Gestion des arthrites septiques chez le poulain - Pratique Vétérinaire Equine n° 171 du 01/07/2011
Pratique Vétérinaire Equine n° 171 du 01/07/2011

Article de synthèse

Auteur(s) : Matthieu Cousty*, Cyril Tricaud**

Fonctions :
*DMV, IPSAV
**DMV
Clinique vétérinaire équine de Livet
Cour Samson
14140 Saint-Michel-de-Livet

La gestion d’une arthrite septique est la même chez l’adulte et le poulain. Elle présente néanmoins des spécificités étiologiques, diagnostiques et thérapeutiques chez ce dernier.

L’arthrite septique est une affection fréquente à la fois chez le cheval adulte et le poulain. L’incidence chez le poulain pur-sang de moins de 30 jours est de l’ordre de 0,9 % [19]. La gestion chez le poulain est semblable à celle du cheval adulte. Toutefois, des spécificités existent dans l’étiologie, le diagnostic et le traitement. Un diagnostic adéquat et un traitement précoce et efficace constituent les éléments clés permettant d’améliorer les pronostics vital et sportif du poulain [11].

Étiologie et causes prédisposantes

Chez le cheval adulte, la survenue d’une arthrite septique est le plus souvent due à l’introduction d’une bactérie par une plaie pénétrante, avec une effraction de la capsule articulaire d’origine traumatique ou chirurgicale. La deuxième cause chez le cheval adulte est iatrogène, à la suite d’une injection intra-articulaire. Chez le poulain de moins d’un mois et demi, les arthrites septiques d’origine hématogène sont plus fréquentes. Lors de septicémie, les bactéries peuvent contaminer la cavité synoviale directement ou via la plaque de croissance [11]. L’origine traumatique est également rencontrée chez le poulain, comme chez le cheval adulte.

La cause la plus courante des septicémies est l’infection ombilicale. L’omphalophlébite étant un facteur favorisant fréquent des septicémies du poulain, une échographie de l’ombilic est recommandée chez les individus atteints d’une arthrite septique. Les affections digestives (diarrhées) et respiratoires (bronchopneumonies) sont aussi à rechercher [9].

Les bactéries les plus souvent isolés sont Escherichia coli, Actinobacillus spp. et Salmonella spp. pour les Gram négatif et Staphylococcus spp., Streptococcus spp., Rhodococcus spp. et Corynebacterium spp. pour les Grampositif [12]. Lors de rhodococcose, la contamination articulaire peut être secondaire à une infection osseuse primaire adjacente.

Les facteurs prédisposants sont un défaut de transfert d’immunité, une infection intra-utérine, une prématurité ou une dysmaturité et une mauvaise gestion d’élevage (défaut d’hygiène) [9]. Pour cette raison, lors de suspicion d’arthrite septique chez un poulain, il convient de vérifier le taux d’anticorps sanguins (test Snap Foal IgG) et l’absence de foyer infectieux primaire (ombilic, appareils respiratoire et digestif).

Diagnostic

Anamnèse

Les poulains de moins de 30 jours, qui ont présenté un défaut de transfert d’immunité colostrale, une infection ombilicale, digestive ou respiratoire, et prématurés ou dysmatures sont les plus fréquemment affectés [9, 11].

Signes cliniques

Tout poulain présentant une boiterie, une chaleur, une distension synoviale ou un œdème péri-articulaire est suspecté d’être atteint d’une arthrite septique. Les investigations doivent être mises en place rapidement pour confirmation ou infirmation.

Les poulains présentent généralement une boiterie de grade variable et dont les circonstances d’apparition sont diverses (boiterie après une certaine distance parcourue, plus visible au pas qu’au trot dans certains cas). L’hyperthermie (plus de 39 °C) est fréquente, sans être systématique. Une distension synoviale et de la chaleur en regard de l’articulation sont souvent présentes. Un œdème péri-articulaire est parfois observé et peut être étendu dans certains cas. Une douleur est souvent ressentie à la palpation de l’articulation. Les flexions passives sont en général positives, mais elles sont difficiles à interpréter chez les poulains qui ne sont pas encore habitués à donner leur pied. Pour cette raison, il convient de réaliser les flexions passives sur le membre opposé pour comparaison.

Chez un poulain suspecté de présenter une articulation atteinte, il est essentiel d’évaluer toutes les articulations à la recherche d’un des signes décrits précédemment. En effet, il est fréquent que plusieurs d’entre elles soient impliquées, sans que les symptômes n’aient la même intensité [9].

