risque de cataracte était trop important. « En dose efficace, ajoute Catherine Roy, aucun effet biologique n’a été mis en évidence en dessous de 1 mSv par an : c’est la limite de la zone publique. Ce n’est pas le cas au-dessus de 100 ! En conséquence, en appliquant un coefficient de sécurité de précaution, on parvient à une réglementation de 20 mSv par an. C’est le seuil à ne pas dépasser en exposition professionnelle. »

FORTE MOBILISATION DE LA PROFESSION DEPUIS 2005

Plus de 18 000 dosimètres sont recensés chez les vétérinaires. Une trentaine seulement ont dépassé le seuil, presque exclusivement en raison d’une négligence de rangement : « Un dosimètre mesure un déplacement d’électrons, explicite Catherine Roy. Cela peut être lié aux rayons X, mais aussi à la chaleur, à l’humidité, à des solvants, à des perturbations comme la proximité d’un lecteur de carte à puce. Ce type d’appareil est à mettre dans une poche, à la poitrine, et jamais à côté d’un téléphone quand on est en salle de radiologie. L’examen terminé, il est rangé à côté du dosimètre témoin. Seul le cas où le dosimètre individuel et le dosimètre d’ambiance affichent tous deux une dose mérite de se poser des questions. Mais c’est extrêmement rare. »

Les personnes compétentes en radioprotection (PCR) ont la charge de mettre en place le dossier lié à la détention et à l’utilisation de rayonnements ionisants. Elles ne sont pas personnellement responsables au regard du Code du travail, mais elles pourraient être poursuivies en cas de dommages à autrui par le Code pénal. Leur nombre, en nette évolution ces dernières années, témoigne de la mobilisation de la profession vétérinaire en matière de radioprotection. Entre 1986 (où la déclaration du générateur, la désignation d’une PCR et l’utilisation des dosimètres sont devenues obligatoires) et 2005, les vétérinaires sont restés pour le moins attentistes. Leurs confrères du secteur médical l’ont été beaucoup moins pour une raison majeure : les remboursements par la Sécurité sociale des actes médicaux pratiqués sur ces appareils étaient liés à ces obligations. « Depuis 2005 et la création de la Commission de radioprotection vétérinaire (CRV, voir encadré ci-contre), nous sommes passés, chez les vétérinaires, de 4 000 à plus de 18 000 dosimètres, de 4 PCR à 4 700 formés en juin 2012, de 15 générateurs déclarés à près de 3 000 dossiers, récapitule Catherine Roy. Bravo à nos confrères qui se sont autant impliqués ces dernières années, et bienvenue aux retardataires1… »

UN ACCOMPAGNEMENT DÉDIÉ

Pour accompagner le praticien dans ses démarches, des organismes de formation, tels que Formavéto, ont mis au point un programme spécifique intégrant pleinement les réalités du métier. Des documents types sont remis à la PCR. Ils sont également disponibles sur les sites de l’Ordre, du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral, de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie et de l’Association vétérinaire équine française. Les centrales d’achats, lorsqu’elles vendent du matériel, les copient aussi sur un cédérom ou une clé USB.

Ce travail administratif de la radioprotection est certes chronophage, mais il peut être confié à une jeune PCR vétérinaire, formée depuis 2009 à l’école. Une auxiliaire peut également suivre la nouvelle formation gérée par sa branche professionnelle, via l’Apform (l’organisme de formation initiale et continue des ASV), pour la création ou la mise à jour du dossier. Seul le vétérinaire en régime de déclaration peut externaliser les missions PCR. Il doit vérifier que le contrat respecte bien les obligations réglementaires avec un minimum de deux visites annuelles sur le site.

