Les urgences respiratoires chez le poulain - Pratique Vétérinaire Equine n° 165 du 01/03/2010
Pratique Vétérinaire Equine n° 165 du 01/03/2010

Article de synthèse

Auteur(s) : Gaby van Galen

Fonctions : DVM, MSc, Dipl ECEIM
Université de Liège
Faculté médecine vétérinaire
Clinique équine
Boulevard de colonster 20 B41
4000 Liège, Belgique
Email : gvangalen@ulg.ac.be

Lors de trouble respiratoire chez le poulain, il convient de mettre en place un traitement de soutien le plus rapidement possible, puis d’en rechercher la cause à l’aide d’examens complémentaires. Chez le poulain, les urgences respiratoires ont parfois une origine extrapulmonaire.

Le vétérinaire équin est régulièrement confronté à un poulain présentant une détresse respiratoire, une bradypnée ou une tachypnée. Néanmoins, les troubles respiratoires n’ont pas toujours une origine pulmonaire, surtout chez le poulain.

Le transport d’oxygène vers les tissus (DO2) correspond à la quantité d’oxygène délivrée par le cœur, et dépend à la fois de l’oxygénation du sang ou du contenu en O2 du sang (CaO2), mais également de la circulation sanguine. Le CaO2 dépend de la pression partielle en oxygène du sang artériel (PaO2), ainsi que de la quantité d’hémoglobine (Hb) et de la saturation de cette dernière en O2. Toute cause d’hypoxie peut, dès lors, potentiellement induire une détresse respiratoire (encadré 1, tableau 1).

Chez le poulain, deux principes sont à retenir :

– son métabolisme et ses organes ne répondent pas comme ceux d’un adulte et il ne présente pas les mêmes maladies. Il requiert des examens, des soins et des traitements également différents ;

– le système immunitaire du nouveau-né est immature, et ses défenses ne sont pas comparables à celles de l’adulte [13]. De plus, ses mécanismes de compensation ou d’autorégulation ne sont pas tous fonctionnels. Le poulain nouveau-né peut facilement tomber malade et son état rapidement se dégrader. Il convient donc d’agir promptement avant que le trouble ne devienne trop grave.

Le développement d’une maladie chez un nouveau-né est donc par définition une urgence. Il est aussi important de suivre attentivement l’évolution de l’état clinique du poulain afin de le traiter sans tarder en fonction des changements observés.

Une réflexion sur la prévention des affections et le risque de complications permet d’obtenir de meilleurs résultats qu’une action seulement curative.

Examen lors de trouble respiratoire urgent

Examen général

L’examen général commence par une observation attentive du poulain : est-il debout ou couché ? A-t-il un comportement et une attitude normaux ; est-il alerte, dépressif ou comateux ? Présente-t-il des convulsions (généralisées ou partielles) ?

Des troubles centraux peuvent avoir un effet sur le centre nerveux de la respiration, et induire une hypoventilation ou des phases d’apnée. D’autres signes centraux comme des convulsions pourraient augmenter l’utilisation d’oxygène, donc la demande.

Chez le poulain, les fréquences cardiaque et respiratoire ainsi que la température rectale sont plus élevées que celles d’un cheval adulte (tableau 2).

La modification de la fréquence respiratoire (tachypnée, bradypnée) est un indicateur de trouble respiratoire. L’effort respiratoire est apprécié en observant les narines et l’abdomen. Un poulain peut néanmoins être en dyspnée sans tachy- ou bradypnée associées.

Les côtes d’un poulain sont compliantes [21]. Sa respiration est active à la fois pendant l’inspiration et l’expiration, ce qui a les conséquences suivantes :

– le maintenir trop fermement ou appuyer sur son thorax lorsqu’il est en décubitus peut l’empêcher de respirer ;

– s’il a une maladie pulmonaire, cette compliance thoracique peut induire une respiration paradoxale avec un thorax qui se mobilise “vers l’intérieur” pendant l’inspiration ;

– un poulain présenté avec une importante dyspnée et dont l’état s’améliore soudainement ne va probablement pas mieux, et il est possible que son état se dégrade parce qu’il est épuisé.

