Intérêt des anti-inflammatoires lors d’endométrite postsaillie ou postinsémination chez la jument - Pratique Vétérinaire Equine n° 177 du 01/01/2013
Pratique Vétérinaire Equine n° 177 du 01/01/2013

Article de synthèse

Auteur(s) : Marion Mikolajczak

Fonctions : Clinique vétérinaire, ZA de Kerjoly,
22320 Corlay

En reproduction équine, beaucoup d’idées reçues circulent. Cet article propose une synthèse, selon les règles de la médecine factuelle, sur l’intérêt des anti-inflammatoires lors d’endométrite postsaillie ou postinsémination.

Les endométrites persistantes postsaillie ou postinsémination (PMIE, persistent mating induced endometritis), dont l’incidence varie de 25 à 32 %, sont initiées par une réaction physiologique de l’endomètre qui tend à éliminer les éléments étrangers (spermatozoïdes, plasma séminal, contaminants) introduits au cours de la saillie ou de l’insémination artificielle (IA) [1, 26]. Chez les juments qualifiées de prédisposées, cette réaction inflammatoire n’est pas correctement modulée et se prolonge au-delà des 36 à 48 heures normalement nécessaires au retour à un environnement utérin favorable à l’arrivée de l’embryon. Classiquement, sur le terrain, la présence d’une accumulation liquidienne utérine supérieure ou égale à 2 cm à l’échographie 6 à 12 heures après l’IA ou la saillie est considérée comme le premier signe clinique d’une PMIE débutante. Ces endométrites post­insémination sont associées à une diminution de 22 à 24 % de la fertilité [4, 26]. La persistance de l’inflammation endométriale peut être due à divers facteurs : réduction de l’activité myométriale, défaut de relaxation du col, diminution de la résorption lymphatique, anomalie anatomique du tractus génital, dont l’inclinaison cranio-ventrale de l’utérus [2, 14].

La conduite thérapeutique communément adoptée pour gérer les juments prédisposées aux PMIE vise à favoriser l’élimination mécanique des liquides inflammatoires. Elle passe par l’utilisation de molécules utérotoniques telles que l’ocytocine ou la prostaglandine F2α, naturelle ou de synthèse, éventuellement associées à des lavages et à des siphonages de l’utérus. Ces dernières années, une autre approche, initiée par Dell’Aqua et coll. en 2006, a été étudiée par différents auteurs [11]. Elle cherche à moduler l’inflammation endométriale excessive présente chez les juments prédisposées grâce à des molécules anti-inflammatoires, corticoïdes ou anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

De nombreuses études portant sur l’emploi des molécules utérotoniques chez les juments prédisposées aux PMIE ont été publiées, conduisant à un certain consensus sur l’intérêt de leur mise en œuvre [7, 15, 16, 18, 19, 21, 25]. En revanche, le bénéfice d’une conduite thérapeutique fondée sur les corticoïdes ou les AINS fait encore débat. Cet article vise à fournir au lecteur, à la lumière des principes portés par la médecine factuelle, une vue synthétique des différents travaux existants sur le sujet.

Matériel et méthodes

Formulation de la question clinique

La première étape de la démarche de recherche et d’analyse de données proposée par la médecine factuelle est constituée par la formulation de la question clinique [27]. À l’aide du système PICO, dans notre cas, l’énoncé est le suivant : « Chez les juments présentant une endométrite persistante postinsémination ou postsaillie (P), la corticothérapie (I1) ou l’administration d’AINS (I2), par rapport à l’absence de traitement (C), permet-elle d’améliorer le taux de juments gravides (O) ? »

Outils de recherche

La deuxième étape de la méthodologie repose sur la recherche des données disponibles. Celle-ci peut s’appuyer sur les bases de données en ligne qui offrent l’avantage de recenser les publications parues dans les diverses revues vétérinaires. Bien que la base de données CAB Abstract soit l’une des plus utilisées en raison de sa spécificité vétérinaire et du large éventail de données accessibles, elle n’a pas été employée ici en raison de son accès “non libre”, nécessitant la possession d’une licence. La base de données Medline est d’accès libre, mais elle ne référence pas l’ensemble des publications de l’Animal Reproduction Science et aucune de celles du Journal of Equine Veterinary Science. La recherche bibliographique, menée en décembre 2012, s’est donc appuyée sur les bases de données en ligne Science Direct (accessible grâce à l’onglet “search” à l’adresse http://www.sciencedirect.com/) et Wiley (accessible à l’adresse http://onlinelibrary.wiley.com/advanced/search), cette dernière permettant d’accéder aux articles de l’Equine Veterinary Journal et de l’Equine Veterinary Education, non répertoriés dans la base de données Science Direct.

