Quels sont les critères les plus pertinents pour détecter le cheval “à risque” en endurance ? - Pratique Vétérinaire Equine n° 161 du 01/01/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 161 du 01/01/2009

Article original

Auteur(s) : Céline Robert*, Amélie Sena**

Fonctions :
*École vétérinaire d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cedex
**6, route de Paris, 02540 Viels-Maisons

Afin de déterminer les paramètres évalués en course d’endurance qui peuvent avoir une valeur pronostique, une étude a été réalisée en 2003-2004 sur six courses de 120 à 144 km.

Les épreuves d’endurance équestre présentent la particularité d’imposer des contrôles vétérinaires à chaque étape de la compétition. Seuls les chevaux jugés en bonne condition physique d’un point de vue aussi bien médical que locomoteur peuvent participer et sont autorisés à l’issue de chaque contrôle à continuer la course. Les critères utilisés lors de ces contrôles reposent sur l’expérience et l’observation, et ont été établis progressivement avec le développement de la discipline. Les règlements nationaux (FFE) et internationaux (FEI) définissent les critères devant être évalués à chaque contrôle, et, pour certains, le seuil d’élimination. Néanmoins, l’interprétation de l’examen vétérinaire reste soumise à une grande part de subjectivité et d’initiative individuelle. L’approche clinique est loin d’être une science exacte et il n’est pas toujours facile pour l’homme de l’art de se prononcer sur les capacités d’un cheval à fournir un effort supplémentaire d’une vingtaine de kilomètres quand il en a déjà parcouru une centaine et qu’il présente des signes de fatigue.

L’objectif de la présente étude est, à partir de données issues du terrain, de rechercher quels sont, parmi les paramètres évalués lors des contrôles vétérinaires, ceux qui ont un intérêt pronostique. Nous avons donc choisi de comparer les données issues d’un groupe de chevaux ayant présenté des troubles métaboliques nécessitant des soins vétérinaires sur les courses et celles d’un groupe de chevaux appariés aux premiers selon des critères individuels et liés à la course et ayant, eux, terminé l’épreuve dans de bonnes conditions.

Matériel et méthode

Recueil des données

Cette étude repose sur l’analyse de données en provenance de quatre sources :

- une enquête épidémiologique menée entre 2002 et 2004 sur une vingtaine de CEI en France. Les cavaliers engagés sur ces épreuves ont rempli un questionnaire sur les caractéristiques de leurs chevaux (âge, race, taille, poids, etc.), leur carrière et leur gestion (alimentation, entraînement, etc.). Plus de 1 000 questionnaires ont ainsi été recueillis [6] ;

- un recensement des chevaux soignés sur les mêmes courses que précédemment. Les vétérinaires traitants ont rempli une fiche (symptômes, diagnostic, traitement et évolution des troubles, etc.) pour tous les chevaux qu’ils ont soignés, soit environ 120 cas ;

- les feuilles de synthèse vétérinaire sur lesquelles sont reportés les paramètres des examens vétérinaires de chaque cheval à chaque contrôle. Ces feuilles sont remplies par des secrétaires sous la dictée des praticiens qui réalisent les examens. Elles sont utilisées comme sauvegarde au cas où un cavalier perdrait sa carte de suivi vétérinaire ;

- les informations générales sur les courses : liste et caractéristiques des participants, liste des chevaux classés et éliminés avec leurs vitesses et leur temps d’attente à l’entrée dans l’aire de contrôle vétérinaire à chaque étape, et leur motif éventuel d’élimination, caractéristiques des courses (date, conditions climatiques, distance de chaque étape, dénivelé).

Sur les 20 courses pour lesquelles des fiches étaient disponibles, seules six qui ont fait l’objet d’informations complètes pour l’ensemble des données ont été retenues pour l’étude.

Population d’étude

La population étudiée se divise en deux groupes : les chevaux soignés considérés comme “cas” et des chevaux classés et non soignés considérés comme “témoins”. Les “cas” ont nécessité des soins pendant ou à la fin de l’épreuve ; ils étaient au nombre de 50 sur l’ensemble des six courses étudiées.