Circulation sanguine

Il convient d’évaluer la circulation sanguine avant de poursuivre l’examen général, en particulier chez les nouveau-nés, et, le cas échéant, de la corriger le plus rapidement possible. Sans une perfusion adéquate, il ne peut y avoir d’oxygénation tissulaire adéquate. En cas de déshydratation ou d’hypotension, si un cheval adulte augmente sa fréquence cardiaque pour maintenir sa pression artérielle, nombre de nouveau-nés n’ont pas cette capacité d’autorégulation et la fréquence cardiaque peut rester dans les normes, voire même diminuer [5].

Muqueuses

Chez un poulain en détresse respiratoire, une cyanose peut se traduire par une couleur gris bleuâtre des muqueuses, surtout après un effort (contention, maintien debout, transport, tétée).

Tout poulain avec une cyanose importante et persistante doit être examiné pour une anomalie cardiaque, en recherchant un shunt de droite à gauche. Une cyanose des muqueuses reflète toujours un phénomène sévère.

Les naseaux doivent être inspectés afin de vérifier que les colonnes d’air sont symétriques et qu’un jetage est présent (photos 1a et 1b). Le jetage alimentaire est un signe de dysphagie. Il suggère donc une fausse déglutition. Les fausses déglutitions sont la cause la plus fréquente de bronchopneumonie chez le poulain. À l’inverse, un trouble respiratoire sévère peut induire un jetage alimentaire, ce qui va contribuer à aggraver le trouble respiratoire.

Auscultation cardiaque

L’auscultation cardiaque et pulmonaire est une étape essentielle de l’examen général du poulain présenté en urgence respiratoire. Pendant les premiers jours et jusqu’à quelques semaines, un souffle systolique physiologique peut être audible à l’auscultation cardiaque, et correspond à la persistance temporaire d’une ouverture dans le canal aortique (ductus arteriosus) [17]. L’absence de souffle n’exclut toutefois pas la présence d’une affection cardiaque.

Auscultation pulmonaire

À l’auscultation pulmonaire dès la naissance, des bruits respiratoires normaux d’intensité différente et de forts crépitements sont notés (photo 2). Cela est lié au fait que les alvéoles s’ouvrent pour la toute première fois et que le liquide amniotique, qui doit être éliminé, est encore présent. À partir de l’âge de quelques heures, l’auscultation chez le poulain est plus aisée que chez un cheval adulte. La paroi thoracique, plus mince, rend les bruits respiratoires normaux d’entrée et de sortie d’air plus facilement audibles. Ces derniers ne doivent pas être confondus avec des crépitements, lesquels sont rugueux, à l’inverse des bruits normaux. Lors d’affections respiratoires, l’intensité des bruits normaux augmente ou diminue, et des crépitements (liés à la présence de sécrétions) et/ou des sifflements (bronchospasmes) peuvent s’y ajouter. Dans le cas d’une pneumonie sévère, d’un épanchement thoracique ou d’un pneumothorax, il est possible de retrouver des zones de silence là où il n’existe plus de passage d’air dans les bronches et alvéoles (ventralement pour un épanchement, dorsalement pour un pneumothorax). Des zones de silence ne doivent pas être confondues avec une amélioration respiratoire. Il n’existe pas toujours de corrélation claire entre l’intensité des modifications à l’auscultation et la sévérité des lésions. L’auscultation au sac chez le poulain est rarement prescrite. De plus, chez le poulain en détresse respiratoire, elle est même contre-indiquée en raison du risque d’aggraver l’hypoxie.

Palpation du thorax

La palpation du thorax devrait également faire partie de l’examen pour détecter une éventuelle fracture de côte, mais c’est une technique peu sensible.

Analyse des gaz sanguins

Le sang artériel peut être prélevé sur l’artère digitale latérale du postérieur chez un poulain en décubitus, sur la carotide chez un poulain debout ou sur l’artère faciale pendant une anesthésie générale.

