Les placentites chez la jument - Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009

Article de synthèse

Auteur(s) : Jean-Marc Betsch

Fonctions : Clinique vétérinaire équine
Méheudin
61150 Échouché

Des signes cliniques discrets rendent le diagnostic de placentite délicat. Cependant, la rapidité de diagnostic et de mise en place d’un traitement approprié conditionne souvent la survie du foetus.

Chez la jument, l’avortement est classiquement décrit comme l’expulsion du fœtus et de ses annexes au-delà de 40 jours de gestation, même si le placenta n’est totalement fonctionnel qu’à partir de 3 à 4 mois de gestation (les replis microcotylédonaires secondaires et la sécrétion propre de progestagènes suffisante sont mis en place vers le centième jour, et la structure microcotylédonaire complexe est mature vers 150 jours) [27]. Le fœtus n’étant que très rarement viable avant 300 jours, le terme de mortinatalité est en général employé entre 300 et 320 jours. Les pertes entre 40 jours et le terme varient de 8 à 19 % selon les études et les pays avec une moyenne de 10 à 15 %, mais la répartition de ces pertes dans le temps reste imprécise, car elles passent souvent inaperçues avant le dernier tiers de gestation [10, 26]. En France, la récente étude de Laugier et coll. portant sur 1 726 avortements (voir dans ce numéro l’article « Étude rétrospective nécroscopique de 1 726 cas d’avortement ») montre que près d’un avortement sur deux est dû à une infection fœto-placentaire, et qu’une étiologie bactérienne est mise en évidence dans 80 % de ces infections [10]. Les placentites sont donc une cause importante d’avortement, de mortinatalité et de prématurité dans cette espèce. Leur dépistage précoce reste le principal moyen de lutte afin de mettre en place un traitement efficace avant que les signes cliniques ne soient trop avancés.

Pathophysiologie et agents pathogènes

Pathophysiologie

Les conséquences d’une infection placentaire sont une inflammation, une nécrose tissulaire, la libération de cytokines pro-inflammatoires et une production de prostaglandines placentaires responsables de l’avortement. Les échanges placentaires peuvent également être altérés et provoquer la mort du fœtus par hypoxémie. Enfin, le germe peut atteindre le fœtus et causer une septicémie fœtale. A contrario, l’inflammation placentaire peut stimuler une maturation précoce de l’axe hypothalamo-hypophysaire du fœtus, ce qui améliore le pronostic vital des poulains prématurés [12]. L’article de Laugier et coll. dans ce numéro présente une synthèse des agents microbiens incriminés dans les placentites virale, bactérienne, ou mycosique [10].

Agents pathogènes impliqués

Infections virales

Les infections virales (herpèsvirus équin et artérite virale) sont souvent responsables de virémie fœtale (15 % des avortements infectieux) provoquant la mort du fœtus ou une septicémie néonatale rapide et fatale en moins de 3 jours. Lors d’herpèsvirus, le placenta peut être normal, présenter un œdème ou des lésions non spécifiques, tandis que lors d’artérite virale, une inflammation du myomètre est parfois présente [1].

Infections bactériennes

En général, les infections bactériennes se produisent après 190 jours, et en moyenne vers 8 à 9 mois de gestation [10, 33]. Elles peuvent se limiter au placenta ou contaminer le fœtus et entraîner une septicémie néonatale ante-partum. Une contamination du placenta par voie hématogène est possible à la suite d’une septicémie (leptospirose, salmonellose), d’un foyer septique maternel (pleuropneumonie, d’entérotoxémie à Klebsiella pneumoniae, ou de leptospirose par exemple), ou dans d’autres cas (histoplasma, candida). Cependant, cette voie de contamination reste rare et se traduit par des lésions aiguës et diffuses du placenta [9, 33].

Dans certains pays (aux États-Unis par exemple), une infection particulière provoquée par une bactérie actinomycète nocardioforme (Amycolaptosis spp., Crosiella equi sp. nov.) se traduit par des lésions focales exsudatives à la base des cornes utérines, mais aucun cas n’a encore été mis en évidence en France [35].

