Endoscopie chez les reptiles : techniques et indications - La Semaine Vétérinaire n° 1534 du 05/04/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1534 du 05/04/2013

Formation

NAC

Auteur(s) : SAMUEL SAUVAGET*, EMMANUEL RISI**, LAURIANE DEVAUX***, MARIANNE VERRY****

Fonctions :
*praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)
**praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)
***praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)
****praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)

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La médecine des reptiles relève souvent du challenge diagnostique, tant les signes cliniques sont frustes et les maladies qui se cachent derrière nombreuses. Ce constat ne doit pas, bien au contraire, éluder l’étape de l’anamnèse et de l’examen clinique. à la fin de cette phase, le praticien doit être capable de proposer une liste d’hypothèses diagnostiques.

Il est d’autant plus primordial d’établir un diagnostic définitif (nom du germe et antibiogramme, lésion histologique, etc.) et de réaliser un bilan d’extension de la maladie chez ces espèces que les incertitudes concernant l’efficacité des traitements sont légion (manque d’études sur la pharmacodynamie, les doses et l’efficacité). Le propriétaire attend notamment un pronostic, que le vétérinaire ne pourra lui donner qu’après avoir intégré l’ensemble des éléments cliniques et paracliniques. Parmi les examens complémentaires disponibles, l’endoscopie est une étape indispensable, car elle répond à de nombreuses indications et fournit des résultats précieux.

MATÉRIEL

Le matériel utilisé est composé d’une source de lumière (halogène ou xénon) et de différents types d’endoscope :

– un vidéo-otoscope (exploration de la cavité buccale) ;

– un endoscope rigide de 2,7 mm ou de 1,9 mm à 30° (cœlioscopie, cloacoscopie, trachéoscopie, pneumoscopie et cystoscopie) ;

– un endoscope souple de type bronchoscope de 3,9 mm ou gastroscope de 9 mm (endoscopie digestive).

Concernant la cœlioscopie, des canules, un système d’insufflation au CO2, ainsi que des instruments adaptés sont également nécessaires. Un dispositif d’enregistrement des images et de vidéo est conseillé, car il permet de présenter un rapport au propriétaire et à l’éventuel vétérinaire référent.

ANESTHÉSIE

La maîtrise de l’anesthésie est évidemment un prérequis indispensable au bon déroulement de l’acte. Une induction à l’alphaxalone suivie d’un relais à l’isoflurane après une intubation, ainsi qu’un maintien de l’anesthésie sous ventilation assistée (à l’aide, par exemple, d’un respirateur adapté) est un protocole sûr chez les reptiles. L’analgésie en fait bien entendu partie. Un autre prérequis est la connaissance de l’anatomie souvent particulière des reptiles, afin de prendre en compte des variations notables entre les serpents, les lézards et les tortues.

TECHNIQUES ET INDICATIONS

→ Endoscopie buccale : l’utilisation d’un vidéo-otoscope en consultation présente deux intérêts majeurs. Le premier est l’inspection complète et la visualisation de la cavité buccale, ainsi que de la première partie de l’œsophage. Ainsi, l’observation de l’abouchement des trompes d’Eustache chez les tortues est indispensable en cas de pyogranulome du tympan. Ces conduits peuvent être obstrués par le pus et le traitement de l’otite inclut leur vidange. Le second intérêt est de présenter directement au propriétaire les lésions de la cavité buccale et de lui faire prendre conscience de la nécessité des soins (voir photo 1).

→ Cloacoscopie : l’insertion d’un vidéo-otoscope ou d’un endoscope rigide dans le cloaque est aisée et permet de visualiser l’ensemble de ses structures. Une irrigation à l’aide de sérum physiologique tiédi permet de repousser les parois et de visualiser le coprodéum, l’urodéum et le proctodeum. Cet acte, particulièrement intéressant dans le cadre des rétentions d’œufs postovulatoires, est nécessaire pour vérifier une éventuelle obstruction au passage des œufs dans le cloaque (voir photo 2).