Cette analyse permet d’obtenir une valeur de la pression partielle artérielle en oxygène (PaO2), de la pression partielle artérielle en dioxyde de carbone (PaCO2) et de la balance acido-basique. La PaO2 ne représente pas la quantité d’oxygène totale dans le sang, mais la quantité d’oxygène gazeux dissous dans le sang. Le contenu total en oxygène sanguin (CaO2) dépend, d’une part, de la PaO2 (3 %) et, d’autre part, de la quantité d’hémoglobine (Hb) et de son niveau de saturation (97 %).

CaO2 (ml/dl) = (1,34 x Hb x saturation) + (0,003 x PaO2)

La PaO2 est néanmoins la pression responsable de la charge en oxygène de l’hémoglobine. Si la PaO2 est supérieure à 60 mmHg, la saturation d’Hb reste assez stable (entre 90 et 100 %). Une fois que la PaO2 descend en dessous de 60 mmHg, la pente raide de la courbe de saturation est atteinte : même avec une diminution faible de la PaO2, la saturation diminue elle très significativement.

Les gaz sanguins artériels peuvent être modifiés par la perturbation d’un seul ou d’une combinaison des phénomènes suivants : des problèmes de ventilation (obstruction des voies aériennes, atteinte des muscles ou des centres respiratoires, etc.), de diffusion, de perfusion, d’inadéquation entre la ventilation et la perfusion et la présence de shunts. Les gaz sanguins artériels peuvent donc être normaux chez un poulain en dyspnée si celle-ci est causée par une anémie, de la douleur, une hyperthermie ou une acidose métabolique.

L’analyse des gaz sanguins permet ainsi d’obtenir une information fonctionnelle quantitative et la répétition des analyses au cours du temps permet de suivre objectivement l’évolution de l’animal et sa réponse au traitement instauré (enparticulierl’oxygénothérapie).

Les valeurs de PaO2 sont plus basses chez un nouveau-né, comparativement à un adulte. In utero, la PaO2 placentaire est basse. La pression d’oxygène diminue au fur et à mesure, de l’alvéole maternelle vers l’artère, puis vers les capillaires et le placenta jusqu’au fœtus (jusqu’à 50 mmHg) [20]. Cela n’a aucune conséquence, parce que l’hémoglobine fœtale, qui persiste dans les premiers jours après la naissance, se charge de l’oxygène à une PaO2 plus basse [15]. Après la naissance, la PaO2 augmente en quelques jours, jusqu’à atteindre la valeur d’un cheval adulte (tableau 3).

En cas d’affection pulmonaire, la PaO2 peut diminuer et, dans certains cas, la PaCO2 augmenter. Une augmentation de PaCO2 est spécifique d’une hypoventilation et est plus ou moins proportionnelle à la diminution de la PaO2 chez le poulain. Si la PaCO2 augmente de 40 mmHg vers 80 mmHg, elle peut descendre de 100 mmHg vers 60 mmHg. Dans le cas d’une hypoventilation, l’hypercapnie devient plus dangereuse que l’hypoxémie. Les animaux qui présentent une inadéquation du rapport entre la ventilation et la perfusion (V-Q), un défaut de diffusion au travers de la membrane alvéolaire-capillaire ou un shunt de droite à gauche dû à un trouble cardiaque congénital ont souvent une PaCO2 normale [16]. Les poulains avec une alcalose métabolique primaire développent une acidose respiratoire compensatoire (avec une hypercapnie), qui nécessite une approche différente de celle d’une acidose respiratoire primaire (avec hypercapnie) [19].

Analyse hémato-biochimique

Le bilan hématologique permet d’évaluer si le poulain est anémié, correctement hydraté ou déshydraté, ces paramètres étant importants pour l’oxygénation tissulaire. L’hématologie permet également de mettre en évidence la présence d’une leucopénie ou d’une leucocytose. Les leucocytes répondent beaucoup plus rapidement (en quelques heures) que le fibrinogène et l’haptoglobine (des marqueurs inflammatoires) (en 2 à 3 jours). Si le taux de fibrinogène est augmenté dès le premier jour de la vie du poulain, c’est qu’une inflammation importante était déjà présente in utero.