Dans la grande majorité des cas (68 %), la placentite bactérienne est d’origine ascendante, c’est-à-dire qu’elle fait suite à une contamination progressive de l’étoile cervicale, puis du placenta, par des bactéries des voies génitales postérieures (vulve, vestibule, vagin, puis col utérin) [10].

Les placentites ascendantes seraient plus fréquentes dans la race pur-sang, mais c’est souvent la race la plus étudiée. Les juments âgées et présentant un manque d’état seraient plus touchées [34].

Les défauts de conformation vulvaire, les traumatismes de dystocies antérieurs et le relâchement ou l’ouverture du col utérin en fin de gestation chez certaines juments sont d’autres facteurs prédisposant.

Certaines juments sembleraient répéter les épisodes de placentite, mais une étude portant sur 16 cas de placentit dépistées précocement par échographie montre l’inverse (un seul cas de récidive sur 16 juments atteintes) [5, 15]. Pendant la gestation, sous l’influence des progestagènes, le bouchon muqueux cervical est naturellement très épais et imperméable aux bactéries. Dans les modèles de placentite expérimentalement induite, une partie de ce bouchon muqueux doit être retiré pour contaminer le placenta. Il est possible que ce phénomène se produise dans les cas naturels sous l’influence des enzymes bactériennes du vagin ou que le bouchon muqueux ne se forme pas normalement [6].

Dans toutes les études, les bactéries le plus souvent incriminées lors de placentite bactérienne sont les streptocoques Β-hémolytiques (40 % des avortements bactériens), Streptococcus equi var. zooepidemicus, Staphylococcus aureus, Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Pantoea sp, Aeromonas, ou une combinaison de bactéries (souvent Streptococcus sp et Escherichia coli) [10].

Infections mycosiques

Les mycoses placentaires restent très rares (moins de 2 % des avortements infectieux). Les champignons principalement rencontrés sont Aspergillus fumigatus en France et Candida spp. dans d’autres pays [10, 33].

Signes cliniques de placentite

Placentite hématogène

Lors de placentite hématogène, les signes cliniques généraux de septicémie sont inconstants et en général peu spécifiques : hyperthermie, inappétence, tachycardie discrète. Les complications d’un avortement infectieux sont possibles (endotoxémie, fourbure) mais restent rares. Certaines juments s’isolent momentanément du reste du troupeau, et l’observation de l’éleveur peut faire la différence. Chez certaines juments à haut risque, c’est-à-dire ayant des commémoratifs de gestation pathologique ou de mortinatalité, un œdème ventral marqué et non spécifique est présent et doit être distingué de l’ œdème progressif et modéré de fin de gestation.

Enfin, dans d’autres cas, aucun signe clinique n’est présent, et seul l’avortement avec des lésions de placentite diffuse d’origine hématogène est constaté.

Placentite ascendante

Lors de placentite ascendante, les signes généraux sont la plupart du temps absents, et le principal signe d’appel est un développement mammaire précoce associé ou non à une lactation prématurée [4, 14, 31]. Chez la jument saine, ce développement se produit en général 2 à 4 semaines avant le terme, sauf chez les primipares qui connaissent un accroissement mammaire souvent tardif. Le développement mammaire normal présente une variation individuelle ainsi qu’une variation liée à la photopériode (gestations plus longues lors de jours courts) [16]. Ce n’est donc qu’en connaissant la date de conception et la durée de gestation propre à la jument, ainsi que ses prodromes “habituels” de fin de gestation qu’il est réellement possible d’objectiver un développement trop précoce. Ces signes cliniques sont associés à une augmentation prématurée de la concentration des progestagènes fœto-placentaires qui pourraient stimuler la production de prolactine.

