Le bien-être animal s’invite aux journées de la recherche cunicole - Le Point Vétérinaire.fr

Le bien-être animal s’invite aux journées de la recherche cunicole

Samuel Boucher

| 26.04.2023 à 17:52:00 |
© Samuel Boucher

Une table ronde était dédiée à l’avenir de la filière, dans un contexte où le nombre d’élevages est en baisse, et où les systèmes en cage sont décrits par les citoyens.

Les 19èmes journées de la recherche cunicole se sont déroulées les 22 et 23 mars 2023 au Mans. A cette occasion, l’Association Scientifique Française de Cuniculture (ASFC) avait organisé une table ronde sur le thème « entreprendre en cuniculture, réussites et opportunités ». Etaient conviés des nutritionnistes, des généticiens, des vétérinaires, des chercheurs de la filière, des éleveurs. Cette table ronde s’inscrit dans un contexte compliqué pour la filière qui fait face à une réduction du nombre d’élevages de lapins, un nombre important de départs à la retraite des éleveurs (la filière s’est beaucoup développée dans les années 90), et une reprise limitée. Toutefois, la forte baisse  des imports laisse entrevoir des besoins encore bien présents. En parallèle, le grand public aimerait que les lapins ne soient plus élevés en cage. La France reste le 3e producteur de lapin de chair au sein de l’Union européenne et le 6e consommateur par habitant. Le lapin se vend désormais plus en découpe (plus pratique et plus rapide à cuisiner) et au sein des grandes surfaces. Il est plus acheté par les « plus de cinquante ans » que par les jeunes et il est plus vendu dans le Sud de la France où pourtant il est peu produit. Les employés et les cadres le délaissent un peu et ce sont surtout les foyers plus aisés qui l’achètent.

Des évolutions attendues dans les conditions d’élevage

Pour l’instant, cette demande de l’arrêt des cages n’est pas compatible avec la vie naturelle des lapins adultes qui se battent s’ils sont élevés en groupe. « Nous avons élevé en 2018 et 2019 dans le cadre du projet 3L Living Lab lapins des femelles non apparentées et des sœurs en groupe puisque c’était une demande de la Société civile, explique Laurence Lamothe de l’INRAE de Toulouse. Dans nos conditions expérimentales, la mise en groupe des femelles entraîne des interactions sociales positives mais aussi des bagarres, des blessures, notamment pendant la période reproductive, ainsi que de la mortalité à un niveau qui est non compatible avec le bien-être animal

 Néanmoinson, il est possible de répondre à cette demande d’élevage en groupe pour le lapin en croissance. Dans ce cas, l’évolution va vers des systèmes de cases enrichies. On voit actuellement émerger des logements alternatifs en groupes (Wellap – voir photo, Cuniloft, Lapin&bien…), parfois même avec accès à un jardin d’hiver et toujours très enrichis, beaucoup plus respectueux des animaux et de leurs besoins naturels mais qui tiennent également compte de la pénibilité au travail pour l’éleveur. Ces nouveaux élevages sont souvent le fruit d’une réflexion collective consensuelle menée depuis plusieurs années au sein de la filière. Parallèlement à cette création de nouveaux logements, la filière a développé depuis 2018 une méthode d’évaluation du Bien-Etre (méthode EBENE) pour laquelle de nombreux acteurs ont été formés. Par ailleurs, une formation volontaire de référents bien-être animale en cuniculture co-créée par la SNGTV (Société Nationale des Groupements Techniques Vétérinaires), l’ITAVI (Institut Technique de l’Aviculture) et le Clipp (interprofession lapin) est en train de se déployer sous l’impulsion de la filière. Enfin, une charte interprofessionnelle de bonnes pratiques en élevage a été établie avec la possibilité de faire un audit (EVALAP) de ses pratiques afin de les améliorer. 

Comme l’a constaté Laurence Lamothe, « les incitations sociétales poussent la filière cunicole et les éleveurs de lapins à évoluer vers une plus grande prise en compte du bien-être animal ».

Des atouts

La filière cunicole est aussi en train d’avancer dans la réduction des antibiotiques. Les indicateurs de démédication créés par la filière (IFTAr et IFTAc) ont été améliorés pour prendre en compte plus précisément la période péri-sevrage. Ces indicateurs montrent une spectaculaire et constante diminution de l’usage des antibiotiques par la filière puisque leur utilisation a été diminuée par 10 en dix ans. La nouvelle et très contraignante réglementation applicable aux usines fabricant de  l’aliment médicamenteux les pousse souvent à ne plus proposer ce service aux éleveurs. Cela permet d’amorcer une désaffection de cette filière pour cette voie d’administration. .

Des outils ont été mis en place pour y arriver : très gros efforts sur la biosécurité nécessitée par la lutte contre la VHD qui profite aussi à la lutte contre les maladies bactériennes, usage de produits bactéricides à base d’huiles essentielles, meilleure conduite alimentaire, perfectionnement des systèmes de ventilation, etc.

Ces axes d’amélioration de la filière ne doivent pas occulter le fait qu’elle dispose déjà de solides atouts. Le lapin, avec ses 4,4 Kg de CO2 équivalent par Kg net « mangeable » est un des animaux d’élevage associés avec le moins d’émissions de GES (il a un des bilan carbone les plus faibles parmi les animaux d’élevage). Les rejets d’élevage sont valorisés via le compost ou la méthanisation. Sa consommation en énergie et en eau est faible. Par ailleurs, les études nutritionnelles ont montré que la viande de lapins était peu calorique, riche en vitamine B, en acides gras oméga 3, protéines de qualité. En conclusion, selon  Michel Colin (Copri) « la viande de lapin est la mieux disant des viandes d’animaux d’élevage en nombre d’allégations nutritionnelles ou de santé et en pourcentage de couverture des apports nutritionnels conseillés. C’est une viande du futur ».

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Sur la photo, l'exemple du système Welap avec jardin d’hiver. Les lapins en croissance habitent en groupe sur une plateforme enrichie et ont un accès à l’extérieur.

Samuel Boucher

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