Hernies inguinales chroniques : diagnostic, traitement et prévention par laparoscopie - Pratique Vétérinaire Equine n° 167 du 01/09/2010
Pratique Vétérinaire Equine n° 167 du 01/09/2010

Article de synthèse

Auteur(s) : Sarah Ténédos*, Céline Mespoulhes-Rivière**, Fabrice Rossignol***

Fonctions :
*Institut Français du Cheval et de l’Équitation
BP 207
49411 Saumur Cedex
**Clinique équine
ENV d’Alfort, 7, av. du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex
***Clinique équine de Grosbois
Domaine de Grosbois
94470 Boissy-Saint-Léger

La laparoscopie permet de réduire la plupart des hernies inguinales non étranglées sans anesthésie générale. L’anneau vaginal peut alors être abordé, et plusieurs techniques chirurgicales sont utilisables pour prévenir la récidive.

Une hernie inguinale correspond au passage anormal d’un segment intestinal ou d’une portion de mésentère (épiploon) de la cavité abdominale vers le canal inguinal [7, 14].

Classiquement rapportées, les hernies inguinales sont prédominantes chez les poulains nouveau-nés et les adultes entiers (encadrés 1 et 2) [7, 11, 14-16].

Bien que peu décrites dans la littérature, les hernies inguinales chez les hongres sont réelles et peuvent être à l’origine de signes de coliques [3, 15]. De même, les hernies inguinales chroniques chez les étalons et les poulains pour lesquels le traitement conservateur reste sans succès sont des cas atypiques dont il convient de maîtriser la gestion.

L’objectif de cet article, illustré par quatre cas cliniques, est de décrire l’intérêt de la laparoscopie dans le diagnostic, le traitement et la prévention des hernies inguinales chroniques chez le cheval.

Cas clinique 1

Un étalon hanovrien âgé de 5 ans est présenté à la clinique équine de Grosbois pour la réalisation d’une hernioplastie(1) bilatérale sous laparoscopie avec une tranquillisation debout.

Commémoratifs et anamnèse

L’étalon sort en CSO grand prix et est à la reproduction. Il a présenté plusieurs épisodes de coliques durant sa carrière, secondaires à une hernie inguinale récurrente. Il est conduit, une semaine avant la date de l’intervention, chez son vétérinaire traitant pour l’exploration d’une douleur abdominale. Le cheval présente à nouveau une hernie inguinale gauche avec le passage d’une partie de l’intestin grêle, résolue manuellement par palpation transrectale. Le vétérinaire décide de référer le cheval pour la réalisation d’une hernioplastie bilatérale (avec préservation des testicules), afin de limiter les récidives de hernie inguinale.

Examens clinique et complémentaires

À l’arrivée du cheval, l’examen clinique général ne révèle aucune anomalie. L’examen préopératoire est également normal. Le matin de l’intervention chirurgicale, l’animal présente une distension en regard du scrotum à gauche, non sensible à la palpation. À la palpation transrectale, le passage d’une portion d’intestin grêle dans l’anneau inguinal est suspecté. L’intervention chirurgicale est réalisée immédiatement.

Hernioplastie bilatérale sous laparoscopie chez le cheval debout

Le cheval est placé dans un travail et tranquillisé grâce à un bolus de détomidine (10 µg/kg) et de butorphanol (20 µg/kg). L’entretien est assuré par une perfusion de détomidine au rythme de 0,5 µg/kg/min pendant environ 15 minutes, puis 0,3 µg/kg/min pendant 15 minutes, puis 0,15 µg/kg/min pour la suite de l’opération. Le débit est ajusté au besoin, en fonction de la réaction du cheval. L’exploration cœlioscopique à gauche permet d’observer une fibrose et un élargissement de l’anneau vaginal gauche, ainsi qu’une hernie non étranglée de 40 cm de jéjunum dans l’anneau inguinal (photo 1). L’intestin grêle est facilement retiré de l’anneau grâce à l’utilisation de pinces Babcock(2) (photo 2). Une hernioplastie bilatérale avec réalisation d’un volet péritonéal est effectuée selon la technique décrite par Rossignol (encadré 3) [14].

