Covid-19 : les bonnes pratiques d’usage du masque en tissu - Le Point Vétérinaire.fr

Covid-19 : les bonnes pratiques d’usage du masque en tissu

Tanit Halfon | 30.04.2020 à 16:28:39 |
masque tissu
© iStock-kmatija

Pour limiter le risque de transmission du Covid-19, le masque en tissu constitue une bonne alternative au masque chirurgical. A condition de bien l’utiliser et de l’associer aux autres gestes barrières. Mais aussi de s'assurer d'une confection adéquate.

A l’approche du 11 mai 2020, et avec la reprise progressive des déplacements, la question de la protection individuelle est plus que prégnante. Ce n’est pas une surprise : outre les gestes barrières habituels (distanciation physique, lavage des mains, etc.), le masque est désormais conseillé par l’exécutif. « Aujourd’hui, les scientifiques nous disent qu’il est préférable de porter un masque », a indiqué le premier ministre Edouard Philippe, dans son discours du mardi 28 avril à l’Assemblée nationale. Il a aussi ajouté : « j’invite les entreprises à équiper leurs salariés, c’est une condition de la reprise ».

Face aux ruptures de stocks des masques chirurgicaux, le vétérinaire peut s’équiper de masques en tissu. Que ce soit pour un usage professionnel au sein de son établissement, ou tout simplement pour se déplacer faire ses courses, il convient de bien connaître les bonnes pratiques de fabrication et d’utilisation. Explications en questions/réponses.

> Quelle est la protection conférée par un masque en tissu ?

En matière de virus respiratoire, il convient de distinguer la transmission par « gouttelettes », qui sont des projections biologiques de gros calibre supérieur à 5 microns (les postillons...), de la transmission aérienne ou par aérosols, qui correspond à des particules de moins de 5 microns (poussière portant le virus, sécrétions bronchiques émises lors de la toux restant en suspension dans l’air). Dans le premier cas, la contamination se fera après un contact avec les muqueuses ORL et/ou oculaires. Dans le deuxième cas, la contamination se fait par inhalation.

Le masque en tissu, comme le masque chirurgical, concerne la protection contre les gouttelettes (1). L’un comme l’autre vise d’abord à réduire/filtrer le nombre de gouttelettes émises par celui qui le porte. Il confère aussi une relative protection physique de celui qui le porte, vis-à-vis de gouttelettes qui seraient émises par un interlocuteur en face de lui (« écran de protection »). Enfin, il permet de protéger la zone bouche-nez contre tout contact avec les mains qui seraient contaminées avec des gouttelettes.

De fait, on comprend aisément que le risque de transmission du virus sera d’autant réduit que tout le monde porte un masque. L’Académie vétérinaire de France l’avait d’ailleurs indiqué dans son avis du 19 avril : « le port du masque grand public représente une mesure de protection collective qui, s’il est adopté par tous, devient une mesure de protection individuelle ».

> Quelle est l’efficacité des masques en tissu ?

Cela dépend de plusieurs paramètres. D’abord, de sa capacité de filtration des particules émises par celui qui le porte (2). Le masque doit aussi être bien ajusté : il doit couvrir le nez, la bouche et le menton, afin d’assurer une bonne étanchéité. De plus, l’efficacité est maximale si le masque est en contact direct avec la peau nue. En clair, le port de la barbe n’est pas conseillé. La respirabilité du masque entre également en jeu : un masque trop « étouffant » risque d’être retiré rapidement par son utilisateur. Enfin, et bien-entendu, le masque est un geste barrière complémentaire des autres. Aussi, pour limiter le risque de transmission du virus, il faut l’associer aux gestes d’hygiène habituels, tels que la distanciation physique ou encore le lavage des mains.

Ceci étant dit, la vraie question à se poser est : quel est le niveau minimal de filtration dois-je viser ? L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) l’a défini pour nous. Dans un avis du 24 mars, elle a estimé que l’efficacité de filtration des masques grand public ne devait pas être inférieure à 70%, en se basant sur des particules de 3 microns émises par la personne portant le masque (la taille des postillons est en moyenne de 5 microns). Pour les professionnels en contact avec le public, l’Agence conseille une performance de 90 à 95%.

Conséquence, une note interministérielle du 29 mars précise qu’il faut distinguer deux catégories de masques réservés à des usages non sanitaires :

- la catégorie 1 pour les professionnels qui sont en contact régulier avec le public ;

- la catégorie 2, pour les personnes dans le milieu professionnel ayant des contacts occasionnels avec d’autres personnes.

