Étude rétrospective nécropsique de 1 726 cas d’avortement chez la jument - Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009

Article original

Auteur(s) : Claire Laugier*, Jackie Tapprest**, Nathalie Foucher***, Corinne Sevin****, Albertine Léon*****, Estevan Guix******

Fonctions :
*Afssa, site de Dozulé
Laboratoire d’études et de recherches en pathologie équine
14430 Goustranville
**Afssa, site de Dozulé
Laboratoire d’études et de recherches en pathologie équine
14430 Goustranville
***Afssa, site de Dozulé
Laboratoire d’études et de recherches en pathologie équine
14430 Goustranville
****Afssa, site de Dozulé
Laboratoire d’études et de recherches en pathologie équine
14430 Goustranville
*****Laboratoire départemental Frank-Duncombe
1, route de Rose
14280 Saint-Contest
******Afssa, site de Dozulé
Laboratoire d’études et de recherches en pathologie équine
14430 Goustranville

Une étude rétrospective des causes d’avortement chez la jument a été réalisée pour la première fois en France, sur 1 726 cas.

L’avortement demeure une cause majeure de perte économique pour l’élevage du cheval, bien que l’usage répandu de l’échographie ait considérablement réduit l’incidence des gestations gémellaires. La fréquence des avortements équins est estimée de 8 à 19 % selon les auteurs et les populations de chevaux étudiées [1, 3, 27]. Plusieurs essais, qui établissent le bilan des causes d’avortement et/ou de mortinatalité au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande, ont été publiés [3, 10, 11, 24, 26]. Aucune étude française exhaustive n’est actuellement disponible.

Le propos de ce travail était de déterminer les principales causes d’avortement chez les juments en France à partir d’un effectif important de fœtus autopsiés dans l’unité spécialisée du Laboratoire d’études et de recherches en pathologie équine (Lerpe) de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).

La Normandie, première région française d’élevage du cheval, a fourni, grâce à sa densité de haras et à son nombre de poulinières, le matériel suffisant et adéquat pour la réalisation de cette étude.

Matériel et méthodes

L’étude a été réalisée à partir de 1 726 cas d’avortement. Le matériel était constitué pour chaque cas d’un fœtus ou, plus rarement, de deux, lors de gémellité, accompagnés ou non de leurs annexes fœtales, l’ensemble ayant été adressé pour autopsie à l’Afssa-Lerpe entre janvier 1986 et décembre 2008. 1 589 fœtus (92,1 %) ont été référés avec leurs annexes. Les allantochorions examinés seuls, en l’absence de fœtus, n’ont pas été inclus dans ce travail.

La sélection des cas s’est fondée sur la définition communément admise de l’avortement qui désigne une interruption de gestation après l’achèvement de l’organogenèse fœtale et l’expulsion d’un fœtus mort ou non viable entre le 40e jour et le 300e jour de gestation. Ainsi, l’effectif d’étude comprenait potentiellement tous les fœtus expulsés entre 40 et 300 jours de gestation (encadré 1 complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Les stades de gestation des fœtus examinés s’étalaient de 3 à 10 mois.

Les fœtus de moins de 5 mois de gestation étaient peu nombreux. En revanche, les fœtus âgés de 7, 8 et 9 mois constituaient 71,3 % de l’effectif. Les races pur-sang et trotteur français étaient les plus représentées (respectivement 49,3 et 37,3 % de l’effectif) devant la race selle français (9,4 %). La répartition des sexes était identique.

La plupart des cas d’avortement se sont produits de janvier à mai (782, soit 45,3 %) et de septembre à décembre (915, soit 53 %). Seulement 20 cas (1,70 %) ont été enregistrés en juin, juillet et août.

Les animaux étaient en majorité originaires de Normandie : 45,6 % provenaient du Calvados, 42,6 % de l’Orne, 4,8 % de la Manche et 3 % de l’Eure. Les autres cas étaient issus de neuf départements (Grand Ouest, Région parisienne).

Protocole d’autopsie

Pour chaque animal, une anamnèse et des commémoratifs cliniques sur la poulinière, les conditions de gestation et d’expulsion ont été recueillis (encadré 2 complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Tous les cadavres et les annexes fœtales ont été soumis à une procédure d’autopsie complète selon la méthode pratiquée à l’Afssa-Lerpe, dérivée de celle de Rooney [7, 22, 25]. En particulier, la longueur du sommet du crâne à la croupe et la longueur totale du cordon ombilical ont été mesurées pour chaque fœtus.

Des échantillons tissulaires ont été collectés en vue d’analyses complémentaires. De façon systématique, des prélèvements de foie, de poumon et de rein et des écouvillons de la face choriale du placenta ont été effectués pour des examens bactériologique, mycologique et histologique. Des prélèvements de foie, de poumon et d’allantochorion ont été pratiqués pour un examen virologique. Parallèlement, d’autres échantillons, plus spécifiques, ont été recueillis en relation avec le contexte épidémiologique, les signes cliniques observés chez la poulinière et les lésions enregistrées sur le fœtus et ses annexes. En particulier, des écouvillons supplémentaires ont été réalisés sur tout site suspect de placentite pour des analyses bactériologique et mycologique.

Examens histologiques

Des portions d’organes fœtaux et d’allantochorion, voire d’amnios, ont été fixées dans du formol tamponné à 10 %. Ces tissus ont été soumis à des examens histologiques lorsqu’une lésion inhabituelle était notée ou que les observations macroscopiques et les résultats microbiologiques n’étaient pas concordants. Ces analyses ont été effectuées au Laboratoire central de recherches vétérinaires (LCRV) de Maisons-Alfort, au Lerpe ou au Laboratoire d’anatomie pathologique vétérinaire d’Amboise (LAPV). La préparation des tissus a été réalisée selon des méthodes standard et les coupes ont été colorées à l’hémalun-éosine.

Examens bactériologiques et mycologiques

Les examens bactériologique et mycologique, systématiques, ont été pratiqués au Lerpe.