Les mots clés qui ont été utilisés sont “mare”, “endometritis”, “mating”, “corticotherapy”, “NSAI” (anti-inflammatoire non stéroïdien), “dexamethasone”, “SAI” (anti-inflammatoire stéroïdien) et “flunixin” avec les opérateurs booléens AND et OR dans la formule suivante : “Mare AND endometritis AND mating AND (corticotherapy OR dexamethasone OR SAI or NSAI OR flunixin).” Aucune restriction sur la date de parution n’a été appliquée et, dans Science Direct, la recherche a été limitée au domaine “Veterinary Science and Veterinary Medicine”.

Critères de sélection des articles

Dans la base de données Science Direct, 83 références sont ainsi obtenues et 65 dans la base Wiley. Parmi ces entrées, seules les 21 premières sont conservées dans chacune des bases, les suivantes correspondant uniquement à des chapitres d’ouvrage ou portant sur d’autres espèces. À partir de ces 42 publications, une sélection a été réalisée, en retenant les articles :

– portant sur des essais cliniques. Ainsi, par exemple, la référence “Advances in the Diagnosis and Treatment of Chronic Infectious and Post-Mating-Induced Endometritis in the Mare” apparaissant dans les résultats de la base Wiley n’est pas gardée car elle correspond à une synthèse narrative [17]. Treize articles dans Science Direct et 7 dans Wiley sont ainsi conservés ;

– dont le titre indique une relation directe avec la question clinique posée. C’est pourquoi les publications “Effect of immunomodulatory therapy on the endometrial inflammatory response to induced infectious endometritis in susceptible mares”, fournie par la base Science Direct et portant sur des endométrites infectieuses induites expérimentalement, ou encore “Effect of corticotherapy on proteomics of endometrial fluid from mares susceptible to persistent postbreeding endometritis”, qui s’intéresse plus particulièrement à la composition du liquide utérin, sont exclues de cette synthèse [6, 28]. Trois articles dans Science Direct et un dans Wiley sont alors gardés.

Après application de ces critères de sélection, les quatre études suivantes sont obtenues :

– Bucca et coll. “The use of dexamethasone administered to mares at breeding time in the modulation of persistent mating induced endometritis” [4] ;

– Risco et coll. “Effect of oxytocin and flunixin meglumine on uterine response to insemination in mares” [22] ;

– Vandaële et coll. “Effect of post-insemination dexamethasone treatment on pregnancy rates in mares” [26] ;

– Rojer et coll. “Treatment of persistent mating-induced endometritis in mares with the non-steroid anti-inflammatory drug vedaprofen” [23].

De plus, la lecture des références de ces études nous permet d’extraire deux articles n’ayant pas été isolés au cours de la recherche dans les bases de données en ligne :

– Dell’Aqua et coll. “Modulation of acute uterine inflammatory response after artificial insemination with equine frozen semen” [11] ;

– Papa et coll. “Use of corticosteroid therapy on the modulation of uterine inflammatory response in mares after artificial insemination with frozen semen” [20].

Critères de qualité

La troisième étape de la démarche raisonnée proposée par la médecine factuelle correspond à une évaluation critique et systématique des publications obtenues. Pour ce faire, l’analyse comparée s’appuie dans cet article sur plusieurs tableaux de synthèse portant sur l’utilisation des corticoïdes et sur celle des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Les critères de qualité utilisés dans cet article sont adaptés et simplifiés à partir de la grille d’évaluation établie en médecine humaine pour l’analyse critique des études contrôlées randomisées par le groupe CONSORT (Consolidated Standards of Reporting Trials) et accessible gratuitement en ligne (http://www.consort-statement.org/consort-statement/overview0/#checklist) [24].

Résultats

L’analyse comparée de la validité interne des études obtenues à partir de la recherche bibliographique est présentée dans différents tableaux de synthèse (tableaux 1 à 6).

