Non, pas besoin de s’alarmer sur la nouvelle souche d’influenza porcine identifiée en Chine - Le Point Vétérinaire.fr

Non, pas besoin de s’alarmer sur la nouvelle souche d’influenza porcine identifiée en Chine

Tanit Halfon | 09.07.2020 à 09:30:01 |
porcs
© iStock-1deyanarobova

Une récente étude chinoise a annoncé la découverte d’un nouveau génotype viral de la grippe porcine disposant de caractéristiques potentiellement favorables à une pandémie. Une annonce intéressante pour la communauté de chercheurs, mais pas alarmante.

Dans ce contexte de crise sanitaire, une découverte scientifique a fait la une de plusieurs journaux grand public. Dans une étude publiée fin juin dans le Proceedings of the national academy of sciences of the United States of America (PNAS), des chercheurs chinois ont indiqué avoir mis en évidence l’émergence d’un nouveau virus réassortant de la grippe porcine, possédant des caractéristiques favorables à un franchissement de la barrière d’espèces et à une diffusion à large échelle. Alors, faut-il craindre une nouvelle pandémie due à un virus d’origine porcine ? Pas exactement, expliquent deux chercheurs de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), Gaëlle Simon, responsable du laboratoire national de référence Influenza porcin et Nicolas Rose, responsable de l’unité épidémiologie santé et bien-être. « Cet article est effectivement d’un bon niveau scientifique, les analyses y sont très poussées et les résultats sont intéressants. Mais ce genre d’articles, décrivant de nouvelles souches virales, est régulièrement publié, et permet d’alerter la communauté scientifique des dynamiques virales en cours dans le monde », expliquent les chercheurs. Ils rappellent aussi que « les virus influenza animaux et humains sont surveillés au niveau mondial, et les données sont partagées par les différents acteurs au sein d’une commission spécialisée de l’Organisation mondiale de la santé, qui pourra décider de sélectionner certaines souches, afin de produire au plus vite un vaccin si le besoin se fait sentir. »

Un nouveau virus réassortant prédominant

Dans le papier, la dynamique des virus influenza porcins sur le territoire chinois est étudiée pour la période de 2011 à 2018. Au total, ce sont 29 918 écouvillons nasaux issus de porcs à l’abattoir de 10 provinces chinoises à forte densité de population porcine, qui sont récoltés et analysés. 136 sont revenus positifs pour les virus influenza. En parallèle, les chercheurs ont procédé à la collecte de 1016 prélèvements sur des porcs admis à l’Université agronome de Chine et présentant des symptômes respiratoires. Parmi eux, 43 ont abouti à un isolement viral. Plusieurs sous-types sont identifiés, le majoritaire étant le EA H1N1 (Eurasian avian-like) qui totalise 165 échantillons positifs, suivi loin derrière par le virus pandémique de 2009 H1N1pdm (7 positifs), le H3N2 (4), le H9N2 (2) et le CS H1N1 (1). De plus, seul le EA H1N1 est isolé tous les ans, quand les autres sous-types ne le sont que certaines années, et sa proportion augmente d’année en année. Le EA H1N1 est également le seul sous-type viral détecté pour tous les porcs atteints de symptômes respiratoires. Une analyse plus poussée montre qu’un génotype spécifique du EA H1N1, appelé G4, est majoritaire depuis 2016 : il s’agit d’un virus réassortant, contenant des séquences génomiques de la souche pandémique H1N1pdm et d’un autre virus triple-réassortant circulant en Chine (North American triple-reassortant lineage). « Le porc a la particularité de voir circuler des virus de plusieurs sous-types, avec des lignages génétiques multiples. Cette co-circulation fait qu’il peut y avoir des phénomènes de co-infection et donc le risque d’émergence de nouveaux génotypes », complètent les chercheurs. Ceci dit, ils font remarquer que la taille de l’échantillon étudié est assez limitée : « Seules 77 souches de EA H1N1 ont été séquencées sur la période 2011-2018, et si la proportion du nouveau génotype a augmenté depuis 2016, il n’y a eu que 10 souches étudiées au total en 2018.» De fait, pour vérifier la nouvelle tendance constatée, il faudrait séquencer davantage  de souches, et voir si elles se maintiennent sur le long terme. 

Des facteurs de risque…valables dans les conditions d’expérimentation

Par ailleurs, dans cette étude, les résultats de plusieurs expérimentations in-vitro et in-vivo (modèle animal) révèlent le potentiel zoonotique du nouveau génotype viral. En effet, il est montré que le virus possède des capacités de fixation sur les récepteurs humains des cellules épithéliales trachéales, et de réplication sur des cellules épithéliales bronchiques et alvéolaires, comme le H1N1pdm (essais in-vitro). L’utilisation du modèle furet montre également un potentiel infectieux marqué, tout comme une capacité de transmission par aérosols. Il ressort également des expérimentations une faible immunité croisée avec les souches vaccinales. Malgré tout, la prudence reste de mise. « Ces conclusions ne sont valables que dans les conditions d’expérimentations, il faut rester prudent », expliquent les chercheurs, tout en précisant que l’absence d’immunité croisée est à modérer. « N’oublions pas que l’immunité à médiation cellulaire peut aussi participer à la protection. » Au final, ils rappellent « qu'il existe encore beaucoup d’inconnues quant à la compréhension des mécanismes permettant d’aboutir à un franchissement de la barrière d’espèces, et à une transmission inter-humaine. » Outre ces expérimentations, le franchissement de la barrière d’espèces a également été étudié, via des analyses sérologiques chez 338 travailleurs de la filière porcine (15 fermes) et 230 personnes de la population générale. Résultat : 10,4% des travailleurs sont positifs pour le G4 contre 4,4% pour la population générale. « Les résultats sérologiques sont à prendre avec prudence, car on ne peut pas exclure l’existence de réactions croisées. La seule chose que l’on puisse dire est que les personnes qui travaillent en contact avec les porcs sont plus à risque d’être infectées par un virus influenza porcin que la population générale », alertent les chercheurs. De plus, « sur cette partie épidémiologique, les variables sur lesquelles se base le modèle multivarié sont limitées. On ne sait pas grand chose sur les gens testés, notamment s’ils ont été vaccinés contre le virus pandémique (NDLR : grippe saisonnière). Le risque de biais est donc loin d’être exclu. » Au final, rassurons-nous : l’étude ne montre-t-elle pas que les chercheurs jouent bien leur rôle, celui d’alerter la communauté scientifique ? Sans oublier, qu'en France, comme le rappellent les chercheurs, depuis 2011, le réseau d’épidémiosurveillance Résavip, surveille la circulation des virus influenza porcins, et le virus réassortant G4 EA H1N1 n'a pas été identifié.. De son côté, l’Anses mène également des travaux de recherche sur l’évolution des virus et étudie leur dynamique dans les élevages français. Le Laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort est en relation étroite avec les réseaux internationaux de surveillance. 

Pour consulter l’étude, cliquez sur ce lien.

Pour aller plus loin, l’Anses a publié une note de sept pages, décryptant point par point les résultats de l’étude....et de conclure à l'importance de la biosécurité en élevage et en abattoir pour limiter au maximum les transmissions de virus grippaux entre les espèces humaines et porcines. Pour la consulter, cliquez sur ce lien.

Tanit Halfon
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