Quelle place pour la vaccination contre l’IAHP ? - Le Point Vétérinaire.fr

Quelle place pour la vaccination contre l’IAHP ?

Tanit Halfon

| 26.10.2021 à 13:25:00 |
© iStock-Aleksei Savin

Dans le contexte actuel, une stratégie vaccinale, comme mesure complémentaire de lutte contre l’influenza aviaire hautement pathogène, pourrait faire sens, indique le CGAAER dans un récent rapport. Sa mise en œuvre nécessite de dépasser des limites techniques et commerciales.

Sur demande du ministère de l’Agriculture, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a réalisé une étude sur la place de la vaccination dans la stratégie de lutte contre l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Rendue publique le 19 octobre 2021, cette étude conclut que « devant la récurrence probable des introductions de virus IAHP, il faut s’interroger, avec d’autres pays européens exposés au même risque, sur l’intérêt d’une stratégie vaccinale qui viendrait compléter les mesures sanitaires. » Cette réflexion est également pertinente car « l’abattage de millions de volailles se heurtera tôt ou tard à des questions d’acceptabilité sociétale ». De plus, une vaccination efficace permettrait de mieux contrôler le risque zoonotique, même s’il est faible.

Le contexte est propice au niveau européen : la loi santé animale (LSA) qui est entrée en vigueur en avril dernier, autorise en effet, l’usage de la vaccination. Plusieurs Etats membres seraient intéressés : c’est le cas des Pays-Bas, de l’Allemagne, de la Suède, du Danemark, de la Pologne et de la Hongrie. Aux Pays-Bas, des essais vaccinaux en élevage de poules pondeuses sont prochainement prévus. La Commission européenne envisage, de plus, de  saisir l’Efsa sur cette question.

Envisager une vaccination préventive

Pour les auteurs, en cas de vaccination, la stratégie vaccinale à choisir serait une vaccination préventive ciblée des palmipèdes gras du sud-ouest, à faire en début d’automne, « uniquement les années où le risque pour ces élevages est élevé en raison d’une circulation virale intense dans l’avifaune sauvage. » La vaccination d’urgence, qui serait réalisée en cas de foyers, est à exclure notamment car il faut du temps pour qu’une immunité se mette en place en particulier s’il faut 2 injections de primo-vaccination ; de plus, vacciner en urgence pourrait être mal perçu par les pays tiers « comme reflétant l’incapacité de la France à gérer l’épizootie ». Sans oublier que l’acte de vacciner constitue aussi un facteur de risque de diffusion de la maladie. « Le déclenchement de cette « vaccination préventive en urgence » ferait suite à des signaux d’alertes liés aux mortalités dans l’avifaune migratrice en Russie et au Kazakhstan en fin de printemps, puis dans le nord de l’Europe où elles sont souvent associées à des foyers en élevages, dès le début de l’été », indiquent les auteurs.

Dépasser les freins techniques

Actuellement, les vaccins disponibles ne sont pas de bons candidats pour les ansériformes, et le développement de vaccins de nouvelle génération (protéines recombinantes ou ARN) est nécessaire. Néanmoins, pour ce faire, les laboratoires ont besoin d’assurance sur les orientations des politiques publiques sanitaires. « Il serait également nécessaire de disposer de stocks de vaccins prêts à l’emploi, indiquent les auteurs. Pour les 2-3 années à venir, ces stocks pourraient se limiter au virus H5N8 clade 2.3.4.4.b, menace majeure et récurrente, mais une réévaluation régulière des vaccins au regard des variants circulants est à prévoir (…) Des banques de vaccins pourraient être mutualisés au niveau européen, tel que prévu par la LSA ».

Le déploiement de la vaccination sur le terrain implique, par ailleurs, d’avoir une large couverture vaccinale (minimum de 70 à 80%) pour espérer arrêter la transmission, étant donné qu’aucun vaccin ne supprime totalement l’excrétion virale. Il faudrait y associer également une surveillance post-vaccinale performante, c’est-à-dire bien distinguer les animaux infectés des animaux vaccinés.

Entamer des négociations commerciales

Mais le plus gros frein à dépasser serait d’ordre commercial : à ce jour, la plupart des pays tiers excluent tout export de volailles en provenance de pays qui vaccinent contre l’IAHP. Si ces pays tiers ne changent pas d’avis, et que la France vaccine, les pertes pourraient dépasser les 250 millions d’euros toute filière confondue. De plus, les professionnels craignent une remise en cause des accords de zonage. Par conséquence, « l’exploration d’une stratégie vaccinale suppose une démarche précoce et active de la France pour infléchir la position des pays tiers qui refusent la vaccination ». Ces négociations seraient à envisager à l’échelle européenne. «  La Présidence française de l’Union européenne début 2022 pourrait constituer une opportunité pour mener à son terme la dynamique amorcée et inciter la Commission européenne à construire un cadre commun pour d’éventuelles démarches vaccinales en Europe, sur lequel pourra s’appuyer chaque Etat membre lors des négociations bilatérales avec les pays tiers importateurs », expliquent les auteurs. De plus, « les questions de réciprocité à l’import, qui font l’objet de demandes de pays tiers pratiquant déjà la vaccination contre l’IAHP, sont du ressort de la Commission européenne. »

La vaccination est une mesure de plus pour lutter contre l’IAHP. « Il convient de rappeler la nécessité, dans le cas où une stratégie vaccinale serait mise en place, de veiller à ce que les règles de biosécurité, qui restent les mesures prioritaires de lutte, ne se trouvent pas dégradées au fil des années », rappellent ainsi bien les auteurs.

Tanit Halfon

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