Bases de l’interprétation de l’électrophorèse des protéines sériques chez le cheval

• Variations de la concentration totale en protéines sanguines

La concentration en protéines totales sanguines peut être augmentée ou diminuée. Cela résulte d’altérations de la concentration en albumine, en globulines, ou bien des deux. La différenciation des différentes composantes protéiques est essentielle car les anomalies des fractions peuvent se compenser, jusqu’à obtenir une concentration totale en protéines sanguines dans l’intervalle des valeurs de référence [²].

• Variations de la concentration en albumine

Le cheval présente la particularité d’une fraction postalbumine sur son tracé électrophorétique, apparaissant comme un créneau sur le pic d’albumine du côté cathodique (^{figure 1}). Cette fraction est d’autant plus apparente qu’une inflammation aiguë, une hypoalbuminémie ou une maladie hépatique chronique est présente (^{figures 2 et 3}).

• Variations de la concentration en globulines

L’augmentation des globulines peut être caractérisée par le tracé électrophorétique (^{figure 4}) [5].

Fraction α

Une augmentation de la fraction a signe une inflammation aiguë, non spécifique, et de faible valeur diagnostique (^{figure 5}). La concentration sanguine de plusieurs protéines s’élève (cérulopasmine, haptoglobine, α₂-macroglobuline, etc.). Il s’agit des protéines inflammatoires de la phase aiguë.

Fraction β

Une augmentation de la fraction b peut accompagner plusieurs processus pathologiques : inflammation aiguë, syndrome néphrotique, maladie hépatique aiguë, processus à médiation immunitaire, en raison de l’élévation de plusieurs protéines de la phase aiguë (protéine C-réactive, ferritine, complément, etc.) (^{figure 6}). Par exemple, lors de syndrome néphrotique, les concentrations en lipoprotéines sont responsables de l’augmentation de la fraction β. Les maladies hépatiques aiguës entraînent une production de transferrine, d’hémopexine et de protéines du complément. Dans d’autres espèces, des pics d’aspect monoclonal en β sont décrits.

Fraction γ

Une augmentation de la fraction γ des globulines est appelée gammapathie (^tableau). Les gammapathies polyclonales correspondent à un pic plus large mais moins élevé que le pic d’albumine sur l’électrophorétigramme, et les gammapathies d’aspect monoclonal, à un pic de largeur égale à celui de l’albumine, mais de plus grande hauteur.

• Gammapathies polyclonales

Les gammapathies polyclonales sont les anomalies les plus fréquentes, qui renvoient à des processus pathologiques souvent non spécifiques (stimulation antigénique chronique, maladie hépatique, affection à médiation immunitaire ou néoplasme).

Lors d’une infection chronique ou de la présence prolongée d’un corps étranger dans l’organisme, la stimulation immunitaire non spécifique conduit à la production d’immunoglobulines par les lymphocytes B et les plasmocytes. Comme plusieurs antigènes sont habituellement impliqués, les immunoglobulines sont hétérogènes et migrent à l’électrophorèse en un large pic (dit “polyclonal”).

Les maladies à médiation immunitaire constituent une autre forme de stimulation antigénique chronique. Les antigènes sont constitués de molécules propres à l’organisme (du moins en partie). Ils ont été exposés anormalement au système immunitaire ou associés à d’autres substances (haptènes), et sont reconnus comme étrangers. Il en résulte aussi un pic électrophorétique polyclonal.

Les maladies hépatiques chroniques conduisent à une hausse de la production des globulines, particulièrement chez le cheval. Le mécanisme exact n’est pas connu. Il semble que les antigènes entériques dans la circulation porte des animaux à hépatite ne puissent pas être éliminés par les cellules de Kupffer. Ils sont donc la source d’une production de différents anticorps lorsqu’ils parviennent au contact de lymphocytes B dans la circulation générale. Il est possible que l’augmentation des globulines concerne une réponse à la fois en β et en γ (pont β–γ) (^{figure 7}).

Les cellules néoplasiques en prolifération produisent parfois des anticorps hétérogènes (lymphome, leucémie lymphoïde). Les infections intercurrentes qui accompagnent ces maladies peuvent aussi stimuler la production d’immunoglobulines non spécifiques [²].

• Gammapathies monoclonales

Les gammapathies d’aspect monoclonal chez le cheval sont rares et possèdent une spécificité diagnostique élevée. La comparaison des différents pics de globulines au pic de l’albumine permet la classification en tracé monoclonal ou polyclonal [³]. Une hypoalbuminémie d’origine inconnue peut accompagner la gammopathie monoclonale. Chez le cheval, elles orientent le clinicien vers un myélome multiple ou bien une leucémie lymphoïde (^{figure 8}). Des maladies infectieuses (anaplasmose, leishmaniose) ou idiopathiques (gammapathie monoclonale idiopathique) sont décrites chez le chien, mais n’ont pas été rapportées chez le cheval.

Références

• 1 – Carlson GP. Clinical chemistry tests. In: Large Animal Internal Medicine. Ed. Smith BP. Mosby Cie, St Louis. 2002:389-414.
• 2 – Duane Lassen E. Laboratory evaluation of serum proteins. In: Thrall MA. Veterinary hematology and clinical chemistry. Blackwell, Ames, Iowa. 2006:401-416.
• 3 – Kaneko JJ. Serum proteins and dysproteinemias. In: Clinical Biochemistry of domestic Animals. 4^th ed. Academic Press, New York. 1997:117-137.
• 4 – Trumel C, Schelcher F, Braun JP, Guelfi JF. L’électrophorèse des protéines sériques : principes d’interprétation chez le chien, le chat et le cheval. Méd. Vét. 1996;147(2):123-130.