Spécificités de la visite vétérinaire de transaction du cheval d’endurance - Pratique Vétérinaire Equine n° 174 du 01/04/2012
Pratique Vétérinaire Equine n° 174 du 01/04/2012

Article de synthèse

Auteur(s) : Christophe Pelissier

Fonctions : Clinique vétérinaire équine de Cambajon,
155, chemin de Font-Barjarret, 30190 Sauzet.

La visite vétérinaire de transaction du cheval d’endurance comporte certaines spécificités liées à cette discipline, qui doivent être connues afin de mieux appréhender la demande des acheteurs.

Les spécificités de l’examen préalable à l’achat d’un cheval (visite d’achat ou plus précisément visite vétérinaire de transaction [VVT]) destiné aux courses d’endurance sont évoquées dans cet article.

Il s’agit d’épreuves d’une distance de 20 à 160 km en 1 jour ou 2 x 80 et 2 x 100 km sur 2 jours.

Si les épreuves qualificatives 20, 40, 60 et 90 km à vitesse limitée (15 km/h au maximum) sont moins exigeantes que la distance reine de 160 km, elles restent des épreuves qualificatives et constituent une étape vers les épreuves deux et trois étoiles à vitesse libre.

L’allure utilisée est le galop lorsque le terrain le permet (photo 1). Cette discipline repousse sans cesse les limites de la physiologie et les contrôles vétérinaires tout au long du parcours (tous les 20 à 35 km) sont les garants de l’intégrité physique des concurrents.

Deux critères sont à l’origine de l’élimination des chevaux, en l’occurrence les conditions métaboliques et les boiteries, car les chevaux sont jugés en ligne sur un aller-retour de 20 mètres. C’est pourquoi l’examen orthopédique est un élément essentiel de la VVT.

Contexte de la discipline

Le développement très rapide de l’endurance équestre et la progression de la performance ont fait évoluer les critères de choix des futurs performers. Le vétérinaire doit orienter les examens vers ceux qui lui semblent utiles en regard de la discipline et doit donc posséder une bonne connaissance de ce sport en Europe mais aussi dans les pays du Golfe.

La VVT est devenu un acte courant car l’investissement financier et le temps passé pour entraîner un champion sont très importants. Si les transactions de chevaux un peu âgés et multiperformers ont une très nette tendance à se raréfier, le marché des chevaux de 5 à 7 ans pour l’exportation est, lui, en plein essor.

Les demandes sont de trois sortes :

– des demandes d’amateurs qui veulent se lancer dans la discipline ou simplement acquérir un deuxième cheval plus adapté à cette dernière après une première prise de contact avec ce sport. Ce sont le plus souvent des cavaliers d’extérieur qui ont pris conscience que la discipline nécessite l’utilisation de chevaux de sang arabe ou issus d’arabes, et qui franchissent le pas d’un achat spécifique. Un amateur avec des ambitions modestes au jour de la VVT peut rapidement, s’il a de la chance et un certain talent, participer à d’importantes épreuves, et ce dans un délai de 2 ans. En ce sens, la VVT d’un cheval d’amateur ne doit pas être très différente de celle d’un cheval de bon niveau destiné à un professionnel ;

– des demandes émanant de professionnels qui sollicitent les vétérinaires afin d’évaluer un jeune cheval pour le valoriser, avec une revente à l’export à la clef. La requête présentée au vétérinaire est double. Elle concerne l’évaluation du pronostic sportif mais aussi le risque de se voir refuser une vente future sur critères vétérinaires par un confrère installé dans un pays lointain et qui, bien souvent, ne voit du cheval qu’un lot de radiographies et d’échographies numérisées ;

– des demandes d’expertises plus classiques pour établir un bilan lésionnel et évaluer les facteurs de risque pour une utilisation au plus haut niveau. L’objectif de cet examen est aussi, dans la mesure du possible, de détecter les signes d’affections subcliniques susceptibles d’affecter la carrière future du cheval.

Quand pratiquer l’examen de visite vétérinaire de transaction ?

Le moment de l’examen dans la saison est souvent primordial. L’idéal est de le réaliser en période d’entraînement.

Cependant, il arrive trop souvent qu’il se déroule quelques jours après seulement, voire le lendemain d’une épreuve de 160 km, ou à l’inverse à la sortie de l’hiver après une longue période de repos total, rendant l’interprétation des signes cliniques ou de leur absence délicate.

Antécédents du cheval

Les résultats en course du cheval constituent un élément essentiel. Les performances, mais aussi les contre-performances, sont disponibles sur divers sites Internet (portail.endurance.free.fr, www.endurance-pedigrees.com, www.atrm-systems.fr ou encore www.ffecompet.com).