Suivi postopératoire immédiat

Le cheval reçoit en antibioprophylaxie de la cefquinome par voie intraveineuse à la dose de 1 mg/kg 1 fois sur 24 heures et un traitement anti-inflammatoire à base de phénylbutazone à la dose de 2,2 mg/kg 2 fois par jour par voie intraveineuse pendant 5 jours.

Les premiers jours postopératoires, il présente un discret inconfort et une hyperthermie à 38,4 °C. Les analyses hématologiques révèlent une hyperfibrinogénémie modérée. L’état clinique de l’animal se normalise dans les 10 jours postopératoires. Aucun gonflement testiculaire n’est noté.

Suivi du cas sur 3 ans

Le cheval reprend la compétition à son niveau antérieur et a effectué normalement deux saisons de monte. Aucun signe de coliques, ni aucune récidive de hernie ne sont rapportés par le propriétaire.

Cas clinique 2

Un poulain âgé de 3 mois est présenté à la clinique équine de Grosbois pour l’exploration d’une hernie inguinale gauche congénitale qui ne répond pas à un traitement conservateur (manipulation passive et pansements croisés) et qui s’aggrave (augmentation de la taille de la hernie et de l’engorgement).

Commémoratifs et anamnèse

Le poulain présente depuis la naissance une hernie inguinale congénitale à gauche. Le propriétaire souhaite préserver la fertilité de cet animal, tout au moins temporairement. Une hernioplastie sous anesthésie générale est alors décidée.

Examens clinique et complémentaires

À l’arrivée, le poulain présente une distension scrotale gauche réduite manuellement. Cependant, la hernie se reforme dans l’heure. L’échographie scrotale révèle la présence d’anses d’intestin grêle. L’examen préopératoire est normal. L’intervention chirurgicale est prévue le lendemain.

Hernioplastie unilatérale sous anesthésie générale

Le poulain est placé en décubitus dorsal sous anesthésie générale. Une préparation aseptique large autour de l’ombilic, ainsi qu’une anesthésie locale de la peau, des muscles et du péritoine sont réalisées avec de la lidocaïne, afin d’assurer une meilleure analgésie peropératoire. Le laparoscope est introduit 2 cm cranialement à l’ombilic. La position de Trendelenburg (inclinaison de la table de chirurgie d’environ 30°, de telle sorte que la tête soit plus basse que la queue) est adoptée et l’abdomen est insufflé avec du CO2 jusqu’à visualisation des anneaux vaginaux. Un trocart est introduit 12 cm cranio-médialement par rapport à l’anneau inguinal externe gauche (photo 10). L’exploration de la région inguinale à gauche confirme le passage d’une portion d’intestin grêle dans le canal inguinal. L’intestin grêle est facilement retiré grâce à l’utilisation de pinces Babcock. La fermeture du bord cranial de l’anneau inguinal interne est réalisée avec des agrafes Endo Hernia Roticulator®(3) ou Protack®(3), en prenant soin de ne pas étrangler le mésorchium (photo 11). Pour cela, ce dernier est repoussé caudo-latéralement à l’aide de la pince Babcock.

Suivi postopératoire immédiat

Le poulain reçoit en antibioprophylaxie du ceftiofur par voie intramusculaire (2,2 mg/kg, 2 fois sur 24 heures) et un traitement anti-inflammatoire par voie intraveineuse à base de flunixine méglumine (1 mg/kg, 2 fois/j) pendant 5 jours. Il est mis au box pendant 3 semaines, puis dans un petit paddock pendant 3 semaines avant de retourner au pré.

Suivi du cas

Le poulain présente un œdème ventral discret pendant 4 jours, résolu spontanément. Dans l’année qui suit l’intervention chirurgicale, il ne présente aucune récidive de hernie et sa croissance est normale.

Cas clinique 3

Un selle français entier âgé de 12 ans est présenté à la clinique de Grosbois pour la réalisation d’une castration bilatérale sous laparoscopie et la fermeture des anneaux inguinaux internes, afin de limiter le risque de hernie.

Commémoratifs et anamnèse

Le cheval a présenté un an auparavant une hernie inguinale résolue spontanément.