Les “témoins” ont été choisis dans la population de chevaux ayant terminé la course avec succès (animaux classés), avec une bonne récupération après la l’épreuve. Nous avons choisi d’associer un cas avec deux témoins pour augmenter la puissance de l’étude statistique. Les critères d’appariement retenus sont au nombre de cinq :

1 La course. Les chevaux appariés ont réalisé la même épreuve afin d’exclure toutes les différences liées aux conditions climatiques, aux difficultés du parcours, au jury, etc.

2 L’âge. Bien que plus expérimentés et mieux entraînés, les chevaux âgés qui présentent des séquelles des courses antérieures et moins ménagés par leur cavalier seraient plus fragiles sur le plan locomoteur [6].

En revanche, les animaux plus jeunes manquant d’expérience et moins entraînés seraient plus sensibles au stress [6].

3 Le sexe. Les femelles seraient plus sensibles à la fatigue et les juments en chaleur moins performantes [6].

4 La race. Le pur-sang arabe est habituellement considéré comme la race la plus adaptée à l’endurance.

5 La fatigue accumulée. Les chevaux ayant couru moins de deux épreuves importantes dans l’année seraient moins fatigués, donc moins susceptibles de développer des troubles métaboliques pendant la course que ceux qui ont déjà couru deux épreuves marquantes [6].

Les chevaux pour lesquels le plus de renseignements étaient disponibles ont été retenus en priorité.

Analyse des données

Les paramètres utilisés pour cette étude sont ceux qui sont évalués à chaque examen vétérinaire (photo 1) : contrôle initial, contrôles intermédiaires et contrôle final.

Les paramètres retenus pour la comparaison des cas et des témoins sont :

- la fréquence cardiaque ;

- la fréquence respiratoire ;

- la couleur des muqueuses oculaires ;

- le temps de réplétion capillaire ;

- la persistance du pli de peau ;

- la qualité du transit ;

- la qualité des allures ;

- le temps d’entrée dans l’aire de contrôle ;

- la vitesse sur la boucle rapportée à la moyenne de l’étape pour déterminer où se situe le cheval par rapport à ses concurrents.

Pour exploiter les données, nous avons fixé arbitrairement pour chacun de ces paramètres un seuil au-delà duquel l’animal pourrait être considéré comme à risque et en dessous duquel il est considéré comme normal (tableau 1).

Un odd ratio a été calculé pour chaque paramètre afin d’essayer de déterminer s’il existe une association entre sa valeur et la décompensation du cheval (tableau 2).

Pour s’assurer d’une différence significative, un test du Κ2 a ensuite été réalisé lorsque toutes les conditions d’application étaient respectées. Le c2 est calculé selon la formule suivante :

Κ2 = [(AD - BC)2 (N - 1)]/[(A + B) (C + D) (A + C) (B + D)], où N = A + B + C + D

Résultats

Caractéristiques des courses étudiées

Les six courses retenues pour l’étude sont des CEI/CEN** et *** dont les distances de parcours sont comprises entre 120 et 144 km. Elles ont eu lieu entre août 2003 et juin 2004.

Le nombre de concurrents au départ des épreuves varie entre 60 à 110. En moyenne, il a été observé 50 % (de 40,9 à 60,9 %) d’éliminations tous motifs confondus, 57,3 % des chevaux ayant été éliminés pour boiterie, 26,2 % pour un trouble métabolique et 16,4 % à la suite de l’abandon de leur cavalier.

Quelle qu’en soit la cause, en moyenne, 9,6 % des chevaux ayant pris part aux épreuves ont nécessité des soins. Parmi eux, 16 % ont terminé la course et été classés.

Description de la population soignée

Bien que les femelles ne représentent que 37 % des chevaux engagés, contre 53 % de hongres, elles sont les plus nombreuses dans la population d’animaux soignés étudiée. Cette observation est en accord avec les données publiées puisque les femelles semblent plus souvent atteintes de troubles métaboliques que les mâles et les hongres. En revanche, les mâles sont les moins nombreux dans la population de chevaux soignés, tout comme dans l’ensemble des animaux engagés (10 %). 75 % des chevaux soignés sont âgés de 7 à 10 ans, ce qui est assez représentatif de l’âge des animaux engagés sur les épreuves d’endurance de ce niveau [6].