Dans ses conférences, Catherine Roy aime à faire le parallèle entre le détenteur d’un générateur de rayons X et le conducteur d’une voiture : « Le vétérinaire doit ainsi respecter les Codes du travail et de la santé publique (Code de la route) ; il doit désigner une PCR (permis de conduire) ; il doit faire une demande de déclaration ou d’autorisation auprès de l’ASN (immatriculation en préfecture) ; son matériel doit être certifié conforme aux normes en vigueur (carte grise) ; il doit procéder à des contrôles internes (pression des pneus, niveau d’huile, révision, etc.) ; il doit également procéder à des contrôles externes, auprès d’organismes agréés (contrôle technique). De la même façon que le conducteur en infraction encourt la sanction du policier qui l’interpelle, il en est de même pour le vétérinaire face à l’inspecteur de l’ASN. Pour autant, il ne doit jamais hésiter à solliciter l’appui de la profession si nécessaire. »

  • 1 Dans son rapport annuel d’activité de 2012, l’ASN comptabilise 346 établissements vétérinaires autorisés et 2 376 ayant déclaré leur activité, sur environ 5 000 structures détenant ce type d’appareil en France.

DE NOUVELLES NORMES EN PERSPECTIVE

Contrairement au secteur médical, aucun texte européen n’encadre les appareils dans le domaine vétérinaire. Aussi, un grand nombre d’entre eux ne disposent pas des conformités applicables aujourd’hui en France. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a engagé une réflexion pour faire évoluer le référentiel technique de ces appareils : « Dans les prochaines années, au moins en 2014, le vétérinaire devra se fournir auprès d’un distributeur autorisé, précise Jérôme Fradin, chargé d’affaires et inspecteur de la radioprotection dans les services centraux de l’ASN. Cette responsabilité incombera à ce dernier et non plus au vétérinaire, comme c’est actuellement le cas. Par ailleurs, nous travaillons sur un projet de décision technique, destinée à remplacer la norme NFC 15-160 dans sa version de 1975 par sa version révisée de mars 2011. Parmi les modifications importantes de cette norme, notons celle qui vise à simplifier la méthode de calcul des paramètres et celle qui supprime la surface minimale imposée aux cabinets de radiologie. Ce projet de décision imposera des prescriptions techniques additionnelles ; certaines exigences seront ainsi renforcées et précisées en matière de signalisation lumineuse et d’arrêts d’urgence. »

Le projet concerne les générateurs de rayons X, mobiles ou non, utilisés en poste fixe ou couramment dans un même local. La décision s’appliquera pour les nouvelles installations, mais aussi pour les anciennes qui ne sont pas conformes à la norme précédente.

LES ACTIONS DE LA CRV PORTENT LEURS FRUITS

La Commission de radioprotection vétérinaire (CRV), présidée par Michel Baussier également à la tête du Conseil supérieur de l’Ordre (CSO), a été constituée en 2005 avec deux objectifs : accompagner les vétérinaires sur le terrain, leur faire connaître la réglementation, les aider à la mettre en place, et être un interlocuteur identifié pour l’administration. Organisme de dialogue, de réflexion, de production de guides de bonnes pratiques, la commission est très active. « Nous avons obtenu des résultats pour la profession, se félicite Ghislaine Jançon, adjointe de la secrétaire générale du CSO, chargée de la cohésion vétérinaire. Naguère, tous les vétérinaires étaient astreints à effectuer une demande d’autorisation pour leurs appareils de radiologie. Désormais, la grande majorité d’entre eux, qui ont des générateurs de faible puissance, n’ont qu’une simple déclaration à faire. Pour ces mêmes appareils, les contrôles de conformité obligatoires sont passés d’un an à trois ans, donc avec un coût allégé. Et il est aujourd’hui possible de mutualiser des personnes compétentes en radioprotection, selon un cadre défini (lettre de mission, contrat). La formation de ces PCR a été réduite de dix à quatre jours, et bientôt sera limitée à trois jours pour les cabinets qui ont des générateurs simples. Enfin, les élèves vétérinaires reçoivent cette formation depuis 2009. Elle devra simplement être renouvelée tous les cinq ans. Par ailleurs, nous avons constitué un réseau vétérinaire, qui est une sorte de hot line à disposition des PCR. Dans chacun des organismes qui constituent la CRV, une personne est identifiée pour répondre aux questions des vétérinaires1. »

1 Ghislaine Jançon au CSO (gh.jancon-ly79@veterinaire.fr), Bruno Pelletier au SNVEL/Formavéto (drvetbp@gmail.com) et Catherine Roy (dr.catherine.roy@wanadoo.fr), Éric Guaguère à l’Afvac (eguaguere@nordnet.fr) et Jean-Yves Gauchot à l’Avef (jygauchot@wanadoo.fr).

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