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La filière volaille de chair française, un secteur sous tension

Tanit Halfon | 01.08.2019 à 15:04:00 |
poulets de chair
© iStock-wikoski

La production française de volailles de chair fait face à la concurrence européenne, notamment pour le poulet standard. L’évolution des modes de consommation exacerbe les difficultés du secteur.

La viande de volaille ne connaît pas la crise. Depuis les années 2000, elle connaît une croissance de l’ordre de 3 à 4%, quand les autres secteurs de viande stagnent autour des 1,5%. En 2018, elle a été la 1ère viande produite et consommée dans le monde (124 millions de tonnes), dépassant de peu le porc, mais de très loin les bovins (environ 70 millions) et encore plus les ovins (moins de 20 millions). « Ce succès est lié à son coût de production, rendant attractif son prix pour le consommateur final, ses qualités nutritionnelles, l’absence d’interdits religieux, mais aussi le fait qu’elle soit assez simple à produire notamment dans les pays en voie de développement », a expliqué Pascale Magdelaine, agroéconomiste, lors de la séance du 19 juin de l’Académie de l’Agriculture consacrée aux systèmes de production de volailles. Malgré cette “envolée“,  la France est depuis 2016 de plus en plus déficitaire, alors qu’elle faisait partie des principaux exportateurs de volailles il y a quelques années. Ainsi, si elle connaît « une relative stabilité des exportations », « une progression très régulière des importations » est constatée depuis 2006 pour arriver en 2018 à un solde en volume et en valeur déficitaire respectivement à -123 000 tonnes équivalent carcasse et -280 millions d’euros.

Une concurrence intra-européenne

Ces importations proviennent à 95% des Etats membres de l’Union européenne, principalement de la Pologne, qui est devenue le 1er producteur européen de viande de volaille, la Belgique et les Pays-Bas. « Des pays qui ont une offre de produits très standardisés », a ajouté la conférencière. Plusieurs facteurs de compétitivité expliquent cette concurrence intra-européenne : le coût et la productivité du travail, la fiscalité, mais aussi et pour beaucoup les structures et le niveau de spécialisation des élevages et des outils industriels, ainsi que les stratégies industrielles et commerciales.  « Les pays qui sont les plus compétitifs au niveau européen, comme les Pays-Bas, ne sont pas nécessairement les pays avec les plus faibles coûts de main d’œuvre mais qui ont une stratégie de standardisation de simplification à outrance de la gamme et donc d’efficacité économique ». Pourtant, la France présente une production de volailles diversifiée. En terme d’espèce d’abord : « même si le poulet représente une part croissante de la, production avicole, la France est le seul pays où on a une place importante pour la dinde, le canard, la pintade, … ». En terme de systèmes de production aussi, avec 65% de poulet standards, suivi de 15% de poulets Label Rouge, 10% de poulets grand export, 8% de poulets sous certification de conformité des produits, etc.

Une évolution des modes de consommation

Le déficit de compétitivité est à mettre en parallèle avec l’évolution de la consommation. « La consommation à domicile est en diminution régulière depuis 2012. La hausse de la consommation de volaille est uniquement entretenue par la restauration », a détaillé Pascale Magdelaine. De plus, la consommation de volailles entières diminue à domicile, passant de 52% à 22% entre 1998 et 2018 dans les achats des ménages en viande de poulet, au profit des produits élaborés de volailles* (29% vs 15%). Le problème : que ce soit pour la restauration hors domicile, ou les produits élaborés de volaille, l’approvisionnement provient principalement des importations, quand les poulets entiers, eux, sont majoritairement représentés par les produits français (Label Rouge 62%). Au final, l’importation représente environ 34% de la consommation de volaille. Malgré ce constat, les demandes des consommateurs français s’avèrent contrastées. D’un côté, ils réclament un prix correct associé à de la praticité, de l’autre, de la naturalité, de la proximité et du bien-être animal. « Cela créé des enjeux fort autour de l’étiquetage, y compris pour les produits transformés et la restauration hors domicile ».

* La consommation des découpes est stable à domicile.

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Une concurrence mondiale

Malgré le dynamisme européen de la filière avicole, la production progresse moins rapidement et ne représente que 12% de la production mondiale. « Le poids de l’Europe tend à diminuer au niveau mondial au niveau des imports et des exports totaux », a souligné l’agroéconomiste Pascale Magdelaine. La production est notamment déficitaire en valeur, de l’ordre de 500 millions d’euros en 2018. La cause : des importations de produits à haute valeur ajoutée, « comme le filet brésilien », et des exportations de coproduits, « comme des découpes de basse valeur notamment vers les pays africains. »  Si le Brésil était depuis plusieurs années le 1er fournisseur du marché européen, son poids a progressivement diminué, au profit surtout de la Thaïlande et à moindre de l’Ukraine.  « Ce recul est lié essentiellement à des problèmes de certification de la qualité, a-t-elle précisé. Ces pays bénéficient de droits de douane réduits. L’Ukraine, en plus, ayant trouvé, notamment en 2018, des failles dans la réglementation européenne pour faire passer des produits dans des catégories à droits très réduits. «  Ces profils des importations montrent le poids des négociations en cours », a commenté la conférencière. En outre, depuis quelques années, apparaissent des pays émergents dans le commerce international de la volaille comme l’Ukraine, la Turquie et la Russie. Néanmoins, le Brésil demeure le 1er exportateur mondial de viande de volaille, en volume et en valeur, suivi des Etats-Unis. Et globalement, les échanges internationaux concernent essentiellement du poulet de type « commodité », soit « des découpes de produits très standardisés ». A noter que les poulets américains ne sont pas autorisés sur le marché européen, du fait de la décontamination chimique qu’ils subissent.

 

Tanit Halfon
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