Examens clinique et complémentaires

À l’arrivée du cheval, l’examen clinique général ne révèle aucune anomalie. L’examen préopératoire est également normal. L’intervention chirurgicale est prévue le lendemain. Le matin de l’opération, le cheval présente une distension en regard du testicule droit, compatible avec une hernie inguinale non étranglée. Aucun signe de douleur n’est noté. Une castration sous laparoscopie debout et une fermeture des anneaux inguinaux internes sont alors décidées.

Castration bilatérale sous laparoscopie debout et herniorraphie

Le cheval est placé dans un travail et tranquillisé selon le même protocole que celui décrit précédemment. À l’exploration cœlioscopique à droite, un passage de 80 cm de jéjunum dans le canal inguinal est observé (photo 12). L’intestin grêle est facilement retiré grâce à l’utilisation de pinces Babcock. La castration des deux testicules est réalisée sans difficulté avec le Ligasure(3), après anesthésie locale des cordons testiculaires (photo 13). La fermeture des anneaux inguinaux internes est effectuée avec des agrafes hélicoïdales(3) afin de prévenir les récidives de hernie inguinale (photo 14).

Suivi postopératoire immédiat

Le cheval reçoit en antibioprophylaxie de la cefquinome par voie intraveineuse à la dose de 1 mg/kg 1 fois sur 24 heures et un traitement anti-inflammatoire à base de phénylbutazone par voie intraveineuse à la dose de 2,2 mg/kg 2 fois par jour pendant 5 jours.

Aucune anomalie n’est rapportée en phase postopératoire immédiate.

Suivi du cas sur 3 ans

La testostéronémie après stimulation à l’hCG (human chorionic gonadotropin) est évaluée 3 mois après l’intervention chirurgicale. Le test est négatif et indique ainsi que la castration est effective. De plus, le volume testiculaire est réduit de 80 % à 3 mois postopératoires. Le cheval reprend une activité de CSO sans présenter d’anomalie.

Cas clinique 4

Un hongre de 13 ans est présenté pour l’exploration d’une distension scrotale intermittente gauche.

Commémoratifs et anamnèse

Le cheval présente une distension scrotale intermittente depuis 3 ans. Elle est apparue 3 semaines après la castration réalisée debout avec la technique dite “ouverte”. Elle a tendance à augmenter lors du travail et est associée à une boiterie postérieure gauche à chaud.

Examens clinique et complémentaires

L’examen clinique général du cheval à son arrivée ne révèle pas d’anomalie. L’examen préopératoire immédiat met en évidence une distension scrotale gauche, d’aspect fluctuant (sensation de graisse) et modérément sensible à la palpation. La palpation transrectale décèle une bride semblant adhérente à l’anneau vaginal gauche. L’échographie détecte une structure peu échogène et irrégulière en région scrotale gauche. L’intervention chirurgicale, une cœlioscopie exploratrice, est prévue le lendemain.

Cœlioscopie exploratrice et herniorraphie unilatérale

Le cheval est placé dans un travail et tranquillisé selon le protocole décrit précédemment. L’exploration cœlioscopique à gauche permet d’observer un passage de 40 cm d’épiploon dans le canal inguinal gauche (photo 15). L’épiploon est facilement retiré grâce à l’utilisation de pinces Babcock. Son exérèse est réalisée à l’aide du Ligasure (photo 16). La fermeture de l’anneau inguinal interne gauche est effectuée avec des agrafes hélicoïdales afin de prévenir la récidive de la hernie inguinale (photo 17).

Suivi postopératoire immédiat

Le cheval reçoit en antibioprophylaxie de la cefquinome par voie intraveineuse à la dose de 1 mg/kg 1 fois sur 24 heures et un traitement anti-inflammatoire à base de phénylbutazone à la dose de 2,2 mg/kg 2 fois par jour par voie intraveineuse pendant 5 jours.

Aucune anomalie n’est rapportée en phase postopératoire immédiate.

Suivi du cas

Le cheval poursuit depuis l’intervention chirurgicale (environ un an) une activité sportive sans anomalie, ni boiterie postérieure gauche.

Discussion

Les techniques laparoscopiques ont fait leur apparition en médecine humaine dès le début des années 1900, mais ce n’est que depuis une vingtaine d’années que la laparoscopie connaît un véritable essor en pratique équine.

