L’Anses publie un bilan de l’épizootie d’influenza aviaire - Le Point Vétérinaire.fr

L’Anses publie un bilan de l’épizootie d’influenza aviaire

Tanit Halfon

| 15.07.2022 à 13:00:00 |
© iStock-Esperanza33

Sur demande de la DGAL, l’Agence sanitaire a élaboré une synthèse de l’ensemble des travaux menés au cours de la dernière épizootie d’influenza aviaire hautement pathogène qui a touché massivement la France au cours de l'hiver 2021-2022. En résulte un retour d'expériences qui montre l'étendue des améliorations à faire, pour réussir à maîtriser une prochaine crise sanitaire. 

Quelles leçons peut-on tirer de la dernière épizootie d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), qui a touché massivement la France l'hiver dernier ? La réponse à cette question vient d’être donnée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), qui vient de publier une synthèse de la crise. Ce rapport fait suite à une demande de la Direction générale de l’Alimentation (DGAL), qui est en train de centraliser les retours d’expérience de toutes les parties prenantes. L’objectif étant de pouvoir identifier les actions prioritaires à mettre en place pour lutter contre la maladie l’hiver prochain, dont le retour s’avère hautement probable sur le territoire européen, et français.

Une dynamique infectieuse hautement délétère

Que dit le rapport ? Il pose déjà plusieurs constats. En premier lieu, il apparaît que la dynamique infectieuse, tant au niveau individuel que collectif, a fortement limité l’efficacité de nos systèmes de lutte contre l’installation d’une crise de grande ampleur. Au niveau individuel, il y a une excrétion pré-clinique des virus par les palmipèdes infectés d’au moins 5 jours ; de plus, les manifestations cliniques chez les galliformes peuvent être très frustres. Ces caractéristiques de l’infection virale ont mis à mal l’efficacité de nos dispositifs de surveillance. « Cela a conduit à gérer des élevages infectés sans le savoir, et à déplacer des animaux infectés », soulignent les experts. Au niveau collectif, cette épizootie a été caractérisée par une pression environnementale majeure. En témoigne les analyses phylogénétiques et enquêtes épidémiologiques qui ont montré qu’il y avait eu de multiples introductions, avec « la majeure partie des introductions initiales en élevages liée à la faune sauvage infectée ». Cette pression environnementale s'auto-alimente par la crise. En effet, la multiplication des foyers participe à son tour à la contamination locale de l’environnement ; et dans un tel contexte explosif, « le relais par l’avifaune locale ne peut être exclu, au moins en tant que vecteur mécanique ».

Des marges de progrès en biosécurité

Le rapport souligne aussi les marges de progrès en biosécurité. « En dépit des efforts accomplis par les éleveurs (mise à l’abri des oiseaux notamment), des failles dans l’application des mesures de biosécurité quotidiennes et systématiques ont pu être constatées : passage quotidien du personnel d’un bâtiment à l’autre sans changement de tenue et bottes, entrée quotidienne de la pailleuse sans mesure de biosécurité dans les bâtiments ou sortie des animaux sur un parcours réduit lors du repaillage quotidien. Des questions se posent (et continuent d’être investiguées) sur certaines tournées d’équarrissage et de livraisons d’aliment », résument les experts. Dans un contexte de forte pression environnementale, une faille dans la biosécurité s’avère fatale. Les experts soulignent ainsi que ce contexte ne laisse « aucune marge de manœuvre dans l’observance stricte des mesures de biosécurité qui doivent être quotidienne et systématique dans tous les élevages ».

Revoir la structuration et l’organisation des filières

Malheureusement, la biosécurité, aussi essentielle soit-elle, ne suffit pas. D’autres facteurs de risque sont à travailler en même temps, pour lutter contre l’IAHP : la structuration et l’organisation des filières d’élevage. Comme indiquent bien les experts en analysant la crise dans le sud-ouest, « la survenue d’une infection avec un virus IAHP hautement contagieux, dans une zone extrêmement dense d’élevages comportant de nombreuses unités d’élevage de canards, espèce très réceptive aux virus IAHP et très excrétrice, conduit à ce que la biosécurité ordinaire en élevage ne suffise pas à maîtriser la diffusion de l’infection. Il semble toujours nécessaire de réduire drastiquement les densités d’élevages et le nombre de canards par élevage en période à risque, ainsi que les mouvements d’animaux et les distances de transport, en veillant à préserver les zones indemnes. »

