Covid-19 : les chiens aideront-ils au dépistage ? - Le Point Vétérinaire.fr

Covid-19 : les chiens aideront-ils au dépistage ?

Tanit Halfon | 06.05.2020 à 08:37:45 |
chien
© iStock-yanjf

Initié par Dominique Grandjean, professeur à l’école nationale vétérinaire d’Alfort, un projet vise à évaluer si les capacités olfactives des chiens pourraient être utilisées pour détecter précocement des personnes touchées par le Sras-CoV-2.

Les chiens peuvent-ils, grâce à leur odorat, différencier les malades du Covid-19 des personnes saines ? C’est la question à laquelle veut répondre Dominique Grandjean, professeur à l’école nationale vétérinaire d’Alfort, et vétérinaire colonel chez les sapeurs-pompiers de Paris. Pour ce faire, ont été lancés en France il y a quelques jours deux essais, un en Ile-de-France et un en Corse, avec une dizaine de chiens de sapeurs-pompiers entrainés notamment pour rechercher des personnes ensevelis sous des décombres, mais aussi de chiens d’une société privée, spécialisés quant à eux dans la détection d’engins explosifs dans les containers. Cette initiative s’exporte aussi à l’étranger et des équipes de recherche d’Argentine, de Belgique, du Brésil, du Canada, des Emirats, du Maroc ou encore de Suisse, ont contacté Dominique Grandjean pour lancer à leur tour leurs propres expérimentations. Tout comme au Liban qui collaborait déjà avec l’ENVA depuis environ 1 an ½ sur un projet d'utilisation de chiens pour détecter le cancer du côlon.

Plusieurs étapes à passer

Pour l’instant, il s’agit déjà de confirmer que le chien est capable, après entrainement, de reconnaître des prélèvements issus de malades. Ces prélèvements correspondent à des compresses frottées dans la zone axillaire de malades, et fournies par plusieurs hôpitaux associés au projet. Les personnes inclus dans l'étude sont en début de symptomatologie et ont présenté un test PCR positif. Pour cette étape, Dominique Grandjean est confiant et il estime probable que plusieurs chiens passeront avec succès cette première phase des essais. Si c’est le cas, une 2ième étape consistera, dès le début de semaine prochaine, à déterminer la sensibilité et la spécificité de la méthode. Avant, pour finir, de passer à une dernière phase sur le terrain, en mettant les chiens en présence de personnes, malades ou saines. Comme l’explique Dominique Grandjean, à terme, l’idée sera d’utiliser ces chiens entrainés pour dépister précocement les malades, par exemple sur les lieux d’entrée sur le territoire français comme les aéroports ou les ports. Des mairies pourraient aussi vouloir disposer de tels chiens. Sans oublier que certains pays, aux moyens financiers limités, notamment pour s’équiper de matériels d’analyse, pourraient s’appuyer sur cette méthode de dépistage « facile à utiliser et pas chère ». « Un chien est capable de pister 200 à 300 personnes par jour, quand une PCR sort un jour un résultat négatif…qui pourrait se positiver le lendemain ! Sans compter qu’il faut aussi en passer par la réalisation de l’acte d’écouvillonnage, un examen pas très agréable », expose Dominique Grandjean.

Une odeur spécifique aux malades

Ce projet se base sur l’existence d’une signature olfactive spécifique aux malades du Covid-19. Cette hypothèse est avancée dans le cas des processus tumoraux, en témoigne les nombreux essais en cours de chien « renifleurs » de cancers, mais en réalité, on ne sait pas encore grand chose sur la nature des composés organiques volatils que détecteraient les canidés. Pour Dominique Grandjean, ce n’est certainement pas un frein pour ce projet. « Connaître les marqueurs chimiques spécifiques de la maladie ne change pas la donne du point de vue opérationnel. La seule question qui nous intéresse est de savoir si le principe fonctionne, souligne-t-il. Ceci étant dit, outre les essais avec les chiens, nous avons également doubler les prélèvements, afin d’en envoyer à des laboratoires d’analyse qui iront plus loin dans la caractérisation des composés organiques. Mais cet aspect est un objectif secondaire du projet ». Ce pragmatisme, qu’il associe à la profession vétérinaire, est assurément un plus pour lui. « Je rappelle qu’en médecine, nous utilisons des molécules sans en connaître les effets pharmacologiques. Il faut savoir rester humble ».

Une potentielle aide pour les prochaines crises

Pas de freins non plus côté coût. « Entre la main d’œuvre et l’appareillage, nous sommes très loin des coûts qu’implique la mise en œuvre des analyses PCR », affirme-t-il. Et niveau timing : les chiens seront-ils prêts à temps ? « Nous ne savons pas quand la crise se terminera, rappelle-t-il. Et quand bien même elle se termine avant la fin des essais, nous aurons au moins acquis une méthodologie pour la prochaine pandémie », soutient-il, tout en précisant qu’il serait aussi possible d’imaginer, pourquoi pas, une application pour la détection des maladies infectieuses des animaux de rente. Il ajoute : « on ne perd pas notre temps. Notre objectif est de montrer que le chien est utile à la société. N’oublions pas, par exemple, qu’il y a quelques années, l’idée d’utiliser les chiens pour détecter des explosifs, ou encore la drogue, faisait sourire. Il faut se donner du temps. Pour notre part, on y croit et on est motivé ».

 

 

Tanit Halfon
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