Examen radiographique

Un examen radiographique complet doit être effectué sur chaque articulation suspecte afin de détecter toute lésion osseuse sous-jacente. En effet, le pronostic est moins favorable lors d’atteinte articulaire associée à une atteinte osseuse [15]. Il convient d’observer attentivement les contours des articulations, les épiphyses et les métaphyses ainsi que toutes les plaques de croissance adjacentes afin de rechercher toute zone d’ostéolyse ou de remaniement (photos 1a et 1b).

En raison de la variabilité individuelle et de l’âge, il est recommandé de réaliser une radiographie de l’articulation controlatérale. En effet, les contours articulaires sont naturellement irréguliers chez le poulain, notamment pour les grassets et les jarrets. La comparaison des deux articulations permet de faciliter l’interprétation.

Les signes d’ostéomyélite apparaissent au minimum 2 à 3 jours après les symptômes cliniques [11]. Pour cette raison, il est intéressant de répéter les examens radiographiques tous les 4 à 5 jours pour vérifier l’apparition d’éventuelles lésions.

Examen échographique

L’échographie est utile pour confirmer la synovite de l’articulation impliquée et écarter les autres éléments du diagnostic différentiel, tels que les abcès péri-articulaires, les hématomes, etc. Une distension articulaire avec un liquide synovial d’échogénicité augmentée suggère une inflammation articulaire d’origine septique. Un œdème péri-articulaire peut être observé (photo 2). L’échographie permet aussi d’objectiver l’épaississement de la membrane synoviale et la présence de fibrine dans l’articulation. L’échographie est également très utile pour éviter les vaisseaux sanguins ou repérer une poche de liquide synovial. Enfin, l’échographie est indispensable pour ponctionner de façon échoguidée les articulations proximales (coude, épaule, grasset, hanche, etc.).

Autres examens d’imagerie médicale

Bien que l’apport de l’imagerie par résonance magnétique et du CT-scan soit actuellement peu documenté pour le diagnostic de ces affections, il semble que ces examens présentent un intérêt pour détecter des lésions osseuses non visibles à la radiographie [5]. À l’avenir, il est possible qu’ils soient effectués de manière plus répandue.

Analyse du liquide synovial

Le diagnostic de certitude est obtenu en analysant le liquide synovial. Une aiguille jaune 21 G permet d’en prélever rapidement. Après une préparation chirurgicale standard, 5 à 10 ml de liquide synovial sont idéalement prélevés pour des analyses cytologique et bactériologique. Des antibiotiques sont administrés par voie intra-articulaire immédiatement avant le retrait de l’aiguille.

Examen cytologique

Un premier prélèvement est effectué sur tube EDTA pour la cytologie, le comptage cellulaire, le différentiel et le taux de protéines. Le comptage cellulaire peut être réalisé sur un appareil automatisé standard avec une bonne précision. Un nettoyage de celui-ci après avoir analysé un liquide articulaire est souvent nécessaire. Toutefois, ces outils sont moins fiables pour obtenir le différentiel. La méthode manuelle repose sur l’utilisation d’une cellule de Malassez. Pour le taux de protéines, un réfractomètre classique est utilisé.

Lors de contamination sanguine importante, l’interprétation est délicate en raison des cellules et des protéines d’origine sanguine. Il est alors possible de faire une règle de trois pour obtenir le nombre de leucocytes d’origine sanguine présents dans l’articulation après avoir dosé la micro-hématocrite du liquide synovial, la micro-hématocrite du sang et les leucocytes sanguins [1] :

hématocrite en % liquide synovial/hématocrite en % sang = leucocytes d’origine sanguine du liquide synovial/leucocytes sanguins.

Ensuite, le nombre de leucocytes d’origine sanguine du liquide synovial est soustrait de celui de leucocytes totaux (dosés) du liquide synovial pour obtenir le nombre de leucocytes d’origine articulaire :

leucocytes d’origine articulaire = leucocytes totaux du liquide synovial – leucocytes d’origine sanguine du liquide synovial.