Corticothérapie

Introduction

Les quatre articles portant sur la corticothérapie présentent des objectifs plus ou moins variés. Ainsi, les études de Vandaële et coll. et de Papa et coll. visent toutes deux à déterminer uniquement l’effet d’une corticothérapie post-IA sur le taux de juments gravides [20, 26]. L’essai de Dell’Aqua et coll. cherche en plus, dans une étude préliminaire (E1), à évaluer la réponse inflammatoire utérine qui suit l’IA et à en caractériser les modifications immunologiques [11]. La publication de Bucca et coll. met en jeu plusieurs expériences portant sur l’administration de dexaméthasone au moment de l’IA ou de la monte, et dont l’objectif est :

– de s’assurer de l’innocuité du traitement (E1) ;

– d’isoler les paramètres cliniques associés aux PMIE (E2a) et d’évaluer s’ils sont modifiés par ce traitement (E2b) ;

– d’évaluer son impact sur le taux de gestation chez des juments prédisposées (E3) [4].

Matériel et méthodes

Les interventions réalisées au sein de chaque lot sont relativement peu homogènes.

• Vandaële et coll. :

1. IA en sperme réfrigéré (542 cycles) ou congelé (232 cycles).

2. Lots traités : dexaméthasone (10 ou 20 mg) 6 à 12 heures après IA.

3. Traitement médical additionnel post-IA si nécessaire : lavage utérin, ocytocine, prostaglandine, antibiothérapie locale ou systémique, altrenogest [26].

• Bucca et coll. :

1. Lot traité : dexaméthasone (50 mg) dans l’heure précédant l’IA.

2. IA en sperme : congelé pour E1, frais (dose de 100 × 106 spermatozoïdes issus d’un étalon de fertilité connue) pour E2, frais ou réfrigéré ou congelé ou saillie pour E3.

3. Traitement médical additionnel post-IA si nécessaire pour E2 : lavage utérin, traitement ecbolique, antibiothérapie locale ou systémique [4].

• Papa et coll. :

1. Lot traité : acétate de prednisolone (0,1 mg/kg) instauré en présence de follicules de 35 mm ou plus et d’un œdème utérin, puis toutes les 12 heures jusqu’à ovulation.

2. Induction de l’ovulation (2 500 UI d’hCG [human chorionic gonadotropin]) pour E1.

3. IA avec le sperme d’un même étalon pour E1 (dose à 800 × 106 spermatozoïdes pour E11 ou 400 × 106 spermatozoïdes pour E12), répétée toutes les 12 heures jusqu’à ovulation en l’absence d’ovulation à 48 heures, ou avec du sperme congelé du commerce issu de différents étalons (dose de 200 à 500 × 106 spermatozoïdes) pour E2. L’IA est réalisée 48 heures après constatation de follicules de 35 mm ou plus et d’un œdème utérin [20].

• Dell’Aqua et coll. :

1. Lot traité : acétate de prednisolone (0,1 mg/kg) toutes les 12 heures, quatre fois avant IA et une fois lors de l’IA.

2. IA avec une dose de 800 × 106 spermatozoïdes d’un étalon de fertilité connue ± 20 ml de plasma séminal du même animal pour E1, ou en sperme congelé pour E2 [11].

Pour les variables étudiées dans chacune des quatre expériences, est déterminé à chaque fois le taux de juments gravides, par échographie entre 14 et 17 jours postovulation ou par récolte d’embryon 7 à 8 jours postovulation pour l’étude de Vandaële et coll. (355 cycles étant concernés et 419 cycles pour l’échographie) [26]. De plus, deux études mettent en œuvre des variables additionnelles.

• Dell’Aqua et coll. pour E1 et 2 heures post-IA :

– numération leucocytaire ;

– activité des neutrophiles ;

– concentration en immunoglobuline A (IgA) ;

– quantité de liquide utérin (noté de 0 à 4) [11].

