Mise en place, retrait et complications du cathéter sous-palpébral - Pratique Vétérinaire Equine n° 169 du 01/01/2011
Pratique Vétérinaire Equine n° 169 du 01/01/2011

Fiche technique

Auteur(s) : Thomas Launois*, Anne-Marie Desbrosse**

Fonctions :
*DVM, DECVS, DESV, DE ophtalmologie, Clinique équine Desbrosse, SELARL des vétérinaires Perrin, Launois et Brogniez
**DVM, 18, rue des Champs, La Brosse, 78470 Saint-Lambert-des-Bois

La mise en place d’un cathéter sous-palpébral trouve souvent des indications chez le cheval pour faciliter des soins oculaires intensifs dans la phase postopératoire de certaines interventions chirurgicales, lors d’affection grave de l’œil ou bien lorsque l’animal a un tempérament difficile. Ce cathéter sous-palpébral est retiré assez facilement en fin de traitement. Cependant, il s’enkyste parfois dans la conjonctive sous-palpébrale et son retrait peut alors poser une difficulté technique.

Matériel

• Un cathéter sous-palpébral et son kit de mise en place, qui comprend un trocart, un cathater et un bouchon membrane (Eye Lavage Kit Mila n° 6612L, qui contient également une spatule pour guider le trocart ou Ocular Lavage Catheter de chez Surgivet, disponible chez Coveto).

• Une base stérile avec un manche de bistouri Bard-Parker n° 4 pour lame 23, un porte-aiguilles, une pince à dents de souris et des ciseaux universels.

• Du sparadrap.

• Des cotons-tiges stériles.

• De la Vétédine® Solution diluée à 0,5 % dans du NaCl 0,9 %.

• Du fil Ethicrin® USP 1 monté sur une aiguille courbe.

• Deux abaisse-langues.

Préparation

Une sédation par un α2-agoniste est nécessaire. Lorsque le cheval est très douloureux, il est possible d’associer les α2-agonistes à de la morphine. Le chlorhydrate de morphine est utilisé à la posologie de 30 µg/kg. Sa durée d’action est d’environ 4 heures. La morphine est préférée au butorphanol, ce dernier pouvant provoquer des secouements de la tête.

L’asepsie de l’œil, de ses annexes et du pourtour cutané est réalisée. Il convient, si possible, d’éviter de tondre le pourtour de l’œil pour ne pas mettre des poils irritants dans un organe déjà malade. Le pourtour cutané de l’œil est tout d’abord désinfecté avec de la Vétédine® Savon, en prenant soin de protéger ce dernier. Puis la zone est rincée avec de la polyvidone iodée diluée à 0,5 %. Puis l’opérateur procède à l’asepsie des culs-de-sac conjonctivaux de l’œil avec des cotons-tiges imbibés de Vétédine® Solution diluée à 0,5 %, puis à un rinçage abondant avec du NaCl 0,9 %.

La sédation n’est pas suffisante pour supprimer un blépharospasme important, le cheval possédant un muscle orbicularis oculi puissant [2]. Une anesthésie locale du nerf moteur auriculo-palpébral est alors utile. Ce nerf peut être anesthésié en trois endroits : caudalement au bord postérieur de la mandibule, au point le plus haut de l’arc zygomatique de l’os temporal et à la jonction de l’os temporal et de l’os frontal au niveau de l’arc zygomatique (photo 1). L’anesthésie locale est d’autant plus efficace qu’elle est pratiquée assez haute. Elle aboutit à une akinésie du muscle orbicularis oculi. Pour cela, 2 ml de solution anesthésique sont injectés avec une aiguille 25 G à proximité du nerf, puis le site d’injection est massé pour permettre une meilleure pénétration du produit. L’anesthésique local le plus souvent utilisé est la lidocaïne 2 %, qui commence à agir 5 minutes après l’administration et dont la durée d’action est de 60 à 90 minutes. L’anesthésie du nerf auriculo-palpébral entraîne la paralysie du muscle orbicularis oculi de la paupière supérieure et, dans une moindre mesure, de la paupière supérieure. Lors de la mise en place d’un cathéter sous-palpébral à la paupière supérieure, l’anesthésie du nerf auriculo-palpébral est complétée par celle du nerf frontal (au niveau du foramen supra-orbitaire), qui innerve la partie centrale de la paupière supérieure. Le nerf frontal est anesthésié alors qu’il sort du foramen supra-orbitaire de l’os frontal (photo 2). Une aiguille est insérée dans le foramen ou juste au-dessus. Si l’injection est pratiquée autour du foramen, le volume administré est de 1 à 2 ml d’anesthésique local. Il n’est généralement pas nécessaire d’injecter dans le foramen car une très bonne anesthésie est obtenue sans cela. Dans le cas de l’insertion d’un cathéter dans la paupière inférieure, l’anesthésie du nerf auriculo-palpébral est complétée de celle des nerfs sensitifs suivants : le nerf zygomatique à l’aide d’une anesthésie traçante le long du bord ventro-latéral de l’orbite et le nerf infratrochléaire au niveau d’une fissure osseuse de l’orbite ventro-médialement.

Puis l’anesthésie locale de la cornée est réalisée avec de la tétracaïne collyre (photo 3).

Protocole opératoire de mise en place du cathéter

Le manche de bistouri Bard-Parker n° 4 (ou la spatule stérile du Kit Mila) est tout d’abord introduit sous la paupière supérieure avec la partie arrondie vers le haut (photo 4). Le trocart, qui traverse la paupière supérieure avec le cathéter fixé, est glissé le long du manche, qui protège l’œil (photo 5). Pour prévenir tout risque de frottement du cathéter sur la cornée, le trocart doit sortir le plus haut possible. Pour cela, il est glissé contre le relief osseux de l’orbite supérieure. Il convient de s’assurer d’une certaine tension afin que son extrémité ne puisse pas descendre sous la paupière.