Les avantages de la laparoscopie sont connus et, désormais, cette méthode semble avoir trouvée sa place en chirurgie génitale, dans son approche à la fois diagnostique et thérapeutique. Cette tendance à la chirurgie mini-invasive peut s’appliquer aux hernies inguinales chroniques, réductibles, où l’abord par laparoscopie semble apporter de nombreux bénéfices par rapport aux techniques conventionnelles.

Hernie inguinale chronique chez le poulain

Les hernies congénitales des poulains sont généralement non étranglées et répondent efficacement à un traitement conservateur lorsque la tunique vaginale est intacte, ce qui est souvent le cas. Une réduction manuelle répétée, un bandage en regard de la zone herniée et un massage externe du scrotum sont alors réalisés [4, 5, 16]. Cependant, en cas de non-réponse au traitement médical, une intervention chirurgicale est recommandée afin de prévenir les récidives de hernie : la technique actuelle la plus utilisée est la herniorraphie/hernioplastie sous laparoscopie [5, 14].

L’approche par laparoscopie des hernies inguinales chroniques chez le poulain réduirait significativement les risques per- et postopératoires. En effet, la méthode traditionnelle propose un abord inguinal avec une réduction de la hernie, une castration du testicule et une suture de l’anneau inguinal externe [16]. Cet abord ne permet pas de juger efficacement de la viabilité intestinale sans y associer une laparotomie médiane. Bien que guère indispensable chez le poulain (hernie rarement étranglée) mais de valeur sûre, la laparotomie médiane entraîne des risques non négligeables d’adhérences et de traumatismes tissulaires. La laparoscopie permet de déterminer avec fiabilité la nécessité ou non d’effectuer une laparotomie, et donc réduit les complications liées à ce type d’intervention invasive [9].

De plus, l’approche des hernies inguinales chroniques par laparoscopie permet, certes, de réduire la taille des incisions chirurgicales, mais surtout de suturer partiellement ou complètement l’anneau inguinal interne après retrait du testicule, de façon sûre et rapide grâce à l’utilisation d’agrafes laparoscopiques [4, 9, 13, 14]. La fermeture de l’anneau inguinal interne semble engendrer moins de complications et une morbidité plus faible que celle de l’anneau inguinal externe lors d’abord conventionnel [4].

De plus, la laparoscopie permet :

– une excellente visualisation de la face caudale de l’abdomen, donc des anneaux inguinaux, et qui peut être améliorée par la position de Trendelenburg ;

– une réduction aisée de la hernie grâce à la position à 30° et l’utilisation de pinces laparoscopiques de type Babcock [9, 13].

La laparoscopie permet également d’effectuer lors de la même intervention la castration du poulain si le propriétaire le souhaite. D’ailleurs, l’âge auquel doit être réalisée la castration a toujours été un sujet de controverse, même s’il est préconisé de retirer de la reproduction les poulains atteints d’une hernie inguinale (encadré 4) [14].

Enfin, Voermans et coll. ont décrit, en 2006, les risques liés à la réalisation d’une castration par abord laparoscopique : les chevaux avec un testicule en région inguinale et faisant l’objet de cette procédure présentent un risque de revascularisation de ce testicule de l’ordre de 5 % et les animaux avec un testicule descendu, de 3,4 %. Les auteurs de cette étude recommandent de ne pas utiliser cette technique pour les testicules inguinaux ou en position scrotale [17]. Cependant, dans notre expérience, aucun cheval (sur 82 cas) n’a présenté un signe comportemental ou un dosage de testostérone compatible avec des testicules actifs après ce type d’opération. Le propriétaire doit toutefois être informé du risque potentiel et il nous semble judicieux de parler plutôt de stérilisation que de castration sous laparoscopie.

Hernie inguinale chronique chez l’étalon reproducteur

Les hernies inguinales chez l’étalon adulte sont à l’origine de douleurs abdominales parfois violentes, redoutables à la fois pour le propriétaire et le clinicien. En effet, le défi chirurgical est de limiter les récidives de hernie, mais surtout de conserver, dans la mesure du possible, la fertilité du reproducteur. C’est Fischer et coll., en 1995, qui ont développé les premières techniques d’herniorraphie chez l’adulte sous laparoscopie.

