L’Anses publie son avis sur l’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des monogastriques - Le Point Vétérinaire.fr

L’Anses publie son avis sur l’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des monogastriques

Tanit Halfon | 03.08.2021 à 10:00:00 |
© iStock-Stramyk

Comme en 2011, les experts soulignent que la gestion idéale du risque encéphalopathies passe par une spécialisation par espèces des sites et circuits de production relatifs aux PAT. Mais « dans les faits, en France, certains abattoirs et usines de production d’aliments concernent plusieurs espèces animales », et « il est peu probable que tous les abattoirs et les fabricants d’aliments composés spécialisent  à terme leurs outils ».

L’Europe se dirige lentement mais sûrement vers un nouvel assouplissement des dispositions relatives à l’interdiction des farines animales dans l’alimentation des animaux, non ruminants, destinés à la consommation humaine (règlement dit « feed ban » pour contrôler le risque des encéphalopathies spongiformes transmissibles, ou EST, chez les animaux de rente destinés à la consommation humaine.). Un premier allègement des mesures avait été fait avec l’autorisation en 2013 des protéines animales transformées (PAT - issues de matières organiques de catégorie 3) de porcs et volailles en aquaculture. Puis, en 2017, toujours dans le secteur de l’aquaculture, les PAT d’insectes avaient été autorisés. Par ailleurs, les PAT issues de toutes les espèces animales peuvent être utilisées en petfood, et pour les animaux à fourrure.

Aujourd’hui, la Commission européenne envisage d’autoriser les PAT de porcs dans l’alimentation des volailles, et vice-versa. Les PAT d’insectes seraient aussi autorisées pour nourrir les monogastriques. Le principe de « non-cannibalisme » (recyclage intraspécifique), lui, n’est bien-entendu, pas remis en question.

Dans ce cadre, le ministère de l’Agriculture avait saisi en 2020 l’Anses pour évaluer le risque relatif à un assouplissement de la réglementation. L’Agence sanitaire vient de publier son avis.

Pas de barrière absolue à la transmission interspécifique

Selon l’Anses, on ne peut restreindre le danger EST aux seuls ruminants. « Il n’y a pas de barrière absolue à la transmission interspécifique des prions » : pour les porcs, il a été montré une susceptibilité expérimentale aux agents des EST, ce qui peut, de plus, suggérer la possibilité de formes sporadiques/spontanées. Même s’il n’a jamais été rapporté de maladie neurologique compatible avec une EST chez le porc, l’absence de système de surveillance dédié des EST chez les non ruminants, peut limiter leur détection.

Pour les volailles, seule une étude sur le poulet a montré qu’il n’était pas sensible à l’agent de l’ESB classique, mais on ne peut pas conclure pour les autres espèces de volailles et les autres formes d’EST. 

De fait, face à un assouplissement des mesures de « feed ban », et même si cela ne concerne pas l’alimentation des ruminants, une analyse de risque sanitaire prend tout son sens.

Le risque principal est la contamination croisée

En 2011, déjà saisi sur la question, l’Anses avait indiqué  que « les garanties nécessaires à la prévention de risques associés à l’utilisation des PAT dans l’alimentation des porcs et des volailles n’étaient pas toutes réunies. Seule la combinaison du respect strict de la spécialisation de ces deux filières par espèces (depuis la collecte des matières servant à la fabrication des PAT jusqu’à leur utilisation par l’animal) et d’une méthode de contrôle de l’espèce d’origine des PAT pourrait apporter ces garanties ».

Cette spécialisation vise à limiter le risque de contamination croisée entre sous-produits animaux que ce soit au niveau de l’abattoir, de l’usine de fabrication des PAT, de l’usine de fabrication des aliments, ou lors des transports. Cette contamination croisée est le risque principal de transmission d’une EST.

En 2021, la conclusion de l’Anses n’est pas sensiblement différente. Si cette fois-ci, l’Agence ne dit pas que les garanties ne sont pas réunies, elle ne dit pas non plus clairement l’inverse.

Pour l’aspect spécialisation, l’avis dit la même chose : « une séparation effective des sites et des circuits de productions (par espèces), de l’abattoir jusqu’à la livraison en élevage, associée à des moyens de contrôle et de traçabilité, permettraient de limiter d’éventuels phénomènes d’amplification des EST étudiés dans cette évaluation. »

Ce sont les abattoirs mixtes, en premier lieu volailles/ruminants, qui présentent les niveaux de gravité les plus élevés. En effet, dans des abattoirs multi-espèces, des matières réputées contagieuses (MRS) de ruminants (ou des tissus infectieux non prévus dans la liste des MRS) pourraient être inclus accidentellement dans des matières C3 de volailles. Ces matières C3 de volailles sont transformées en PAT selon une méthode de traitement sans effet sur la diminution de l’infectiosité des agents d’EST de ruminant. Par la suite, dans une usine de fabrication d’aliments non spécialisée, on ne peut exclure les transferts inter-lots (ou contaminations croisées) accidentels de PAT de volailles, dans des aliments pour ruminants ou pour volailles (au lieu de rester dans le circuit de fabrication d’aliment pour porcs). Ceci pourrait donc conduire à une exposition des volailles à une EST. Mais aussi un risque d’amplification d’EST pour les ruminants !

Une spécialisation peu probable sauf pour les usines de fabrication des PAT

Problème : « la proportion d’établissements ou de moyens (transports) spécialisés par espèce n’aurait pas ou peu évolué depuis la précédente saisine. En effet, aucun changement réglementaire pour l’utilisation des PAT en alimentation animale n’a pu inciter les industriels à le faire. » Il apparaît « peu probable que tous les abattoirs d’une part et les fabricants d’aliments composés d’autre part, spécialisent à terme leurs outils de leur propre initiative, pour permettre la séparation des circuits tout au long de la chaîne de fabrication et d’utilisation des PAT », éventuellement les industriels pourraient envisager une séparation des usines ruminants/monogastriques.

Le maillon de fabrication des PAT, par contre, serait « le plus susceptible de spécialiser ses outils et ses transports en amont et en aval ». Mais d’après l’analyse de risque, cela ne suffirait pas car un scénario avec des usines de PAT spécialisées, associées à des abattoirs et usines d’aliments non spécialisés, correspond à la situation la plus à risque pour la transmission d’EST.

Malgré ces constats mitigés, l’aspect méthode d’analyse est lui, beaucoup plus positif, malgré quelques améliorations encore à prévoir : « les méthodes PCR sont validées, implémentées et utilisables en routine pour l’identification de PAT de porc, au moins pour un laboratoire au niveau national. La méthode volaille est validée et implémentée, mais une difficulté technique doit être résolue concernant la stabilité des réactifs permettant de définir le seuil de détection. »

La séparation par espèces des sites et circuits de production, sera théoriquement demandée par le nouveau règlement européen. Mais des dérogations seraient possibles sous la responsabilité des Etats membres. La question est donc maintenant de savoir si le gestionnaire de risque français décidera d’assumer des dérogations, et quelles mesures seront mises en œuvre pour contrôle le risque de transmission d’EST.

Tanit Halfon
Réagir à cette actualité
Cet espace a vocation à débattre et partager vos avis sur nos contenus. En réagissant à cette actualité, vous vous engagez à respecter les conditions générales d’utilisation de Le Point Vétérinaire.fr. Tout commentaire calomnieux ou injurieux sera supprimé par la rédaction.
Retrouvez toute l’actualité vétérinaire
dans notre application