Un liquide articulaire normal est clair, jaune pâle, visqueux, et contient moins de 500 leucocytes/mm3 (ce qui correspond à moins de 0,5 x 109/l), moins de 10 % de neutrophiles et moins de 20 g/l de protéines. Un liquide articulaire typique d’une arthrite septique est turbide, jaune à orangé, aqueux, et contient plus de 30 000 leucocytes/mm3 (ce qui correspond à plus de 30 x 109/l), plus de 80 % de neutrophiles et plus de 30 g/l de protéines (tableau 1) [1]. En cas d’arthrite septique chronique, ou si les leucocytes sont emprisonnés dans de la fibrine en quantité abondante, un taux de 10 000 leucocytes/mm3 ne peut exclure une infection articulaire [1].

Un liquide articulaire contenant plus de 50 000 leucocytes/mm3 (ce qui correspond à plus de 50 x 109/l), plus de 90 % de neutrophiles et plus de 40 g/l de protéines est pathognomonique d’une inflammation d’origine septique [7].

L’apparence et la viscosité sont des critères dont le résultat est immédiat après la ponction, mais ils sont peu corrélés au taux cellulaire et au taux de protéines, notamment si une contamination sanguine lors de la ponction est présente. Pour cette raison, le comptage cellulaire, le différentiel cellulaire et le taux de protéines sont indispensables. Il peut être pertinent (notamment pour les cas douteux) de réaliser un examen cytologique complémentaire pour dénombrer la proportion et l’aspect des neutrophiles, et éventuellement détecter la présence de bactéries. Normalement, plus de 80 % de granulocytes neutrophiles sont présents dans un liquide synovial d’arthrite septique, et leur aspect est toxique ou dégénérés. Les neutrophiles toxiques contiennent des inclusions cytoplasmiques, et les neutrophiles dégénérés des noyaux condensés, moins découpés et plus basophiles. Sur une lame cytologique, il est parfois possible de voir les bactéries et de distinguer des coques ou des bacilles. L’augmentation du nombre de leucocytes est très rapide et le taux maximal est atteint entre 12 et 24 heures après l’infection [17]. Dans le cas des arthrites septiques chroniques, le comptage cellulaire peut être faible, mais le taux de protéines reste élevé [1].

Lors de certaines affections (notamment la rhodococcose), les poulains peuvent présenter une synovite ou une polysynovite. Des signes locaux sont présents (distension synoviale, œdème modéré, chaleur modérée, douleur modérée) bien que la boiterie soit légère, voire absente. L’analyse du liquide synovial met en évidence un comptage cellulaire modérément augmenté et un taux de protéines normal à légèrement en hausse, ce qui permet de faire le diagnostic différentiel avec une arthrite septique. Ces réactions non septiques sont probablement d’origine immunogène et répondent en général au traitement de la maladie primaire.

Examen bactériologique

Un deuxième prélèvement de liquide synovial est employé pour la bactériologie. Idéalement, un flacon d’hémoculture doit être utilisé pour potentialiser les chances d’enrichissement. Avec cette technique, un taux d’enrichissement positif de 79 % a été rapporté, supérieur à celui des autres techniques [3]. Un prélèvement sur milieu de culture aérobie est requis. En cas de plaie, un prélèvement sur milieu de culture anaérobie est également pratiqué. Idéalement, il doit être réalisé avant la mise en place de tout traitement. Cet examen est souvent négatif ; un taux de cultures négatives de 32,5 % a été rapporté [13]. Cependant, cet examen reste recommandé car la connaissance de la bactérie impliquée et de son antibiogramme est particulièrement utile pour les prises de décision thérapeutiques. La mise en œuvre de la PCR (polymerase chain reaction) pour augmenter les chances d’isoler les bactéries du liquide synovial a été rapportée, mais cela n’a pas encore d’application quotidienne, excepté pour les analyses PCR Rhodococcus [2]. Si une septicémie concomitante est présente, la réalisation d’une hémoculture est une autre façon de connaître le germe en cause dans la maladie.

Traitement

Un traitement agressif et efficace doit être mis en place le plus tôt possible pour optimiser les chances de guérison et limiter les risques d’arthrose.

Antibiothérapie par voie générale

Une antibiothérapie à spectre large doit être instaurée tant que l’agent infectieux n’est pas identifié. Un antibiotique bactéricide est recommandé. Les doses sont à adapter selon la pharmacologie spécifique du poulain. Comparativement aux chevaux adultes, les posologies d’antibiotiques sont souvent différentes car le poulain possède un compartiment extravasculaire augmenté et son système immunitaire est immature. Il convient aussi de réévaluer régulièrement le poids de l’animal en raison de sa croissance rapide, afin d’ajuster la dose à la posologie recommandée. La voie intraveineuse est préférable chez les poulains en raison des faibles volumes. Elle est indispensable lors d’affections concomitantes (septicémie, pneumonie, omphalophlébite, etc.).

Les cathéters long terme en polyuréthane permettent une administration intraveineuse sécuritaire sur une longue période. Toutefois, les faibles volumes d’antibiotiques administrés avec certaines spécialités permettent l’utilisation de la voie intramusculaire. En général, les antibiotiques systémiques sont prescrits sur une période de 3 à 4 semaines. La durée du traitement est adapté selon la réponse clinique, les analyses sanguines et du liquide synovial [11].

Les β-lactamines et les aminosides sont les plus fréquemment utilisés (tableau 2). Les fluoroquinolones ne sont pas conseillés en première intention en raison des effets secondaires décrits in vitro sur le cartilage équin [4]. Cependant, l’importance clinique de ces derniers n’est pas clairement décrite [18]. Cette classe peut être employée en dernier recours pour des salmonelles ou des bactéries résistantes. Par précaution, il convient alors de laisser les poulains au box pour limiter les contraintes sur le cartilage.

Antibiothérapie par voie locorégionale

La voie locorégionale intraveineuse peut aussi être utilisé chez le poulain sur les articulations distales du radius et du tibia. Une antibiothérapie systémique reste nécessaire. Par extrapolation des données pharmacocinétiques de l’adulte, un délai de 2 jours entre les injections paraît suffisant [9]. Dans la majorité des cas, une anesthésie générale de courte durée est nécessaire car les poulains tolèrent souvent mal la présence du garrot pendant les 20 minutes requises.

Chez les poulains de moins de 3 semaines, il est préférable d’utiliser des benzodiazépines (diazépam à la dose de 0,05 à 0,1 mg/kg) afin d’éviter la bradycardie due à l’administration d’α2-agonistes. Après 3 semaines, une sédation à la romifidine (0,08 mg/kg) suivie d’une induction à la kétamine (2,2 mg/kg) permet d’obtenir une anesthésie correcte. Si besoin, une injection de kétamine (0,4 mg/kg) prolonge la durée de l’anesthésie.

Un cathéter à papillon de petit diamètre (orange 25 G) prévient la formation d’hématomes à la suite des ponctions. Les céphalosporines et les aminosides peuvent être administrés. En raison de la variabilité des doses des études expérimentales chez le cheval adulte et de l’absence de données expérimentales chez le poulain, il est recommandé d’utiliser la totalité de la dose par voie générale si le garrot est posé sur le radius ou le tibia, et les deux tiers de celle-ci par voie générale s’il se trouve sur le canon (tableau 3). De la lidocaïne 2 % est préalablement injectée pour son effet analgésique et vasodilatateur. Les volumes sont réduits par rapport au cheval adulte pour prévenir les effets systémiques secondaires. 2 ml sont utilisés si le garrot est posé sur le canon, et 4 ml s’il se trouve sur le tibia ou le radius. Du NaCl 0,9 % est injecté pour obtenir un volume permettant une vasodilatation suffisante. Le volume est ainsi complété à 30 ml si le garrot est posé sur le canon et à 40 ml s’il est situé sur le tibia ou le radius.

Antibiothérapie par voie intra-articulaire

Après chaque lavage et chaque ponction, une injection intra-articulaire d’antibiotiques est réalisée après avoir vidangé l’articulation. Les molécules les plus fréquemment utilisées sont le ceftiofur, la gentamicine (hors autorisation de mise sur le marché) et l’amikacine (humaine) [11] Les doses varient selon que l’articulation impliquée est de petit (pied, boulet, carpe) ou de grand volume (jarret, grasset) (tableau 4). La gentamicine peut entretenir un certain degré d’inflammation dans l’articulation, ce qui se répercute sur le comptage cellulaire et le taux de protéines. Cela est à prendre en compte dans l’interprétation des résultats. Cet effet est moins souvent observé avec une faible dose [6].

Lavage articulaire à l’aiguille

Le lavage à l’aiguille est effectué lors d’infection gérée précocement, avant l’apparition de fibrine ou de pannus dans l’articulation. Pour réaliser un lavage efficace, il convient de placer un maximum d’aiguilles afin que les fluides (lactate de Ringer de préférence ou NaCl 0,9 %) diffusent dans l’ensemble de l’articulation. En pratique, quatre aiguilles sont recommandées pour les articulations du pied, du boulet et du jarret (deux dans les récessus dorsaux et deux dans les récessus palmaires ou plantaires), trois aiguilles dans chaque articulation du carpe (deux dans les récessus dorsaux et une dans le récessus palmaire latéral) et jusqu’à sept aiguilles dans un grasset (deux dans le récessus dorsal de l’articulation fémoro-patellaire, une dans la poche suprapatellaire de l’articulation fémoro-patellaire, deux dans l’articulation fémoro-tibiale latérale et deux dans l’articulation fémoro-médiale).

Les lavages peuvent être effectués sous sédation chez les jeunes poulains (diazépam pour les individus âgés de moins de 15 jours et a2-agonistes et butorphanol entre 15 et 30 jours d’âge) pour les articulations faciles à nettoyer (boulet, jarret, carpe). Chez les poulains plus âgés et les autres articulations, ils sont pratiqués sous une anesthésie générale de courte durée (α2-agonistes et kétamine chez les individus de plus de 3 semaines). Le protocole est le même que précédemment.

En pratique, l’utilisation d’une seringue de 50 ml permet d’obtenir des pressions suffisantes sans que les aiguilles soient obstruées par les villosités synoviales. Il est recommandé de passer au moins 1 l pour les articulations à petit volume (pied, boulet, carpe) et 2 l pour celles à grand volume (jarret, grasset). Une outre mise sous pression avec un manchon pneumatique est également très pratique.

Lavage articulaire sous arthroscopie

Le lavage sous arthroscopie permet de nettoyer et d’explorer l’articulation. Cette technique est indiquée en présence de fibrine ou de pannus observés durant l’échographie. De plus, l’exploration permet de mettre en évidence les éventuels défauts cartilagineux et sous-chondraux (photos 3a3b à 3c). Les lésions objectivées peuvent être débridées.

En revanche, le lavage articulaire sous arthroscopie impose une anesthésie générale, et par conséquent ses risques. Cette méthode est également plus difficile à mettre en œuvre chez les jeunes poulains, particulièrement sur les articulations de petit volume (le pied par exemple). Dans ce cas de figure, les incisions réalisées dans la capsule pour placer les instruments sont plus invasives qu’un lavage à l’aiguille.

Autres traitements

Le poulain est placé sous anti-inflammatoire aux posologies classiques (phénylbutazone, flunixine méglumine, méloxicam firocoxib). Si un anti-inflammatoire Cox1 et Cox2 est utilisé, il convient de surveiller l’apparition d’effets secondaires (ulcères gastriques, entéropathie, néphrotoxicité, notamment si le traitement est associé aux aminoglycosides).

Une administration préventive d’oméprazole (1 mg/kg per os) est recommandée pour prévenir les ulcères gastriques possiblement dus aux anti-inflammatoires et au stress de l’hospitalisation [9]. De la cimétidine ou de la ranitidine (médicament à usage humain) sont aussi indiquées.

Une échographie de l’ombilic est conseillée pour mettre en évidence un éventuel foyer infectieux à l’origine de l’infection articulaire. En effet, l’ombilic a parfois une apparence normale si l’infection est profonde. L’examen échographique permet alors de localiser les structures atteintes (artères ombilicales, veine ombilicale, ouraque, abcès ombilical) [10]. Si nécessaire, les vestiges ombilicaux sont réséqués durant l’anesthésie générale instaurée pour le lavage articulaire.

Le poulain doit rester au box avec un bandage pour réduire l’œdème et protéger les sites des ponctions et des points de suture.

Évaluation de la réponse aux traitements

Le confort du poulain est le premier critère d’une évolution favorable. Il convient de renouveler quotidiennement l’examen clinique de l’articulation impliquée et aussi de surveiller l’apparition d’éventuelles anomalies sur les autres articulations.

Répéter les ponctions permet d’évaluer le degré d’infection et d’inflammation de l’articulation et d’injecter régulièrement les antibiotiques à cette occasion. Le comptage des leucocytes doit normalement être en dessous de 5 000 leucocytes/mm3 après une arthrite septique contrôlée. S’il est supérieur à 50 000 leucocytes/mm3, un nouveau lavage articulaire est effectué [11]. Le taux de protéines tend à redescendre en dessous de 30 g/l, mais ce paramètre semble moins fiable pour évaluer la réponse aux traitements.