Puis le cathéter est entouré par des “papillons de sparadrap”, qui sont fixés à la peau avec des points en “U”, en commençant dans la partie supérieure de l’orbite et en continuant au niveau du front (il est préférable de faire une anesthésie locale à chaque point) (photo 6). La crinière est nattée et le cathéter toujours relié au trocart est glissé à la base des nattes, puis la partie terminale avec le bouchon à membrane est fixée à l’abaisse-langue, qui facilite la réalisation des soins (photos 7, 8 et 9).

Le cathéter peut rester ainsi en place de quelques jours à 4 à 5 mois en fonction de la tolérance du cheval. Pour éviter qu’il ne se frotte, un système d’œillères peut être mis en place, ce qui augmente la durée de vie du cathéter (photo 10) [1, 2].

Protocole d’utilisation

Avant toute utilisation, il convient de désinfecter le bouchon à membrane avec de l’Ocryl® ou du Dacryosérum®. Puis 0,5 ml à 0,2 ml de collyre, selon le cathéter utilisé, est injecté le plus lentement possible. Entre chaque collyre, un volume identique d’air est injecté lentement. Il convient d’attendre de 3 à 5 minutes entre chaque collyre (idéalement 15 minutes entre chaque collyre, mais cela est difficile en pratique quotidienne). Certains chevaux sont violents lors de ces injections. À chaque utilisation, il convient de vérifier que le cathéter est en place et ne descend pas sur la cornée.

Protocole de retrait du cathéter sous-palpébral

Procédure classique

Selon le tempérament du cheval, il est parfois nécessaire de le tranquilliser. L’administration d’un α2-agoniste peut faciliter le retrait du cathéter car la tête du cheval est alors plus basse, d’où une meilleure visualisation. Une anesthésie locale de la cornée est réalisée avec de la tétracaïne collyre, associée parfois à une anesthésie des nerfs auriculo-palpébral et frontal.

Les fils de contention du cathéter sont sectionnés. Le cathéter et son point d’entrée dans la paupière sont désinfectés avec une solution antiseptique oculaire. Le cathéter est coupé à 8 à 10 cm de son point d’entrée dans la paupière. Puis il est repoussé progressivement jusqu’à ce que la barre en “T” apparaisse distalement à la paupière supérieure. Elle est alors saisie avec un doigt glissé sous la paupière, une pince de Graeff ou une petite pince clamp courbe atraumatique (l’anesthésie de la cornée doit être suffisante pour éviter tout réaction du cheval) (photos 11 et 12).

L’orifice de sortie du cathéter cicatrise par seconde intention. Une petite suppuration due à l’irritation locale est souvent présente localement. Une pommade ophtalmologique peut être appliquée pendant quelques jours. La plaie une fois cicatrisée peut présenter quelques poils blancs.

Procédure lors d’enkystement du cathéter

Lorsque le cathéter s’enkyste dans la conjonctive palpébrale, la technique de retrait est bien différente. Le client appelle généralement pour signaler qu’il n’est plus possible d’administrer du collyre par le cathéter. Ce dernier semble bouché ou bien un gonflement de la paupière supérieure est constaté.

Ce type de situation peut se rencontrer aussi lors du retrait d’un cathéter sous-palpébral laissé en place pendant une longue durée.

Une tranquillisation avec un α2-agoniste est nécessaire, ainsi qu’une anesthésie tronculaire des nerfs auriculo-palpébral et frontal, et une anesthésie locale de la cornée avec de la tétracaïne en collyre. Une désinfection soigneuse du cathéter sous-palpébral et du point d’entrée cutané de la paupière est réalisée avec une solution antiseptique oculaire, comme décrit précédemment.

Le cathéter est coupé à 3 cm de son entrée dans la paupière supérieure. Une intranule de 20 G est introduite dans le cathéter avec son trocart jusqu’à ce que la pointe atteigne l’entrée cutanée de la paupière, puis le trocart est retiré pour ne laisser que la partie plastique de l’intranule. Celle-ci est glissée plus loin dans le cathéter sous-palpébral, si cela est possible, l’intranule adhérant au cathéter sous-palpébral.

Par sa rigidité, l’intranule permet de repousser le cathéter sous-palpébral, qui suit la courbure de l’œil et peut être trouvé dans l’angle nasal de celui-ci, où il est saisi à l’aide d’une pince de Graeff ou d’un clamp avec une extrémité mousse (photos 13 et 14).

Dans certains cas, la conjonctive a cicatrisé par-dessus le bout du cathéter, et il est alors nécessaire de faire une dissection en regard de l’embout (photos 15 et 16).

Les jours suivants, les soins locaux restent les mêmes que lors du retrait d’un cathéter sous-palpébral selon la procédure classique.

Cette technique permet un retrait atraumatique du cathéter sous-palpébral dans certaines situations, à défaut de quoi un acte invasif peut être traumatisant pour l’œil traité [3].

Ces procédures permettent la mise en place et le retrait d’un cathéter sous-palpébral dans la plupart des situations, tout en respectant l’œil le plus possible et en s’adaptant au tempérament du cheval. Elles visent un traitement optimal, qui peut être administré par le propriétaire.

Références

  • 1 – Launois T, Desbrosse AM. Mise en place et retrait du cathéter sous-palpébral et complications. Congrès Avef 2006.
  • 2 – Launois T. Particularités de la douleur oculaire chez le cheval. AFOV. Journée annuelle. 10 novembre 2007.
  • 3 – Launois T, Desbrosse AM. Subpalpebral lavage catheter insertion in horses: management and prevention of complications. 10th Weva Congress. 2008.
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