Si le poulain est âgé de un jour à quelques semaines, doser les IgG sanguines est très important pour détecter un défaut de transfert d’immunité passive et le corriger le plus rapidement possible. Le poulain a un besoin important d’IgG pour combattre des infections primaires ou secondaires au trouble respiratoire. Une biochimie complète, avec une culture sanguine, des dosages du lactate, du glucose et des ions peut dans certains cas être utile.

Radiographie et échographie

• La radiographie permet d’évaluer les fractures de côte, la présence d’une pneumonie, d’abcès, d’un épanchement ou d’un pneumothorax.

• L’échographie peut être utilisée pour détecter un épanchement, des irrégularités de la plèvre et des abcès périphériques. Elle est plus sensible que la radiographie pour la détection des abcès pulmonaires chez le poulain [18].

Endoscopie avec lavage trachéal ou lavage transtrachéal

L’endoscopie est utile pour visualiser le tractus respiratoire haut et profond et réaliser des prélèvements, en particulier pour une analyse bactérienne et éventuellement une analyse cytologique. Cependant, les narines des poulains sont souvent trop étroites pour y introduire les endoscopes habituellement employés en médecine équine et/ou la détresse respiratoire de l’animal est telle que cette procédure avec le stress qu’elle induit est contre-indiquée.

Les prélèvements pour une analyse bactériologique peuvent, en revanche, être réalisés par la technique transtrachéale, sans endoscope.

Autres examens complémentaires

Une échocardiographie peut être utile pour détecter une anomalie cardiaque. Chez tous les poulains avec une cyanose persistante, une échocardiographie est indiquée. Dans le cas où d’autres organes sont atteints, des examens complémentaires spécifiques sont indiqués.

Traitements

Réanimation après la naissance

La réanimation d’un poulain tout de suite après sa naissance est une véritable urgence(1) (photos 3 et 4). Seules les grandes lignes de cette procédure sont expliquées.

Immédiatement après la naissance, il est important d’enlever les sécrétions ou le méconium qui pourraient se trouver dans les voies respiratoires et de sécher vigoureusement le poulain. Si après 30 secondes, celui-ci ne respire pas ou hoquette et/ou si sa fréquence cardiaque est inférieure à 50/min, un support respiratoire est nécessaire : le praticien commence par le ventiler à 10 à 20 respirations par minute, soit directement avec sa bouche sur le nez du poulain, soit à l’aide d’un masque connecté à une pompe, soit par intubation et avec un ambu-bag.

Si la fréquence cardiaque n’augmente pas, les compressions sur le cœur doivent être commencées à une fréquence de 80 mouvements par minute pendant que le support respiratoire est maintenu. Si la fréquence cardiaque augmente, l’apparition d’une respiration spontanée est à surveiller. Les effets de la réanimation se traduisent entre autres sur le réflexe pupillaire : la présence d’un réflexe indique que la perfusion cérébrale fonctionne. Si la fréquence cardiaque reste basse, de l’épinéphrine est administrée (0,01 à 0,02 mg/kg par voie intraveineuse ou 0,1 à 0,2 mg/kg par voie intratrachéale, toutes les 3 minutes).

Si après 15 minutes de réanimation, aucune circulation ni aucune respiration spontanée ne sont présentes, il est peu probable que le poulain survive [4].

Stimulation de la respiration

La position du poulain a des effets majeurs sur la respiration et son efficacité. Le décubitus latéral est la position la moins favorable et doit être évité. Si, en revanche, le décubitus latéral est inévitable, le poulain est changé régulièrement de côté. Avec l’aide de coussins, un poulain peut être maintenu en position sternale, ce qui peut augmenter la PaO2 de 10 à 20 mmHg (photo 5) [15].