Prendre connaissance de ces informations est toujours utile afin d’affiner son expertise et d’évaluer le risque, car le vendeur a parfois tendance à occulter les contre-performances.

Les causes d’élimination (abandon, boiterie, causes métaboliques) sont maintenant clairement indiquées sur les résultats des épreuves. La vitesse de course et le type d’épreuve permettent de se faire une idée des qualités et du niveau du cheval examiné (photo 2).

Particularités de l’examen clinique

L’examen clinique ne diffère pas fondamentalement des autres disciplines, mais il convient de s’attacher à certains éléments.

Conformation générale

Même en l’absence de modèle standard de performer, un défaut majeur de conformation ou une dissymétrie constituent toujours un facteur de risque, en raison de la répétition du geste et des vitesses atteintes dans l’endurance moderne.

La symétrie de la musculature doit être évaluée, car un cheval d’endurance ne peut pas être performant en galopant sur le même pied pendant 160 km.

Conformation des pieds

La forme des pieds et leur symétrie, (photo 3) ainsi que l’épaisseur de la sole sont des éléments très importants. Un cheval aux pieds plats et avec des talons qui ont tendance à s’enrouler ne peut pas être performant en endurance. D’une manière générale, les chevaux d’endurance ou destinés à cette discipline ne doivent pas marquer de sensibilité exacerbée à la pince exploratrice et doivent posséder une épaisseur de sole suffisante. Ce sont généralement des pur-sang arabes ou issus d’arabes avec une bonne conformation de pieds et une sole dure et concave.

Recherche de dorsalgies

Les signes cliniques de dorsalgies doivent être détectés, car la performance est limitée par ces affections, et ce d’autant plus que la fatigue à tendance à nuire à la qualité de l’équitation (photo 4).

Toute amyotrophie de la masse commune des muscles dorsaux, toute réaction anormale à la dorsiflexion doit être évaluée et peut conduire à réaliser des clichés radiographiques du rachis.

Fréquence cardiaque

La fréquence cardiaque au repos n’a que peu d’intérêt. Même si certains amateurs y accordent de l’importance, cela ne constitue pas un indicateur de performance future.

Par ailleurs, il n’est pas envisageable, ni souhaitable, de donner un avis sur la capacité de récupération d’un cheval d’endurance dans le cadre d’une VVT. Cela nécessiterait de mettre en œuvre un travail long standardisé et qui n’est pas réalisable. La présence des bruits cardiaques anormaux doit être signalée et éventuellement investiguée par des examens complémentaires.

Les troubles du rythme ne sont pas compatibles avec une utilisation sportive en endurance.

Examen de l’appareil respiratoire

Tout bruit respiratoire anormal doit conduire à préciser le diagnostic et à réaliser une endoscopie des voies respiratoires.

En effet, la prévalence des gênes respiratoires à l’effort liées a un mauvais fonctionnement laryngé est assez faible en endurance en raison de la faible vitesse relative d’utilisation.

La bronchiolite obstructive est également plus rare que dans d’autres populations en raison du mode de vie en extérieur de ces chevaux qui vivent peu au box (en général, la nuit, pour la fin de préparation). En revanche, elle nuit considérablement à la performance et il convient d’en repérer les signes lors de la VVT.

Examen locomoteur

Les boiteries sont la première cause d’élimination en course d’endurance et de réforme précoce [3]. Les affections les plus fréquentes chez le cheval d’endurance sont les desmites du ligament suspenseur du boulet, les problèmes de pied et les arthropathies des articulations basses [1, 2].

Il importe d’objectiver la capacité de collatéromotion du cheval sur un cercle dur au trot. Les entorses interphalangiennes sont fréquentes et les terrains sur lesquels les chevaux évoluent parfois très accidentés (dénivelé, ornières, dévers).

L’examen sur le cercle est important, mais il convient de garder à l’esprit que le cheval d’endurance est jugé sur un aller-retour en ligne de 20 mètres au trot (photo 5). Certains chevaux de haut niveau sont boiteux sur un examen sur le cercle dur pendant toute leur carrière sportive.

La qualité des trottings en ligne est primordiale. Le praticien doit se mettre à la place du vétérinaire-juge qui fonde son avis sur la locomotion d’un cheval sur un simple aller-retour de 20 mètres. Si les allures sont si “particulières” qu’un doute survient, le vétérinaire doit savoir que la fatigue aidant, ce cheval peut être éliminé pour boiterie beaucoup plus facilement qu’un autre. Ne pas l’avoir mentionné lors de la VVT risque alors de lui être reproché. Les écuries du Golfe sont intransigeantes sur ce point. Elles n’acceptent pas de chevaux qui, par leur déplacement naturel, peuvent susciter un doute dans l’esprit du vétérinaire-juge.