Pour les analyses bactériologiques aérobies, les milieux utilisés étaient des géloses Columbia à 5 % de sang de mouton avec ou sans acide nalidixique et colistine, des géloses lactosées au bromocrésol pourpre, des géloses éosine-bleu de méthylène, des géloses Chapman et des bouillons cœur-cervelle. La recherche de Taylorella equigenitalis a nécessité l’emploi de géloses chocolat, avec ou sans streptomycine, incubées sous atmosphère à 7 % de CO2. Les recherches mycologiques ont été pratiquées sur des géloses Sabouraud-chloramphénicol et des géloses Sabouraud-chloramphénicol-actidione. Les espèces bactériennes et fungiques ont été cultivées, isolées et identifiées selon des procédures standard [5, 19].

Recherche de la leptospirose

Jusqu’en 2006, le diagnostic de leptospirose à partir de tissus fœtaux ou placentaires était histologique (coloration spéciale de Warthin-Starry) et réalisé au LAPV. Puis le laboratoire départemental Frank-Duncombe (LDFD) a développé une méthode de détection spécifique des leptospires pathogènes par polymerase chain reaction (PCR) et les prélèvements suspects lui ont été systématiquement adressés [16, 17].

Examens virologiques

Les techniques de diagnostic des étiologies virales ont évolué au cours du temps.

De 1986 à 1996, le diagnostic des avortements herpétiques (herpèsvirus équins de types 1 et 4) s’est fondé, d’une part, sur l’isolement viral à partir de cultures cellulaires (LCRV, Institut Pasteur/FNSC) et, d’autre part, sur la mise en évidence de lésions histopathologiques caractéristiques confortant l’interprétation de lésions macroscopiques évocatrices (LCRV, Lerpe, LAPV). Celles-ci sont des foyers de nécrose dans les poumons et le foie et des inclusions intranucléaires éosinophiles dans les hépatocytes ou les cellules épithéliales bronchiolaires situés en marge des foyers de nécrose (photos 1a et 1b) [8]. De 1996 à 2001, le diagnostic a pu être établi plus rapidement grâce à la technique d’immunofluorescence sur cryocoupes utilisée au LDFD. Depuis 2002, cette méthode a été remplacée au LDFD par la PCR, qui est maintenant utilisée en routine pour la mise en évidence de l’ADN viral dans les tissus prélevés [16, 18]. Les autres méthodes de diagnostic, isolement viral et coupes histologiques, ont été pratiquées en parallèle (respectivement chez Pasteur Cerba/FNCF et au LAPV).

Jusqu’en 2000, la recherche d’artérite virale équine se limitait aux avortements survenus dans un contexte épidémiologique évocateur : avortements multiples dans un élevage, avec ou sans symptômes chez les poulinières et les autres chevaux adultes. Les méthodes de diagnostic utilisées étaient l’isolement viral sur cellules (Pasteur Cerba/FNCF, LDFD) et la recherche de lésions histologiques évocatrices sur le fœtus et l’allantochorion (Lerpe). À partir de 2001, une recherche systématique du virus a été effectuée sur cultures cellulaires par le laboratoire Pasteur Cerba/FNCF. Depuis 2006, un test PCR est disponible en routine au LDFD et est utilisé de manière systématique, parfois en parallèle des autres méthodes diagnostiques [16].

Tests sérologiques

Des tests sérologiques ont pu être pratiqués lorsque le sérum de la poulinière était disponible et transmis en même temps que le fœtus. Ils concernaient le dosage d’anticorps herpétiques, leptospirosiques, ou dirigés contre le virus de l’artérite virale équine, respectivement par fixation du complément et séroneutralisation (LCRV, Institut Pasteur/FNSC, LDFD), test de micro-agglutination (ENVN, LDFD) ou séroneutralisation (LCRV, Pasteur Cerba/FNCF, LDFD). L’interprétation était facilitée lorsqu’une étude cinétique des taux d’anticorps était effectuée sur deux prélèvements sanguins à 15 à 21 jours d’intervalle. Pour la rhinopneumonie, elle tenait compte du statut vaccinal de la jument.

Critères de diagnostic

Infection bactérienne

Une infection bactérienne a été diagnostiquée en présence d’une culture pure ou d’une culture prédominante du micro-organisme obtenue à partir de plusieurs organes fœtaux et/ou de l’allantochorion, accompagnée de lésions macroscopiques et, éventuellement, de lésions histologiques compatibles avec un état infectieux. Le degré d’autolyse fœtale et un polymicrobisme considéré comme un témoin de contamination ont été pris en compte dans l’interprétation des résultats bactériologiques.

Infection virale

Le diagnostic d’infection par l’herpèsvirus équin de type 1 (HVE1) a été établi lorsque des lésions macroscopiques évocatrices étaient associées à un résultat positif par au moins l’un des tests suivants :

– un examen histologique ;

– une immunofluorescence sur cryocoupes ;

– un isolement viral sur cultures cellulaires ;

– une PCR.

Pour l’artérite virale, les critères de diagnostic étaient la mise en évidence de lésions histologiques caractéristiques, l’isolement du virus sur cellules ou un test PCR positif.

Les résultats des tests sérologiques avaient pour objectif d’étayer l’interprétation des analyses effectuées sur les tissus fœtaux, mais n’ont jamais servi isolément à fonder un diagnostic.

Infection fongique

Une origine fungique a été établie en présence de lésions macroscopiques caractéristiques sur l’allantochorion et de l’isolement d’un champignon pathogène.

L’isolement d’un champignon sur l’allantochorion en l’absence de lésions macroscopiques de placentite a été considéré comme une contamination.

Leptospirose

Un diagnostic de leptospirose a été posé chaque fois que des lésions fœtales macroscopiques et/ou histologiques évocatrices coïncidaient soit avec un taux sérologique supérieur à 1/800 chez la poulinière en l’absence de tout autre agent infectieux sur le fœtus, soit avec un résultat de PCR positif sur les tissus fœtaux.

