PPA : des recherches en cours sur la vaccination - Le Point Vétérinaire.fr

PPA : des recherches en cours sur la vaccination

05.02.2021 à 09:10:51 |
Marie-Frédérique Le Potier a présenté les projets de recherche et développement en cours sur la PPA
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Malgré les travaux de recherche en vaccinologie, il n’existe toujours pas de vaccin contre la peste porcine africaine, a-t-il été rappelé lors la séance du 3 février de l’Académie d’Agriculture dédiée à cette maladie. Parmi les candidats potentiels, ce sont les vaccins vivants atténués qui donnent pour l’instant les meilleurs résultats.

Comment se protéger d’un point de vue sanitaire, contre la peste porcine africaine (PPA) ? A cette question, la réponse reste à ce jour la biosécurité, a-t-il été rappelé lors de la séance du 3 février de l’Académie d’Agriculture de France dédiée à cette maladie.

A l’heure actuelle, il n’existe aucun vaccin, ni traitement. De fait, les méthodes de lutte sont uniquement de l’ordre de la prophylaxie sanitaire, avec le contrôle des transports d’aliments, des mouvements d’animaux, le zonage…En Europe, en cas de foyers domestiques, la lutte repose sur l’abattage des suidés, associé aux restrictions de mouvements, et sur le contrôle des populations de sangliers (zonage, et opérations de dépeuplement des sangliers). D’autres pays vont  plus loin, à l’instar de la Chine touchée depuis 2018, avec des investissements dans des méga-fermes, soit un ensemble de bâtiments fermés à la biosécurité renforcée, dans lesquels sont élevés des porcs.

Dans ce contexte compliqué, plusieurs recherches sont en cours, pour faire évoluer les moyens de lutte.

Vers un vaccin vivant atténué ?

Le premier axe de recherche est celui de la vaccinologie. A ce stade, il a été montré que les vaccins inactivés, adjuvés ou pas, ne confèrent pas de protection. Les vaccins recombinants ne donnent pas de résultats très probants. Les vaccins sous-unitaires (ADN, vecteur, protéines…) apportent des protections partielles. Au final, ce sont les approches avec des souches virales atténuées qui donnent les meilleurs résultats, comme des souches espagnoles ou portugaises qui confèrent 100% de protection. Plus récemment, des travaux de recherche sont menés avec des souches Georgia (souches actuellement en circulation) qui sont atténuées par délétion progressive de gènes. Toutefois, cette technique peut amener à des retours de virulence ou au contraire une perte de l’effet protecteur, et le bon équilibre n’a pas encore été trouvé. Malgré des premiers résultats prometteurs, la vaccination avec des souches virales atténuées se heurtent à plusieurs freins. Il faut d’abord pouvoir contrôle le risque de diffusion de la souche qui peut être associé à un risque de recombinaison avec d’autres souches et de retour à la virulence. Il faudra passer aussi le cap de la production de masse, ce qui apparaît techniquement impossible pour l’instant puisque toutes les souches brevetées restent cultivées sur cellules primaires.

Pour ce qui est des usages, les vaccins pourraient être préconisés dans les zones géographiques avec une biosécurité déficiente, ou dans les zones où la maladie s’est endémisée. A ce sujet, il faut rappeler que la peste porcine classique avait été éradiquée par une vaccination des sangliers, via une souche vivante atténuée en appâts, il y a une dizaine d’années.

D’autres pistes explorées

Outre la vaccination, la piste des antiviraux est explorée. Il a par exemple été montré une inhibition du virus in vitro par les fluoroquinolones, le virus de la PPA codant pour sa propre topoisomérase, mais in vivo, il n’est pas exclu un risque d’interférence avec les enzymes cellulaires. Une autre équipe de recherche a aussi montré que la suppression du gène de la protéine P30 inhibait la réplication du virus, suggérant qu’elle pourrait être une cible pour un antiviral. La recherche s’intéresse aussi à l’identification des gènes de résistance. Enfin, une autre voie de recherche est celle de la génétique via les nucléases, ou “ciseaux moléculaires ”, comme le système Crisp-Cas9, qui permettent de découper de l’ADN. Ces techniques de « correction du génome avec des nucléases modifiées » (Geen pour genome editing with engineered nucleases), communément appelées “édition du génome”, ont déjà montré des résultats positifs pour d’autres pathogènes : par exemple, des chercheurs ont créé des porcs transgéniques résistants au PRRSV (syndrome dysgénésique e respiratoire porcine, à la peste porcine classique ou encore à la maladie d’Aujeszky. Des travaux sont en cours également sur les maladies associées à des coronavirus. Ceci dit, pour la PPA, cette voie se heurte à plusieurs freins : le virus ne présente pas de récepteurs spécifiques (infection dite passive des cellules de l’hôte) ; de plus, les facteurs de virulence sont inconnus et différents entre le porc domestique et le sanglier. Une voie de sortie pourrait être un transfert de facteurs génétiques de résistance identifiés chez les phacochères, qui eux ne développent pas la maladie, non sans un risque de créer des porcs qui pourraient présenter des nouvelles sensibilités à d’autres maladies.

Identifier les voies de transmission

Pour finir, se protéger contre la maladie, c’est aussi pouvoir identifier tous les modes de transmission possible. A ce sujet en Europe, la question de l’implication de vecteurs biologiques, notamment des tiques, reste ouverte. En Afrique, on sait qu’il existe une transmission horizontale entre le phacochère et la tique molle Ornithodoros qui joue le rôle de réservoir du virus (transmission à sa descendance, transmission sexuelle). Cette voie est-elle possible en dehors du continent africain ? A cette question, il faut déjà rappeler que les tiques Ornithodoros (O. erraticus) ne sont présentes que dans la péninsule ibérique, et dans des zones autour de la mer noire. Elles ont aussi besoin d’un environnement constant en température et humidité. De plus, il avait été montré que les tiques molles avaient contribué au maintien du virus dans les élevages de porcs, au Portugal**. Au final, un travail de thèse, mené à l’Anses et au Cirad, apporte une partie de la réponse : si O. erraticus ne permet pas une transmission directe au porc ni à sa descendance dans des conditions expérimentales, il a été montré qu’elle pouvait maintenir le virus infectieux plusieurs semaines, et que des porcs développaient la maladie suite ingestion de tiques infectées. O. erraticus pourrait donc être un réservoir possible. Outre les tiques, un travail d’évaluation des risques mené par l’Anses a aussi montré que certains insectes, les stomoxes et les tabanidés, pourraient jouer un rôle de vecteur mécanique, mais cette hypothèse reste théorique à ce stade.

Un replay de la séance sera visible sur la chaine Youtube de l’Académie d’Agriculture de France.

** Une première incursion de la PPA avait été décrite en Europe dans les années 1960, notamment en Espagne, au Portugal et en Sardaigne. La maladie avait été éradiquée au Portugal en 1993 mais un cas avait été détecté de nouveau en 1999, en lien avec une transmission vectorielle par les tiques molles O. erraticus.

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Quatre conférenciers étaient invités pour cette séance académique : Marie-Frédérique Le Potier, cheffe d’Unité virologie immunologie porcine à l’Anses Ploufragan, et experte à l’OIE pour les viroses porcines ; Jean-Christophe Audonnet, responsable recherche et développement vaccin chez Boerhinger Ingelheim ; Jean-Marc Chaumet, chef de projet au département Economie de l’Institut de l’élevage, et spécialiste de la Chine ; et enfin Boris Duflot, directeur du Pôle économie de l’Ifip-Institut du Porc.

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