Il convient de tester les ligaments suspenseurs du boulet, et en particulier les insertions proximales des deux antérieurs, avec minutie. Une réponse différente lors du test de pression doit amener à rechercher une affection subclinique très fréquente (photo 6).

Examens complémentaires

Radiographies

Le bilan radiographique généralement réalisé pour les chevaux d’endurance est le suivant :

– pieds antérieurs : vues latéro-médiale (profil) et dorso-médiale à 60° (face sur cale oblique) ;

– boulets antérieurs : vues latéro-médiale (profil), dorso-palmaire (face), dorso-latérale/médio-palmaire (oblique externe) et dorso-médiale/latéro-palmaire (oblique interne) ;

– jarrets : vues latéro-médiale (profil) et dorso-plantaire (face).

Tout suros, même de petite taille et potentiellement au contact du suspenseur du boulet, doit être imagé radiographié et échographié.

Ces suros, s’ils n’ont pas occasionné de gêne ni d’inflammation lors des courses de qualification en Europe, peuvent constituer un facteur de risque important de desmite du ligament suspenseur du boulet par frottement lors de l’utilisation future à grande vitesse dans le désert (jusqu’à 35 km/h sur des boucles de 30 km).

Échographie

L’examen échographique systématique des insertions et du corps du ligament suspenseur du boulet est parfois demandé par les acheteurs, en particulier pour ceux issus des pays du Golfe (photo 7). Il peut en effet permettre la détection de variations de structure et d’épaisseur, des réactions periostées d’insertion qui ne sont pas toujours corrélées à des signes cliniques et pour lesquelles établir un pronostic sportif est hasardeux. La majorité des desmites proximales du cheval d’endurance ont avant tout une composante osseuse, et les signes échographiques sont souvent discrets en regard de l’importance clinique de la boiterie. Bien souvent, seule l’imagerie par résonance magnétique permet de révéler l’œdème osseux du métacarpe alors que les images échographiques sont peu parlantes et que le tableau clinique ne laisse pas de doute.

Un examen échographique des tendons fléchisseurs et principalement du fléchisseur superficiel est souvent réalisé chez les chevaux qui ont eu une carrière en plat, avant d’être réorientés vers une utilisation en endurance. Généralement, les cicatrices de tendinites anciennes du fléchisseur superficiel sont d’un bon pronostic pour l’effort d’endurance. Les vitesses étant bien moindres, la sollicitation tendineuse supporte une perte d’élasticité.

Sérologies

Les pays du Golfe ne demande généralement pas de sérologie babésiose pour l’exportation. Dans le sud de la France, bon nombre des chevaux d’endurance français sont positifs en élevage extensif.

Conclusion

L’endurance est une discipline dans laquelle la profession est très investie, comme juge d’abord, comme spécialiste de la médecine sportive équine ensuite, mais aussi en ce qui concerne le conseil lors des transactions de chevaux de sport destinés à l’endurance. Le sport se charge d’évaluer la justesse du jugement du vétérinaire et il est toujours reproché à ce dernier d’avoir émis un pronostic sombre sur un cheval qui se révèle par la suite être un performer multirécidiviste, et ce pendant de longues années.

Références

1 – Holbrook TC. The endurance horse. In: Wiley-Blackwell ed. Adam’s and Stashak’s lameness in horses. 6th ed. Chichester, GBR. 2011:1055-1061. 2 – Misheff MM. (2011) Lameness in endurance horses. In : Ross MW, Dyson SJ (ed.) Diagnosis and management of lameness in the horse. 2nd ed. Elsevier Saunders, St Louis, États-Unis. 2011:1137-1149. 3 – Nagy A, Murray JK, Dyson S. Elimination from elite endurance rides in nine countries: a preliminary study. Equine Vet J. 2010;42(supplement 38):637-643.

Éléments à retenir

→ Le protocole de la visite vétérinaire de transaction d’un cheval d’endurance est orienté par les exigences de la discipline, surtout si le cheval est destiné à des épreuves de haut niveau.

→ Le moment de la visite est primordial. Elle doit être réalisée chez un cheval à l’entraînement, sans être trop proche d’une épreuve.

→ L’examen orthopédique est un élément essentiel de la visite, car les boiteries sont un facteur d’élimination en épreuve.

→ Les examens complémentaires compor­tent généralement divers clichés radiogra­phiques, voire un examen échographique des membres.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Pratique Vétérinaire Equine.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr