Exercice et bilan oxydatif - Pratique Vétérinaire Equine n° 170 du 01/04/2011
Pratique Vétérinaire Equine n° 170 du 01/04/2011

Fiche technique

Auteur(s) : Nathalie Kirschvink

Fonctions : Unité de recherche vétérinaire intégrée, Département de médecine vétérinaire, Université de Namur, 5000 Namur, Belgique
nathalie.kirschvink@fundp.ac.be

Les examens complémentaires en médecine sportive équine englobent aujourd’hui un aspect particulier de la biochimie, l’équilibre oxydatif. Ce domaine d’investigation, encore relativement récent en pratique équine, incite le praticien à adopter une approche pluridisciplinaire incluant la biochimie, la nutrition, l’entraînement et la pathologie. L’équilibre oxydatif, ou le bilan oxydatif, résulte d’une interaction complexe entre les éléments pro-oxydants et antioxydants (encadré). Des facteurs tels que l’exercice et l’entraînement, des processus métaboliques physiologiques ou pathologiques (comme l’inflammation) et les apports alimentaires en antioxydants sont des paramètres qui peuvent moduler l’équilibre oxydatif.

Qu’est-ce que le stress oxydatif et quelle est sa relation avec l’exercice ?

La notion de stress oxydatif a été définie par Sies comme un déséquilibre prononcé entre les antioxydants et les pro-oxydants en faveur de ces derniers et de leurs effets potentiellement néfastes [4]. Les sources d’éléments pro-oxydants (ou formes réactives de l’oxygène, FRO) au sein de l’organisme sont multiples, mais peuvent être groupées selon trois origines :

– la chaîne de transfert des électrons dans les mitochondries ;

– les réactions métaboliques ;

– la flambée respiratoire des cellules phagocytaires.

L’importance relative de ces trois générateurs de FRO dépend de l’état physiologique de l’individu. Environ 2 % de l’oxygène n’est pas réduit en eau, mais transformé en anion superoxyde au niveau de la chaîne de transfert des électrons. Lors d’un exercice physique intense, l’athlète équin augmente sa consommation en oxygène de 35 à 40 fois (contre 20 fois chez l’homme athlète). Par conséquent, la génération mitochondriale de FRO dans le tissu musculaire est très importante. Toute augmentation de l’activité métabolique va de pair avec une production accrue de FRO, dans la mesure où de nombreuses réactions enzymatiques s’accompagnent d’une production d’anion superoxyde ou de peroxyde d’hydrogène. La troisième source essentielle de FRO consiste en une libération d’anions superoxyde dans les cellules phagocytaires : leur “flambée respiratoire” est un élément majeur de la défense immunitaire. Tout processus pathologique associé à une réaction inflammatoire qui fait intervenir les cellules phagocytaires (monocytes, polynucléaires neutrophiles et éosinophiles) s’accompagne d’une production accrue de FRO. Ainsi, la production principale de FRO chez l’athlète équin en bonne santé est liée à son exercice physique.

L’organisme dispose d’une série de défenses antioxydantes qui permettent :

– d’inactiver les FRO ;

– de limiter leurs effets ;

– de réparer les dommages des FRO (mutation ADN par exemple) ;

– ou de prévenir la génération de FRO.

Ces défenses peuvent être de nature enzymatique, telles que la glutathion peroxydase (GPX), la superoxyde dismutase (SOD) ou la catalase (CAT). À côté de ces antioxydants enzymatiques existent des antioxydants non enzymatiques. Ces derniers sont souvent considérés selon leur nature chimique, et il convient de distinguer, d’une part, des antioxydants hydrophobes tels que l’α-tocophérol (vitamine E), les caroténoïdes (vitamine A), l’ubiquinol et les flavonoïdes, et, d’autre part, les antioxydants hydrophiles tels que l’acide ascorbique (vitamine C), le glutathion (formes réduite [GSH] et oxydée [GSSG]) et l’acide urique. Il est aussi possible de les différencier par leur origine : endogène (SOD, GPX, CAT) ou exogène (c’est-à-dire souvent des vitamines et des oligo-éléments d’origine alimentaire).

Lorsque la production de FRO dépasse la capacité antioxydante de l’organisme, un déséquilibre en faveur des FRO s’installe. Si la présence de FRO en faibles quantités est indispensable en modulant l’activité cellulaire (“régulation redox”), une surproduction peut, dans un premier temps, être un processus inflammatoire en soi et, ensuite, mener à une déplétion en antioxydants. Cette dernière peut entraîner des altérations des constituants cellulaires (peroxydation des lipides membranaires, oxydation des protéines intracellulaires ou membranaires, altération de l’ADN). Le déséquilibre peut aussi être la conséquence d’un défaut en antioxydants, ou la résultante d’une surproduction de FRO et d’un déficit en antioxydants. La définition d’un véritable stress oxydatif reste donc délicate car la transition du processus physiologique au processus pathologique n’est pas nette. Il est, dès lors, préférable de parler d’un équilibre oxydatif plutôt que d’un stress oxydatif (figure 1) [1].

Quelles sont les conséquences d’un déséquilibre oxydatif pour l’athlète équin ?

Une surproduction de FRO liée à l’exercice physique a été mise en relation avec l’apparition de myopathies. Les hémorragies pulmonaires induites par l’exercice semblent également être favorisées par un déséquilibre oxydatif. Bien qu’aucun signe clinique pathognomonique de celui-ci n’existe et qu’aucune étude ne montre qu’une complémentation en antioxydants améliore les performances sportives, les recherches scientifiques s’accordent à conclure qu’un déséquilibre oxydatif diminue les performances. Il a ainsi été avéré que la déplétion en glutathion (le principal antioxydant musculaire) réduit de manière importante la résistance à la fatigue musculaire chez des rats. Bien que des essais similaires n’aient pas été réalisés dans l’espèce équine, il semble se confirmer qu’un déséquilibre oxydatif ne permette pas d’obtenir une performance optimale. En effet, ce dernier est fréquemment observé chez des chevaux contre-performants [3]. Chez le cheval, il a également été mis en évidence qu’un entraînement trop prolongé, mal mené ou trop intense génère un déséquilibre oxydatif. Lequel prédispose l’athlète équin à une dépression immunitaire (flambée respiratoire moins efficace), aux myopathies et à une contre-performance.

Comment établir un bilan oxydatif chez un athlète équin ?

L’investigation du statut oxydatif de l’athlète équin ne peut être réalisée qu’au moyen de la détermination de marqueurs oxydants et antioxydants. En raison de la courte durée de vie des FRO, leur quantification n’est pas aisée. Il convient alors d’avoir recours à la recherche dans le sang d’antioxydants (enzymatiques tels que la SOD ou la GPX et non enzymatiques tels que le GSH, la vitamine C, etc.), de marqueurs d’oxydation (peroxydes lipidiques, protéines oxydées, etc.) et d’éléments favorisant les processus antioxydants enzymatiques (par exemple, le sélénium pour la GPX ou le zinc pour la SOD). Les interactions entre les FRO et les antioxydants sont multiples et complexes, et les produits résultant du processus d’oxydation multiples. Un véritable bilan oxydatif est donc fortement conseillé, plutôt que de focaliser son intérêt sur un ou deux marqueurs. Cela est d’autant plus vrai chez le cheval de sport ou de course puisque l’exercice physique peut provoquer des modifications à très court terme (dans les minutes qui suivent) et/ou à moyen terme (dans les heures après l’activité) de certains marqueurs. L’analyse d’un seul marqueur peut, dès lors, donner un aperçu très incomplet du statut oxydant-antioxydant. Au vu de l’importance de l’exercice physique et des processus métaboliques chez le cheval sain, le bilan oxydatif s’intègre généralement dans un bilan sanguin plus complet (tableau).