Des poulains très malades ont souvent des rythmes respiratoires anormaux avec des phases d’apnée qui peuvent indiquer des troubles musculaires ou centraux.

Lors d’hypoxie avec ou sans hypercapnie à la suite de cette hypoventilation, l’administration de caféine (10 mg/kg en dose initiale, puis 2,5 mg/kg par voie intrarectale ou orale) ou de doxapram (400 mg à 0,05 mg/kg/min par perfusion continue) peut aider le poulain à respirer en stimulant les centres respiratoires centraux [11, 20]. L’utilisation de doxapram est controversée car il augmente la demande en oxygène et le travail du myocarde et diminue le flux sanguin cérébral, ce qui est délétère pour le poulain en hypoxie. Le doxapram est contre-indiqué pour une réanimation périnatale [4].

Traitement à l’oxygène

L’oxygène est un médicament utile, mais pas sans danger, et il ne devrait pas être administré sans un suivi simultané des PaO2 et PaCO2, et éventuellement de la saturation et du CaO2. Une thérapie à l’oxygène est indiquée chez tout poulain dont la PaO2 est inférieure à 60 mmHg ou dont la saturation est inférieure à 90 %.

L’objectif ultime est d’obtenir et de maintenir la PaO2 à 80 à 110 mmHg et une saturation supérieure à 92 % [2, 15]. L’oxygène est administré par canule nasale uni- ou bilatérale à 2 à 15 l/ min et de préférence humidifié [15]. Si de l’oxygène est administré à un poulain en hypoxie et en hypercapnie, l’hypoxie est corrigée, mais la stimulation de la respiration est diminuée, ce qui peut aggraver l’hypercapnie [19]. Les complications de la thérapie à l’oxygène sont la toxicité à l’oxygène (si la FiO2 est supérieure à 60 %), l’irritation nasale avec rhinite, le séchage des voies respiratoires et le jetage [4, 15].

Ventilation mécanique

Les indications principales pour une ventilation mécanique chez un poulain sont une hypertension pulmonaire persistante avec une circulation fœtale persistante, une insuffisance respiratoire aiguë, une faiblesse due à la prématurité ou le syndrome d’asphyxie, une insuffisance du centre nerveux de la respiration, un choc septique et des difficultés neuromusculaires des muscles respiratoires. En Europe, seulement quelques cliniques équines sont équipées pour mettre en œuvre cette technique.

Soutien cardiovasculaire

Le soutien circulatoire (fluidothérapie(2) avec éventuellement des inotropes et des vasopresseurs) chez un poulain en détresse respiratoire avec des troubles circulatoires associés est quasi aussi important que les traitements destinés au système respiratoire. Sans circulation, l’oxygène ne peut être efficacement délivré. L’apparition d’un œdème pulmonaire lors de perfusion à vitesse rapide est une complication très rare et c’est la quantité perfusée qui est plus néfaste que la rapidité de perfusion [4]. Pour corriger une déshydratation, il est possible de donner jusqu’à quatre fois un bolus rapide de 1 l pour un poulain de 50 kg, en réévaluant le poulain entre chaque bolus. Pour la maintenance, un poulain de 50 kg a besoin de seulement de 100 à 200 ml/h.

L’administration de bicarbonate est contre-indiquée chez des poulains en détresse respiratoire. Le bicarbonate est transformé en CO2 dans le corps, mais il n’est pas efficacement évacué en raison du trouble respiratoire ce qui aggrave l’hypercapnie et l’acidose respiratoire [19].

Antibiotiques

Les poulains sont très sensibles au développement d’une septicémie ou d’infections bactériennes (Gram+ et Gram-), et il convient de traiter les malades le plus tôt possible avec des antibiotiques à large spectre.

Les prélèvements pour culture bactérienne (sanguine, respiratoire ou autre) doivent être effectués avant le début de l’antibiothérapie. En fonction de l’antibiogramme, l’antibiothérapie est adaptée a posteriori.