La majorité des chevaux soignés étaient des pur-sang arabes, race habituellement la plus représentée sur les courses d’endurance. Les chevaux soignés ont principalement été éliminés pour trouble métabolique (52,8 %), puis pour boiterie (38,5 %) ou ont abandonné (8,8 %) (tableau 3). La majorité des retraits se sont produits lors du deuxième et du troisième contrôle vétérinaire (figure 1). Les chevaux éliminés en première moitié de course l’ont été majoritairement pour boiterie tandis qu’en seconde moitié de course les éliminations pour trouble métabolique sont plus fréquentes. Les principaux symptômes relevés chez les chevaux soignés sont répertoriés (figure 2). Ils sont regroupés par grande famille, l’objectif de cette étude n’étant pas de décrire les troubles métaboliques observés dans les courses, mais de comparer des cas (chevaux soignés) et des témoins (chevaux classés ayant bien récupéré).

Les affections diagnostiquées sont par ordre de fréquence décroissant : les déséquilibres hydroélectrolytiques (22 % des cas), les boiteries (18 %), le syndrome d’épuisement (14 %), la myopathie d’effort (12 %), le flutter diaphragmatique (12 %), les coliques (10 %) et la fourbure aiguë (8 %).

Différences observées pour les paramètres étudiés

Les valeurs moyennes de la fréquence cardiaque, du temps d’entrée dans l’aire de contrôle et de la vitesse moyenne, ainsi que la proportion d’animaux présentant des paramètres cliniques anormaux dans chacun des groupes de chevaux (soignés [S]/ témoins [T]) et à chaque contrôle vétérinaire ont été étudiées (tableau 4).

Afin de déterminer s’il existe des différences dans les paramètres cliniques et de gestion de la course entre les chevaux soignés et sains, nous avons calculé les odds ratio pour chaque paramètre à chaque examen. Pour ce faire, les valeurs de l’examen des chevaux éliminés au contrôle correspondant n’ont pas été retenues car il pouvait s’agir de valeurs éliminatoires, donc sans intérêt dans une optique de prévention (tableau 5). Les odds ratio dont les valeurs sont strictement supérieures à 1 sont considérés comme non négligeables.

• Au contrôle initial, les chevaux ayant une fréquence respiratoire élevée ont 6,4 fois plus de risque de développer des troubles métaboliques pendant la course que ceux dont la fréquence respiratoire est normale avant le départ.

• Au premier contrôle intermédiaire (Vét. 1), les animaux présentant des allures irrégulières, une fréquence respiratoire élevée et un temps d’entrée dans l’aire de contrôle vétérinaire élevé semblent prédisposés à développer ultérieurement des troubles métaboliques (photos 2 et 3).

Une fréquence cardiaque élevée ainsi qu’une diminution du transit paraissent aussi des facteurs favorisants. À cette étape, la vitesse réalisée sur la boucle semble également avoir un impact sur la santé des chevaux pour le reste de la course.

• Au deuxième contrôle intermédiaire (Vét. 2), les chevaux dont le temps de persistance du pli de peau est augmenté semblent avoir plus de risque de présenter ultérieurement des troubles métaboliques. Lors de ce contrôle, le temps d’entrée au contrôle vétérinaire et la vitesse moyenne paraissent être une nouvelle fois des facteurs prédisposants. L’élévation de la fréquence respiratoire, bien que moins significative que lors du premier contrôle, reste un paramètre alertant.

• Au troisième contrôle intermédiaire (Vét. 3), de nombreux chevaux sont éliminés, ce qui réduit considérablement l’effectif de la population étudiée. Les signes d’appel les plus marquants sont l’élévation de la fréquence cardiaque, le temps de recoloration capillaire et la persistance du pli de peau.

• Lors du contrôle final, un cheval dont la fréquence cardiaque reste élevée présente apparemment plus de risque de développer des affections, qu’il soit classé ou non. Le temps de réplétion capillaire est également un paramètre significatif.