• Bucca et coll. :

– E1 : enregistrement des données médicales et de reproduction jusqu’à la parturition ;

– E2 : turbidité, analyses cytologique et microbiologique du liquide utérin récolté avant IA, puis à 6 et à 12 heures post-IA, score de l’œdème utérin (noté de 0 à 3), accumulation du liquide utérin (en cm) et suivi échographique mensuel de 14 juments jusqu’à parturition et évaluation du poulain ;

– E3 : nombre de facteurs de risque présents : anamnèse révélant des troubles de la reproduction, culture endométriale positive, quantité de liquide utérin de 2 cm ou plus avant IA, quantité de liquide utérin post-IA entre 1,5 et 2 cm ou de 2 cm ou plus, persistance du liquide utérin plus de 36 heures post-IA, anomalie de la conformation périnéale ou du col ou du tractus génital, historique de vulvoplastie postpoulinage [4].

Résultats

Les résultats sont présentés dans chaque étude.

Discussion

Chaque étude propose une partie discussion.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Introduction

L’étude de Rojer et coll. vise à évaluer l’hypothèse selon laquelle un traitement à base d’un AINS COX-2 inhibiteur, le védaprofène, pourrait présenter des effets sur la fertilité de juments ayant un historique de PMIE [23].

L’étude de Risco et coll. a comme objectif d’étudier l’effet des contractions utérines sur la clairance utérine et l’histologie après IA, avec l’hypothèse que la flunixine augmente l’accumulation de fluide et de produits inflammatoires dans la lumière utérine et diminue le taux de juments gravides [22].

Matériel et méthodes

Les interventions réalisées dans chaque lot se déroulent selon un modèle différent.

• Rojer et coll. :

1. Induction de l’ovulation : hCG 1 500 UI par voie intraveineuse.

2. Ocytocine (20 UI par voie sous-cutanée trois fois par jour) administrée à partir de l’induction d’ovulation jusqu’au jour suivant la détection de l’ovulation.

3. Lot traité : védaprofène (per os deux fois par jour) à partir de l’induction d’ovulation, initialement à 2 mg/kg, puis à 1 mg/kg/j jusqu’au jour suivant la détection de l’ovulation.

4. IA (dose répondant aux critères de qualité de la WBFSH, World Breeding Federation for Sport Horses) à 14 heures le lendemain de l’induction, avec du sperme réfrigéré de l’étalon choisi par les propriétaires (nouvelle IA à 48 heures d’intervalle en l’absence d’ovu­lation dans les 48 heures) [23].

• Risco et coll., avec pour le premier cycle (aucune intervention n’étant réalisée lors du second cycle) :

1. Synchronisation des juments : cloprosténol (0,25 mg par voie intramusculaire).

2. Écouvillonnage utérin avant IA.

3. IA le matin entre 9 et 10 heures, dose de 500 × 106 spermatozoïdes provenant de deux étalons fertiles.

4. 2 heures post-IA : le lot témoin reçoit 10 ml de fluide isotonique par voie intraveineuse, le lot ocytocine, 0,01 UI/kg d’ocytocine par voie intraveineuse, le lot flunixine, 1,1 mg/kg de flunixine par voie intraveineuse.

5. À 4 heures, 8 heures et 25 heures post-IA, les lots témoin et flunixine reçoivent 10 ml de fluide isotonique par voie intraveineuse, et le lot ocytocine, 0,01 UI/kg d’ocytocine par voie intraveineuse.

6. À 8 heures post-IA : injection de hCG à la dose de 1 500 UI (contrôle de l’ovulation à 48 heures post-IA).

7. Un lavage utérin (avec 500 ml de ­Ringer lactate) et une biopsie utérine sont réalisés soit 8 heures post-IA au premier œstrus et 25 heures au troisième, soit 25 heures post-IA au premier œstrus et 8 heures au troisième.

Enfin, concernant les variables étudiées, les deux études fournissent le taux de juments gravides, déterminé par examen échographique entre 14 et 18 jours postovulation. D’autres variables sont présentées dans chacun des deux essais [22].

• Rojer et coll. :

– degré de l’œdème utérin (noté de 0 à 3) ;

– quantité de fluide utérin (hauteur maximale en cm, classifiée en trois catégories avec les bornes 1,5 et 3 cm) 24 heures après induction de l’ovulation [23].

• Risco et coll. :

– échographie transrectale avant IA, puis à 4, 8 et 25 heures post-IA pour évaluer le degré de l’œdème utérin (noté de 0 à 3), la quantité de fluide utérin (calculée en mm2, hauteur par largeur) et le nombre de contractions par minute ;

– nombre de polynucléaires neutrophiles [22].