Après réduction de la hernie et vérification de la viabilité du testicule, la procédure consiste à placer une mèche en polypropylène sur l’anneau inguinal, à distance du cordon testiculaire, et à la recouvrir, à l’aide d’agrafes, d’un volet péritonéal préalablement découpé [6]. Les résultats sont probants chez les 2 chevaux de l’étude : absence de signe de coliques, aucune récidive de la hernie et activité de reproduction sans anomalie pendant deux saisons complètes.

Depuis, les méthodes se sont multipliées. Mariën a proposé, en 2001, une technique laparoscopique sur cheval debout [11]. L’étude porte sur 3 chevaux témoins et 6 cas cliniques. La procédure consiste à placer une mèche cylindrique en polypropylène, déroulée dans le canal inguinal et éventuellement fixée à la paroi pour éviter les migrations. Cette méthode limite les récidives par oblitération du canal grâce à la formation d’un tissu fibreux autour de la mèche. De plus, l’oblitération obtenue ne perturbe pas la vascularisation testiculaire, donc préserve la fertilité du cheval. Ainsi, cette technique laparoscopique, chez l’étalon reproducteur et réalisable sur cheval debout, permet une fermeture partielle des anneaux inguinaux internes, sans les risques de l’anesthésie générale et le coût associé, ainsi qu’une reprise rapide de l’activité. Rossignol et coll. ont décrit, en 2007, une technique de hernioplastie par transposition d’un lambeau péritonéal. Cette méthode chirurgicale a pour principal avantage de prévenir les réactions inflammatoires à court terme sur le cordon testiculaire, pouvant être préjudiciables à une carrière de reproducteur. La technique ne requiert aucun corps étranger, donc limite les risques d’irritation ou d’inflammation du cordon spermatique [14].

Les hernies inguinales chroniques chez l’étalon reproducteur sont des cas originaux dont la gestion est séduisante. Lors de la même procédure, il est possible de réduire les hernies et d’en limiter les rechutes. Si les testicules sont viables, la réalisation d’un volet péritonéal permet de prévenir efficacement les récidives tout en préservant la fertilité de l’étalon. En cas de castration, la fermeture de l’anneau inguinal interne limite également les rechutes. De plus, la faisabilité sur cheval debout est idéale car cela permet de limiter les coûts et les risques liés à l’anesthésie générale, mais aussi d’éviter les traumatismes des tissus suturés secondaires au réveil du cheval.

Ainsi, l’éventail des possibilités offertes par les techniques laparoscopiques sur cheval debout pour le traitement des hernies inguinales chroniques représente un bon compromis chez l’étalon reproducteur. Cependant, une expérience chirurgicale et une instrumentation adaptée sont requises.

Hernie inguinale chronique chez le hongre

Les hernies inguinales chez le hongre sont rarement décrites dans la littérature. Bickers et coll. ont rapporté, en 1998, le cas d’un hongre quarter horse, âgé de 4 ans, présenté pour des signes sévères de coliques secondaires à une hernie étranglée de 65 cm de jéjunum et ayant nécessité une intervention chirurgicale d’urgence [3]. Caron et Brakenhoff ont exposé, en 2008, 2 cas de hernie inguinale chez de jeunes hongres sans signe de douleur abdominale, et pour lesquels une suture intracorporelle de l’anneau inguinal interne et de l’anneau vaginal sous laparoscopie a été réalisée. Cette technique a apporté de bons résultats postopératoires avec une absence de récidive de la hernie chez les 2 animaux [4].

Le cas décrit dans cet article est original et atypique :

– le cheval présente une distension scrotale intermittente qui augmente lors de l’effort, anomalie clinique rapportée sur 1 cas dans l’étude de Caron ;

– aucun signe de douleur abdominale n’est observé, comme dans les 2 cas de l’essai de Caron ;

– une boiterie postérieure concomitante de la distension scrotale est notée. Aucun signe clinique semblable n’a été publié. Dans son travail de 2001, Mariën décrit le cas d’un étalon présenté pour boiterie postérieure chronique et intermittente à l’obstacle. Chez ce cheval, le seul trouble étant l’élargissement des anneaux vaginaux, une herniorraphie bilatérale est effectuée, ce qui rétablit une locomotion correcte [11].