Discussion

Caractéristiques des courses et de la population de chevaux soignés

Représentativité des courses étudiées

L’objectif de notre étude est d’étudier une population de chevaux sur des courses d’endurance de niveau national. Aucun tirage au sort n’a eu lieu pour déterminer les épreuves à intégrer dans l’étude et elles ont été choisies en fonction des données disponibles sur les chevaux à étudier. Cependant, les courses retenues sont assez représentatives des épreuves ** et *** qui se déroulent en France pendant une saison ; elles sont réparties sur tout le territoire et ont été effectuées à différents moments de l’année, avec des conditions climatiques variables d’une épreuve à l’autre.

Motifs d’élimination

Les résultats obtenus sur les motifs d’élimination concordent avec ceux publiés [8, 10]. En effet, les boiteries sont la principale cause d’élimination, suivies par les troubles métaboliques (27 % des chevaux éliminés).

Chevaux soignés

Le nombre de chevaux soignés lors des épreuves est de 10 % en moyenne, avec des variations de 7,2 à 12,5 %. Ce résultat correspond à ce qui a déjà été publié [10]. La distribution des troubles métaboliques diagnostiqués est également proche de celle décrite dans certaines publications [10].

Évaluation des paramètres cliniques

Choix des limites fixées

Les paramètres évalués lors des contrôles vétérinaires sont ceux utilisés en pratique pour effectuer un examen clinique. Ils sont le reflet de l’état général du cheval.

Des valeurs seuils ont été définies de telle sorte que, même dans la population de témoins, se trouvent des valeurs “anormales”. Ces limites ont été établies arbitrairement en fonction de leur pertinence clinique. Pour la fréquence cardiaque, la valeur de 60 battements par minute (bpm) a été fixée puisque c’est à partir de ce seuil que le risque de développer des troubles métaboliques chez le cheval serait augmenté [11].

Pour le temps d’entrée dans l’aire de contrôle vétérinaire, la valeur de 10 minutes a été choisie car, habituellement, la majorité des chevaux entrent au Vét. en moins de 10 minutes.

Enfin, une vitesse moyenne de parcours de l’étape a été déterminée afin d’apprécier si les chevaux dont la vitesse est excessive sont prédisposés à développer des affections graves.

Subjectivité des vétérinaires et notation des paramètres

Dans l’évaluation des paramètres, il convient de souligner la part non négligeable de la subjectivité du vétérinaire qui réalise l’examen. En effet, il existe des critères de type A, mesurables et objectivables, et de type B, qui ne sont pas mesurables et dépendent entièrement de l’avis du vétérinaire : évaluation de la coloration des muqueuses oculaires, temps de réplétion capillaire, persistance du pli de peau [3, 8]. De petites modifications de ces paramètres ne sont pas toujours perçues de la même manière par deux vétérinaires. Le seuil pour qualifier une fréquence respiratoire d’élevée ou un transit de ralenti peut aussi varier entre confrères.

De plus, lors du traitement des données, une grande hétérogénéité dans la notation des paramètres cliniques a été relevée. En effet, il existe plusieurs échelles de notation pour l’évaluation des paramètres cliniques. Le système français utilise une échelle numérotée, alors que le dispositif international attribue une lettre au paramètre étudié.

Des différences d’interprétation entre confrères ont donc pu nous échapper ou, au contraire, être amplifiées. Globalement, il est néanmoins probable qu’elles se soient annulées les unes les autres (sans pouvoir cependant l’affirmer).

Interprétation des résultats

Cette étude a révélé que des différences existent entre les paramètres cliniques des chevaux qui ont nécessité des soins lors d’épreuves d’endurance et ceux qui terminent la course en bonne santé.

