Affaires croisées à la Chambre supérieure de discipline - Le Point Vétérinaire.fr

Affaires croisées à la Chambre supérieure de discipline

Marine Neveux | 22.01.2015 à 11:10:04 |
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Plusieurs dossiers ont été examinés, les 10 et 11 décembre derniers, par la Chambre supérieure de discipline des vétérinaires. Extraits.

Physiothérapie

La physiothérapie est un sujet de réflexion au sein de la profession, comme l’illustre d’ailleurs l’une des affaires passées en chambre de discipline.

Des vétérinaires ont créé une SARL X, qui met en œuvre des prestations en vue d’apaiser des troubles physiques chez l’animal de compagnie par des techniques de physiothérapie, de favoriser le bien-être de l’animal, de faire perdre du poids, etc. M. et Mme B se sont ensuite associés à la SARL. Mme C a été embauchée en physiothérapie pour la mise en œuvre des prescriptions des vétérinaires (hydrothérapie, chaud-froid, massage, électrothérapie, etc.).

Le Dr S a porté plainte contre les vétérinaires appartenant à la SARL X. Il déclare que la physiothérapie doit être effectuée dans un domicile professionnel d’exercice (DPE) vétérinaire. Il dénonce le fait que cette structure délègue les actes à un non-vétérinaire et qu’elle cautionne cet exercice illégal, car les praticiens associés à la SARL n’y sont pas présents pour suivre les traitements.

Un autre des motifs de la plainte à l’encontre d’un des vétérinaires associés de la structure X est d’y avoir adressé en référé des clients.

En outre, le Dr S incrimine la publicité qui a été effectuée par la structure X dans des journaux locaux ou d’associations de protection animale. « En tant que vétérinaire, je ne peux pas faire de la publicité car je suis un DPE. » Il estime alors qu’il y a une concurrence déséquilibrée. De plus, selon le Dr S, « la physiothérapie est un ensemble. Il faut être présent au moment où l’on fait la séance ».

Les vétérinaires condamnés en première instance ont fait appel.

Physiothérapie et acte vétérinaire

« Les actes de physiothérapie constituent-ils des actes vétérinaires ? Oui, si l’on reprend l’article L.243-1 du Code rural, c’est un ensemble de techniques physiques qui visent à améliorer le bien-être de l’animal, à restaurer ses fonctions, etc. », estime le Dr S. Une affirmation qu’il renforce avec une position ordinale parue dans la revue de l’Ordre en 2007, confortée par les récentes réflexions au sein de la profession.

Pour les vétérinaires de la structure X, tout ce qui a trait à ces techniques ne constitue pas des actes vétérinaires. Par exemple : faire nager et marcher, ou masser.

Les vétérinaires motivent le choix de la création de la SARL X par le souhait de mettre à disposition et de mutualiser, pour les praticiens des alentours, une structure dédiée à la physiothérapie. « Au départ, il était toujours prévu que les animaux adressés à la structure X ne soient envoyés par des confrères qu’avec une prescription (…). Les confrères définissaient un protocole qui était ensuite mis en place par le centre. » Par la suite, les vétérinaires ont demandé à disposer d’une consultation vétérinaire dans les locaux. Le conseil régional de l’Ordre (CRO) a refusé au motif que la médecine ne pouvait pas s’exercer dans un local commercial. Cela réclamait des transformations onéreuses, et le choix a été de se limiter aux seuls soins de confort.

En France, la physiothérapie connaît un essor. « Il faut distinguer ce qui ne peut relever que du vétérinaire de la délégation d’acte, mais aussi de ce qui relève de la participation d’un propriétaire ou d’un animalier que l’on a formé », appuie un confrère venu apporter son conseil à l’avocat de la défense pendant l’audience. Les vétérinaires de la structure X tiennent ainsi à rappeler que les projets ne dépassaient pas cette dernière orientation. En outre, ils constatent que des structures “laïques” se multiplient sans condamnation pénale.

Une dualité à trancher ?