Résultats

Les facteurs ou les processus morbides à l’origine d’avortements ont été regroupés en deux grandes catégories étiologiques, infectieuses et non infectieuses (tableau 1).

Dans certains cas, l’examen du fœtus et de ses annexes a mis en évidence plusieurs processus pathologiques susceptibles chacun d’entraîner l’avortement : par exemple, une placentite ascendante et une infection herpétique. Pour faciliter l’exploitation statistique des données et la compréhension des résultats, chaque cas a été comptabilisé dans une seule catégorie étiologique.

La cause de l’avortement a été déterminée dans 74,4 % des cas (1 284 avortements). Les avortements d’origine infectieuse, au nombre de 822, représentaient 47,6 % de l’ensemble des cas et 68,4 % des avortements d’origine déterminée. Une étiologie non infectieuse a été identifiée dans 26,8 % des cas (462 avortements).

Enfin, dans 442 cas (25,6 %), la cause de l’avortement n’a pu être établie avec certitude. La plupart de ces cas correspondaient soit à des fœtus en état d’autolyse avancée, soit à des fœtus incomplets dont seule une partie des viscères était disponible, soit des fœtus adressés pour autopsie en l’absence de leurs annexes.

Le pourcentage d’avortements d’étiologie indéterminée régressait en fin de gestation : il était de 31,8 % entre 3 et 5 mois de gestation, de 23,6 % entre 6 et 8 mois et de 16,1 % entre 9 et 10 mois.

Causes infectieuses

Infections fœto-placentaires bactériennes

La majorité des causes infectieuses étaient bactériennes avec 653 cas (79,4 % des avortements d’origine infectieuse) (figure 1 complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Les infections fœto-placentaires bactériennes représentaient également 50,9 % des avortements d’origine déterminée et 37,8 % de l’ensemble des avortements.

Des avortements d’origine bactérienne ont été diagnostiqués à tous les stades de gestation. L’âge moyen des fœtus était de 237 ± 43 jours (médiane de 240 jours).

Lors d’avortement bactérien, la mort du fœtus est consécutive soit à une septicémie fœtale, soit à une extension des lésions de placentite entraînant une insuffisance placentaire chronique, soit aux deux [1]. Dans la plupart des cas, la bactérie responsable a été isolée à la fois sur l’allantochorion et les organes fœtaux (598 cas, soit 91,6 %), ce qui implique que les septicémies fœtales étaient fréquentes. Une insuffisance placentaire chronique infectieuse se traduisant par un retard de développement fœtal et/ou une émaciation a été identifiée dans 51 cas (7,8 % des avortements bactériens) (photo 2). Seulement 55 cas de placentite isolée (absence d’isolement sur les organes fœtaux) ont été enregistrés (8,4 %).

Des lésions macroscopiques de placentite étaient présentes dans 241 cas (36,9 %).

Des placentites ascendantes et non ascendantes ont été distinguées. Les premières se caractérisaient par des lésions centrées sur l’étoile cervicale et d’extension variable, à partir de ce site, sur le corps placentaire, voire sur l’une ou l’autre des cornes (photo 3). Elles étaient dominantes avec 164 cas (68 % des cas de placentite).

Des lésions de placentite, focales ou multifocales, localisées sur le corps placentaire, les cornes ou la base des cornes, et excluant l’étoile cervicale ont été également observées, mais elles étaient minoritaires, avec 77 cas (32 %) (photo 4). Ces lésions non ascendantes pouvaient être soit d’origine hématogène (maladie maternelle), soit consécutives à des lésions d’endométrite. Les placentites ascendantes étaient associées à des avortements légèrement plus tardifs (254 ± 39 jours).

Une trentaine d’espèces bactériennes ont été identifiées comme responsables d’avortement (tableau 2 complémentaire sur www.WK-Vet.fr).

Les streptocoques (Streptococcus sp.), principalement représentés par les esppèces Β-hémolytiques, étaient responsables de 40,9 % des avortements d’origine bactérienne. Streptococcus zooepidemicus a été retrouvé dans 28,2 % des cas (184 avortements).

Des staphylocoques (Staphylococcus sp.) ont été isolés dans 15,2 % des avortements bactériens (99 cas), dont Staphylococcus aureus dans 9,6 % des cas (63 cas). Les autres bactéries les plus fréquemment identifiées étaient Escherichia coli (11,9 %) et Klebsiella pneumoniae (10,4 %).

Une infection mixte causée par plus d’une bactérie pathogène a été diagnostiquée dans 63 cas. Les associations les plus fréquentes concernaient Streptococcus zooepidemicus et Klebsiella pneumoniae (19 cas) et Streptococcus zooepidemicus et Escherichia coli (8 cas).

Infections fœto-placentaires virales

Les étiologies virales, avec 129 cas, étaient responsables de 15,7 % des avortements infectieux et de 10,0 % des avortements d’origine déterminée.

Les virus responsables d’avortement dans notre étude étaient l’herpèsvirus équin de types 1 (HVE1) et 4 (HVE4) et le virus de l’artérite virale équine.

L’HVE1 était la première cause d’avortements viraux (124 cas, soit 15,1 % des avortements infectieux). 80 % des avortements dus à l’HVE1 (99 cas) se sont produits entre 8 et 10 mois de gestation. Seulement 25 cas sont survenus plus tôt dans la gestation. Les lésions macroscopiques enregistrées incluaient, de façon exhaustive, un ictère généralisé, associé à des pétéchies sur les muqueuses buccale et/ou conjonctivales, des foyers d’œdème jaune localisés au tissu conjonctif sous-cutané, au hile du foie, à la racine du mésentère, en périphérie des reins et du thymus, un hydropéritoine et un hydrothorax jaunes à jaune orangé, des foyers de nécrose ponctiformes dans le foie, une pneumonie avec une densification du parenchyme pulmonaire en partie cranio-ventrale, une forte congestion et des pétéchies sur les muqueuses respiratoires (photo 5). Ce tableau lésionnel complet était observé plus fréquemment en fin de gestation (fœtus de 9 à 10 mois) et en l’absence de vaccination de la poulinière.