D’autres considérations rentrent aussi en ligne de compte. Il y a notamment le fait qu’une diffusion par la voie aéroportée est possible, même si elle n’apparaît pas prépondérante pour les experts. Mais surtout, une fois que la crise est enclenchée, on se retrouve dans une boucle infernale avec le débordement des capacités d’euthanasie et d’élimination des cadavres qui va participer au maintien du virus du fait de la présence d’animaux excréteurs. Les experts estiment qu’il s’agit d’un « facteur de risque majeur de la diffusion de l’infection ».

« La plupart de ces facteurs ont contribué à l’amplification exponentielle de la pression virale dans l’environnement des élevages, tous les vecteurs mécaniques biotiques et abiotiques, contribuant alors à la propagation de l’infection », indiquent les experts.

Plusieurs recommandations à court et plus long terme

Face à ces constats, quelles recommandations ? Elles sont évidemment nombreuses, avec des mesures qui seraient d’application immédiate et d’autres pouvant s’envisager sur du plus long terme. Pour l’hiver prochain, les experts recommandent de revoir les modalités de surveillance pour améliorer les détections précoces ; recenser les élevages à la biosécurité défaillante pour proposer aux éleveurs rapidement des formations ; limiter la circulation entre élevages et identifier les intervenants essentiels en période de crise sanitaire ; réduire drastiquement le nombre de lots de canards sur les zones de fortes densités d’élevages aviaires en période à risque ; identifier les stations de lavage et nettoyage-désinfection ; identifier des moyens alternatifs à l’équarrissage et envisager des plateformes de dépeuplement réparties dans les zones de forte densité. Cette dernière mesure est plus qu’importante, la dernière crise ayant malheureusement abouti à des situations de maltraitance animale et d’éleveurs, du fait de capacités de dépeuplement et équarrissage dépassées.

A plus long terme, sans surprise, les experts évoquent notamment la question de la vaccination. Des essais sont en cours, pour trouver une solution vaccinale efficace pour les palmipèdes. Ce vaccin ne sera pas disponible l’hiver prochain. De plus, il n’est qu’une mesure complémentaire de lutte contre la maladie, et ne dispense absolument pas du reste, en particulier de la biosécurité et mise à l’abri. L’objectif du vaccin est de pouvoir réduire la diffusion, ce qui facilitera la gestion de crise.

Un enjeu de santé publique

Ce retour d’expériences, comme les autres, est d’importance pour la durabilité des filières avicoles, étant donné que le risque IAHP est parti pour durer. Mais les enjeux de santé animale, économiques, sociaux et de souveraineté alimentaire, ne doivent pas masquer un autre, qui est de taille : l’enjeu zoonotique. Comme le rappellent les experts, cette année aura été marquée par un nombre élevé de franchissement de la barrière d’espèce des oiseaux aux mammifères au niveau international. « Ces évènements sont d’autant plus fréquents que les foyers IAHP se multiplient, occasionnant une multiplication des occasions de mutations et réassortiments, ainsi qu’une multiplication des occasions d’exposition des humains, ou d’autres espèces réceptives comme le porc (d’autant plus si elles se manifestent dans des zones à forte production animale) », est-il souligné. Les experts appellent ainsi à la plus grande vigilance « quant au risque zoonotique potentiel que ces virus représentent » ce qui « justifie la nécessité d’une surveillance renforcée à l’interface homme-animal dans le cadre de la gestion de ces épizooties. »

Il est tout de même possible de finir sur une note positive : en effet, le rapport indique bien qu’il y a des situations où la situation a pu être maîtrisée sans provoquer d’épizootie, dans des territoires du Nord, du Gers, des Landes et de Bretagne. « Ce constat est important : il montre que dans certaines situations, les risques de diffusion ont pu être maîtrisés, à la fois au niveau des élevages, des différents intervenants dans ces élevages, des opérations d’euthanasie et d’élimination des oiseaux et des opérations de nettoyage et de désinfection », soulignent les experts. Autant d’exemples auxquels il faudra se raccrocher pour avancer et affronter les prochaines crises.

Tanit Halfon

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