« Une forme d’hypocrisie existe, qui conduit à un développement de la physiothérapie en dehors de la profession vétérinaire, renchérit l’avocat. Nous savons tous que des dizaines de structures “laïques” exercent la physiothérapie dans leurs centres. Ce n’est pas parce que les personnes associées sont vétérinaires qu’elles doivent être sanctionnées, alors que ces autres centres ne le sont pas. C’est incohérent ! »

« Pour nous, il y a le temps du diagnostic, de la consultation, de la prescription. Ce temps est réservé aux vétérinaires et doit s’exercer dans un DPE, c’est une évidence », explique la défense. La deuxième phase de mise en œuvre des techniques de physiothérapie « n’entre pas dans le périmètre de l’article L.243-1, d’abord parce que personne n’a jamais été poursuivi au niveau des structures “laïques”, poursuit l’avocat. Cette discussion et cette dualité ne sont pas encore tranchées. Les confrères ne peuvent pas être retenus pour exercice illégal. Il n’y a pas de sanctions sans texte ! »

« Le président du CRO était associé à cette structure, c’est la preuve qu’il n’y avait pas en son sein d’exercice illégal », rajoute l’un des confrères.

Des manquements au Code de la santé publique

Une autre affaire est examinée par la Chambre supérieure de discipline : un confrère est condamné à un an de suspension pour la réalisation d’ordonnances qui ne respectaient pas le Code de la santé publique.

Dans ce dossier, le Dr A est salarié d’une société d’export de bovins. Certains animaux commercialisables étaient allotés en engraissement. Pour la mise en place des traitements, le Dr A avait constitué un stock. Des manquements sont notés par la direction départementale de la protection des populations (DDPP), comme la commande avec des documents non numérotés, l’absence de mention relative à l’identification des animaux et au renouvellement des médicaments, etc. La délivrance est matérialisée par le pharmacien qui appose son cachet avec un chiffre en face. L’ordonnance est réalisée a posteriori.

Les conséquences de la non-identification ? Des animaux ont été commercialisés vers l’Italie alors qu’ils étaient sous traitement avec temps d’attente et que le carnet n’a pas suivi l’animal.
Depuis la demande de la DDPP, l’ensemble des procédures mises en place n’a fait l’objet d’aucune contestation de la part de l’administration. « Outre l’aspect réglementaire, ce qui pose problème, c’est l’absence d’ordonnance sans identification. Si vous êtes l’initiateur du traitement, vous avez la possibilité de faire une ordonnance », explique le président du CRO. Le Dr A reconnaît la négligence, mais explique aussi les difficultés de terrain : « Matériellement, je ne peux pas être partout, derrière chaque camion, lors du coup de feu les jeudis soirs. (…) Je refuse d’être mis en cause, car c’est le professionnel de la société d’export qui a décidé d’aller prendre ces animaux à l’infirmerie. »

L’affaire des certificats d’exportation

Autre cas : un confrère fait l’objet d’une suspension temporaire d’exercice pendant quatre mois dont trois mois avec sursis, pour avoir altéré la vérité de certificats sanitaires, ainsi que pour des effractions à la protection des animaux lors du transport. En effet, à leur arrivée, les services vétérinaires allemands ont constaté que des animaux étaient inaptes au transport.

Le confrère accusé se défend. Il estime notamment avoir été abusé par l’entreprise Y, qui a utilisé ses certificats à son insu. Ceux-ci comportent son tampon, mais aucune mention de sa main, ni même la date.

Le Dr C pense que les animaux inaptes au transport ont été chargés après son passage. Il remettait une fiche sanitaire sans précision du nombre d’animaux, cette dernière indication était effectuée par l’entreprise Y.

L’avocat estime aussi que l’on « a habillé le Dr C avec un habit trop grand pour lui. Son rôle est le bien-être animal, d’évaluer si les animaux sont transportables. Le problème de ce dossier, c’est que le certificat est en deux morceaux. Après son certificat, il faut que la DDPP tamponne et mette le document d’exportation ».

Marine Neveux
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