Ces résultats sont à moduler avec la valeur du test du Κ2. En effet, pour s’assurer que les observations faites ne sont pas dues au hasard, un Κ2 a été réalisé pour tous les odds ratio dont la valeur était supérieure à 1, c’est-à-dire pour lesquels le paramètre évalué pourrait être un facteur de risque d’apparition de trouble métabolique. Traditionnellement, une probabilité d’erreur inférieure à 5 % est acceptée, ce qui signifie que, pour Κ2 > 3,84, il existe 95 % de chances que le résultat ne soit pas dû au hasard, et qu’il soit significatif [13]. Cependant, la valeur d’un test statistique est proportionnelle à la taille de l’échantillon. Ainsi, un résultat non significatif peut être expliqué par un manque de puissance du test. De plus, le résultat d’un test statistique dépend de la force d’association : plus la valeur de l’odd ratio est proche de 1, plus celle de Κ2 est proche de 0. Dans notre étude, seuls les résultats en gras dans le tableau 5 sont significatifs, avec un risque d’erreur inférieur à 5 %. Pour les autres résultats, nous avons admis un risque d’erreur supérieur à 5 %, et nous avons considéré également un manque de puissance du test et une force d’association faible.

Les différences entre les chevaux nécessitant des soins et les témoins apparaissent à chacune des étapes, mais elles sont les plus significatives lors du contrôle initial et des deux premiers contrôles intermédiaires. À partir du troisième contrôle vétérinaire, le nombre de chevaux éliminés, tous motifs confondus, est élevé. Cela réduit de beaucoup l’effectif de la population étudiée, donc la significativité des résultats.

Paramètres significatifs

• Le temps d’entrée dans l’aire de contrôle vétérinaire apparaît comme un signe d’appel important. Il est le reflet de la fatigue accumulée par le cheval et témoigne de la difficulté pour celui-ci de recouvrer une fréquence cardiaque dans des valeurs normales. Les résultats obtenus montrent que ce paramètre est statistiquement significatif lors du premier contrôle. Lors des contrôles vétérinaires suivants, les chevaux nécessitant des soins ont également tendance à mettre du temps à entrer dans l’aire de contrôle sans que cela soit significatif. En revanche, si les mêmes calculs sont effectués en prenant en compte les examens cliniques des chevaux éliminés, la significativité de ce paramètre augmente.

• La qualité des allures est également un signe d’appel intéressant. Les chevaux présentant des allures irrégulières lors des premiers contrôles sont prédisposés aux affections locomotrices ou métaboliques. Ils doivent en effet fournir un effort supplémentaire pour compenser leur asymétrie locomotrice, se fatiguent probablement plus vite et développent des troubles secondaires. La qualité des allures est un paramètre significatif au premier contrôle vétérinaire. Lors des contrôles suivants, les irrégularités d’allure peuvent devenir de vraies boiteries, qui sont alors éliminatoires.

• L’évaluation de la fréquence respiratoire avant le début de la course semble être associée à l’apparition d’affections nécessitant la mise en place d’un traitement. Cette anomalie, rarement prise en compte, peut être due à un défaut de thermorégulation lorsque les conditions climatiques sont contraignantes (canicule par exemple) ou que le transport a été long pour arriver sur les lieux de la course ; elle pourrait aussi traduire des difficultés respiratoires chroniques chez certains chevaux. Pendant la course, une élévation de la fréquence respiratoire semble également être un facteur de risque, bien que moins significatif. Elle est alors le plus souvent associée à des valeurs anormales d’autres paramètres.

• La coloration des muqueuses et le temps de réplétion capillaire sont différents entre les chevaux soignés et sains, surtout à partir du troisième contrôle vétérinaire. L’effectif étant trop petit, la différence entre les deux populations n’est pas significative.

• La persistance du pli de peau est un paramètre intéressant à partir du deuxième contrôle vétérinaire, lorsque le cheval a déjà beaucoup transpiré et peut montrer des signes de déshydratation. En effet, une étude a montré que c’est lors des deux premières étapes que le cheval perd le plus d’eau [9]. Généralement, les chevaux boivent peu lors des premières boucles et un animal qui montre des signes de déshydratation précoce a donc plus de risque de développer des troubles métaboliques.

• La fréquence cardiaque est le paramètre le plus réglementé dont la valeur conditionne la poursuite de la course pour un candidat [2]. Une élévation de la fréquence cardiaque reflète une souffrance physiologique et est associée à l’expression de la douleur [5]. Notre étude n’a pas montré de différence significative entre les chevaux soignés et les témoins pour ce paramètre, probablement en raison d’une marge trop faible entre la valeur éliminatoire (64 bpm) et celle posée comme seuil (60 bpm).