Pour 5 avortements, HVE1 était associé à une infection fœto-placentaire bactérienne incluant une placentite. Les bactéries isolées étaient Streptococcus zooepidemicus, Streptococcus equisimilis et Staphylococcus aureus.

La prévalence des avortements dus à l’HVE1 variait d’une année sur l’autre (de 0 à 16 cas) et dépendait de l’apparition d’une épizootie dans certains élevages (figure 2 complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Des avortements ont été diagnostiqués dans des effectifs de juments vaccinées, mais sans que de véritables épizooties affectant la quasi-totalité des juments gestantes ne surviennent.

L’HVE4 a été une cause très sporadique d’avortements (4 cas). Enfin, seulement 1 cas d’avortement dû à l’artérite virale équine a été identifié au cours de cette étude (épizootie de 2007).

Infections fungiques

Les avortements fungiques étaient peu nombreux, avec 15 cas (1,8 % des avortements d’origine infectieuse). Ils sont survenus en moyenne à 258 ± 33 jours de gestation.

Les infections fungiques s’accompagnaient systématiquement d’une placentite chronique focale, plus ou moins étendue, mais toujours centrée sur l’étoile cervicale et recouverte d’un exsudat jaunâtre à marron abondant. Dans tous les cas, l’agent pathogène et les lésions associées étaient exclusivement présents sur l’allantochorion. Aucune invasion fœtale n’a été constatée. L’agent fungique le plus fréquemment identifié était Aspergillus sp., dont Aspergillus fumigatus (14 cas). Un cas d’avortement a été attribué à Mucor sp. Un cas d’infection mixte associant Trichosporon penicillatum et Aspergillus fumigatus a été diagnostiqué.

Avortements infectieux d’étiologie indéterminée

Pour 25 avortements, dont 23 cas de placentite, les lésions macroscopiques et/ou histologiques observées sur le fœtus et/ou ses annexes ont permis de conclure à une origine infectieuse, mais sans qu’un agent pathogène spécifique puisse être mis en évidence.

Causes non infectieuses

Elles sont présentées par ordre d’importance décroissante (figure 3 complémentaire sur www.WK-Vet.fr).

Anomalies du cordon ombilical

Parmi les avortements d’origine non infectieuse, les torsions du cordon ombilical représentaient l’étiologie la plus fréquente avec 274 cas (soit 59,3 % des avortements non infectieux). Elles ont été observées sur des fœtus âgés de 239 ± 36 jours en moyenne (médiane de 240 jours).

Les torsions chroniques du cordon ombilical se traduisaient par la présence de zones de striction et/ou de dilatation sur le canal de l’ouraque et/ou sur la veine ombilicale. 154 cas ont été recensés, soit 56,2 % des torsions du cordon ombilical.

Lors de torsion aiguë du cordon ombilical, un aspect excessivement vrillé du cordon toujours associé à un œdème hémorragique abondant a été observé (photo 6). Des poches de dilatation sur la veine ombilicale étaient également parfois présentes. 120 cas de torsion aiguë (43,8 %) ont été dénombrés.

Le fœtus était très souvent autolysé car expulsé plusieurs heures après la mort fœtale. Des œdèmes sous-cutanés séro-hématiques, en particulier en périphérie de l’attache ombilicale, des œdèmes sous-péritonéaux, des épanchements séro-hématiques dans les cavités thoracique et abdominale, une forte congestion et une consistance boueuse du parenchyme hépatique ont été notés.

Seule deux cas d’enroulement du cordon ombilical autour d’un appendice fœtal avec étranglement ont été enregistrés.

46,2 % des cordons ombilicaux anormaux étaient longs de plus de 90 cm, contre seulement 12,1 % des cordons normaux. Une longueur supérieure à 90 cm entraînait donc un risque 6 fois supérieur de lésions sur le cordon.

Hypoplasie, aplasie ou atrophie des villosités

L’hypoplasie des villosités choriales représentait la deuxième cause d’avortement non infectieux, avec 82 cas (17,7 %). Les avortements se sont produits à 229 ± 57 jours de gestation (médiane de 233 jours). Les lésions se caractérisaient par des zones choriales étendues dépourvues de villosités, ou avec des villosités de taille réduite, entraînant une réduction importante des échanges fœto-maternels. Les fœtus présentaient des lésions d’insuffisance placentaire chronique, c’est-à-dire un retard de développement et une émaciation, parfois associés à une hypertrophie et à une coloration orangée du foie (photo 7).

Anomalies congénitales

33 cas de malformations congénitales sévères ont été observés (7,1 % des avortements non infectieux). Il s’agissait principalement de lésions du système nerveux central (anencéphalie, hydrocéphalie, méningocœle), de lésions multiples du squelette et du crâne, de cas de schistosomus reflexus, d’agénésie de viscères abdominaux ou thoraciques (poumons) ou du diaphragme.

L’avortement est survenu en moyenne à 240 ± 28 jours de gestation (médiane de 240 jours).

Gémellité

Avec 26 cas (5,6 %), la gémellité était la deuxième cause d’insuffisance placentaire chronique non infectieuse.

L’interruption de la gestation est survenue à 235 ± 41 jours (médiane de 240 jours).

Le plus souvent, les deux fœtus ont été examinés et montraient un retard de développement, toujours plus marqué sur l’un d’entre eux. Ce dernier pouvait être momifié ou en voie de liquéfaction autolytique. Dans quelques cas, un seul fœtus a pu être récupéré et adressé pour autopsie.

L’aspect des allantochorions, caractéristique lors de gestation gémellaire, a permis de poser le diagnostic même en présence d’un seul fœtus : la zone d’accolement des deux placentas est exempte de villosités. De plus, les fœtus présentaient des lésions traduisant une insuffisance placentaire chronique.