→ Cystoscopie : un endoscope rigide peut être introduit dans la vessie chez les reptiles qui en possède une (les tortues, la plupart des lézards), voire dans les vessies accessoires (généralement les tortues aquatiques). Une instillation de sérum physiologique tiédi via le canal opérateur permet de dilater la vessie. La paroi de celle des tortues étant très fine, il est possible de visualiser par transparence l’intérieur de la cavité cœlomique. Le sexage des jeunes tortues, pour lesquelles le dimorphisme sexuel n’est pas encore visible, peut ainsi être réalisé précocement, puisque les gonades apparaissent nettement. L’observation de petits calculs vésicaux est également possible, voire leur extraction (voir photo 3).

→ Endoscopie du tractus digestif : selon la taille du reptile, un fibroscope souple, un gastroscope ou un endoscope rigide permet de visualiser l’intérieur du tube digestif et de pratiquer des biopsies. Celles des tonsilles œsophagiennes (organes lymphatiques équivalents des amygdales) font partie du diagnostic de l’inclusing body disease (maladie des corps d’inclusion) chez les serpents. La recherche d’une cryptosporidiose passe par la réalisation de biopsies gastriques et intestinales (voir photos 4 et 5).

→ Endoscopie des voies respiratoires : chez les individus suffisamment grands, il est possible de pratiquer une trachéoscopie à l’aide soit d’un bronchoscope (diamètre 3,9 mm), soit d’un endoscope rigide (diamètre 2,7 mm ou 1,9 mm). Un lavage trachéo-bronchique peut ainsi être effectué sous contrôle endoscopique. Un abord percutané chez les serpents permet de réaliser une pneumoscopie. L’intérêt est de visualiser les lésions profondes de l’arbre respiratoire et de réaliser des prélèvements. La voie d’abord est généralement celle de droite. En effet, les serpents ne possèdent qu’un poumon (le droit, le poumon gauche étant vestigial), à l’exception des boïdés qui en ont deux (le droit reste le plus développé).

Chez les tortues, il est possible de pratiquer une pneumoscopie transcarapace. Un trou, foré dans la carapace, permet le passage de l’endoscope directement dans le parenchyme pulmonaire (voir photos 6 et 7).

→ Cœlioscopie : l’abord de la cavité cœlomique se fait par la fosse préfémorale chez les tortues. Une insufflation de CO2 ou l’instillation de sérum physiologique tiédi permet de repousser les organes internes. Comme la carapace rigide constitue un obstacle à l’insufflation de la cavité cœlomique, la visualisation des organes sera plus difficile que chez un lézard, par exemple. Les biopsies hépatiques ou la pratique d’une ovariectomie assistée par laparoscopie sont néanmoins parfaitement réalisables.

Chez les lézards, l’absence de contrainte due à une carapace permet d’observer plus facilement la cavité cœlomique. La présence de la veine abdominale ventrale nécessite d’effectuer l’insertion des canules de cœlioscopie de part et d’autre de ce vaisseau sanguin.

L’anatomie cylindrique des serpents rend la cœlioscopie délicate. Il est plus difficile de repousser les parois, très musculeuses, et l’alignement des organes impose la réalisation de plusieurs voies d’entrée afin de tous les visualiser (voir photos 8 et 9).

Cavité buccale d’une tortue atteinte de stomatite.

Cloacoscopie chez une tortue.

Visualisation via une cystoscopie des ovaires d’une tortue par transparence.

Œsophagoscopie et visualisation des tonsilles œsophagiennes chez un serpent.

Muqueuse gastrique d’un serpent.

Pneumoscopie chez un serpent.

Pneumoscopie transcarapace chez une tortue.

Cœlioscopie chez un lézard atteint de lipidose hépatique.

Cœlioscopie chez une tortue souffrant d’une hépatite.

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