L’évaluation des tissus mous du pied à l’aide de la radiographie numérique - Pratique Vétérinaire Equine n° 163 du 01/07/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 163 du 01/07/2009

Article de synthèse

Auteur(s) : Philippe Lassalas

Fonctions : 4 ter, place de l’Église 78125 Saint-Hilarion

La technologie numérique permet, grâce à sa large palette de nuances de gris, d’évaluer à la fois les structures osseuses et les tissus mous sur le même cliché radiographique.

De nombreux paramètres interviennent dans la facilité de lecture d’un cliché radiographique. Par “facilité de lecture”, il convient de comprendre la possibilité pour le praticien de visualiser immédiatement et sans difficulté à la fois la structure osseuse, les contours osseux et les tissus mous environnants.

Inconvénients de la radiographie argentique

Quelles que soient les constantes utilisées, dans les limites habituelles de la radiographie médicale, les rayons X traversent les tissus osseux. En radiographie argentique, l’image obtenue dépend alors du choix des écrans renforçateurs et de la qualité des films utilisés. Une image sous-exposée avec un écran lent peut, à l’inverse, apparaître surexposée avec un écran très rapide.

En radiographie osseuse, des films à fort contraste, qui ont la caractéristique d’avoir une courbe de sensibilité qui passe très rapidement du blanc au noir, sont en général utilisés (figure) [2]. À l’inverse, les films à faible contraste forment une image selon une nuance de gris plus étagée.

Avec le choix des écrans et des films, l’œil humain est l’un des principaux facteurs qui limitent la capacité de visualiser les tissus mous sur un cliché. Il est incapable de distinguer des nuances de gris en présence de lumière : ainsi, les étoiles, présentes en permanence dans le ciel, ne sont pas visibles en plein jour et, la nuit, se distinguent d’autant mieux que l’environnement est sombre (plus facilement à la campagne que dans une ville éclairée).

De ce fait, l’information contenue sur un cliché radiographique argentique est plus facilement visible si l’opérateur se place dans le noir. Pour mieux visualiser les contours osseux et les tissus mous environnants, le praticien doit examiner le cliché dans un environnement sombre (pièce fermée ou cache fenêtré sur le négatoscope) et la zone à visualiser doit être éclairée à l’aide d’un spot lumineux.

Intérêts de la radiographie numérique

En radiographie numérique, les paramètres liés au choix des écrans et des films disparaissent. Les rayons traversent les structures radiographiées et sont captés par un système numérique qui fabrique une image selon une gamme de plus de 4 000 nuances de gris. Cette grande étendue de nuances (alors qu’en radiographie argentique l’image passe très vite du blanc au noir) est l’une des caractéristiques essentielles qui facilitent la lecture des clichés numériques et qui permet, sur un même cliché, de visualiser à la fois la structure osseuse (os compact, os trabéculaire), les contours osseux et les tissus mous environnants (photos 1 et 2).

À cela, il convient d’ajouter les nombreux outils numériques qui améliorent la lecture, sans modifier l’image originale, ou permettent de réaliser des mesures (après traitement de l’image) :

– le réglage de la luminosité ;

– le réglage du contraste ;

– l’agrandissement (zoom) ;

– la loupe ;

– la mesure de distances (photo 3) ;

– la mesure d’angles.

La radiographie numérique permet de compenser les carences de l’œil humain afin de visualiser en même temps l’os et les tissus mous.

Cependant, cette appréciation est dépendante de la qualité du matériel utilisé et des réglages indispensables à l’optimisation du fonctionnement des numériseurs, car il existe des facteurs limitants qu’il convient de ne pas occulter :

– la moins bonne visualisation de la structure osseuse (définition moins élevée en numérique qu’en argentique) ;

– la nécessité d’augmenter la puissance du rayonnement. Ce qui se traduit par une hausse des constantes de 20 à 30 % (sinon seuls les contours sont correctement visualisés, et pas la structure) ;

– la grande disparité dans la qualité du matériel commercialisé.

Évaluation des tissus mous

L’image radiographique reproduit en deux dimensions la projection d’une structure en relief : le pied [3].

Ainsi, les informations relatives à la structure radiographiée se superposent pour former une image en un seul plan. La direction du rayon incident prend alors toute son importance et la multiplication des incidences est souvent indispensable pour définir et documenter une lésion. Par exemple, une déformation cutanée n’est visible que si l’incidence du rayon X lui est tangentielle : la déformation cutanée associée à une distension du récessus synovial dorsal de l’articulation interphalangienne distale n’est parfaitement visible que sur l’incidence de profil.

La radiographie numérique permet de visualiser et d’évaluer les tissus mous du pied, notamment la boîte cornée et les contours du derme, et, dans une moindre mesure, les structures anatomiques sous-jacentes (tendons, ligaments, récessus synoviaux).

Rapports anatomiques entre la boîte cornée et la troisième phalange

En radiographie numérique, la visualisation du contour de la boîte cornée permet d’identifier et de mesurer facilement :

– l’épaisseur de la sole ;

– l’épaisseur de la paroi dorsale du sabot ;

– la position et l’angulation de la troisième phalange dans le sabot (photos 4 et 5).