Hydropisie des enveloppes

Une hydropisie des enveloppes a été identifiée dans 14 cas, soit 3 % des avortements non infectieux. Elle était responsable d’avortements à 272 ± 4 jours de gestation (médiane de 270 jours).

Cette affection se caractérisait par une accumulation diffuse de liquide d’œdème dans l’épaisseur du placenta et, fréquemment, de l’amnios. Le poids et la taille du placenta et de l’amnios étaient augmentés. L’allantochorion présentait une coloration pâle, voire blanchâtre, et son épaisseur atteignait au moins 1 cm. Un examen attentif de la face choriale a montré une augmentation de la taille des villosités. La présence de liquide distendait l’organe et dissociait les villosités qui étaient alors anormalement distantes les unes des autres (photos 8). Sur la face allantoïdienne du placenta, de nombreux kystes périvasculaires ont été observés.

Séparation prématuré du placenta

Le décollement prématuré du placenta est une cause d’insuffisance placentaire aiguë. 13 cas ont été enregistrés (2,8 %). Comme pour l’hydropisie des enveloppes, les avortements se sont produits assez tard dans la gestation, à 272 ± 31 jours en moyenne (médiane de 285 jours).

Lors de séparation prématurée du placenta, l’allantochorion était épaissi et œdémateux, mais pas de manière uniforme, à la différence de l’hydropisie. Il présentait des plages sèches ou ternes, décolorées et brunâtres dans la région où s’est produit le détachement, le plus souvent à la jonction entre le corps placentaire et les cornes.

Maladies maternelles

Une maladie maternelle a été identifiée comme la cause de l’avortement dans 11 cas (2,4 %). Il s’agissait principalement de coliques, d’endotoxémie ou de crises d’emphysème.

Gestation dans le corps placentaire

Cette anomalie de la gestation a été détectée dans 7 cas (1,5 %). Le fœtus s’était développé principalement dans le corps placentaire et présentait un retard de croissance. Les cornes placentaires étaient de taille réduite et équivalente.

Discussion

La plupart des études disponibles visent à déterminer les causes à la fois d’avortement et de mortinatalité et/ou de mortalité néonatale [10, 11, 24, 26]. En effet, un certain nombre de processus pathologiques qui surviennent au cours de la gestation peuvent entraîner aussi bien une interruption de celle-ci avant 300 jours que des morts plus tardives. Les enquêtes portant exclusivement sur des effectifs de fœtus sont peu nombreuses.

Dans notre étude, 71,3 % des fœtus examinés étaient âgés de 7 à 9 mois de gestation et 91,2 % de 6 mois et plus. Les effectifs de fœtus analysés par Hong et coll. et Tengelsen et coll. comprenaient respectivement 85,45 % et 85 % de fœtus de plus de 6 mois [11, 26].

Ces résultats concordants semblent montrer que l’avortement a lieu plus fréquemment après 6 mois de gestation. En fait, les avortements survenus plus tôt sont probablement sous-estimés dans ce type d’étude [24]. Les fœtus de petite taille, expulsés à l’herbage, sont en effet plus difficiles à retrouver et souvent dévorés par des carnivores sauvages.

Les enquêtes réalisées dans l’hémisphère Nord révèlent que la majorité des avortements (respectivement 88,1 et 86,7 %) surviennent entre novembre et mai [11, 26]. Nos observations sont similaires, avec 83 % des avortements au cours de la même période, dont 46,7 % entre janvier et mai.

Dans les études les plus récentes portant sur des effectifs de fœtus, de poulains mort-nés ou morts dans les quelques jours après leur naissance, les pourcentages de cas dont l’origine est restée indéterminée varient de 7,7 à 32,7 %, sans que soit précisée la part des avortements [24, 26]. Aussi, ces chiffres sont-ils difficilement comparables au nôtre qui est de 25,6 %. De manière générale, la cause de 35 à 40 % des avortements demeurerait inconnue selon les techniques d’investigation disponibles [1, 20]. Comme le soulignent certains auteurs, et nos observations le confirment, il s’agit dans la majorité des cas d’avortements précoces (avant 5 mois de gestation), de fœtus autolysés ou référés sans leurs annexes [22, 24].

Ratio causes infectieuses/causes non infectieuses

La part des infections fœto-placentaires parmi les causes d’avortement et de pertes néonatales est évaluée à 30 à 50 % [10,11,26]. Selon Acland, de 16,2 à 47,5 % des avortements auraient une cause infectieuse [1]. Les résultats obtenus ici à partir d’un matériel constitué exclusivement d’avortons sont supérieurs, avec 68,4 % des avortements d’origine déterminée et 47,6 % de la totalité des avortements.

Dans les autres essais, les causes non infectieuses sont majoritaires et représentent de 51,8 % à 69,9 % des pertes fœtales et néonatales diagnostiquées [11, 26]. Cette différence peut être expliquée par des effectifs d’étude dissemblables. En effet, les travaux de Giles et coll., Hong et coll. et Tengelsen et coll. portent également sur des poulains mort-nés ou morts dans les 24 heures après la naissance, de sorte que, dans l’étiologie non infectieuse, sont répertoriées les maladies liées au poulinage (dystocie, anoxie néonatale, traumatisme), causes majeures de mortinatalité et de mortalité périnatale [10, 11, 13, 15, 26]. Dans ces enquêtes, l’étiologie non infectieuse est ainsi majorée, et le ratio causes infectieuses/causes non infectieuses est au profit des secondes.

Étiologie bactérienne

L’étiologie bactérienne représente de 53,1 à 87 % des causes infectieuses d’avortement, de mortinatalité et de mortalité périnatale [10, 21]. Nos résultats sont conformes à ceux des autres études, avec 79,4 %.

Les principales bactéries pathogènes identifiées ici étaient : Streptococcus zooepidemicus, Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Staphylococcus aureus, Pantoea sp., Aeromonas hydrophila et Pasteurella sp. Le genre Streptococcus sp. représentait à lui seul 40,7 % des avortements bactériens, 41,2 % dans l’étude de Giles et coll. [10].

