Croquettes Purina soi-disant tueuses de chat, le feuilleton de l’été - Le Point Vétérinaire.fr

Croquettes Purina soi-disant tueuses de chat, le feuilleton de l’été

Charlotte Devaux

| 15.07.2022 à 15:01:00 |
© Byron Obed Sagastume Bran-iStock

Au nom du principe de précaution, la marque Purina a rappelé en France des lots de croquettes, car contenant un marqueur identique à celui utilisé pour détecter la présence d’oxyde d’éthylène. Pourtant le risque d’avoir le moindre effet délétère est très peu probable.

Depuis le 12 juillet, un emballement médiatique digne d’un feu de forêt relaie le témoignage d’une présidente d’association de protection animale de la Somme persuadée que des sacs de croquettes Purina One tuent ses chatons. Avec toute la mesure des titres de presse grand public, Le Parisien ou Le Figaro parlent déjà de décès et d’infections en série... Le point sur la situation.

"La présence de 2-CE n’a ici aucun lien avec un quelconque usage d’oxyde d’éthylène"

Le fournisseur de gluten de la marque Purina a augmenté sa dose de monochloramine, additif autorisé par l’Anses. Or, par la magie des réactions chimiques, cette monochloramine se transforme en 2-CE au cours du process de fabrication du gluten sans que l’on sache comment. Cependant, ce 2-CE est utilisé comme marqueur de l’utilisation d’un pesticide interdit, l’oxyde d’éthylène, et sa dose dépasse la limite autorisée dans le gluten fourni. Premier point surprenant relevée par Aurélie Bynens, déléguée générale de la Facco : « on applique ici un règlement pesticide pour un composé qui s’est formé au cours du process, la présence de 2-CE n’a ici aucun lien avec un quelconque usage d’oxyde d’éthylène, pesticide interdit dans l’Union européenne depuis les années 1990 ».

Une application très française du principe de précaution

Quoiqu’il en soit, le 2-CE dispose d’une limite maximale de résidu (LMR) qu’il faut respecter. Purina est donc sommé d’analyser ses deux dernières années de production. Le groupe s’exécute et découvre que dans une dizaine de lot (représentant 100 000 unités), la dose est dépassée. Deuxième particularité de cette affaire : la dose détectée est tellement faible qu’elle se trouve dans les zones d’incertitudes analytiques. « La France est le seul Etat membre à ne pas prendre en compte les incertitudes analytiques dans le cadre d'autocontrôles réalisés par des professionnels. En France, un produit fini testé dont la somme de 2-CE et d'oxyde d'éthylène est à 0,03 ppm sera retiré ou rappelé alors que dans un autre Etat membre, les incertitudes analytiques seront prises en compte et le produit sera très certainement libéré », commente Aurélie Bynens. Cette particularité avait déjà donné lieu à des glaces Häagen Dazs rappelées uniquement en France mais commercialisées dans tous les autres pays européens.

Une limite maximale de résidu par défaut, loin du seuil toxique

Si ces produits auraient été libérés dans n’importe quel autre pays européen au nom de l’incertitude analytique, ils l’auraient aussi été outre-Atlantique où, contrairement à l’Europe, la toxicité du 2-CE a été réellement étudiée. Si, en Europe, la limite est de 0,05ppm par défaut en partant du principe qu’on ne sait pas, au Canada où ils ont cherché à savoir, la dose maximale de résidu qu’ils ont défini comme acceptable pour le 2-CE d’après les études est de 940ppm, soit une dose 18 000 fois plus élevée… Il paraît donc très peu probable que la dose infinitésimale retrouvée dans les produits Purina rappelés ait pu avoir des effets délétères.

Un composé mutagène à dose homéopathique qui foudroierait des chatons

Les croquettes rappelées contiennent donc effectivement du 2-CE, mais à dose quasiment homéopathique. Ce 2-CE serait suspecté d’être mutagène. Le risque serait donc qu’un animal les consommant produise des petits porteurs de mutation génétique. Or, la presse ne parle pas de chatons nés avec 6 pattes suite à la consommation du produit par leur mère, mais de morts brutales de chaton d’association après des diarrhées et vomissements. Plus étonnant encore, ces 100 000 unités concernées commercialisées entre novembre 2021 et avril 2022 n’auraient tuées aucun chaton durant leur période de commercialisation, attendant patiemment leur heure quelques jours après leur rappel pour s’attaquer précisément aux chatons de la Somme.

Corrélation ne signifie pas causalité

Si un chaton décédé consommait effectivement un lot rappelé, pour l’instant le lien n’a pu être fait pour aucun autre animal. Un animal malade pour 100 000 paquets de croquettes rappelés, tout de suite, ça génère moins de clic. Purina a proposé de faire l’autopsie du chaton en question, l’association n’a pas encore accepté. Il faudrait pourtant savoir de quoi meurent ces chatons qui font les gros titres, une cause virale ou parasitaire semblerait être à envisager en priorité.

Charlotte Devaux

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