L’Académie Vétérinaire de France prône des réformes structurelles pour la politique « Une seule santé » - Le Point Vétérinaire.fr

L’Académie Vétérinaire de France prône des réformes structurelles pour la politique « Une seule santé »

Source : AVF

| 02.12.2021 à 15:58:00 |
© Aja Koska/Istock

Une note vient d’être adressée par le Président de l’Académie Vétérinaire de France, notre confrère Jean-Pierre Jégou, à Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, en réponse à son courrier de soutien à un décloisonnement entre santé humaine et santé animale propice à une démarche « une seule santé », et à des mesures visant à développer l’interdisciplinarité entre les filières de santé vétérinaire et humaine en matière de formation et de recherche.

Cette note a pour objet de présenter deux réformes qui sont des préalables indispensables à la mise en place des actions « Une seule santé » en France :

- l’entrée des Docteurs vétérinaires dans le Code de Santé Publique ;

- les rapprochements des cursus de formation en médecine humaine et animale.

En effet, les vétérinaires assurent depuis des décennies des missions en lien avec la santé humaine, encore peu connues du grand public, pour lequel ils demeurent cantonnés à leur rôle de médecins des animaux. Or, en sus de ces activités liées à la santé et au bien-être des animaux, ils contribuent à la protection de la santé humaine en assurant la surveillance des maladies animales transmissibles, le contrôle de la sécurité sanitaire des aliments de la ferme à l’assiette et la protection de l’environnement et des populations par l’inspection des installations classées (élevages, industries agroalimentaires). Leur rôle dans la recherche médicale est toujours une réalité depuis l’épopée pasteurienne.

Tout récemment, la pandémie Covid-19 en France, a révélé des défaillances graves dans la coordination entre médecines humaine et animale. C'est ainsi que la profession vétérinaire a décidé spontanément de fournir des matériels sanitaires aux services médicaux dès le début de l’épidémie.

Elle a proposé encore d'apporter une aide technique aux laboratoires humains en matière de diagnostic par PCR, méthode dont les vétérinaires avaient acquis la maîtrise dans leurs activités de diagnostic de maladies animales. Elle a encore proposé de faire partie de la réserve sanitaire et de procéder à des vaccinations. A chaque fois, il leur a fallu convaincre les échelons administratifs qu’ils avaient toute compétence pour conduire ces actions et ainsi pouvoir participer à la lutte.

Au-delà de la méconnaissance sur les compétences, le cloisonnement entre professionnels de santé et vétérinaires résulte de causes réglementaires, structurelles et culturelles qui conduisent à des incohérences. Il est indispensable de remédier à ces handicaps pour que la démarche « Une seule santé » puisse réellement s’engager et devenir transformante en France et ne pas simplement relever d’une démarche d’opportunité, voire dans certains cas d’éléments de langage sans traduction durable.

Le premier handicap est législatif puisque les vétérinaires sont anormalement exclus des professions de santé listées par le Code de Santé publique. Cette anomalie a d’ailleurs soulevé des difficultés lorsqu’a été évoquée la possibilité de vaccinations contre le Sars-Cov2 par les vétérinaires.

Plus fondamentalement, l’ensemble des missions de protection de l’homme par les vétérinaires est méconnu par le Code de Santé Publique, ce qui ne permet pas un continuum entre médecine humaine et vétérinaire.

Le second handicap réside dans la séparation complète des cursus de formation des médecins et des vétérinaires, alors que de nombreuses disciplines sont communes, que le raisonnement clinique en est à la base et que des complémentarités professionnelles sont évidentes dans plusieurs domaines.

Ainsi, il n’existe aucune passerelle entre les premières années de médecine et le concours vétérinaire, comme l’a préconisé un Avis de l’AVF. Le nouveau cursus médical n’a pas remédié à la situation, tandis que la réforme du cursus vétérinaire contribue à isoler encore plus leur formation au sein de la tutelle du ministère chargé de l’agriculture.

Une fois recrutés dans les ENV et dans les facultés de médecine, l’acquisition d’une culture « une seule santé » gagnerait à s’appuyer sur des séquences pédagogiques communes, actuellement complètement séparées au long des cursus initiaux et des formations de troisième cycle. Quelques très rares séquences communes existent, mais elles émanent d’initiatives locales et personnelles entre Directeur d’Ecole et Président d’Université convaincus de l’apport de telles passerelles.

Il faut également rappeler qu’en 2010 l’accès à la formation spécialisée en analyses biologiques médicales, le DES/BM, a été fermé aux vétérinaires. Cette exclusion a été faite au détriment de la synergie que créait cette formation commune notamment dans le domaine prioritaire de la connaissance des zoonoses.

Les spécificités administratives ne peuvent pas dicter une politique qui vient d’être confortée par toutes les instances internationales : OIE, OMS, FAO, PNUE, à l’initiative de la France et grâce à sa son action résolue. C’est la raison pour laquelle il paraît urgent de corriger ces failles administratives :

1) par une révision du Code de Santé Publique qui y ferait entrer les Docteurs vétérinaires et qui rouvrirait l'accès des vétérinaires au DES/BM ;

2) de façon plus large par l’instauration de séquences de formations communes aux médecins et aux vétérinaires tout au long des cursus initiaux , en formation complémentaire et même en formation continue. Dans l’idéal, ces interactions pendant la formation des futurs professionnels de santé devraient être facilitées par une extension de la tutelle à laquelle sont soumises les ENV, au Ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche et de l’innovation (MESRI), de la même façon que l'enseignement médical est placé sous une double tutelle associant le MESRI au Ministère des solidarités et de la Santé.

Cette cotutelle facilitera par ailleurs l’accès des vétérinaires diplômés aux écoles doctorales.

Ces réformes sont un préalable indispensable à la France pour devenir moteur dans le développement de la politique intégrée « Une seule santé » dont le Covid-19 a révélé le caractère nécessaire et urgent.

Source : AVF

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