Ces résultats sont similaires à ceux obtenus en Europe et aux États-Unis dans l’État du Michigan [4, 21, 24, 26, 28]. En revanche, deux études réalisées au Kentucky (États-Unis) retrouvent ces mêmes espèces, mais signalent également le rôle important de Leptospira sp. et d’un actinomycète nocardioforme non typé [10, 11].

Au Kentucky, la leptospirose fut la première cause d’avortement infectieux au cours de l’année 1989 [10]. Les différences de résultats découlent probablement de variations géographiques dans la prévalence de cette maladie.

Les nombreux cas de placentite dus à une bactérie actinomycète nocardioforme enregistrés au Kentucky placent celle-ci parmi les quatre premières espèces bactériennes responsables d’avortement dans cet état [10, 11]. Elle provoque une lésion étendue de placentite centrée sur la jonction entre le corps placentaire et les cornes, et recouverte par un exsudat abondant [11].

Selon nos observations, les infections bactériennes mixtes étaient relativement fréquentes (9,3 % des infections bactériennes). Un pourcentage supérieur de 15,6 % a été enregistré au Kentucky [10]. Les infections mixtes impliquent souvent Streptococcus zooepidemicus et associent en premier lieu Streptococcus zooepidemicus et Escherichia coli.

Les bactéries responsables d’avortement étaient pour la plupart opportunistes, présentes dans le tractus génital postérieur ou dans l’environnement immédiat de la jument, ou des bactéries retrouvées lors d’endométrite [10, 24].

Comme le révèlent d’autres études, les lésions de placentite ascendante, centrée sur l’étoile cervicale, sont plus fréquentes que les autres types lésionnels, diffus ou multifocal (68 % versus 32 %) [11, 21, 24]. Bien que les facteurs prédisposants aux contaminations par voie ascendante soient mal connus, les bactéries présentes dans le tractus génital postérieur pourraient passer la barrière du col à la faveur de son relâchement, soit au moment des ovulations secondaires, soit lors de vaginite associée à un pneumovagin ou à une conformation vulvaire défectueuse [1, 28].

Selon Franco, les lésions associées aux infections placentaires d’origine hématogène seraient aiguës, se traduisant notamment par des plages choriales hémorragiques disséminées, contrairement aux lésions de placentite ascendante qui sont chroniques [9].

Conformément aux observations de Platt et de Hong et coll., des avortements bactériens ont été enregistrés à tous les stades de la gestation [11, 21].

Étiologie virale

Les infections virales entraîneraient, selon les auteurs, de 4,1 à 7,1 % des avortements et des pertes néonatales diagnostiqués, et de 13 à 18,2 % des pertes d’origine infectieuse [10, 11, 21, 24]. Nos résultats sont identiques : en Normandie, les avortements d’origine virale représentaient 7,5 % de l’ensemble des avortements, 15,7 % des avortements infectieux et 10 % des avortements d’étiologie connue. Dans toutes les études y compris celle-ci, les causes virales d’avortement sont dominées par HVE1 qui est mis en évidence dans 95 à 100 % des cas [24, 26].

Les avortements liés à HVE1 sont survenus tardivement au cours de la gestation, en majorité (80 %) entre 8 et 10 mois, ce qui est retrouvé par d’autres auteurs [21]. Ils seraient rares avant 7 mois [28]. Comme le constatent Hong et coll. et Whitwell, quelques cas ont pu être diagnostiqués dans un même effectif de poulinières vaccinées correctement, mais sans que se produise de véritable scénario épizootique [11, 28]. Ces avortements sont probablement consécutifs à la réactivation d’une infection latente [24].

Lors d’avortement à HVE1, les fœtus âgés d’au moins 8 mois présentaient des lésions caractéristiques. Elles n’ont pas été retrouvées de façon systématique sur les fœtus plus jeunes ou issus de juments parfaitement vaccinées. Hong et coll. relèvent que les lésions pulmonaires sont plus marquées au voisinage du terme [11]. Les autres cas d’infection virale ne présentaient pas de lésions macroscopiques significatives, à l’exception d’un fœtus atteint d’artérite virale équine autopsié au cours de l’épizootie de 2007 [14]. Smith et coll. soulignent que, lors d’infection à HVE4, les lésions sont en général plus discrètes que celles causées par HVE1 et les anomalies pulmonaires sont souvent absentes [24].

Étiologie fungique

Les infections fungiques représentent de 2 à 7 % des pertes fœtales et néonatales d’origine déterminée aux États-Unis [10, 26]. Avec 1,2 %, nos résultats sont comparables à ceux obtenus au Royaume-Uni [24]. Le genre le plus fréquemment identifié est Aspergillus sp. Des infections par Mucor sp. ou Absidia sp. sont occasionnellement observées [6, 10, 23, 24, 26, 28]. Comme le soulignent tous les auteurs, l’invasion fœtale est rare, notamment lors d’infection par Aspergillus sp. [23, 28].

Agents infectieux non identifiés

Enfin, 25 cas d’avortement ont été diagnostiqués comme infectieux sur la base de lésions macroscopiques et/ou histologiques caractéristiques, sans qu’un agent pathogène spécifique ait été mis en évidence (3 % des avortements infectieux). Ils incluaient 23 cas de placentite. De tels constats sont signalés au Kentucky, mais avec une plus grande fréquence : les cas de placentite enregistrés en l’absence d’isolement atteindraient de 25 à 29,7 % de la totalité des infections fœto-placentaires [11]. En revanche, au Royaume-Uni, un ou plusieurs agents pathogènes sont identifiés dans 100 % des cas de placentite [24].

Étiologie non infectieuse

Anomalies du cordon ombilical

Nos résultats placent les anomalies du cordon ombilical (photo 9) en tête des origines non infectieuses des avortements, avec 59,3 % (21,3 % de ceux d’origine connue). Dans l’étude de Smith et coll., les obstructions des vaisseaux du cordon ombilical seraient même la première cause d’avortement toutes catégories confondues, avec 39,3 % de l’ensemble des pertes fœtales et néonatales et 42,6 % de celles d’étiologie déterminée [24].