La technique employée dans ce cas, une herniorraphie unilatérale sur cheval debout avec suture de l’anneau inguinal interne à l’aide d’agrafes hélicoïdales, a permis un retour à une activité sportive sans boiterie associée et sans récidive de hernie. L’utilisation d’agrafes pour ce type d’intervention est controversée. Rossignol et coll. trouvent leur usage simple, efficace, et réduisant le temps chirurgical. Alors que Caron et Brakenhoff préfèrent pratiquer une suture intracorporelle, certes plus technique, mais de moindre coût et limitant les contraintes dues à la commercialisation des agrafes [4, 14].

Ainsi, il convient de se rappeler que les hongres sont susceptibles de développer des hernies inguinales. Bien que rares car, théoriquement, les anneaux vaginaux se rétrécissent après la castration, celles-ci peuvent être à l’origine de coliques et de troubles locomoteurs [3, 4].

Conclusion

Les techniques sous laparoscopie requièrent une dextérité du chirurgien et un investissement financier qu’il est important de prendre en compte. Néanmoins, ces méthodes ont révolutionné le traitement des hernies inguinales chez le cheval. Ainsi, il est désormais possible de réduire et de prévenir les hernies inguinales chroniques lors de la même intervention. De plus, si le propriétaire souhaite faire castrer son animal, cette procédure est réalisée simultanément. La prévention des hernies inguinales étranglées chez les chevaux reproducteurs peut se pratiquer à l’identique sous laparoscopie : si les testicules sont viables, un volet péritonéal est envisageable chez un cheval debout quelques jours après la laparotomie d’urgence. De plus, la possibilité d’adapter ces procédures sur cheval debout apporte de nombreux avantages, avec notamment une réduction du coût et des risques liés à l’anesthésie générale, sans que le réveil endommage le travail effectué.

Les excellents résultats rapportés pour les 4 cas cliniques présentés dans cet article sont très encourageants. Cependant, il reste à suivre ces chevaux sur le long terme et à recueillir davantage de cas cliniques aux fins d’une analyse significative des résultats obtenus.

Les applications diagnostiques, thérapeutiques ou en termes de prévention de la laparoscopie sont incontournables chez le cheval, et font de cette technique moderne un outil indispensable en chirurgie vétérinaire et qui mérite d’être approfondi.

  • (1) Les définitions des termes “hernioplastie” et “herniorraphie” sont différentes selon les auteurs. Pour Rossignol, une herniorraphie est une fermeture directe (partielle ou totale) de l’anneau inguinal interne, tandis qu’une hernioplastie correspond à une reconstruction de l’anneau inguinal interne avec une prothèse naturelle (volet péritonéal).

  • (2) Optomed, 3, avenue du Canada. Parc Technopolis, bât. alpha, 91974 Les Ulis Cedex.

  • (3) Tyco/Vétoquinol, Magny-Vernois, BP 189, 78204 Lure Cedex.

