Tempête Alex : des besoins vitaux sur le long terme pour les structures vétérinaires - Le Point Vétérinaire.fr

Tempête Alex : des besoins vitaux sur le long terme pour les structures vétérinaires

Tanit Halfon | 04.11.2020 à 09:14:21 |
© © D. R.

Si la solidarité vétérinaire s’est rapidement mise en place pour soutenir les praticiens des zones fortement touchées par la tempête Alex, la survie de leurs structures dépend aussi, et surtout, d’un fort soutien financier de la part des autorités publiques.

Il y a un mois, dans la journée et la nuit du 2 octobre dernier, la tempête Alex ravageait l’arrière-pays des Alpes-Maritimes : aux lourds dégâts matériels, s’ajoutent 8 morts (dont un dans le Finistère), et onze personnes portées disparues.

Deux vallées ont été particulièrement touchées : il s’agit des vallées de la Vésubie et de la Roya, dans lesquelles la destruction des routes a rendu plusieurs villages difficilement accessibles si ce n’est par la voie aérienne.

Une aide confraternelle

A Saint-Martin-Vésubie, la vétérinaire Véronique Luddeni, dont nous avions publié un témoignage quelques jours après le passage de la tempête, reçoit aujourd’hui le soutien direct de confrères et consoeurs de son département. Ces derniers ont mis en place un planning d’aide, et chacun se relaie pour aller sur place, aider aux soins et aux suivis d’élevage. Les premières tournées ont commencé dès le 13 octobre, et le planning est déjà rempli jusqu’à la mi-novembre. Une consoeur également venue d’Ile-De-France pour lui prêter main forte pendant quelques jours.

« Dans ma structure, nous étions quatre au total, deux assistantes vétérinaires et une vétérinaire salariée. Actuellement, il m’est impossible d’envisager de payer des charges salariales, aussi je n’ai pas d’autres choix que de les mettre en chômage technique. De plus, mes deux assistantes ont malheureusement perdu leur maison dans la tempête. Dans ce contexte, cette aide solidaire est la bienvenue pour pouvoir continuer à assurer les soins aux animaux. Cela me permet également de me dégager du temps afin d’avancer au niveau administratif », témoigne Véronique Luddeni. Elle estime que cette organisation serait nécessaire jusqu’au début de l’année prochaine, voire plus, ce qui l’inquiète : « tout assumer 7 jours sur 7 seule est juste épuisant, et mes amis pourront-ils avoir encore le temps de venir me soutenir et m’aider ? »

Dans la vallée de la Roya, par contre, les choses sont plus compliquées, car les routes restent encore peu praticables, et les trains sont rares, explique le vétérinaire François-Xavier Buffet, qui exerce dans la commune de Fontan. « A la différence de Saint-Martin-Vésubie, ici, nous sommes encore complètement enclavés. Pour faire la tournée des villages, je dois prendre le train, qui est gratuit, et puis marche plusieurs kilomètres. Ce qui fait qu’au final, je me retrouve avec des journées de 15 à 16h, pour seulement quelques heures de travail effectif. Certaines journées, je ne vois pas du tout d’animaux. Dans ces conditions, cela me gênait de demander à des confrères de venir, je pense que ce n’est pas utile pour l’instant, témoigne-t-il.  Ceci dit, je remercie tout ceux qui m’ont proposé une aide. Cet élan de solidarité au sein de la profession m’a aidé à tenir mentalement. »

Où est l’Etat ?

L’aide s’organise aussi via le groupe facebook « Les vétos des Alpes-Maritimes », dans lequel est notamment discuté l’organisation du planning. Par ailleurs, une aide financière d’urgence de l’Association centrale d’entraide vétérinaire (ACV) a été débloquée. Des laboratoires et centrales d’achat, s’organisent aussi pour la distribution de médicaments et produits.

Mais aussi bienvenue soit-elle, l’aide confraternelle, physique, morale, ou financière, ne suffira pas. « Si on veut continuer à assurer la continuité des soins notamment en rural, il va falloir que l’Etat reconnaisse notre travail. Et puis, un petit village ne peut pas survivre sans un médecin ou un vétérinaire. Le risque est que plus personne ne veule venir s’y réinstaller », indique Véronique Luddeni. Elle poursuit : « Nous ne pourrons pas continuer sans une aide urgente et pérenne des collectivités. Pour rester, il nous faut de la visibilité sur le long terme ». A ce sujet, elle explique avoir déjà eu un accord de principe, à l’oral, de la part de ses trois députés. Pour elle, cet épisode doit amener plus largement à relancer la réflexion autour des missions de services publics rendues par les vétérinaires. « C’est l’occasion ou jamais d’activer les ficelles de la loi DDADUE pour que les institutions – départements ou DRAAF – débloquent des fonds pour le maintien des vétérinaires mixtes en zones difficiles ».

François-Xavier Buffet se montre, lui, beaucoup plus critique dans ses propos. « Autant la communauté vétérinaire a été généreuse, autant l’Etat nous a oublié », déclare-t-il, en indiquant avoir reçu, comme consigne officielle, qu’il fallait continuer à faire la prophylaxie, mais sans aide financière supplémentaire. Ce manque de soutien est en réalité ancien, rappelle-t-il en relatant les difficultés à recevoir les aides financières pour maintenir un semblant d’activités rurales en zone de montagne. « Dans notre département, les vétérinaires ont droit à des subventions pour préserver le maillage, mais elles sont versées avec beaucoup de retard, tout comme les paiements des prophylaxies. En réalité, l’activité rurale n’était pas viable économiquement, mais je la faisais par sens du service public. Il est clair qu’il est impossible de la continuer dans les conditions actuelles ».

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Si vous souhaitez aider, le planning est accessible sur le groupe facebook « les vétos des Alpes-Maritimes » (groupe fermé). Il est aussi possible de contacter le vétérinaire Jean-Pierre Renaud, qui se charge de l’organisation des tournées.

Autrement, la cagnotte Leetchi est toujours active, et accessible via ce lien.

Tanit Halfon
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