En revanche, dans les études américaines, les lésions du cordon ombilical ne représenteraient que 5,5 à 14 % des avortements et de la mortinatalité diagnostiqués [11, 26]. Selon plusieurs auteurs, les examens histologiques montrent que les cordons anormaux sont associés à des micro-thromboses dans les vaisseaux allantochorioniques, donc qu’ils induisent des troubles de la circulation placentaire [10, 24].

Les observations de Smith et coll., conformément à celles de Whitwell, décrivent une entité pathologique non évoquée par ailleurs, correspondant à une nécrose ischémique du pôle cervical de l’allantochorion associée à un cordon trop long, mais pas nécessairement torsadé [24, 28]. Elle constituerait jusqu’à 8 % des pertes dues à des anomalies du cordon ombilical [24].

À l’instar de nos observations, la longueur excessive du cordon ombilical est reconnue comme un facteur prédisposant de troubles circulatoires, donc d’avortement [11, 28].

Selon Whitwell, 95 % des fœtus pur-sang présentent un cordon ombilical de 36 à 83 cm de long à proximité du terme [28]. Cet auteur souligne que de nombreuses morts fœtales d’origine indéterminée, et survenant entre 7 et 10 mois de gestation, coïncident avec une longueur du cordon supérieure à 80 cm, ce qui suggère que ces avortements pourraient être liés à des anomalies de celui-ci non diagnostiquées.

La majorité des avortements par torsion du cordon ombilical se produisent en milieu de gestation, entre 6 et 8 mois [24, 28]. L’âge moyen des fœtus concernés était ici de 239 ± 36 jours en moyenne et de 216,73 ± 39,60 jours dans l’étude de Hong et coll. [11].

Gémellité

Dans une étude réalisée au Kentucky en 1988 et 1989, la gémellité était la première cause non infectieuse d’avortement (22,4 % de l’étiologie non infectieuse) et était responsable de 7,4 % des pertes fœtales et/ou néonatales d’origine connue [11]. Deux autres enquêtes, l’une menée également au Kentucky de 1986 à 1991 et l’autre au Royaume-Uni de 1988 à 1997, rapportent des résultats similaires, avec respectivement 7,5 % et 6,6 % d’avortements gémellaires parmi les pertes fœtales et néonatales diagnostiquées [10, 24].

En Normandie, l’importance des avortements gémellaires serait moindre, avec seulement 2 % d’avortements d’étiologie connue et 5,6 % d’avortements non infectieux. Le nombre d’avortements gémellaires tend à diminuer au cours du temps. Les chiffres publiés par Whitwell il y a presque 30 ans mettaient en évidence une plus grande fréquence des pertes par gémellité, de 22 à 29 % des avortements, et de la mortinatalité à chaque saison de reproduction [28]. Giles et coll. signalent une réduction du nombre de cas annuels au cours des trois dernières années de leur étude d’une durée totale de 6 ans [10].

Selon la classification des modes de disposition fœtale dans l’utérus établie par Jeffcott et Whitwell, la plupart des gestations gémellaires étudiées (80 %) sont de type A, c’est-à-dire que le fœtus le plus gros occupe l’une des cornes et la plus grande partie du corps placentaire. Il exploite environ 70 % de la surface fonctionnelle d’échanges alors que le plus petit, logé dans l’autre corne, se contente du reste [13]. Chaque fœtus va donc souffrir à un degré variable d’une insuffisance d’échanges nutritionnels et gazeux, avec pour conséquences des troubles de la croissance ou la mort de l’un ou des deux fœtus. L’avortement résulte donc d’une insuffisance placentaire chronique. Il peut se produire à n’importe quel stade de gestation. L’interruption de la gestation est survenue en moyenne à 235 ± 41 jours dans notre étude et à 261,19 ± 57,75 jours dans celle de Hong et coll. [11].

Autres causes non infectieuses d’avortement

Les autres causes non infectieuses d’insuffisance placentaire chronique enregistrées ici étaient l’hypoplasie des villosités choriales et la gestation dans le corps placentaire, à l’origine de respectivement 6,4 et 0,5 % des avortements d’étiologie connue. Les autres travaux révèlent une fréquence inférieure d’hypoplasie des villosités (2,4 %) et un taux équivalent de gestation dans le corps placentaire (0,3 %) [10]. Ces deux anomalies entraînent une réduction des échanges fœto-maternels, avec un retard de croissance fœtal. Lors d’hypoplasie des villosités, les lésions placentaires sont en relation directe avec une diminution du nombre ou de la taille des structures glandulaires au niveau de l’endomètre, voire leur disparition, résultant le plus souvent d’une fibrose cicatricielle de l’endomètre (séquelles d’endométrite sévère) (photo 10) [28].

Dans les conditions normales, le fœtus se développe dans une corne et le corps de l’utérus. La gestation dans le corps utérin, c’est-à-dire dans le corps placentaire, est rare et d’origine indéterminée (photo 11) [20, 28]. Cette localisation ne permet pas une nutrition fœtale correcte [9]. La mort du fœtus et l’avortement surviennent quand le déficit nutritionnel est trop intense, particulièrement dans la seconde moitié de la gestation en raison de besoins accrus pendant cette période. Selon Whitwell, ce serait le plus souvent entre 7 et 10 mois de gestation [28].

De nombreuses anomalies congénitales affectant des appareils ou des organes divers sont décrites sur des avortons. Seules quelques-unes sont incompatibles avec la survie du fœtus.

Les autres sont associées fortuitement à l’avortement, comme les déformations des mâchoires (prognathisme, brachygnathisme), la fente palatine, la microphtalmie ou l’atrésie/agénésie d’une portion digestive [28].