Références

  • 1 – Adams SB, Fessler JF. Male reproductive system surgery: castration. In: Adams SB, Fessler JF. Atlas of equine surgery. 1st ed. WB Saunders Company, Philadelphia. 2000;209-214.
  • 2 – Barone R. Appareil génital mâle. In: Barone R. Anatomie comparée des mammifères domestiques. T. 4 : Splanchnologie II. 3e éd. Vigot, Paris. 2001;83-251.
  • 3 – Bickers RJ, Lewis RD, Hays T, Noble JK. Acquired inguinal hernia in a gelding. Equine Pract. 1998;20(10):28-29.
  • 4 – Caron JP, Brakenhoff J. Intracorporeal suture closure of the internal inguinal and vaginal rings in foals and horses. Vet. Surg. 2008;37:126-131.
  • 5 – Fischer AT. Laparoscopic inguinal herniorrhaphy. In: Fischer AT. Equine diagnostic and surgical laparoscopy. 1st ed. WB Saunders Company, Philadelphia. 2002;171-176.
  • 6 – Fischer AT, Vachon AM, Klein SR. Laparoscopic inguinal herniorrhaphy in two stallions. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1995;207(12):1599-1601.
  • 7 – Gluntz X, Battail GA, Jacot S. Hernie inguinale chez le cheval adulte: étude de 29 cas (1993-1997). Prat. Vét. Equine. 1998;30(120):33-43.
  • 8 – Green P. Castration techniques in the horse. In Pract. 2001;23(5):250-261.
  • 9 – Klohnen A, Wilson DG. Laparoscopic repair of scrotal hernia in two foals. Vet. Surg. 1996;25:414-416.
  • 10 – Line SW, Hart BL, Sanders L. Effect of prepubertal versus postpubertal castration on sexual and aggressive behavior in male horses. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1985;186(3):249-251.
  • 11 – Marien T. Standing laparoscopic herniorrhaphy in stallions using cylindrical polypropylene mesh prosthesis. Equine Vet. J. 2001;33(1):91-96.
  • 12 – Regnault JC. La castration du cheval : aspects historiques. Prat. Vét. Équine. 1999;31(124):25-28.
  • 13 – Rosssignol F. L’étalon et le testicule : intérêt de la laparoscopie. Proceedings Avef, Deauville, 2007;11-22.
  • 14 – Rossignol F, Perrin R, Boening KJ. Laparoscopic hernioplasty in recumbent horses using transposition of a peritoneal flap. Vet. Surg. 2007;36:557-562.
  • 15 – Schneider RK, Milne RW, Kohn CW. Acquired inguinal hernia in the horse: a review of 27 cases. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1982;180:317-320.
  • 16 – Schumacher J. Testis. In: Auer JA, Stick JA. Equine surgery. 3rd ed. Saunders Elsevier, St-Louis. 2006;775-810.
  • 17 – Voermans M, Rijkenhuizen ABM, Van Der Velden MA. The complex blood supply to the equine testis as a cause of failure in laparoscopic castration. Equine Vet. J. 2006;38(1):35-39.

Éléments à retenir

→ La hernie inguinale devrait être incluse dans le diagnostic différentiel du cheval hongre présenté pour une douleur abdominale ou une gêne postérieure.

→ La laparoscopie permet de réduire, de prévenir les hernies inguinales chroniques et de castrer le cheval lors de la même procédure.

→ La prévention des hernies chez l’étalon reproducteur permet de préserver les testicules viables grâce à la réalisation d’un volet péritonéal.

→ L’usage de la laparoscopie en chirurgie génitale nécessite une bonne connaissance de l’anatomie, une expérience chirurgicale, ainsi qu’un investissement financier.

Encadré 1 : Présentation d’une hernie inguinale

→ Définition

Une hernie inguinale correspond au passage anormal d’un segment viscéral ou d’une portion de mésentère de la cavité abdominale vers le canal inguinal. Le contenu herniaire est souvent constitué par de l’épiploon ou une portion d’intestin grêle, mais une section de petit côlon, de vessie ou provenant de la courbure pelvienne du gros côlon ont été décrites dans quelques cas.

→ Notions anatomiques

La tunique vaginale est une dépendance du péritoine. Elle constitue la séreuse du testicule et de son cordon. Chez l’homme, sa cavité se sépare de celle du péritoine par oblitération de la partie située dans l’espace inguinal. Chez les mammifères domestiques, dont les équidés, la communication persiste et la cavité vaginale se prolonge dans cet espace par un long et étroit canal qui débouche dans la cavité générale du péritoine au niveau de l’anneau vaginal logé dans l’anneau inguinal profond (interne) (photo 3).

Chez l’homme, le canal vaginal s’oblitère dans les jours qui suivent la naissance, de sorte que la cavité séreuse qui entoure le testicule est fermée et ne communique plus avec la cavité abdominale. L’homme est donc prédisposé aux hernies inguinales directes, qui supposent une effraction du péritoine, à la faveur de laquelle l’intestin s’engage dans l’espace inguinal mais pas dans la cavité vaginale (figure 1).

Chez le cheval, la béance d’un anneau vaginal anormalement large peut favoriser l’engagement d’une anse intestinale dans la cavité vaginale et donc les hernies inguinales indirectes [2].

Encadré 2 : Hernies inguinales congénitales et acquises

→ Les hernies inguinales congénitales des poulains nouveau-nés sont généralement héréditaires. Retirer les poulains atteints de la reproduction est donc souvent conseillé [14]. Le traitement conservateur permet le plus couramment une résolution vers l’âge de 3 à 6 mois [4, 15, 16].

