Le flair des chiens peut-il détecter des maladies humaines ? - Le Point Vétérinaire.fr

Le flair des chiens peut-il détecter des maladies humaines ?

Marine Neveux

| 10.01.2022 à 18:37:00 |
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Covid, cancer… et si le flair des chiens permettait d’aider au dépistage de certaines maladies humaines ? C’est la question à laquelle s’attache l’équipe Nosaïs à l’école nationale vétérinaire d’Alfort (EnVA). En effet, elle vient d’initier un projet de détection des « cancers à haut risque de la prostate » avec les étudiants d’Alfort et leurs chiens, et les CHU Henri Mondor et Bichat. Nous avons suivi un entrainement réalisé à l’EnVA avec une toute nouvelle machine.

Le projet de détection des cancers à haut risque de la prostate fait partie du programme global de l’équipe Nosaïs portée par le professeur Dominique Grandjean qui met la compétence olfactive du chien au service de la détection de maladies humaines comme le cancer du côlon, et déjà celle du Covid. « Quand on lance un projet de détection olfactive médicale, ce n’est pas comme les explosifs ou la drogue dont on connait les compositions chimiques (…) on part dans l’inconnu » explique le professeur Dominique Grandjean, (Nosaïs, EnVA). « A un moment donné il faut avoir la certitude que les prélèvements sont positifs pour former les chiens et créancer sur ces odeurs, et la certitude à l’inverse que les négatifs le sont bien ».

L’entrainement

A l’EnVA, 10 chiens d’étudiants vétérinaires participent a minima deux fois par semaine à un entrainement d’une demi-journée en vue de participer au projet de détection des cancers à haut risque de la prostate. La motivation du chien à jouer, à chercher, est ce qui conditionne sa sélection explique Capucine Gallet, formatrice à Nosaïs. Pour l’entrainement, l’équipe dispose d’une machine nouvelle depuis décembre 2021, élaborée par l’armée allemande, et qui a été utilisé pour la détection du Covid. Nosaïs a travaillé longtemps avec des cônes en construisant des lignes d’odeurs. « Grace à cette machine, aujourd’hui, on a 14 combinaisons fois 7 sans bouger ! » se réjouit Capucine Gallet, ce qui permet de gagner en efficacité et de réduire les risques de diffusion des odeurs. L’entrainement des chiens requièrent environ 5 semaines, « pour découvrir la machine et leur apprendre à détecter une odeur ». Actuellement, l’équipe utilise une odeur connue (un jouet découpé), « le chien créance sur cette odeur. On installe un code de communication entre le chien et l’homme pour qu’il acte qu’il a trouvé l’odeur. L’entrainement est adapté au chien ». On complexifie ensuite avec des odeurs parasites et l’environnement avec des bruits, etc. pour appendre au chien à maintenir sa concentration en toute situation.

Une collaboration multidisciplinaire

« Si cela fonctionne, s’il y a une odeur spécifique, le chien va marquer les positifs, on aimerait bien savoir ce que c’est, on se tourne alors vers les chimistes » détaille Dominique Grandjean. C’est ce qui a été fait pour la détection du Covid, en collaboration avec l’hôpital Foch (Suresnes) qui a montré sur l’air expiré des patients atteints de Covid « un flux spécifique ». Mais « nous n’avons toujours pas la nature fine des molécules ». Ainsi pour la détection olfactive du Covid, « on en est venu à former les chiens avec un leurre, mais qui n’est pas un leurre chimique avec des molécules caractérisées. L’institut Pasteur réalise des cultures cellulaires, avec ou sans virus pour que l’on puisse utiliser du surnageant sans virus, et avec virus. Les virus sont inactivés, tués, ils sont détruits par les enzymes, ce qui libère les protéines qui vont se fixer sur l’organe voméronasal du chien ». Aujourd’hui, « nous sommes capables de travailler sur la sueur, les masques, l’urine, mais nous ne connaissons toujours pas la nature des molécules en cause, cela demande des investissements importants en recherche de chimie pure que l’on ne peut pas conduire actuellement, faute de moyens ». Une étude a dû montrer aussi que les chiens ne marquaient pas les autres viroses respiratoires, ou encore les autres comorbidités.

Un blocage administratif ?

Plusieurs pays travaillent sur la détection olfactive du Covid et sont intéressés par ces travaux témoigne Dominique Grandjean. Mais il regrette « qu’en France, on se heurte à des paradigmes qu’il faut briser », en ligne de mire : la réticence des sphères administratives de la Santé … « L’idée est que le chien soit sur du dépistage de masse et qu’ensuite on puisse aller vers une plus grande précision avec les tests classiques, on ne va pas remplacer les tests classiques ». « Je suis vétérinaire, la première chose apprise sur une épizootie c’est : tester et isoler » estime Dominique Grandjean. Et d’ajouter que « pour moi, en gestion de crise, on prend tous les moyens dont on peut disposer ».

Une réticence administrative, alors que la communauté scientifique montre un intérêt pour ce type de recherche. Dès l’été 2020, un communiqué commun de l’Académie de Médecine et de l’Académie Vétérinaire citait la pertinence de cette voie de recherche : « L’idée d’utiliser l’olfaction des chiens pour détecter les patients atteints de Covid-19 a été envisagée par des équipes pluridisciplinaires (vétérinaires, médecins, biologistes, maîtres-chiens) pour répondre à la demande mondiale d’un test de dépistage rapide, simple, non invasif, sensible et spécifique, pouvant diminuer la charge des laboratoires de biologie médicale. En effet, devant l’accroissement des demandes de tests de détection de la Covid-19, l’utilisation de « chiens renifleurs » permettrait de réduire les délais encore trop élevés pour l’obtention d’un dépistage par RT-PCR, en particulier chez les cas suspects et les contacts (…) Les premiers résultats obtenus par une équipe allemande et une équipe française, utilisant de nouveaux tests olfactifs de biologie médicale, montrent que des « chiens renifleurs » entrainés sont capables de reconnaître une odeur spécifique de la Covid-19 correspondant à un ensemble de composés organiques volatils spécifiques ou d’autres substances métaboliques produites par l’organisme malade, appelé volatilome ou VOC (volatile organic compounds). Présent dans la circulation sanguine, le volatilome peut être excrété dans l’air expiré, l’urine, la salive, les fèces, le lait et la sueur. C’est une association complexe avec des substances endogènes ou exogènes (aliments solides ou liquides ingérés, produits d’hygiène utilisés, médicaments…). »

Sur le terrain

Depuis, la méthode a fait du chemin et a fait l'objet de publications. Lancée au printemps 2021 à l’initiative de l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort (Pr Dominique Grandjean, Equipe Nosaïs), sous tutelle du ministère de l'agriculture, et de l’AP-HP (URC Necker Cochin, Pr Jean-Marc Tréluyer), avec le soutien de la Région Ile-de-France et de l’agence régionale de santé Ile-de-France, une étude inédite a été menée pour comparer deux méthodes de dépistage de la COVID-19 : test RT-PCR sur prélèvement nasopharyngé (test de référence) et test olfactif canin

Marine Neveux

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