Dans les études citées répertoriant les causes d’avortement et de mortinatalité, l’arthrogrypose, ou le “contracted foal syndrome”, est, parmi les malformations, celle qui génère le plus de pertes. Dans les enquêtes menées au Kentucky, elle serait responsable d’environ 6 % des morts enregistrées [10, 11]. En effet, elle est à l’origine de dystocies, parfois sévères, donc de morts au poulinage. En revanche, elle n’est pas une cause d’avortement et n’est pas répertoriée dans notre étude. En Normandie, des anomalies sévères ont été diagnostiquées dans 33 cas, soit 2,6 % des avortements d’origine déterminée. En excluant l’arthrogrypose, les résultats des autres travaux étaient de 4,1 et de 5,4 % [10, 11].

L’hydropisie des enveloppes, également désignée par le terme d’“œdème placentaire”, représente 1,1 % des causes davortement identifiées en Normandie [10, 11]. Elle serait plus fréquente au Kentucky (5,2 %) [11]. Les mécanismes physiopathologiques en sont mal connus : des troubles circulatoires localisés aux vaisseaux placentaires pourraient jouer un rôle. Les lésions observées ici étaient semblables à celles décrites dans d’autres travaux [10, 11]. Les villosités choriales sont œdémateuses et hypertrophiées, et l’accumulation de liquide d’œdème dans le stroma chorial dissocie les villosités, qui sont alors anormalement distantes les unes des autres. Les relations utéro-placentaires sont ainsi modifiées, entraînant une réduction des échanges puis un décollement placentaire.

La séparation prématurée du placenta est principalement une cause de mortinatalité, mais peut également être diagnostiquée lors d’avortement tardif [9, 22, 28]. Selon les auteurs, elle est observée dans 2,6 et 4,7 % des avortements et de la mortinatalité au Kentucky, avec une moyenne d’âge de 318,28 ± 29,83 jours de gestation [10, 11]. Elle a été diagnostiquée ici dans 0,7 % des avortements (1 % de ceux d’étiologie déterminée). Les lésions observées étaient semblables à celles décrites par Rooney [22].

D’autres causes non infectieuses d’avortement citées dans la littérature n’ont pas été recherchées de manière systématique dans notre étude. Il s’agissait, entre autres, des déséquilibres hormonaux, des carences nutritionnelles, notamment en vitamine E et en sélénium, des intoxications, en particulier végétales et médicamenteuses, de l’incompatibilité immunologique fœto-maternelle et des anomalies chromosomiques [1, 2, 12, 20, 26].

En accord avec d’autres observations, les résultats de cette étude montrent que des lésions placentaires sont impliquées dans plus de la moitié des avortements [10, 11, 28]. Ainsi, ils soulignent la nécessité d’un examen soigneux de la totalité de l’allantochorion, incluant notamment des analyses histologiques, pour augmenter la probabilité de poser un diagnostic de certitude. La part d’avortements d’étiologie inconnue reste élevée. Plusieurs facteurs suggèrent qu’ils auraient une origine individuelle non infectieuse. Il s’agissait, en Normandie et dans les autres études, d’événements sporadiques.

De plus, depuis des décennies, la priorité des travaux de recherche est donnée aux causes infectieuses, notamment contagieuses, en raison de leur importance épidémiologique. Les agents pathogènes à l’origine d’épizooties sont maintenant bien connus et les méthodes de diagnostic standardisées.

Enfin, les enquêtes réalisées par des équipes reconnues (université du Kentucky, Animal Health Trust à Newmarket) ont eu recours à des examens histologiques systématiques sur un très grand nombre de tissus fœtaux et annexiels, ce qui a permis de repérer des avortements infectieux, ou suspects de l’être, même en l’absence d’isolement d’un agent pathogène. Il est donc fort peu probable que les résultats de ces études aient sous-estimé la part des avortements d’origine infectieuse.

Les avancées récentes des connaissances devraient réorienter les efforts de recherche sur des causes non infectieuses jusqu’à présent peu explorées, comme les troubles endocriniens ou immunologiques, et sur de nouveaux moyens d’investigation permettant de les diagnostiquer en routine.

Éléments à retenir

→ L’étiologie de l’avortement n’a pas pu être déterminée dans un quart des cas.

→ Les infections fœto-placentaires représentent presque la moitié des cas.

→ La cause infectieuse d’avortement la plus fréquente dans l’effectif étudié est une bactérie.

→ Les origines non infectieuses les plus courantes sont les anomalies du cordon ombilical, suivies de l’hypoplasie des villosités choriales.

Nous tenons à remercier :

• le conseil régional de Basse-Normandie pour le soutien financier accordé à l’activité d’autopsie depuis 1986 ;

• le conseil général du Calvados pour le soutien financier accordé à l’activité d’autopsie de 1998 à 2007 ;

• l’ensemble des vétérinaires praticiens qui nous ont référé les cas et fourni les commémoratifs ;

• pour leur participation aux examens complémentaires :

– le Laboratoire central de recherches vétérinaires (maintenant Afssa Lerpaz), 22, rue Pierre-Curie, BP67, 94703 Maisons-Alfort Cedex (service de virologie équine : Dr Éric Plateau, Dr Stéphan Zientara ; service d’histologie/histopathologie : Dr Jean-Pierre Gillet) ;

– l’Institut Pasteur/Fédération nationale des sociétés de courses françaises, 25-28, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris Cedex 15 (Dr Aimé Jacquet) ;

– le laboratoire Pasteur Cerba/Fédération nationale des courses françaises, zone industrielle des Béthunes, 7-11, rue de l’Équerre, 95310 Saint-Ouen-l’Aumône (Dr Michel Bernadac, Dr Jean-Dominique Poveda) ;

– le Laboratoire d’anatomie pathologique vétérinaire, BP303, 37403 Amboise Cedex (Dr Jean-Loïc Le Net, Dr Catherine George, Dr Virginie Théau) ;

– le Laboratoire départemental Frank-Duncombe, 1, route de Rosel, 14280 Saint-Contest (Dr Guillaume Fortier, Dr Stéphane Pronost, Dr Pierre-Hugues Pitel, Dr Albertine Léon) ;

• Lydia Baudet pour la réalisation des tableaux.

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