La pharmacocinétique des poulains sains est différente de celle de l’adulte. Leur corps contient plus d’eau, moins de graisse et moins d’albumine, et leur métabolisme hépatique et rénal est plus lent. Cela nécessite d’adopter des doses différentes, souvent plus importantes, par rapport à un cheval adulte (tableau 4). De plus, en cas de maladie, l’absorption intestinale et la détoxification du médicament sont réduites [9].

La nébulisation des antibiotiques (ceftiofur et gentamicine) peut être prise en considération pour des poulains atteints d’une pneumonie bactérienne avérée [6]. Lorsqu’un risque de septicémie est présent, l’ajout d’une antibiothérapie systémique est recommandé.

Bronchodilatateurs

L’utilisation de bronchodilatateurs chez le poulain en détresse respiratoire aiguë est controversée parce qu’ils pourraient aggraver l’inadéquation du rapport ventilation-perfusion dans les zones de consolidation [2]. De plus, ces médicaments sont susceptibles de favoriser une extension de l’infection bactérienne. Dans certains cas plus chroniques, moins graves ou sans suspicion d’infection ou de consolidation, ils pourraient néanmoins avoir un effet positif.

Oxyglobin®

L’Oxyglobin® (10 à 20 ml/kg par voie intraveineuse) est une molécule d’hémoglobine bovine est à administrer aux poulains en détresse respiratoire due à une anémie importante, dans l’attente d’une transfusion sanguine. Néanmoins, le temps d’action court (18 heures) et le prix sont une restriction à son utilisation.

Autres traitements

D’autres traitements, comme les mucolytiques, l’administration de plasma, la transfusion sanguine, des corticostéroïdes et/ou des AINS, sont possibles et à adapter au cas par cas.

Affections respiratoires urgentes

Ce chapitre décrit les maladies respiratoires les plus fréquentes et les plus urgentes chez le poulain. Cette liste n’est pas exhaustive.

Tout de suite après la naissance

Obstruction des voies respiratoires hautes

Une atrésie des choanes (unilatérale ou bilatérale), des narines sténotiques, des kystes subépiglottiques ou pharyngés ou un collapsus pharyngé ont été décrits.

Ils peuvent induire une détresse respiratoire importante à la naissance. Il convient alors de rétablir une voie aérienne par laquelle le poulain peut respirer. Dans certains cas, il est possible de le faire par simple passage d’une sonde endotrachéale. Néanmoins, quand ce n’est pas possible, par exemple lors d’atrésie des choanes bilatérale, une trachéotomie d’urgence doit être effectuée.

Le prématuré et la déficience de surfactant

Le développement pulmonaire est complet à 300 jours de gestation, mais peut varier selon les facteurs extérieurs. Sans surfactant, les alvéoles se collabent en fin d’expiration et un poulain faible n’est pas capable de les rouvrir. Un traitement avec du surfactant (très couteux), de l’oxygène ou une ventilation assistée est indiqué [2]. Les autres troubles liés à la prématurité doivent être adressés également.

Troubles cardiaques

Plusieurs troubles cardiaques congénitaux sont possibles chez le poulain à la suite de malformations, mais ils ne sont pas toujours fatals ni n’induisent pas tous une détresse respiratoire secondaire. En revanche, si un shunt de droite à gauche important est présent, une partie du sang ne passe pas par les poumons et n’est pas oxygénée. La PaO2 va alors chuter, mais une thérapie à l’oxygène ne résout pas cette hypoxémie. En général, un shunt n’entraîne pas d’hypercapnie, le CO2 pouvant être éliminé par la circulation pulmonaire normale. Une échocardiographie doit être réalisée dans tous les cas de détresse respiratoire importante chez le poulain.

La transformation de la circulation fœtale en circulation adulte peut ne pas se faire ou être transitoire, avant le retour d’une circulation fœtale. Cette persistance de la circulation fœtale peut se produire à la suite d’une hypertension pulmonaire persistante avec hypoxie associée (pneumonie, immaturité ou autres affections pulmonaires). Ce trouble est à suspecter chez tout poulain qui présente une hypoxie importante ne répondant pas à la thérapie à l’oxygène (due à la présence du shunt).

