Covid-19. Anti-viraux : sans frontières entre les médecines ! - Le Point Vétérinaire.fr

Covid-19. Anti-viraux : sans frontières entre les médecines !

Anne-Claire Gagnon | 26.03.2020 à 09:36:22 |
One Health Medicine
© dima_sidelnikov - iStock

La prodrogue d’un antiviral qui a fait ses preuves dans le traitement de la PIF vient d’être autorisée dans le cadre du traitement du Covid-19 aux Etats-Unis.

Depuis le 20 mars, le remdésivir bénéficie d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) aux Etats-Unis dans le cadre des maladies orphelines, ce qui pour le Covid-19, dépasse largement cette définition. Le remdésivir (GS-5334) est une prodrogue de la substance active GS-441524, un analogue nucléosidique de l’adénosine qui perturbe l’ARN polymérase et qui n’est pas lu par l’exoribonucléase, diminuant ainsi la production d’ARN viral. En clair, ces deux molécules ont une action anti-virale spécifique, en bloquant la réplication de l’ARN viral à l’intérieur des cellules des patients infectés. Les deux molécules sont produites par le laboratoire Gilead Sciences et ont montré toutes les deux, in vitro, une efficacité contre le SARS-CoV2, mais aussi toujours in vitro pour le remdésivir, une efficacité contre d’autres virus de maladies émergentes et d’autres plus communs comme celui responsable de la bronchiolite du nourrisson, sans données cliniques.

Victoire thérapeutique contre la PIF

Le GS-441524 est utilisé depuis plus de 18 mois partout dans le monde pour traiter efficacement la péritonite infectieuse féline (PIF), à la suite de la publication dans le Journal of Feline Medicine and Surgery de l’étude menée par l’équipe de l’Université de Davis, dirigée par Niels Pedersen. A la fin de cette étude réalisée sur 31 chats, le traitement par voie sous-cutanée avec le GS-441524, pendant au moins 12 semaines, a permis la guérison de 24 chats. De nombreux propriétaires, éleveurs ou vétérinaires ont contacté cette équipe pour obtenir la précieuse molécule, mais les laboratoires Gilead Sciences ont refusé d’en fournir, ayant fait le choix de réserver cette molécule à l’usage médical humain, sous la forme de la prodrogue remdésivir. La Chine s’ouvrant aux chats et à leur élevage a de son côté découvert l’horreur de la PIF et, devant l’inflexibilité de Gilead Sciences, des copies du GS-441524 ont été produites en Chine, utilisées sur des milliers de chats un peu partout dans le monde, y compris en France. Une de ses copies, non autorisée en France, commercialisée par le laboratoire Mutian, circule pourtant largement, et a même fait l’objet d’une publication récente de notre consœur Diane Addie, montrant, chez les chats porteurs sains, l’arrêt  de l’excrétion du FCoV.

Santé publique : valorisons la recherche vétérinaire

Le Professeur Niels Pedersen souligne que, en dépit de son expérience et des publications sur le sujet, la profession médicale, chercheurs compris, était dans l’ignorance de cette utilisation du GS-441524 pour le traitement du coronavirus félin, et de ses liens avec le remdésivir. « Les vétérinaires ont une expérience considérable en matière de coronavirus, des maladies qu’ils causent et des vaccins qui sont développés pour les prévenir, chez les porcs, les bovins et les poules, une expérience qui est totalement sous-estimée par la communauté scientifique. » La communication entre les médecines semble rester un vœu pieux, même pour celles et ceux qui prêchent « Une seule santé, une seule médecine ». Des frontières mentales restent toujours à abolir !

 

Anne-Claire Gagnon
1 commentaire
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Val le 31-03-2020 à 11:13:48
Oui, malheureusement la publication par notre consoeur Diane Addie montre l'utilisation d'un anti viral qui devrait être utilisé comme traitement, utilisé comme prophylactique sur le coronavirus non pathogène félin. Cette utilisation est à peu près la même que l'utilisation d'antibiotiques sur des animaux sains en élevage...
Le GS 441524 devrait être utilisé sur des chats atteint de la PIF, c'est à dire de la forme mutée du virus. Contrairement à ce qui se passe maintenant en humaine avec le covid19, le virus de la PIF, une fois muté à l'intérieur du chat, n'a pas démontré de contagion à ma connaissance. Stopper l'excrétion d'un virus digestif pour lequel la grande majorité des chats est asymptomatique, en utilisant le seul traitement disponible prouvé contre la PIF est une erreur conceptuelle à mon sens et ne peut qu'amener des résistances futures à ce traitement.
N'oublions pas également que gilead n'a pas vraiment "réservé ce traitement à l'usage humain", parce qu'à l'époque où ça a été prouvé pour les chats il n'existait aucune utilisation de ce traitement pour les humains.
Le concept sans frontière entre les medécines est un beau concept, mais ce qui vient de se passer montre surtout que les animaux sont les grands perdants.
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