Un écoulement vulvaire anormal, parfois séro-hémorragique, est possible lors de placentite, mais ce signe reste inconstant et peut être dissocié du développement mammaire dans le temps (photos 1a et 1b) [16]. La présence d’un exsudat pourrait précéder le développement mammaire et être un signe précoce de placentite. Ceci illustre l’importance d’un examen systématique et minutieux de la base de la queue ou des cuisses de la jument en cas de suspicion [15].

Dans certains cas, le col utérin est relâché, tandis que dans d’autres cas, il reste fermé.

Signes cliniques du poulain

Selon les lésions présentes dans le placenta en fin de gestation, l’issue pour le fœtus ou le poulain peut être un avortement, un poulain mort né, un poulain prématuré ou immature, un poulain septicémique, un retard de croissance, ou un poulain “anoxique” [2, 32].

À la suite d’une placentite ascendante cicatrisée, le placenta peut être épaissi et gêner la déchirure physiologique de l’étoile cervicale. Chez certains poulains nés de jument à placentite, un taux de créatinine plasmatique très élevé (> 100 mg/L) est observé en raison d’une insuffisance placentaire.

Diagnostic

Compte tenu de la gravité des conséquences d’une placentite, un diagnostic précoce est essentiel.

Examen visuel

Si un écoulement vulvaire est présent, un examen au spéculum est possible, mais doit être réalisé après une aseptie et avec précaution pour ne pas contaminer ni dilater un vagin qui serait resté physiologiquement occlus, ni stimuler le col utérin, ce qui provoquerait un avortement. Lors d’écoulement visible au niveau du col, un prélèvement pour examen bactériologique à l’aide d’un écouvillon stérile passé dans le spéculum est conseillé.

Examen échographique

Depuis plusieurs années et depuis les travaux initiaux de Renaudin sur le placenta normal en fin de gestation, l’échographie du placenta est utilisé en routine pour le diagnostic des placentites ascendantes [23, 24]. L’épaisseur combinée de l’utérus et du placenta (ECUP) peut être mesurée par échographie transrectale ou transabdominale. Elle augmente précocement lors d’inflammation liée à la placentite. L’examen transabdominal est plus long car il nécessite l’examen des 4 quadrants (cranial et caudal de chaque côté) et une tonte préalable éventuelle lors de long poil [15, 21, 22]. Si une placentite hématogène est suspectée ou lors de la surveillance d’une jument à haut risque, cet examen permet une meilleure évaluation de la totalité du placenta (ECUP normal entre 7,1 ± 1,6 mm et 11,5 ± 2,4 mm), mais aussi l’étude de la viabilité du fœtus si une sonde d’environ 3,5 Mhz est utilisée (aspect des liquides fœtaux, tonicité, fréquence cardiaque, diamètre aortique) [35]. Cet examen permet également le diagnostic différentiel de la lactation prématurée, qui comprend la placentite infectieuse, la gestation gémellaire et la gestation dans le corps placentaire.

Lors de placentite ascendante, l’échographie transrectale est une méthode plus facile et surtout plus sensible, car elle permet l’examen du placenta au siège même de l’infection débutante, en regard de l’étoile cervicale (encadré). Les normes physiologiques ont d’abord été publiées dans la race quarter horse, mais l’ECUP apparait plus fine chez la ponette et plus large chez les races lourdes [12, 23]. En pratique, l’ECUP ventrale ne doit pas avoir une épaisseur supérieure maximale égale à: mois d’âge + 1 mm.

Cependant, la mesure de l’ECUP ne doit pas devenir le seul critère diagnostic d’une placentite.

La taille de l’orbite, l’activité du fœtus, l’aspect des liquides fœtaux et la fréquence cardiaque peuvent être évalués (photo 2) [3]. Après 300 jours, la fréquence cardiaque normale du fœtus est de 75 +/-7 bpm, et la largeur de l’aorte est d’environ 10 % de celle du thorax du fœtus (photo 3) [21, 22].

