AFMVP : un premier colloque virtuel centré sur le bien-être animal - Le Point Vétérinaire.fr

AFMVP : un premier colloque virtuel centré sur le bien-être animal

Tanit Halfon | 08.12.2020 à 13:42:17 |
cochon
© iStock-Photographer. artist

Pour l’édition 2020 du congrès de l’Association française de médecine vétérinaire porcine, trois sessions de visioconférence sont prévues. La première s’est déroulée le jeudi 3 décembre dernier, avec pour thématique le bien-être animal.

Covid oblige, l’Association française de médecine vétérinaire porcine (AFMVP) a organisé son congrès annuel sous un format virtuel, à raison de trois sessions, deux en décembre et la dernière au mois de janvier. C’est le jeudi 3 décembre dernier que s’est tenu le premier rendez-vous en visio, avec pour thématique le bien-être animal (« dans le bien-être du cochon, tout est bon »).

Une demande sociétale

Pendant environ 2 heures, plusieurs conférenciers ont mis en lumière l’importance croissante du bien-être des animaux d’élevage pour les consommateurs, et notamment pour les plus jeunes d’entre eux. En témoigne les résultats de plusieurs sondages présentés lors de la session. Entre autres exemples, une enquête menée en 2014 par l’Ifip-Institut du porc auprès d’environ 1000 lycéens de terminal avait montré que le bien-être animal était la première préoccupation des jeunes pour l’élevage, devant les impacts environnementaux, et la production alimentaire. Dans un sondage d’opinion réalisé en 2016 auprès de 2000 citoyens représentatifs de la population française (projet CASDAR Accept), il était ressorti que 60% des français jugeaient prioritaire d’offrir aux animaux un accès en plein air, et 96% étaient favorables à l’étiquetage des produits selon le mode d’élevage. Dans un autre sondage (Ifop pour LIT OUESTEREL), à la question « si un label BEA était mis en place, quels seraient les trois éléments les plus importants à garantir », les trois priorités identifiées étaient l’accès à l’extérieur des animaux, l’interdiction de la contention individuelle (par des attaches, ou dans des cages) et la perception d’un prix équitable par l’éleveur (sur une liste de 13 propositions).

Une stratégie des labels

Face à cette nouvelle demande citoyenne, et aux pressions d’associations de défense animale, les filières s’organisent et proposent de nouveaux cahiers des charges, sans que cela ne soit forcément associé à des contraintes réglementaires européennes ou nationales. En France, il s’agit par exemple de la création en 2017 de l’étiquetage « bien-être animal », porté initialement par le distributeur Casino en collaboration avec des associations welfariste. Une démarche qui s’étend puisqu’aujourd’hui, ce sont 5 acteurs de la distribution, et 5 organisations de producteurs et transformateurs, qui en font partis. Cette démarche s’inscrit dans des stratégies plus globales puisque les distributeurs vont-ils jusqu’à rédiger des véritables « chartes de société ». Pour exemple, Carrefour qui a défini en 2019, une politique pour le bien-être animal avec 10 objectifs prioritaires. Pour le porc, plusieurs enjeux ont été identifiés par le distributeur : passer en maternité liberté, arrêter la castration à vif via notamment via l’immunocastration, et enfin progresser dans les connaissances des facteurs de risque de la caudophagie.

Ces labels, cahiers de charges, et chartes de société, permettent de gagner la confiance des consommateurs.

Une évolution des pratiques d’élevage

L’amélioration du bien-être passe par une évolution de certaines pratiques d’élevage, et deux d’entre elles ont été mises en lumière lors de cette session, à savoir la castration à vif des porcelets et la caudectomie. Pour la première, des solutions alternatives existent, comme l’immunocastration qui a déjà fait ses preuves sur le terrain. En Belgique par exemple, ce sont 15% des porcs qui sont vaccinés, sans qu’il n’y ait de controverses à ce sujet. En Allemagne, une nouvelle loi interdisant la castration à vif entrera en application dans moins d’un mois. Pour l’éviter, les éleveurs devront choisir entre 3 alternatives possibles : une castration pratiquée par l’éleveur sous anesthésie générale gazeuse, une castration pratiquée par le vétérinaire sous anesthésie générale fixe, ou une immunocastration réalisée par l’éleveur. Le sujet de la caudectomie est plus complexe. Tout d’abord parce que la caudophagie est d’origine multifactorielle, rendant difficile la maîtrise de l’ensemble des facteurs de risques. De plus, malgré les études à ce sujet, il n’existe toujours pas de consensus sur la hiérarchisation des moyens à mettre en place pour l’éviter, notamment des questions persistent sur les matériaux manipulables. Toutefois, des fiches techniques ont déjà pu être élaborées à ce sujet, et sont accessibles en ligne.

Qui paye ?

Tout ceci dit, tendre vers de nouvelles normes professionnelles ne s’inscrit pas uniquement dans des questions techniques, ou dans des choix stratégiques de filières de production et de distributeurs. Il y a également des enjeux économiques, et ils sont majeurs. En témoigne le besoin d’investissement pour les maternités porcines françaises qui a été estimé à 1 milliard d’euros ; pour l’augmentation de la surface des porcs en post-engraissement (passage de 0,7 à 1 mètre carré), le budget à prévoir serait de 2,5 milliards d’euros. Qui va payer ? L’équation est complexe, et la réponse n’a pas encore été trouvée. Côté consommateurs, s’ils sont favorables à un étiquetage, le prix reste un facteur clé d’achat. Par ailleurs, ces évolutions ne viennent pas sans risque : risque d’accélérer la concentration structurelle, les plus petits élevages pouvant avoir plus de difficultés à faire des investissements ; risque d’augmenter les importations en provenance d’autres pays ayant moins de contraintes ; et enfin risque d’accentuer la baisse de la consommation s’il n’y pas de réponse à la demande sociétale et s’il y a une forte hausse du prix des produits.

Les deux autres sessions de l’AFMVP sont prévues le vendredi 11 décembre et le vendredi 8 janvier. Les deux prochaines sessions seront consacrées à de courtes communications.

Pour accéder au programme des sessions, cliquez sur ce lien.

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Les conférenciers de la session du 3 décembre étaient les suivants : Christine Roguet, agroéconomiste à l’IFIP-Institut du porc ; Séverine Fontaine, directrice qualité alimentaire chez Carrefour ; Niels Wuyts, directeur des opérations IMPROVAC Europe Zoetis ; Yannick Ramonet, ingénieur d’études aux chambres d’agriculture de Bretagne ; Patrick Bourguignon, vétérinaire référent BEA à la commission porcine de la SNGTV. Une interview de Bernard Vallat, ancien directeur de l’OIE et président de la Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteur, a également été diffusée lors de cette session.

Tanit Halfon
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