→ Les hernies inguinales acquises des mâles entiers surviendraient après un exercice intense, un coup de pied dans l’abdomen, une complication de castration ou après la monte. Les hypothèses sont les suivantes : une forte pression abdominale en regard du canal inguinal associée à une abduction du postérieur et/ou à une incoordination de contraction des muscles obliques [3, 14, 15, 16]. En Europe, les chevaux de races trotteur français et warmblood sont prédisposés. Les hernies inguinales acquises seraient aussi plus fréquentes chez les chevaux présentant un anneau vaginal flaccide et/ou élargi [4, 7, 11, 14, 15]. Contrairement aux hernies des poulains, elles sont fréquemment irréductibles et étranglées, et nécessitent un traitement d’urgence, par traitement chirurgical ou réduction externe [16].

Encadré 3 : Déroulement d’une hernioplastie par réalisation d’un volet péritonéal sous laparoscopie chez le cheval debout

1 Le cheval est placé dans une barre adaptée à la chirurgie debout, sous tranquillisation. La vessie est cathétérisée.

2 Les flancs sont tondus et préparés de manière aseptique.

3 Une anesthésie locale de la peau, des muscles et du péritoine (lidocaïne et bupivacaïne) est réalisée sur les trois sites d’incision (photo 4) :

– à la première porte d’entrée dans le creux du flanc à mi-distance entre la 18e côte et le tuber coxæ, et dorsale à l’insertion du muscle oblique interne sur le tuber coxæ (corde du flanc) ;

– à la deuxième porte d’entrée 7 cm ventralement et 2 cm caudalement au site n° 1 ;

– à la troisième porte d’entrée 7 cm ventralement et 2 cm caudalement au site n° 2.

4 Un drapping est mis en place.

5 Une incision est réalisée en regard de la première porte d’entrée, et le premier trocart et le laparoscope sont introduits dans l’abdomen. L’abdomen est insufflé avec du CO2 jusqu’à une pression maximale de 10 mmHg. Dans un second temps, une incision des deux dernières portes d’entrée, suivie de l’entrée des deux autres trocarts, est mise en œuvre (photo 5).

6 Une anesthésie locale du péritoine est effectuée (photo 6).

7 Le péritoine est incisé ventro-latéralement à l’anneau inguinal interne sur trois côtés, afin de former un volet péritonéal de 8 sur 5 cm chez les chevaux et de 6 sur 4 cm chez les poneys ou les poulains (photos 7a et 7b).

8 Le volet péritonéal est inversé et apposé dorso-médialement sur l’anneau vaginal (photo 8, figure 2). Il est ensuite fixé latéralement et médialement à la paroi abdominale, 2 cm dorsalement à l’anneau inguinal interne (nœuds intracorporels consolidés par des agrafes) (photo 9).

D'après [14].

Encadré 4 : L’âge de la castration, un sujet à controverse

→ Tandis qu’au xviie siècle les auteurs préconisent de ne pas castrer les poulains avant l’âge de 1 an, afin qu’ils soient suffisamment fortifiés pour subir l’intervention, au xviiie siècle, une castration tardive est préférée, après l’âge de 5 ans, pour que l’animal conserve une partie de ses caractères de conformation et de vigueur [12].

→ La polémique existe toujours, et, malgré cela, l’âge de la castration et son influence sur le développement et le comportement du cheval sont très peu étudiés. Actuellement, les propositions suivantes se dégagent :

– la taille du testicule et l’activité androgénique augmenteraient significativement entre 12 et 18 mois d’âge ;

– la testostérone stimulerait la fermeture des plaques de croissance, le développement musculaire de l’encolure et des épaules, et influerait sur le tempérament du cheval [8].

→ Ainsi, en pratiquant la castration chez le jeune (vers l’âge de 1 à 2 ans), la croissance serait accrue par retard de fermeture des plaques de croissance, mais l’encolure serait moins développée : un animal castré jeune aurait moins de prestance qu’un cheval castré à l’âge de 3 à 4 ans [1, 8, 10]. Cependant, des données scientifiques sont encore nécessaires pour approfondir le sujet.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Pratique Vétérinaire Equine.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr