Royaume-Uni : les rivières contaminées par l’imidaclopride et le fipronil - Le Point Vétérinaire.fr

Royaume-Uni : les rivières contaminées par l’imidaclopride et le fipronil

Fabrice Jaffré

| 18.04.2023 à 11:00:00 |
© Tatomm-iStock

Longtemps considérée comme marginale, la pollution par les antiparasitaires destinés aux animaux de compagnie est une réalité. Des scientifiques appellent à réviser la réglementation.

Et si les zones urbaines étaient des hauts lieux de pollution par les antiparasitaires administrés aux chiens et chats ? C'est en substance la question que posent quatorze auteurs (dont des vétérinaires, des écotoxicologues, des spécialistes d'écologie aquatique) dans une note d'information de l'Institut Grantham de recherche sur les changements climatiques et l'environnement de l'Imperial College de Londres, parue en mars 2023. L'article se base principalement sur les impacts de l'imidaclopride : c'est l’un des antiparasitaires vétérinaires parmi les plus vendus au Royaume-Uni, et dont la toxicité a été bien étudiée. Il est cependant bien précisé que ce n'est pas la seule molécule contribuant à la pollution aux antiparasitaires. Des mesures au niveau de la Commission européenne ont été mises en place en 2018 afin d'interdire son utilisation dans le milieu agricole (sauf pour les usages sous serre), mais la molécule reste employée en tant qu’antiparasitaire pour chiens et chats par les vétérinaires.

2/3 des rivières ont des taux supérieurs aux niveaux de toxicité chronique

Une étude de l'Environment Agency (l'agence de l'environnement anglaise) a mis en évidence la présence actuelle d'imidaclopride (entre autres) dans les cours d'eau anglais, suggérant l'utilisation vétérinaire comme source primaire. Sur vingt rivières, les deux tiers des échantillons prélevés contenaient de l'imidaclopride à des valeurs dépassant les niveaux de toxicité chronique (35 ng/l). Et 98,6 % des échantillons contenaient du fipronil.

Baignade des chiens, ruissellement à partir des déchets organiques

Plusieurs hypothèses sont envisagées pour expliquer cette contamination : de façon directe par la baignade du chien dans une rivière, mais également par atterrissage dans les eaux usées par ruissellement des selles (ou directement si celles-ci sont jetées dans les toilettes), des urines ou des poils, de l'eau du bain des animaux, de l'eau de rinçage de la litière. Et dans l'état actuel, de nombreuses stations d'épuration ne parviennent pas à éliminer efficacement les pesticides de l'eau.

Vide réglementaire sur l’écotoxicité des médicaments pour animaux de compagnie

La pollution par les pesticides reste l'une des plus grandes menaces pour les écosystèmes d'eau douce dans le monde et au Royaume-Uni, concluent les auteurs, avec une répercussion sur l'ensemble du réseau trophique et la compromission d'importants services écosystémiques importants pour l'homme. Enfin la synergie possible entre plusieurs molécules antiparasitaires (par exemple entre l'imidaclopride et la fluméthrine) soulève de nombreuses interrogations. Cette présence de nombreux produits chimiques dans les eaux douces du Royaume-Uni doit être également considérée à l'aune du réchauffement climatique, qui pourrait modifier leur toxicité. 

Les auteurs rappellent qu'une évaluation des risques environnementaux est nécessaire pour tout médicament à destination des animaux de production pour l’obtention d’une AMM. En revanche, ce n’est actuellement pas le cas pour les médicaments à destination des animaux de compagnie, puisque leur utilisation n'entraînerait qu'un faible impact environnemental. Les auteurs veulent mettre cette hypothèse en regard du nombre de parasitaires vendus chaque année, des résultats des mesures des résidus dans l'environnement, de la forte toxicité sur de nombreuses espèces non ciblées, de l'augmentation du nombre de chiens et de chats (+ 35 % entre 2018 à 2022 au Royaume-Uni) et du développement récent d'une approche par couverture antiparasitaire prophylactique toute l'année au détriment de traitements uniquement curatifs et ciblés. Au-delà des risques environnementaux, il y a également lieu de craindre le développement de résistance des parasites.

Réviser la réglementation et revoir la prophylaxie parasitaire

Les auteurs recommandent donc une révision de la réglementation sur l’évaluation des risques environnementaux pour les antiparasitaires canins, une utilisation des antiparasitaires pour animaux de compagnie basée sur le curatif ou les risques plutôt que sur une prophylaxie systématique, et une délivrance uniquement sur ordonnance. Ils proposent également la mise en place d'un système de retour incitatif pour les produits non utilisés. Enfin, ils préconisent des recherches complémentaires afin de caractériser les sources et le circuit de contamination permettant de faciliter la mise en place d'actions de réduction de la pollution de l'environnement par les antiparasitaires.

Les vétérinaires britanniques appellent à plus de recherche

La British veterinary association (BVA), réagissant à l'article, a souligné le manque de connaissances sur l'impact réel des antiparasitaires sur l'environnement, et a donc appelé à davantage de recherches. La vice-présidente de l'association, Justine Shotton, a également précisé que "la BVA développe des ressources pour aider les vétérinaires à prendre des décisions de traitement fondées sur les risques", en rappelant la nécessité d'une approche One Health : santé animale, santé humaine, santé des écosystèmes.

Fabrice Jaffré

1 commentaire
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Stella de Diesbach-Almeras, Vétérinaire le 21-04-2023 à 08:24:25
Bonjour,
Une solution pour limiter la pollution par les APE serait peut être de récupérer et de recycler les anciens colliers antiparasitaires quand on en vend ou on en pose un avec une sorte de "consigne" en guise de motivation pour le propriétaire
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