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Les filières avicoles réfléchissent au défi climatique

Alban Llorca

| 16.04.2025 à 09:52:00 |
© Alban Llorca

Les dernières rencontres annuelles de la World poultry science association se sont penchées sur les leviers d’adaptation des élevages au changement climatique. Entre gestion des températures, génétique, nutrition, et innovations comme la programmation thermique embryonnaire, la filière avicole dispose de nombreuses solutions pour continuer à évoluer et produire des volailles de manière durable.

Le rendez-vous annuel de la filière avicole, organisé par la branche française de la World Poultry Science Association, s'est tenu le 20 mars 2025 à Nantes sur le thème « Les productions avicoles au cœur du changement climatique ». Lors de cette assemblée de cinquante participants, Christophe Bostvironnois, président de l’association, a ouvert la journée avec des mots forts : « l’avenir, c’est aujourd’hui ». Dans un monde marqué par la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté (VUCA), il est impératif d’anticiper les adaptations nécessaires des élevages pour répondre aux défis climatiques.

Travailler sur les bâtiments d’élevage

Le travail sur les bâtiments est un axe majeur d’adaptation. Comme l’a présenté Paul Robin, chercheur à l’INRAE, la gestion de la température dans ces installations ne dépend pas uniquement des conditions extérieures, mais aussi des capacités des animaux à s’adapter aux variations thermiques. En début de vie, les animaux nécessitent un apport de chaleur externe (bâtiments chauffés au gaz, chaleur solaire), mais aussi interne via leur activité (déplacements, battements d’ailes) : c’est la phase endothermique. Puis progressivement, il devient nécessaire de réduire leur température corporelle grâce à des systèmes de ventilation, de refroidissement par eau ou par conduction naturelle : c’est la phase exothermique.

Bien que ces systèmes soient performants dans la gestion des vagues de chaleur, Anne Collin, chercheuse aussi à l’INRAE, a rappelé que la canicule de 2003 avait entraîné des pertes économiques estimées à 45 milliards d’euros (en lien notamment avec la perte de performance). Comprendre les impacts physiologiques des coups de chaleur et les mécanismes d’adaptation devient donc indispensable pour améliorer les performances et limiter les impacts négatifs : baisse de consommation alimentaire, stress oxydatif, modifications du microbiote et à terme baisse de rendement filet.

Plusieurs systèmes de ventilation des bâtiments

Aujourd’hui, les systèmes de ventilation sont un bon outil pour évacuer la chaleur, à condition de bien les maîtriser. Claude Toudic, ingénieur chez Hubbard, a rappelé que l’introduction de la vitesse d’air dans les systèmes permet de maximiser la perte de chaleur sensible tout en réduisant les besoins en chaleur latente. En optimisant les systèmes de ventilation, notamment grâce à des extracteurs d’air performants, il est possible de maintenir des conditions thermiques optimales même par temps chaud. Deux tendances majeures se dessinent : la ventilation longitudinale, qui crée une vitesse d’air croissante par effet « tunnel » ; et la ventilation transversale : Bien que plus puissante, elle génère une distribution inégale des vitesses d’air.

Si ces systèmes ne suffisent pas, des solutions complémentaires comme la brumisation ou le refroidissement par pad-cooling peuvent être mises en œuvre.

Selon Cyrille Loiseau, technicien chez Sodis, l’évolution des systèmes de gestion de l’ambiance et de la ventilation est essentielle pour faire face aux impacts du changement climatique. Les systèmes de mesures performants et les automatismes permettent désormais de gérer jusqu’à neuf schémas de ventilation différents : configurations transversales, longitudinales, type tunnel ou encore bi-climat.

Il est à noter, le cas spécifique des bâtiments statiques (exemple les volailles Label), le brassage de l’air remplace la ventilation traditionnelle en utilisant l’extraction pour déplacer efficacement l’air autour des animaux.

Mickael Pezot (LDC International) a partagé son expérience lors des étés chauds en Hongrie et en Espagne en 2024. Il a confirmé que les bâtiments à ventilation longitudinale en mode « tunnel » associés au pad-cooling sont particulièrement efficaces. Cependant, il a mis en garde contre une brumisation excessive qui peut augmenter l’humidité, dégrader les litières et affecter les capacités respiratoires des animaux.

La génétique, un levier fondamental

La génétique est un autre des principaux axes d’adaptation des élevages. Comme l’a présenté Frédéric Fagnoul, généticien chez Hubbard, l’amélioration actuelle génétique intra-lignée, réalisée dans des « fermes pedigrees » aux conditions strictes de biosécurité, maximise le potentiel des lignées pures. Cette sélection se poursuit dans des « fermes challenge », où les frères et sœurs des candidats à la sélection sont soumis à des conditions challengeantes, dont le stress thermique, pour évaluer leur résistance. Enfin, des « fermes de testage » dans différentes régions du monde permettent de mesurer les performances des animaux en conditions réelles.

Le but est de développer des lignées robustes, non seulement performantes en termes de production, mais aussi capables de résister aux stress thermiques. Cette approche génétique doit cependant être combinée à une gestion rigoureuse des pratiques d'élevages (gestion du milieu, santé...) et à une nutrition adaptée.

Sonia Métayer-Coustard (INRAE) travaille sur une autre approche innovante : la programmation thermique embryonnaire. Cette technique implique une acclimatation contrôlée des œufs pendant l’embryogenèse dans des incubateurs réglés sur des cycles spécifiques de température et d’humidité. Ces programmes permettent de renforcer la résistance des adultes aux vagues de chaleur, tout en induisant des modifications épigénétiques transmissibles aux générations suivantes.

Jouer sur les apports alimentaires

Enfin, William Lambert, responsable R&D Volailles chez Mixscience, a souligné l’importance d’adapter la nutrition aux températures élevées. La chaleur réduit l’appétit des volailles, impactant leur ingestion de nutriments et perturbant leur métabolisme. Parmi les solutions possibles, on peut citer l’augmentation de la densité énergétique des aliments ; la stimulation de l’appétit par des ajustements alimentaires ; la réduction de la protéine brute pour minimiser la chaleur métabolique ; l’adaptation des profils d’acides aminés essentiels (arginine, thréonine) ; et enfin, l’ajout des micronutriments comme la vitamine C, la vitamine E ou la bétaïne.

De plus, des techniques d’élevage spécifiques, comme favoriser l’alimentation pendant les périodes fraîches ou maintenir l’eau à une température optimale, permettent également d’améliorer les performances en périodes chaudes.

Malgré les défis posés par les variations thermiques de plus en plus imprévisibles, tous les experts affichent un optimisme mesuré. Le véritable défi réside désormais dans la mise en œuvre de systèmes flexibles et adaptables capables de répondre aux extrêmes climatiques à venir.

Alban Llorca

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