Deux études de terrain dans deux lots de juments pur-sang ont confirmé les normes d’épaisseur physiologique de l’ECUP chez la jument saine gravide. Elles ont montré l’importance de l’échographie transrectale pour un dépistage précoce et le suivi du traitement de la placentite ascendante, mais le pourcentage de placenta anormal diffère entre les deux populations (respectivement 3,1 % de 477 juments et 15 % de 106 juments) [5, 31].

Dosages hormonaux

Les taux sanguins de progestagènes maternels augmentent physiologiquement au cours des 3 dernières semaines de gestation, puis chutent brutalement au cours des 48 heures précédant le poulinage, en raison de leur transformation en corticoïdes fœto-placentaires.

L’augmentation prématurée du taux plasmatique des progestagènes maternels lors de placentite chronique ou de stress fœtal a été mise en évidence, mais des prélèvements sanguins répétés (2 fois par semaine) sont nécessaires [12, 17, 19, 30].

Inversement, lors de placentite aiguë, les taux chutent très rapidement et l’avortement peut survenir avant même que les modifications de l’ECUP ne puissent être diagnostiquées [17]. Aucun dosage du taux plasmatique des progestagènes maternels utilisable sur le terrain ne semble actuellement disponible en France. La relaxine pourrait également être intéressante, car il s’agit d’une hormone essentiellement placentaire et une chute du taux sanguin pourrait traduire une affection du placenta [6].

Composition du lait

Les variations des concentrations d’électrolytes (calcium, sodium, potassium) dans la mamelle sont classiquement un témoin de la maturation fœtale de fin de gestation [15].

Ces variations peuvent être perturbées en raison de la placentite et/ou de son traitement.

Leur évaluation est intéressante si les électrolytes sont dosés régulièrement tout au long de l’évolution de l’infection [15].

Examen du placenta

Mettre de côté le placenta au plus vite et l’évaluer dans de bonnes conditions (sol propre et plan) est un geste essentiel lors de tout poulinage normal, anormal et lors d’avortement.

L’aspect macroscopique du placenta est un élément important du diagnostic postpartum ou postavortement. Le poids du placenta doit être inférieur à 10 % du poids du fœtus.

Sur l’allantochorion, il convient de rechercher des lésions diffuses ou focales de décoloration, d’œdème, d’hémorragies, d’épaississement ou d’exsudat. Une décoloration progressive à partir de l’étoile cervicale vers le corps est un élément caractéristique de placentite ascendante (photo 8). Lors de toute anomalie ou de suspicion de placentite, il est important de placer la totalité des enveloppes fœtales et l’avorton dans un sac-poubelle solide et de l’acheminer pour une analyse au laboratoire. Une bactériologie utérine doit aussi être effectuée chez la jument moins de 24 heures après l’avortement ou le poulinage afin de distinguer les bactéries opportunistes des agents pathogènes [15]. Lors de la naissance du poulain, une hémoculture et un bilan sanguin (numération et formule sanguines, fibrinogène, sérum amyloïde A, biochimie) sont aussi conseillés pour dépister une possible septicémie néonatale. Une antibiothérapie à large spectre bactéricide est recommandée dans tous les cas, même si l’hémoculture est négative [15].

Traitement

Quel que soit le type de placentite, la précocité du traitement est essentielle pour mener la gestation à son terme et optimiser la possibilité d’une maturation fœtale avant le terme. Déclencher un poulinage est peu conseillé sauf lors de souffrance fœtale sévère et avérée. Le traitement d’une placentite bactérienne doit être d’emblée à visées antibiotique, anti-inflammatoire, et utérorelaxante.

Antibiotiques

Une étude récente de placentite expérimentale montre que l’inflammation du placenta provoquerait l’avortement avant même l’atteinte infectieuse du fœtus [9]. Chez la femme et d’autres espèces non primates, le seul traitement antibiotique ne permet pas de traiter une placentite bactérienne [15]. Jusqu’à présent, de nombreux protocoles empiriques de traitements sont utilisés sur le terrain. Les études de diffusion des antibiotiques dans les fluides fœtaux et le fœtus lui-même sont parfois contradictoires selon les méthodes de dosage utilisées et selon l’évaluation chez des juments normales ou infectées. Les antibiotiques à large spectre sont utilisés en premier choix dans l’attente de possibles résultats de bactériologie. L’association trimetoprim-sulfamides pénètre bien tous les compartiments fœtaux [25]. La pénicilline G (22 000 UI/kg toutes les 12 heures) et la gentamicine (6,6 mg/kg toutes les 24 heures) peuvent également être utilisées [13, 18]. Le ceftiofur est également employé (2,2 mg/kg toutes les 12 heures).