Résultats

Les résultats sont présentés dans chaque étude (tableau 5).

Discussion

Chaque étude propose une partie de discussion (tableau 6).

Discussion

Qualité des articles publiés

Avant de s’intéresser plus particulièrement aux deux types de traitement abordés, différentes lacunes communes à la plupart des articles, et qui rendent plus difficile une évaluation critique complète, peuvent d’ores et déjà être constatées :

– les critères d’inclusion, et encore plus ceux d’exclusion, ne sont pas clairement explicités ;

– le calcul du nombre d’individus nécessaire n’est jamais présenté, malgré son importance pour l’évaluation de la validité des résultats et de leur analyse ;

– les tests statistiques sont utilisés après l’obtention des résultats et aucune information n’est fournie sur la vérification par les auteurs de leurs conditions d’emploi, notamment en ce qui concerne la normalité de distribution des variables, hormis dans les publications de Rojer et coll. [23] ;

– aucune étape n’est réalisée en aveugle, sauf l’enregistrement des données dans l’article de Bucca et coll., ce qui peut représenter une source de biais de mesure non négligeable [4]. De plus, la randomisation pour la sélection des individus ne semble jamais être mise en œuvre et celle concernant la méthode d’allotement n’est pas toujours présente, ce qui peut représenter une source importante de biais de sélection, notamment de recrutement ;

– la description de la population testée est peu développée, tout juste les races des juments et leur âge sont-ils précisés, ce qui rend plus délicate une analyse des biais de sélection ;

– la discussion ne comporte jamais de description précise des écarts éventuels vis-à-vis du protocole, ni une évaluation des biais potentiels et de leur gestion. À défaut d’une analyse critique des résultats obtenus, les auteurs réalisent souvent une comparaison avec les résultats issus d’études similaires, parfois associée à une recherche de l’origine potentielle des différences éventuellement relevées.

Corticothérapie

L’étude de Vandaële et coll. portant sur l’utilisation de 0, 10 ou 20 mg de dexaméthasone 6 à 12 heures après l’IA avec du sperme congelé ou réfrigéré présente l’avantage d’inclure un nombre important de juments dans chaque lot [26]. En revanche, elle ne différencie pas les animaux prédisposés et résistants aux PMIE. Ainsi, les résultats sont davantage représentatifs d’une situation dans laquelle le praticien fait face à des juments dont l’historique de reproduction lui est inconnu. Toutefois, des traitements post-IA sont mis en œuvre au besoin, dont des lavages utérins et/ou l’administration d’ocytocine, cela sans que leurs critères d’utilisation ni la proportion de juments concernées soient précisés. Ils représentent des facteurs d’interaction importants, source de biais de confusion non négligeables.

La publication de Bucca et coll. inclut également un grand nombre de juments et porte aussi sur l’administration de dexaméthasone [4]. La dose est ici de 50 mg, et, surtout, le traitement est instauré ou non chez des juments prédisposées, dans l’heure précédant l’IA avec du sperme réfrigéré, frais ou congelé. De plus, d’autres traitements sont éventuellement associés, dont des lavages utérins et/ou l’administration d’ocytocine, sans que soient précisés les critères de décision quant à leur instauration ou à la proportion de juments impliquées, ce qui, comme précédemment, induit des biais de confusion notables.

Les études de Papa et coll. et de Dell’Aqua et coll. évaluent la prednisolone à la dose de 0,1 mg/kg administrée toutes les 12 heures [11, 20]. Le traitement est commencé avant l’IA avec du sperme congelé. Dans les deux cas, une comparaison entre les juments prédisposées et résistantes est entreprise, mais les effectifs des lots sont réduits, la plupart étant inférieurs à 15 juments.

Réserve faite des effectifs réduits pour deux des études et de la mise en œuvre de traitements concomitants pour les deux autres, elles semblent convergentes et tendent à montrer que la corticothérapie permet d’augmenter le taux de gestation d’au moins 20 % lorsqu’elle est mise en œuvre chez des juments prédisposées aux PMIE [4, 11, 20]. Cela nécessite donc de connaître l’historique de l’animal, dont l’existence d’une accumulation liquidienne post-IA ou postsaillie, en particulier si elle dépasse 2 cm et/ou persiste au-delà de 36 heures, ce qui autorise une mise en œuvre précoce du traitement. En revanche, si ce dernier est administré après l’IA ou la saillie, notamment lors de la découverte d’une accumulation liquidienne, il ne semble pas induire d’effet positif sur le taux de gestation dans une population de juments dont l’historique de reproduction n’est pas connu [26].