Afin d’évaluer l’état d’entraînement et la capacité de l’animal à répondre à un effort physique, il convient de réaliser le bilan oxydatif dans le cadre d’un test d’effort (standardisé et spécifique à chaque discipline). L’analyse des résultats du bilan oxydatif associés aux performances proprement dites (lactates, fréquences cardiaques et paramètres associés), ainsi qu’aux dosages des enzymes musculaires (déterminées dans des échantillons sanguins avant et après l’effort) permet une interprétation bien plus précise et pointue qu’un bilan pratiqué chez un cheval au repos [3]. Comme pour les paramètres de performance, il est également intéressant de réaliser un bilan oxydatif de manière régulière : la répétition de l’exercice au cours de l’entraînement modifie les besoins en antioxydants (exogènes notamment), mais elle permet aussi une adaptation des défenses antioxydantes endogènes (notamment des défenses enzymatiques). Il est, dès lors, utile d’évaluer périodiquement cet équilibre dynamique.

Un point primordial indispensable à une évaluation adéquate du bilan oxydatif est la qualité du traitement des échantillons : la majorité des marqueurs oxydants et antioxydants sont chimiquement instables. Un échantillon doit être maintenu au froid (4 à 6 °C) dès la collecte de sang et traité rapidement (dans les 24 heures). Il convient de se renseigner auprès du laboratoire sur les exigences spécifiques que requièrent certains paramètres. Concernant l’interprétation des résultats, des valeurs de référence appropriées sont essentielles.

Comment corriger un déséquilibre oxydatif chez l’athlète équin ?

Si un déséquilibre oxydatif est détecté chez un cheval de sport ou de course, une augmentation des apports en antioxydants peut être envisagée. Il convient, tout d’abord, de vérifier si la ration journalière est suffisante et d’une bonne qualité. Cependant, chez les athlètes équins, comme chez l’homme, il est fréquent que les besoins en antioxydants dépassent les apports alimentaires classiques et qu’une complémentation spécifique soit requise.

En raison de la complexité des interactions entre les antioxydants, il est préconisé de complémenter l’animal à l’aide d’un mélange, plutôt qu’avec une seule vitamine ou un seul oligo-élément. Des produits appropriés aux besoins des chevaux de sport et de course, des poulinières et des jeunes chevaux en croissance sont actuellement disponibles sur le marché. La durée minimale d’une complémentation est de 6 à 8 semaines afin que tout le système antioxydant puisse s’adapter aux nouveaux apports. En effet, si l’ajout en antioxydants exogènes corrige rapidement une déficience de ces derniers, plus de temps est nécessaire pour que la complémentation ait des répercussions sur les antioxydants endogènes (dont la sollicitation est moindre en réponse à celle-ci) [2]. Une adaptation du schéma d’entraînement (durée, intensité, fréquence et type d’exercice) est aussi recommandée car l’activité en elle-même a un impact sur le bilan oxydatif. Une réévaluation du statut oxydant-antioxydant est généralement pratiquée après cette période minimale de complémentation (figure 2).

Le bilan oxydatif est devenu un élément dont le vétérinaire et l’entraîneur doivent tenir compte dans un check-up complet d’un cheval de sport. La stabilité d’un équilibre oxydant-antioxydant au cours d’une saison d’épreuves contribue au maintien de la bonne santé de l’athlète équin.

Références

  • 1. Kirschvink N, de Moffarts B, Lekeux P. The oxidant/antioxidant equilibrium in horses. Vet. J. 2008;177:178-191.
  • 2. Moffarts (de) B, Kirschvink N, Art T, Pincemail J, Lekeux P. Effect of oral antioxidant supplementation on blood antioxidant status in trained thoroughbred horses. Vet. J. 2005;169:65-74.
  • 3. Richard E, Fortier G, Pitel PH et coll. Subclinical diseases affecting performance in Standardbred trotters: Diagnostic methods and predictive parameters. Vet. J. 2010;184:282-289.
  • 4. Sies H. Oxidative stress: introduction. In: Oxidative stress: oxidants and antioxidants. Sies H (ed.). Academic Press, London. 1991:XV-XXII.

Encadré : Bilan oxydatif

Le bilan oxydatif peut être réalisé à partir d’une prise de sang et donne un aperçu de l’équilibre oxydant-antioxydant de l’athlète équin. Des marqueurs quantifiant et qualifiant les défenses antioxydantes ainsi que les produits d’oxydation sont déterminés et permettent d’établir le bilan oxydatif.

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