• D’une manière générale, les chevaux voient leur transit digestif diminué lors d’un effort. En effet, la circulation générale s’effectuant au profit des territoires actifs, l’appareil digestif peu irrigué perd de sa motilité [1]. De plus, les vétérinaires notent et évaluent les quatre quadrants digestifs dans un environnement bruyant et de manière très subjective. Ainsi, la qualité du transit est un paramètre difficile à évaluer, et l’auscultation des bruits digestifs n’a d’intérêt que si elle prend en compte l’évaluation d’autres paramètres cliniques plus objectifs.

• Enfin, la vitesse réalisée sur l’étape ne semble pas être un paramètre déterminant. En effet, les chevaux très affectés lors des épreuves ne sont en général pas ceux qui vont le plus vite, ce qui montre leur incapacité à fournir un effort important. De plus, les animaux qui courent très vite sont généralement en excellente condition et terminent la course avec succès, ou bien ils sont arrêtés avant de développer des troubles métaboliques graves [10].

Biais et limites de l’étude

Population étudiée

En raison des éliminations qui ont lieu à chaque étape de la course, l’effectif pris en compte dans l’étude diminue progressivement, ce qui limite les possibilités d’évaluation statistique sur les derniers examens. En raison de cet effectif réduit, le test du Κ2 n’a pas pu être déterminant pour tous les paramètres étudiés, car les conditions de son application n’ont pas été réunies. Pour augmenter la taille de l’échantillon, il conviendrait d’intégrer d’autres courses dans l’étude puisque le nombre de cas dépend directement de celui des animaux soignés pendant l’épreuve.

Appariement des chevaux

Pour réaliser cette enquête analytique de type “cas/témoins”, nous avons associé un cas à deux témoins selon des critères prédéfinis afin de rendre les deux groupes de chevaux les plus comparables possible. Le choix de ces paramètres a été établi à partir d’une enquête épidémiologique réalisée en 2003 qui visait à définir des facteurs favorisant l’apparition de troubles métaboliques lors de raid de longues distances [6].

Le critère d’appariement principal a été celui de la course ; en effet, deux chevaux ne sont comparables que s’ils ont effectué la même course pour prévenir tous les biais en relation avec les conditions de l’épreuve. Le sexe a été le deuxième critère retenu car il apparaît également comme un facteur de risque d’apparition de troubles métaboliques [6]. D’autres paramètres sur l’environnement du cheval tels que son alimentation, son mode de vie, la gestion de son entraînement ou la durée du transport depuis l’écurie jusqu’au lieu de l’épreuve sont susceptibles d’avoir une influence sur la prédisposition aux troubles métaboliques et auraient pu être utilisés comme critères d’appariement [6, 7]. Néanmoins, ces données n’ont pas toujours été disponibles et, de plus, elles sont peu fiables car dépendantes des dires des cavaliers. En conclusion, cinq critères quantifiables et pertinents d’appariement semblent être un bon compromis dans une telle étude.

Traitement des données

Des difficultés ont également été rencontrées dans le traitement des données car certaines informations manquaient pour quelques courses. Cela a eu pour effet de majorer les effets de la petite taille de l’échantillon, donc l’application du test du Κ2. Les données de certains examens n’étaient pas complètes, et il manquait des valeurs pour quelques paramètres, soit parce que le vétérinaire n’avait pas réalisé l’examen dans son intégralité, soit qu’il n’avait pas fait noter l’ensemble des résultats. Cela est à mettre en relation avec le nombre important de candidats dans l’aire de contrôle à certains moments de la course, ce qui demande aux vétérinaires d’aller très vite dans la réalisation de leurs examens, donc de diminuer le nombre de paramètres évalués, surtout lors des premiers contrôles. À cela s’ajoutent les possibles erreurs de retranscription des mesures des paramètres effectuées par les secrétaires.

Perspectives

Les résultats de cette étude montrent que l’évaluation rigoureuse des paramètres cliniques lors des contrôles vétérinaires pendant les courses est essentielle. La majorité des paramètres actuels de l’examen vétérinaire apparaissent d’intérêt pronostique à un moment ou à une autre de la course. Cela prouve que ces critères ont été bien choisis et doivent tous être évalués : la fréquence cardiaque seule ne permet pas de juger de l’état de santé d’un cheval.