De plus, les zones discrètes d’ossification secondaire des processus palmaires se distinguent mieux en radiographie numérique [1, 6].

Récessus synoviaux

La déformation cutanée qui témoigne de la distension des récessus synoviaux sous-jacents est très facilement identifiable en radiographie numérique.

Au niveau du pied sont ainsi essentiellement visualisées :

– la distension du récessus synovial dorsal de l’articulation interphalangienne distale (dorsalement, sur la vue de profil) (photos 6, 7 et 8) ;

– la distension du récessus synovial distal de la gaine digitée (palmairement ou plantairement sur la vue de profil).

Structures ligamentaires ou tendineuses

La déformation cutanée peut témoigner également d’un épaississement des tissus mous sous-jacents. Il peut alors s’agir :

– d’un œdème ;

– d’un hématome ;

– de l’épaississement d’une structure ligamentaire ou tendineuse, avec ou sans calcification.

Cependant, la radiographie ne permet pas, à elle seule, de déterminer la nature exacte de la lésion. L’aspect diffus ou localisé de la déformation oriente le praticien vers une suspicion de diagnostic qui peut utilement être confirmée par la mise en œuvre d’une échographie (photos 9 et 10).

Fourbure

La radiographie numérique prend tout son intérêt dans l’évaluation de la fourbure [8]. Non seulement la gamme de gris des clichés numériques permet de visualiser le contour de la boîte cornée (sans qu’il soit indispensable d’utiliser un marqueur comme en radiographie argentique), mais le praticien dispose d’outils de mesure indispensables au diagnostic et au suivi de l’évolution de la maladie (mesures d’épaisseur de la paroi dorsale, mesure de la distance entre le bourrelet coronaire et le processus extensorius, mesure d’angles) (photo 11).

La radiographie numérique facilite également la lecture d’un phlébogramme [7].

Abcès et fourmilières

La jonction entre le kéraphylle et le podophylle est visible sur certains clichés de profil. Le décollement de la paroi est très facilement identifiable [5]. Ainsi, la finesse des détails de la radiographie numérique permet de visualiser les abcès et les fourmilières (photos 12, 13, 14, 15 et 16).

Limites de l’examen radiographique numérique

La finesse des détails visualisables à l’aide de la radiographie numérique nécessite une plus grande vigilance lors de la réalisation des clichés et une prudence lors de l’interprétation [9]. Sur le plan cutané, par exemple, les poils et les cicatrices sont parfois visibles (photo 17).

De plus, de nombreux artefacts peuvent intervenir lors de la réalisation du cliché :

– présence de boue, de sable ou de terre sur les pieds (photo 18) ;

– fourchettes non préparées ;

– pâte à savon mal placée (photo 19).

En cas de doute, il convient de réaliser un autre cliché, après correction du défaut suspecté, au besoin assorti de nouvelles incidences pour objectiver la nature exacte de l’image obtenue.

La radiographie numérique permet de ne pas réserver l’examen radiographique à la seule documentation des anomalies osseuses. Cette utilisation détournée pour évaluer les tissus mous du pied permet de documenter de très nombreuses affections dont les principales ont été décrites dans cet article. D’autres affections (seimes, plaies pénétrantes, kératomes, maladies mal connues du podophylle : corium parietis) doivent également inciter le praticien à employer la radiographie numérique pour affiner son diagnostic lors de lésions des tissus mous du pied.

Références

  • 1 – Adams OR. Les boiteries du cheval. Maloine, Paris. 1990.
  • 2 – Denoix JM. EPU de radiographie. ENVA, 1997.
  • 3 – Denoix JM. Le doigt du cheval. Ed. Manson, Londres. 2001.
  • 4 – Desbrosse F. La radiographie du pied du cheval. Prat. Vét. équine. 2002; n° spécial:29-43.
  • 5 – Jordon P. Kératome, kyste ou abcès chronique du pied. Prat. Vét. équine. 1996;28:311-320.
  • 6 – Kees JD. Diagnostic radiology of the horse. Wolfe Publishing Limited. Londres. 1998.
  • 7 – Mosseri S. Le phlébogramme digité. Prat. Vét. équine. 2005;146:67-68.
  • 8 – Rosengarten M, Olive J, Cadoré JL. L’imagerie du pied fourbu. Revue et persectives chez le cheval. Nouv. Prat. Vét. équine. 2008;17:24-28.
  • 9 – Spriet M. Images radiographiques normales et anormales de l’extrémité digitée. Nouv. Prat. Vét. équine. 2005;6:22-26.

Éléments à retenir

• La radiographie numérique permet de visualiser sur le même cliché les structures osseuses du pied et les tissus mous environnants.

• Lors de la lecture d’un cliché numérique, le praticien doit aussi examiner attenti-vement la boîte cornée et les contours cutanés.

• En radiographie numérique, de nombreux outils facilitent la lecture du cliché : zoom, modification du contraste et de la luminosité, mesures (angles, distances).

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