Suivant la catégorie, l’efficacité de filtration des particules émises par la personne portant le masque n’est pas la même : > 90% pour la catégorie 1, et > 70% pour la catégorie 2. La perméabilité à l’air, c’est à dire la respirabilité, reste identique et est supérieure à 96 L.m-2.s-1 pour une dépression de 100 Pa. Cette respirabilité permet un port du masque pendant 4 heures.

Pour les vétérinaires, il faut un masque de catégorie 1.

> Comment fabriquer un masque en tissu ?

L’Afnor a publié un guide (3), associé à une FAQ, présentant des modèles de masque (y compris junior), avec des matériaux répondant aux exigences de filtration, de résistance respiratoire et perméabilité à l’air. Ces masques sont sans couture sagittale le long du nez, de la bouche et du menton, du fait du risque de fuite par la couture, et permettent un ajustement sur le visage avec une couverture du nez et du menton. Pour faciliter la compréhension, l’Afnor a listé quelques liens de tutoriels écrits ou vidéos.

Néanmoins, le problème est qu’une fabrication artisanale est difficilement compatible avec des exigences de tests après fabrication, pour s'assurer du niveau effectif de filtration avant et après lavage. De fait, il faut bien s’en tenir à la liste des matières recommandées.

A noter que l’Afnor indique de ne pas utiliser de matériau filtrant comme les sacs d’aspirateurs ou les filtres à café, car ces matières pourraient libérer dans l'air inhalé des substances irritantes pouvant causer allergie et/ou toxicité. De plus, ces filtres ne montrent pas de bons résultats pour la respirabilité.

> Comment utiliser le masque de façon optimale ?

Là encore, le guide de l’Afnor, ainsi que sa FAQ, explique la marche à suivre.

Il faut se laver les mains avant de mettre le masque, avant de le retirer, mais aussi si on le touche malencontreusement. Ne pas oublier non plus de bien s’assurer, avant de le mettre, de l’absence de toute dégradations (déchirures, etc.).

Le masque ne peut être porté qu’au maximum 4 heures. Sachant qu’un masque humide est à retirer immédiatement.

Pour l’entretien, il faudra se conformer aux préconisations du fabricant sachant que ce dernier doit respecter les normes minimales définies par l’ANSM, qui sont un lavage à la machine avec au minimum un plateau de 30 minutes à 60°C, un séchage mécanique, et un repassage à une température de 120/130°C.

Le guide de l’Afnor précise aussi qu’il est tout à fait possible de laver le masque avec des serviettes ou draps. Il faut, de plus, toujours vérifier, après le cycle de lavage, l’absence de dégradation. En théorie, le lavage à la machine est apparue comme la seule modalité de lavage qui réunie les 3 conditions pour éliminer le virus du textile : l’action mécanique, l’action thermique et l’action chimique. Néanmoins, selon l'Afnor, cette question fait encore débat et des échanges sont en cours entre experts.

Pour le séchage, l'Afnor indique qu'il doit être complet au maximum 2 heures après le lavage, soit au sèche-linge, soit à l’air libre, avant un repassage à la vapeur à une température n’abimant pas le tissu.

A noter : l’Afnor ne recommande pas de passer le masque au four à micro-onde ou au sèche-cheveux au risque de dégrader le textile.

> Comment s’assurer de la fiabilité des masques en tissu mis sur le marché ?

Les entreprises qui commercialisent des masques grand public doivent répondre à un certain nombre d’obligations, comme l’indique la Direction générale des entreprises (DGE), en premier lieu les tests de performance des masques. Ces tests sont sous la responsabilité de l’entreprise concernée. Ils doivent être conduits par un tiers compétent. Les tests à réaliser doivent répondre à une méthodologie spécifique, définie dans la note interministérielle du 29 mars. En clair : pour l’instant, en l’absence de résultats de contrôles officiels, il faut se fier aux seuls résultats indiqués par le fabricant. Malgré tout, la DGE précise dans une note à destination des entreprises qu’il est possible pour les fabricants d’utiliser des complexes déjà testés par la DGA (même fabricant, même référence) et présentant des propriétés répondant aux exigences de la note interministérielle précitée, sans avoir besoin de réaliser de nouveaux tests. 