De plus, certains paramètres semblent constituer de vrais signes d’appel sur la prédisposition aux troubles métaboliques, en particulier lors des premiers contrôles vétérinaires. Les praticiens devraient être plus particulièrement attentifs à :

- la fréquence respiratoire avant le départ de la course ;

- la qualité des allures lors du premier vet gate ;

- la persistance du pli de peau à partir du deuxième contrôle vétérinaire.

Cette étude a également mis en évidence l’importance de quelques paramètres qui sont généralement peu pris en compte lors des contrôles, notamment le temps d’entrée dans l’aire de contrôle. Ce critère ne doit donc pas être négligé lors de l’interprétation des examens. De plus, les cavaliers ne présentent pas toujours leur cheval au même vétérinaire et il serait intéressant de standardiser la notation des examens afin que les confrères puissent mieux suivre l’évolution d’un animal à partir de sa carte vétérinaire.

Les résultats de cette étude devraient être confirmés à plus large échelle par une enquête réalisée sur une population plus importante de chevaux soignés, avec un protocole d’essai établi au préalable en s’assurant que tous les paramètres cliniques sont évalués et notés de la même façon par tous les vétérinaires impliqués pour améliorer l’analyse des données.

Références

  • 1 - Art T, Amory H, Lekeux P. Notion de base de physiologie de l’effort. Prat. Vét. Équine. 2000;32(n° spéc.):7-13.
  • 2 - Association française des vétérinaires d’endurance équestre. Manuel du vétérinaire. 2006;52p.
  • 3 - Demonceau T. Guide de formation aux contrôles vétérinaires des raids équestres d’endurance. Prat. Vét. Équine. 1992;24(2):145-149.
  • 4 - Dwyer RM. The practical diagnosis and treatment of metabolic conditions in endurance horses. Equine Pract. : J. Equine Med. Pract. 1986;8(8):21-33.
  • 5 - Foreman JH, Lawrence LM. Lameness and heart rate elevation in the exercising horse. J. Equine Vet. Sci. (Equine Sport Med.). 1991;353.
  • 6 - Langlois C, Robert C. Épidémiologie des troubles métaboliques chez les chevaux d’endurance. Prat. Vét. Équine. 2008;40(157):51-60.
  • 7 - Lebis C. Alimentation du cheval d’endurance : de l’huile dans le moteur ! Cheval Santé. 2005;41:22-25.
  • 8 - Meyrier S. Les causes d’élimination en épreuves d’endurance équestre : étude rétrospective menée en France en 2001. Thèse de doctorat vétérinaire, Toulouse. 2003;3:90p.
  • 9 - Robert C. La réhydratation du cheval d’endurance. Dans : EPU vétérinaire d’endurance, ENVA, 25 janvier 2007;58-62.
  • 10 - Robert C. Les soins vétérinaires sur les épreuves d’endurance équestre : analyse de 200 cas. In : Proceeding du congrès de l’Avef, Le Touquet, 28, 29 et 30 novembre 2002;412.
  • 11 - Robert C. Le test de récupération en épreuve nationale d’endurance équestre. Prat. Vét. Équine. 2001;33(129):45-52.
  • 12 - Seguin A. Gérer le cheval après la course d’endurance. Dans : EPU vétérinaire d’endurance, ENVA. 25 janvier 2007;63-64.
  • 13 - Toma B, Dufour B, Sanaa M, Benet JJ et Shaw A. Épidémiologie appliquée à la lutte collective contre les maladies animales transmissibles majeures. 2e éd. Éd. AEEMA, Maisons-Alfort. 2001:696p.

Éléments à retenir

- Tous les paramètres de l’examen des chevaux d’endurance sont pertinents dans une optique de dépistage précoce des troubles métaboliques.

- Une fréquence respiratoire élevée la veille de la course ou en début d’épreuve est considérée comme un critère d’alerte.

- Il convient d’être particulièrement attentif aux chevaux qui mettent plus de dix minutes pour entrer dans l’aire de contrôle vétérinaire.

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