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SARS-CoV-2 et furets : l’Anses rassure

Anne-Claire Gagnon | 01.12.2020 à 15:03:03 |
furet
© istock-eurobanks

Bien que le furet présente une homologie ACE2 avec l’humain, ce n’est pas un critère déterminant de sensibilité. A ce jour, aucune contamination de furet de compagnie n’a été rapportée. Une étude est lancée à ce sujet à l’ENVT.

Visons et furets ont fait la Une des réseaux sociaux. Pour mieux comprendre la situation sanitaire actuelle, pouvoir rassurer et conseiller les propriétaires de furets, La Semaine Vétérinaire a interviewé deux vétérinaires de l’Anses, Élodie Monchâtre-Leroy (directrice du laboratoire de la rage et de la faune sauvage Anses à Nancy) et Gilles Salvat (Directeur Général Délégué Recherche et Référence, Directeur de la santé animale et du bien-être des animaux).

> L’homologie de la séquence ACE2 (enzyme de conversion de l’angiotensine 2, permettant l’entrée du virus dans la cellule-hôte, ndlr) du furet est de 83,33%. Elle est identique à celle du chien, du lapin, mais inférieure à celle du pangolin, des félidés. Un mustélidé est-il plus sensible, comme le vison, au SARS-CoV-2 ?

Non, le fait d’être un mustélidé n’est pas un critère déterminant. L’homologie ACE2 non plus d’ailleurs, puisque le porc qui a une excellente homologie ACE2 avec l’humain n’est que peu sensible. Donc l’homologie ACE2 - qui augmente/favorise la pénétration du SARS-CoV-2 - est nécessaire mais pas suffisante, et il faut également la présence d’enzymes et d’une ingénierie moléculaire particulière à chaque espèce pour que la réplication virale se fasse. La présence de l’ensemble rend le furet et le vison, comme le chat, sensibles au SARS-CoV-2. Ceci étant vrai et confirmé dans les conditions expérimentales qui sont différentes des conditions du terrain bien entendu.

> Existe-t-il des cas décrits de contamination d’un furet par son propriétaire ?

A ce jour, il n’y a effectivement pas de cas cliniques rapportés chez le furet de compagnie, probablement parce qu’il a une expression frustre des symptômes – apathie, petite baisse de forme et guérison spontanée – mais aussi parce que les furets sont moins proches de leurs propriétaires qu’un chat peut l’être. Enfin peu de furets de compagnie ont fait l’objet de dépistages à l’heure actuelle. L’École nationale vétérinaire de Toulouse démarre actuellement une étude.

> La conduite à tenir en pratique pour le propriétaire Covid-19 d’un furet de compagnie est la même qu’avec un membre de sa famille ?

Oui les mêmes conseils s’appliquent pour le furet comme pour tout autre animal de compagnie. Lorsque le propriétaire est malade Covid-19, il est recommandé qu’il s’isole, porte un masque lorsqu’il est en contact avec les membres de sa famille, animaux inclus, et adopte tous les gestes barrières, notamment le lavage des mains et l’aération des lieux de vie. Si cela est possible, les soins au furet, comme pour tout animal de compagnie, seront effectués par un tiers non Covid-19.

Si le propriétaire vit seul, il effectuera les soins à son/ses animaux de compagnie dans le strict respect des gestes barrières.

Le risque sanitaire est de l’humain vers l’animal de compagnie, le chat étant plus à risque que le furet du fait de sa relation sociale à l’humain, avec une prévalence néanmoins très faible puisqu’à ce jour pour plus de 60 millions de malades Covid-19 moins de 60 cas ont été répertoriés chez les animaux de compagnie.

> La mutation est dans la nature de l’ARN des coronavirus. Existe-t-il chez le furet, comme chez le vison, un risque de mutations du SARS-CoV-2, pouvant aboutir à la sélection de mutations plus pathogènes pour l’homme ? 

La question des visons, comme dans toute collectivité, est très différente de celle d’un furet de compagnie, pour qui le risque est infime. Il n’y a aucune comparaison possible entre 50.000 furets français, ayant chacun un foyer et un propriétaire, et des élevages de plus de 100.000 visons comme au Danemark, qui deviennent vite un incubateur de mutation du virus par les passages successifs du virus entre les animaux. Au Danemark et dans d’autres pays, les conditions d’élevage des visons sont intensives, dans des bâtiments fermés, alors qu’en France les élevages sont ouverts (donc bien ventilés) et clos non seulement par des grillages mais gardés par des chiens de défense, empêchant les chats errants de s’en approcher.

Les Danois ont alerté l’OMS, à juste titre, sur les 9 cas répertoriés de Covid-19, dus à un SARS-CoV-2 présentant 4 mutations.

Mais il faut bien comprendre que ces mutations décrites n’ont pas de valeur prédictive de gravité de la maladie.  D’ailleurs le cluster qui fait l’objet d’une publication actuelle est survenu mi-septembre, et est déjà déclaré comme clos (il n’a donc pas été plus pathogène qu’une autre souche). Une des mutations identifiées dans ce cluster – la délétion 69/70 – est présente, depuis le début de l’épidémie, sur 0,5% des patients français qui n’avaient pas de lien avec des visons.

Aux Pays-Bas, la présence intermittente de travailleurs saisonniers a été un des paramètres de fragilité épidémiologique des élevages de visons.

> Élevés sur toute la planète, en conditions souvent très intensives, les visons sont-ils le chainon manquant, l’hôte intermédiaire ?

Il faudra attendre que l’OMS soit autorisée par les Chinois à réaliser l’enquête qu’elle a demandée sur les hôtes intermédiaires. Le pangolin reste une hypothèse in silico. Lors du SRAS en 2003, la civette, finalement identifiée comme hôte intermédiaire, faisait aussi l’objet d’élevages sous le manteau pour sa consommation.

Pour faire la lumière sur l’origine du SARS-CoV-2, il faut donc une transparence des informations, moins facile à obtenir finalement que des candidats vaccins. Il reste que conduire une enquête sur l’hôte intermédiaire un an après l’émergence est une tâche dont le succès est incertain.

Anne-Claire Gagnon
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