Anti-inflammatoires et utérorelaxants

La pénétration de la flunixine dans les liquides et les enveloppes fœtales reste à déterminer.

La pentoxifylline est un vasodilatateur périphérique aux propriétés anti-inflammatoires (anti-TNFα) et rhéologiques (diminution de la viscosité sanguine et augmentation de la déformabilité érythtrocytaire) qui passe bien la barrière placentaire, et est fréquemment utilisé lors de placentite (8,5 mg/kg per os toutes les 12 heures).

L’utilisation de progestérone ou d’un progestagène de synthèse (altrenogest) lors de développement mammaire sans étiologie précise est ancienne, ainsi que lors de placentite avérée. Le mécanisme d’action précis reste inconnu, car, lors de placentite, le taux plasmatique des progestagènes maternels est anormalement élevé. Une action possible serait leur effet antiprostaglandine qui favoriserait la quiescence utérine [11, 13].

Une autre hypothèse serait le maintien d’une activité progestéronémique, qui prévient la chute physiologique des progestagènes au cours des 48 dernières heures précédant l’avortement ou le poulinage. L’altrenogest est fréquemment utilisé à double dose (0,088 mg/kg per os toutes les 24 heures) puis parfois à dose décroissante si le développement mammaire diminue. L’isoxuprine et le clenbutérol ont une activité utéro-relaxante chez plusieurs espèces. Chez la jument, une étude montre que le clenbutérol est inefficace pour retarder le poulinage chez des juments saines et, de plus, provoque des effets secondaires liés à la molécule. L’isoxuprine est utilisée par certains praticiens (1 mg/kg toutes les 24 heures). Le clenbutérol et l’isoxuprine ont une durée d’action très courte chez la jument.

Mise en place du traitement et suivi

En pratique courante, et compte tenu de l’état actuel des connaissances, lors de dépistage d’une placentite ascendante par échographie transrectale, l’association d’un antibiotique à large spectre (sulfamide-trimetoprim, 15 à 30 mg/kg toutes les 12 heures), d’un anti-inflammatoire (pentoxifylline, 8,5 mg/kg toutes les 24 heures et non toutes les 12 heures) et d’altrenogest à double dose (0,088 mg/kg toutes les 24 heures) jusqu’au poulinage semble rationnelle.

Le suivi échographique transrectal permet d’objectiver l’évolution de l’ECUP au cours du traitement. Chez certaines juments, l’ECUP redevient normal, tandis qu’il se stabilise chez d’autres. Lorsque la taille redevient normale, mais que l’aspect semble douteux (persistance de plages hyperéchogènes ou de décollement) la poursuite du traitement peut être conseillée [5]. Le traitement de la jument postpartum comporte en général des lavages utérins avec de grands volumes de solutés, des anti-inflammatoires pendant quelques jours, et une antibiothérapie par voie parentérale de 5 à 7 jours.

Pronostic

Dans une étude de terrain portant sur 106 juments, dont 16 atteintes de placentite diagnostiquée par échographie transrectale entre 270 et 330 jours, l’association de sulfamides/trimetoprim, de pentoxyfilline et d’altrenogest a permis de traiter avec succès les 16 juments atteintes. Elles ont donné naissance à des poulains vivants, dont le poids se trouve dans les normes physiologiques, à la suite d’une gestation plus longue d’une semaine environ [5].