Les radiographies montrent une diminution de la densité des vaisseaux pulmonaires.

L’échocardiographie permet la mise en évidence du shunt et l’exclusion d’une autre malformation. Il convient alors d’essayer de traiter la cause primaire de la persistance de la circulation fœtale en administrant de l’oxygène, en ventilant mécaniquement et éventuellement en administrant du surfactant avec un vasodilatateur des vaisseaux pulmonaires [2, 19].

Syndrome d’asphyxie néonatale

Ce syndrome est dû à une phase d’hypoxie avant, pendant ou après la naissance. L’hypoxie tissulaire induit un dommage cellulaire et a des répercussions non seulement sur le cerveau, mais aussi sur d’autres systèmes (respiratoire, digestif, rénal, cardiovasculaire, etc). L’atteinte du centre nerveux de la respiration induit une respiration anormale avec des phases d’apnée et d’hypoventilation. La prise en charge consiste en une stimulation de la respiration avec de la caféine, de l’oxygène ou une ventilation mécanique, et des traitements spécifiques pour les autres systèmes atteints.

Septicémie

La septicémie est une infection qui atteint tout l’organisme, et qui peut donc induire une détresse respiratoire. Celle-ci est aggravée par l’hyperthermie, la déshydratation, l’acidose métabolique, les effets toxiques de la septicémie sur les cellules et l’augmentation de la demande en oxygène par les tissus.

Le traitement repose sur une antibiothérapie et des traitements de soutien pour les autres systèmes atteints. La septicémie n’est pas seulement une cause de détresse respiratoire, mais une possible complication chez tout poulain malade.

Fracture de côtes

Une fracture de côtes n’entraîne pas toujours des signes cliniques évidents, mais peut induire une douleur qui interfère avec la respiration, un hémothorax ou un pneumothorax, voire une blessure traumatique des poumons, du diaphragme, du système digestif, du péricarde ou du cœur. Le diagnostic est fait par palpation, radiographie et ou échographie de la région [12, 19].

Hémorragie de l’ombilic

Une hémorragie importante peut provoquer une détresse respiratoire à la suite de l’hypovolémie (aussi signes de choc) et/ou une anémie marquée (muqueuses blanches). Le traitement consiste à arrêter l’hémorragie et, si nécessaire, en une fluidothérapie, une thérapie à base d’oxygène, une transfusion sanguine ou l’administration d’Oxyglobin®.

Premiers jours et premières semaines

Isoérythrolyse néonatale

L’isoérythrolyse néonatale est une hémolyse chez le poulain qui a bu du colostrum contenant des anticorps dirigés contre les antigènes de ses propres hématies. La quantité d’anticorps absorbés détermine la gravité de l’hémolyse.

Dans des cas sévères, l’hématocrite peut descendre en dessous de 10 %, ce qui diminue énormément la quantité totale d’oxygène sanguin et qui induit alors une détresse respiratoire. Le traitement consiste à éviter l’accès au colostrum les premiers 24 à 48 heures (la période où les intestins absorbent les anticorps), et en une fluidothérapie, une thérapie à base d’oxygène, une transfusion sanguine (idéalement des hématies lavées en provenance de la jument) et une administration d’Oxyglobin®.

Pneumonie

Chez le poulain, une pneumonie se développe à la suite de l’aspiration de méconium liée à une dystocie ou à une difficulté pendant le poulinage, d’une fausse déglutition, d’une infection virale (EHV, influenza) ou bactérienne (septicémie ou aspiration). Toute pneumonie peut provoquer de l’hypertension pulmonaire avec une persistance de la circulation fœtale et/ou une insuffisance respiratoire aiguë. Certaines pneumonies seront présentes dès la naissance.