En cas de dégradation du confort avec un comptage cellulaire normal et un taux de protéines élevé, deux possibilités sont envisagées. La première éventualité est que l’arthrite septique devienne chronique en raison d’une absence de réponse aux traitements. Dans ce cas, les signes locaux persistent (distension articulaire, chaleur, œdème) [1]. La seconde hypothèse est qu’une lésion d’ostéomyélite se développe. Dans ce cas, les signes locaux peuvent être absents malgré une persistance de la boiterie. Un nouvel examen radiographique est alors indiqué, qui doit être répété 4 à 5 jours plus tard si aucune lésion n’est visible (photos 4a et 4b).

Pronostic

Peu d’informations sont disponibles sur le pronostic. Un taux de survie de 45 % a été rapporté en 1992 [12, 13]. Un taux d’élimination de l’infection de 70 % a été relevé en l’absence de septicémie ou d’ostéomyélite [15]. Il est de l’ordre de 50 % si une lésion d’ostéomyélite est aussi présente [15]. Plus récemment, un taux de survie de 80 % a été rapporté chez des poulains traités pour une ostéomyélite. En revanche, seulement 50 % de ces poulains ont couru normalement. La même étude souligne que l’atteinte de plusieurs articulations est un élément pronostique défavorable [8]. Chez le cheval adulte, le pronostic est moins bon lorsqu’un agent pathogène est isolé lors de l’analyse bactériologique [16]. Cette information n’a pas été vérifiée chez le poulain. Il est possible que le taux de survie soit meilleur actuellement, notamment depuis l’utilisation de l’antibiothérapie locorégionale. Les poulains pur-sang traités pour une arthrite septique ont significativement moins de chance de courir que leurs frères et sœurs indemnes de cette maladie [14].

Conclusion

Un diagnostic précis et un traitement rapide et efficace sont indispensables pour la gestion des arthrites septiques chez le poulain. Le lavage articulaire est une étape essentielle de la prise en charge. Les traitements locaux et locorégionaux sont des outils efficaces lorsqu’ils sont correctement instaurés. Le pronostic est favorable en l’absence de lésions osseuses associées. Il reste actuellement réservé dans le cas contraire.

Références

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  • 2 – Crabill MR et coll. Detection of bacteria in equine synovial fluid by use of the polymerase chain reaction. Vet. Surg. 1996;25(3):195-198.
  • 3 – Dumoulin M et coll. Use of blood culture medium enrichment for synovial fluid culture in horses : a comparison of different culture methods. Equine Vet. J. 2010;42(6):541-546.
  • 4 – Egerbacher M, Edinger J, Tschulenk W. Effects of enrofloxacin and ciprofloxacin hydrochloride on canine and equine chondrocytes in culture. Am. J. Vet. Res. 2001;62(5):704-708.
  • 5 – Gaschen L et coll. Magnetic resonance imaging in Foals with infectious arthritis. Vet. Radiol. Ultrasound. 2011 (sous presse).
  • 6 – Lloyd KC et coll. Synovial fluid pH, cytologic characteristics, and gentamicin concentration after intra-articular administration of the drug in an experimental model of infectious arthritis in horses. Am. J. Vet. Res. 1990;51(9):1363-1369.
  • 7 – McIlwraith C. Synovial fluid analysis in the diagnosis equine joint disease. Equine Pract. 1986;2:44-48.
  • 8 – Neil KM et coll. Retrospective study of 108 foals with septic osteomyelitis. Aust. Vet. J. 2010;88(1-2):4-12.
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  • 11 – Schneider RK. Synovial and osseous infectious. In : Equine surgery. Auer J, Stick JA, eds. Saunders, St Louis. 2006:1121-1130.
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Éléments à retenir

→ Chez le poulain, les arthrites septiques d’origine hématogène sont les plus fréquentes.

→ Un liquide articulaire typique d’une arthrite septique est turbide, jaune à orangé, aqueux, et contient plus de 30 000 leucocytes/mm3 (ce qui correspond à plus de 30 x 109/l), plus de 80 % de neutrophiles et plus de 30 g/l de protéines.

→ L’administration d’antibiotique par voie locorégionale intraveineuse est réalisable chez le poulain sous anesthésie générale fixe de courte durée.

→ Un lavage articulaire à l’aiguille ou sous arthroscopie est une étape indispensable du traitement.

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