Enfin, aucun effet secondaire lié à l’administration de corticoïdes par voie parentérale n’est ici rapporté. Toutefois, des études récentes tendent à montrer qu’une administration répétée de corticoïdes, et notamment de dexaméthasone, lors de l’œstrus pourrait conduire à des défauts d’ovulation, que celle-ci soit induite ou naturelle [3, 12].

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Il semble difficile d’apporter un éclairage sur l’intérêt de l’utilisation des AINS dans la gestion des PMIE au vu de la présence d’uniquement deux études, portant qui plus est sur deux AINS différents et sur des effectifs par lot très réduits, inférieurs à 10 juments.

La publication de Rojer et coll. conclut à une augmentation de la fertilité de juments prédisposées à la suite de l’administration de védaprofène [23]. Cependant, les animaux ont également reçu de l’ocytocine au cours de l’étude, ce qui représente un important facteur d’interaction. En effet, les inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines sont susceptibles d’avoir un effet négatif sur les contractions utérines, réduisant la vidange utérine nécessaire à l’élimination de l’inflammation physiologique postsaillie ou post-IA. Or cet effet est annulé par l’administration d’ocytocine [5].

Enfin, divers travaux récents ont souligné que l’utilisation d’AINS avant, voire au moment de l’ovulation, si cette dernière est induite à l’aide d’hCG, pourrait empêcher l’ovulation [8-10, 13].

Conclusion

Les endométrites persistantes postinsémination ou postsaillie représentent bien souvent pour le praticien un défi thérapeutique face auquel il se doit de choisir la stratégie la plus adaptée pour des juments dont l’anamnèse lui est parfois inconnue. À côté de la traditionnelle élimination mécanique du liquide inflammatoire utérin fondée sur l’utilisation d’ocytocine éventuellement associée à des lavages et à des siphonages de l’utérus, de nouveaux axes de traitement se sont développés. Ces derniers visent à moduler l’inflammation excessive via l’administration d’anti-inflammatoires. Peu d’études sont disponibles sur leur efficacité en regard de l’amélioration du taux de juments gravides. Elles présentent une hétérogénéité importante quant aux protocoles de traitement, aux effectifs et à la population testée. Cependant, une stratégie thérapeutique fondée sur la corticothérapie semble être intéressante lorsqu’elle est mise en œuvre précocement, ce qui nécessite toutefois de connaître la prédisposition des juments aux PMIE, grâce, en particulier, à une anamnèse rapportant une accumulation liquidienne post-IA supérieure à 2 cm et/ou persistant au-delà de 36 heures. En revanche, il est moins aisé de conclure, à l’heure actuelle, sur l’intérêt des AINS, d’une part, au vu du faible nombre d’études existantes et, d’autre part, en raison d’un effet négatif potentiel sur le succès de l’induction de l’ovulation.

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  • 28 – Wolf CA, Maslchitzky E, Gregory RM, Jobim MIM, Mattos RC. Effect of corticotherapy on proteomics of endometrial fluid from mares susceptible to persistent postbreeding endometritis. Theriogenology. 2012;77:1351-1359.

Éléments à retenir

→ À la suite d’une recherche bibliogra­phique portant sur l’intérêt des corticoïdes ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez des juments présentant une endométrite persistante postsaillie ou post­insémination, peu d’études sont obtenues.

→ Une analyse critique complète selon les principes portés par la médecine factuelle apparaît difficilement réalisable en raison d’informations manquantes sur divers points d’évaluation.

→ La corticothérapie semble présenter un intérêt en termes de fertilité lorsqu’elle est mise en œuvre précocement chez des juments prédisposées, en particulier quand l’anamnèse rapporte la présence d’une accumulation liquidienne postinsémination artificielle supérieure à 2 cm et/ou persistant au-delà de 36 heures.

→ Il est impossible de conclure sur l’intérêt de l’utilisation d’AINS chez des juments prédisposées.

Conflits d’intérêts

Aucun.

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