Distension abdominale

À la suite d’une impaction de méconium, d’une atrésie intestinale, d’un uropéritoine ou de coliques avec une distension intestinale, l’abdomen peut se distendre au point d’entraver la respiration. La pression exercée sur le diaphragme empêche alors le remplissage pulmonaire et, dans certains cas extrêmes, comprime la veine cave caudale, diminuant le retour veineux. Les deux mécanismes réduisent l’oxygénation tissulaire et entraînent une détresse respiratoire.

Après quelques semaines ou quelques mois

Bronchopneumonie

La plupart du temps, une bronchopneumonie chez le poulain de quelques semaines ou de quelques mois ne constitue plus une urgence, mais, dans des cas plus graves, l’animal peut être en détresse. Le diagnostic est fondé sur les signes cliniques (fièvre, toux, jetage, dyspnée), l’échographie, la radiographie et la bactériologie d’un lavage trachéal (encadré 2).

Affections identiques à celles de l’adulte

Les principales maladies qui touchent à la fois le cheval adulte et le poulain sont :

– la gourme, qui peut provoquer un étranglement chez le poulain ;

– la pneumonie ;

– l’œdème pulmonaire, ou SDRA.

  • (1) Pour une revue complète sur la réanimation après la naissance, se référer à l’article : [4].

  • (2) Pour une revue complète sur la fluidothérapie chez le nouveau-né, se référer aux articles suivants : [3, 4, 14].

Références

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  • 15 – Palmer JE. Ventilatory support of the critically ill foal. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2005;21(2):457-486.
  • 16 – Rush BR. Respiratory distress. Equine internal medicine. Sellon DC, Reed SM, Bayly WM, eds. Philadelphia, Saunders. 2004:136-142.
  • 17 – Stoneham SJ. Assessing the Newborn Foal. Equine Neonatal Medicine. A Case-based Approach. Paradis MR. Philadelphia, Elsevier Saunders. 2006:1-11.
  • 18 – Walther SM. Diagnostik von Lungenababszessen beim Fohlen: Vergleich von sonographischen und rontgenologischen Befunden. Hannover School of Veterinary Medecine, Hannover. 2006.
  • 19 – Wilkins PA. Lower respiratory problems of the neonate. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2003;19(1):19-33.
  • 20 – Wilkins PA. Disorders of foals. Equine internal medicine. Sellon DC, Reed SM, Bayly WM, eds. Philadelphia, Saunders. 2004:1381-1431.

Éléments à retenir

• Les troubles respiratoires chez le poulain n’ont pas toujours une origine pulmonaire.

• Le développement d’une maladie chez un nouveau-né est par définition une urgence.

• Le poulain nécessite des examens, des soins et des traitements différents de ceux de l’adulte.

• Les affections pulmonaires chez le poulain sont souvent dues à des infections bactériennes, soit primaires soit secondaires par complication.

Encadré 1 : Relation entre le contenu en oxygène du sang et le débit cardiaque

• CaO2 (ml/dl) = (1,34 x Hb x saturation) + (0,003 x PaO2)

• Débit cardiaque (CO, mesuré en ml/kg) = volume d’éjection systolique x fréquence cardiaque

• Index cardiaque (IC, mesuré en ml/kg/min) = CO/kg

DO2 (ml/kg/min) = CaCO2 x IC/1000

Encadré 2 : Causes de bronchopneumonie chez le poulain de quelques semaines ou de quelques mois

• Rhodococcus equi

La rhodococcose provoque des abcès pulmonaires chez des poulains de moins de 6 mois, mais parfois aussi des lésions extrapulmonaires (colite, abcès abdominal, synovite, arthrite septique, ostéomyélite, uvéite). Le traitement de choix est la rifampicine en combinaison avec de l’érythromycine, de l’azithromycine ou de la clarithromycine. L’association de rifampicine et de clarithromycine donne des meilleurs résultats cliniques [10]. L’isolation du poulain est requise [1].

• Streptococcus equi subspp. zooepidemicus

Streptococcus equi subspp. zooepidemicus est un agent pathogène fréquent chez le poulain. Une antibiothérapie de plusieurs semaines selon l’antibiogramme est le traitement de choix. Des rechutes sont fréquentes [1].

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