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Les particularités de l’apiculture guyanaise

Samuel Boucher | 10.04.2019 à 14:32:00 |
ruche guyane
© Samuel Boucher

La quarantaine d’apiculteurs que compte la Guyane doit s’adapter au climat et aux écosystèmes tropicaux.

Sucré, onctueux, parfumé….les superlatifs ne manquent pas pour qualifier le « miel pays » qu’on trouve en Guyane. Vendu en petits conditionnements « souvenir » à l’aéroport de Cayenne au prix de 95 €/Kg, ou directement chez le producteur autour de 20 €/Kg*, le miel est produit par une quarantaine d’apiculteurs, amateurs et professionnels, regroupés au sein de l’association APIGUY. Présidée par Alain Bahuet et soutenu par la DAAF, la Collectivité territoriale de Guyane et l’ODEADOM**, son objectif est de développer l'apiculture afin de protéger les abeilles de Guyane et d'assurer l'autosuffisance, voire l'exportation des produits apicoles guyanais. « En Guyane, nos abeilles ont produit l’an dernier 17,3 tonnes de miel et nous en avons importé 105 tonnes » explique Jean-Philippe Champenois, entomologiste et trésorier de l’association. « Il y a moyen de produire plus encore, mais il faut trouver des emplacements de ruchers facilement accessibles, tout en étant loin des populations qui ont peur des abeilles », renchérit Bruno Gaucher, apiculteur professionnel installé depuis 30 ans à Sinnamary. Les règles d’implantation des ruchers ont été adaptées localement. Si, sous certaines conditions en métropole, ils peuvent être placés à 10 mètres des habitations, ils ne le sont jamais à moins de 100 mètres en Guyane.

Des abeilles polyhybrides africanisées

« Nous travaillons essentiellement avec l'abeille africanisée mais depuis 2 ou 3 ans, nous commençons à la recroiser avec de l'abeille plus douce*** pour avoir une abeille moins « essaimeuse » et qui épargne plus » explique Bruno Gaucher. Arrivées en Guyane dans les années 1970, les abeilles africanisées sont issues de croisement entre des abeilles africaines Apis mellifera scutellata, introduites en 1957 au Brésil pour intensifier la production de miel, et les races européennes précédemment introduites par les colons comme Apis mellifera melifera venue d’Allemagne ou Apis mellifera ligustica, dite italienne, voire Apis mellifera iberiensis venue d’Espagne et du Portugal. Elles ont la particularité de résister plutôt bien à la varroose ou aux loques. En outre, ce sont de bonnes productrices même si elles essaiment beaucoup. Cependant, elles restent plus agressives que les abeilles européennes, notamment elles poursuivent tout intrus plus longtemps. Leur observation nécessite donc une combinaison intégrale bien hermétique et épaisse (contre les piqûres) tout en étant aérée à cause du climat tropical.

Des ruches moins hautes

« En Amérique du Sud nous avons uniquement des ruches de type Langstroth, car les abeilles ont moins besoin de stocker dans le haut du cadre que chez vous, précise Bruno Gaucher. En effet, nous avons constaté que cette ruche moins hauts que les ruches Dadant majoritairement utilisées en métropole permet moins de condensation et convient bien aux abeilles locales souvent africanisées ». Ici, pas besoin de transhumer pour avoir des miels variés. Il suffit d’installer les ruches dans un écosystème donné pour obtenir un miel de forêt, fort et sombre, fabriqué surtout en saison sèche, un miel de mangrove, plus doux, aux notes d’agrume en fin de saison sèche, ou encore un miel de savane, plus corsé, proche de celui du châtaignier, essentiellement issu des fleurs de palmiers. Tous sont des miels polyfloraux (au moins 80 types de plantes butinées dans la région sont connus) avec des dominances : palétuvier, mombin (Spolias mombin), mombin fou (Tapirira guyanensis) … Le seul impératif ici est de déshumidifier la miellerie sous peine d’avoir des miels à plus de 17% d’humidité qui se conserveraient mal. Une bonne colonie peut fournir jusqu’à 150 Kg de miel par an, permettant aux professionnels de bien vivre avec moins de 100 ruches ce qui, en métropole, n’est pas possible ou seulement sur des marchés de niches locales. A noter que les ruches sont faites sur place en bois local car l’utilisation de bois blanc ne résiste pas aux termites.

* Celui de métropole est vendu une dizaine d’euros par kilogramme chez l’apiculteur détaillant. L’importation du matériel de France explique la différence de prix.

** Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, Office de développement de l’économie agricole d’Outre-mer.

*** L’Amérique n’a pas naturellement d’abeilles du genre Apis.

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PHOTO :  Ruches Langstroth dans la forêt guyanaise.

Pour se protéger de la fourmi carnivore, un des prédateurs locaux de l’abeille qui peut décimer une colonie entière, les apiculteurs placent les pieds des supports de ruche dans des bacs remplis d’huile. Parmi les autres pathogènes, on trouve notamment Varroa destructor et Galleria mellonella ou fausse teigne. 

 

Samuel Boucher
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