Pour des masques en tissu proposés par des particuliers, le suivi des recommandations de l'Afnor, en particulier dans le choix des tissus, devrait donc garantir un minimum d'efficacité.

La DGE indique aussi que le fabricant doit adjoindre au masque une notice (4) présentant le mode d’utilisation et d’entretien du masque. Un logo spécifique au masque grand public doit aussi être apposé. Il s’agit d’un visage masqué sur fond bleu entouré d’un cercle rouge. Figurent aussi les deux phrases suivantes : « filtration garantie », et « testé X lavages ». A noter qu’il n’existe que 7 versions pour le lavage : testé usage unique, testé 5, 10, 20, 30, 40 et 50 lavages.

La DGE met à disposition sur son site une liste d’entreprises proposant à la vente des masques alternatifs. Cette liste indique notamment les résultats des tests de perméabilité à l’air et de filtration avant et après lavage.

Ceci étant dit, quelques précautions minimales peuvent, de fait, tout de même être prises avant d’acheter un masque :

- privilégier la liste de la DGE ;

- vérifier que les résultats des tests obligatoires sont conformes, avant et après lavage, en particulier que la capacité de filtration est supérieure à 90% (masque de catégorie 1) ;

- vérifier pour combien de cycles de lavages, les performances des masques sont démontrées. Le cycle de lavage devant correspondre aux recommandations de l'ANSM ;

- s’assurer de la présence du logo et de la notice d’utilisation.

> Est-ce une obligation de fournir des masques à ses salariés ?

La réponse est oui. Comme le rappelle Christian Diaz, président de l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE) et vétérinaire expert auprès de la Cour d’appel de Toulouse, « l’employeur est responsable de la sécurité de ses employés », et « les risques professionnels doivent être documentés sur le document -obligatoire- prévu à cet effet ». Concrètement, cela veut dire qu’il doit mettre en oeuvre toutes les mesures barrières qui sont préconisées par le gouvernement, même s’il convient que « ce n’est pas toujours possible dans nos activités de soignants où la distanciation de plus d’un mètre est souvent une utopie ». Pour le masque, malgré les « incohérences » du gouvernement ces dernières semaines, Christian Diaz indique que « les masques -au moins alternatifs-, les visières, et les séparations sont recommandées ». Il est également possible, selon lui, que l’employeur impose le port du masque aux propriétaires d’animaux lorsqu’ils entrent dans la clinique. Enfin, si du point de vue sécurité, tous les masques ne se valent pas, c’est également le cas du point de vue juridique. Il le souligne : « l’usage de matériel normé relève de l’obligation de sécurité due par l’employeur à ses employés ». Il le confirme : pour les vétérinaires, il faut un masque de catégorie 1 (filtration > 90%).

Dans son dernier communiqué, l’Ordre des vétérinaires recommande de la même manière le port du masque dans les structures vétérinaires, mais aussi au domicile des clients ou dans les lieux d’élevage. L’Ordre indique, de plus, qu’il doit répondre, « à minima, aux normes de qualité grand public » mais que « son niveau de protection doit être augmenté lorsque les exigences de distanciation d'un mètre entre deux personnes ne peuvent être garanties. »

Ceci étant dit, un bémol est cependant soulevé par Christian Diaz : « nous sommes dans une situation inédite, sans jurisprudence. Il n’est pas inutile de rappeler que seul le juge peut dire le droit et interpréter les textes ».

(1) Les masques FFP2 protègent, quant à eux, contre les gouttelettes et les aérosols contaminés.

(2) L’efficacité de filtration est toujours évaluée dans le sens de l’expiration, c’est à dire estimer le niveau de particules émises par celui qui le porte et stoppées par le masque.

(3) Les informations du guide publié par l’Afnor ont été mises à jour le 28 avril.

(4) Attention, sur la notice type de la DGE, il est indiqué, pour le séchage du masque, qu’un sèche-cheveux est possible. L’Afnor le déconseille formellement.

Tanit Halfon
2 commentaires
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jeb le 02-05-2020 à 19:39:29
Pour le lavage des masques en tissu, un lavage avec du savon chlorhexidine (chirurgical) apporte -t-il une solution convenable ?
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tca le 06-05-2020 à 15:09:47
Bonjour,
La seule modalité recommandée est le passage à la machine à 60°C pendant au moins 30 minutes, avec une lessive classique (cf avis de l'ANSM du 25 mars 2020, révisé le 21 avril), suivi d'un séchage et d'un repassage à la vapeur.
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