Parfois, lors de placentite ascendante correctement gérée et évoluant favorablement, il peut survenir lors de la mise bas une non-rupture des annexes fœtales, car la cicatrisation de la placentite peut entraîner une augmentation de leur épaisseur et de leur résistance. Dans cette même étude, une seule des 16 juments ayant présenté une placentite a récidivé l’année suivante.

Dans une autre étude portant sur 477 juments, le même type d’association antibiotique (sulfamides/trimetoprim ou pénicilline G/gentamicine), anti-inflammatoire (flunixine ou phénylbutazone) ainsi que de la pentoxifylline et de l’altrenogest a permis de faire naître 11 poulains sains sur 15 cas de placentite (73 %) [31].

Si la placentite est une cause importante d’avortement infectieux, de mortinatalité ou de septicémie, elle peut passer inaperçue en début d’évolution si l’éleveur ne détecte pas un écoulement vulvaire anormal puis un développement mammaire prématuré. L’échographie transrectale permet au praticien d’objectiver facilement une placentite ascendante et d’évaluer son évolution.

Le traitement doit être rapide et combiner une antibiothérapie, des anti-inflammatoires et des progestatifs jusqu’au terme.

La maturation finale et essentielle du fœtus reste encore difficile à objectiver chez la jument, et c’est cette connaissance qui conditionne les chances de survie du poulain.

Éléments à retenir

→ Les placentites sont la première cause d’avortements infectieux chez la jument. Les placentites ascendantes sont beaucoup plus fréquentes que les placentites par voie hématogène.

→ Lors de placentite ascendante, les signes cliniques préabortifs se limitent souvent à un développement mammaire précoce. Les sécrétions vulvaires peuvent passer inaperçues. Lors de placentite hématogène, les signes cliniques sont parfois absents ou peu spécifiques.

→ L’échographie transrectale est un moyen diagnostique facile et sensible pour un dépistage précoce des placentites ascendantes. Léchographie transabdominale est plus sensible lors de placentite diffuse hématogène.

→ La majorité des placentites ascendantes sont dues à un streptocoque Β-hémolytique ou Escherichia coli.

→ Un traitement rapide et combiné, à base d’antibiotique à large spectre, d’anti-inflammatoire et de progestatif doit être instauré au plus tôt et jusqu’au poulinage.

Encadré : Évaluation du placenta par échographie transrectale

→ Placer la jument dans une barre adéquate, queue attachée, et évacuer les crottins.

→ Utiliser une sonde linéaire de 5 Mhz environ.

→ Chercher le liquide allantoïdien (plus anéchogène que le liquide amniotique) le plus caudal et délimité par la partie bombée du placenta (selon le remplissage de la vessie, cette poche est parfois à droite ou à gauche du plan médian).

→ Mettre la sonde en position pour réaliser une coupe longitudinale sur l’épaisseur combinée utéro-placentaire (ECUP) échogène (figure).

→ Sur ce plan, déplacer la sonde légèrement vers la droite ou la gauche pour trouver en coupe longitudinale un vaisseau anéchogène qui délimite l’ECUP ventrale du liquide allantoïdien (photo 4).

→ Faire 3 mesures à des niveaux différents de l’ECUP ventrale et évaluer la moyenne par rapport à la norme (avec certaines sondes de plus de 7,5 Mhz, un très fin liseré anéchogène normal délimite l’utérus et le placenta) (photo 5).

→ Évaluer de possibles pièges : la membrane amniotique gène ou est plaquée contre l’ECUP, la tête ou une partie du fœtus est engagé dans le bassin, la vessie est trop pleine.

→ Le placenta est considéré anormal si :

– à moins de 270 jours, il est supérieur à 7 mm (photo 6) ;

– de 271 à 300 jours, il est supérieur à 8 mm ;

– de 301 à 330 Jours, il est supérieur à 10 mm ;

– à plus de 330 jours, il est supérieur à 12 mm ;

– des accumulations de mucopus (hyperéchogène) se trouvent entre le placenta et l’endomètre ;

– un décollement placentaire de l’endomètre existe (photo 7) [5, 31].

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