La ferrure du cheval d’endurance : contraintes et spécificités - Pratique Vétérinaire Equine n° 161 du 01/01/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 161 du 01/01/2009

Article de synthèse

Auteur(s) : Christophe Pelissier

Fonctions : DMV Clinique vétérinaire équine 155, chemin de Font Barjarret, 30190 Sauzet

Le vétérinaire est quotidiennement sollicité pour donner un avis technique sur le choix ou la réalisation d’une ferrure. Le cas du cheval d’endurance est particulier et le cahier des charges est assez lourd.

Le praticien doit être en mesure de communiquer avec l’entraîneur, le propriétaire et le maréchal en connaissance de cause. Il doit être un partenaire actif dans la prise de décision et le choix stratégique de telle ou telle ferrure. Pour être ce partenaire, il lui est nécessaire de bien connaître la discipline, mais aussi le terrain des différentes épreuves afin de conseiller au mieux et ne pas proposer une ferrure qui ne “tient pas la distance” ou qui n’est pas adaptée au terrain.

La ferrure idéale du cheval d’endurance peut être définie comme suit :

- confortable et légère ;

- capable de conserver la proprioception ;

- adaptée à la course ;

- adaptée au cheval ;

- amortissante ;

- antidérapante ;

- solide et durable.

Recherche de l’amortissement

Lors des épreuves d’endurance, les chevaux se déplacent, parfois à vive allure, sur des sols qui peuvent être très durs, comme le bitume. Ce type de revêtement génère des vibrations et des ondes de choc importantes dans le pied et le squelette de l’animal.

L’énergie absorbée par le membre lors de l’impact au sol dépend essentiellement de trois facteurs :

- la vitesse et le poids du cheval ainsi que la qualité de sa foulée ;

- la capacité d’amortissement du sol ;

- la capacité d’absorption des chocs de la ferrure.

Choix des matériaux

L’aluminium possède une faible rigidité avec une reprise de forme entre deux appuis. Il permet de diminuer l’onde de choc et les vibrations associées par rapport à l’acier. Le plastique est certainement le matériau le plus amortissant, mais il a deux inconvénients majeurs : il s’use très vite et bloque le pied au sol sur l’asphalte. Il existe également des fers mixtes (combi-pad). L’acier est le matériau le plus solide, mais le moins absorbant.

Utilisation de plaques

La mise en place de plaques est le moyen le plus classique pour amortir les chocs entre le fer et la paroi du sabot ; elles sont donc très utilisées en endurance. De plus, elles protègent la sole des contusions. Les plus fréquemment employées sont les plaques Schock-Tamer, Equisoft, Luwex, MV2 Dynamic Enduro, les plaques en cuir, et celles en polyuréthane bleu.

Plaques Schock-Tamer

• Les plaques Schock-Tamer offrent un assez bon compromis (photo 1). Elles se composent de deux polymères de densités différentes : un léger qui absorbe l’impact initial (gris clair) et un second plus dur qui dissipe les chocs vers l’extérieur par le biais des bras radicaux (noir).

• Elles sont souples mais épaisses, et les rivets peuvent parfois bouger si les clous ne sont pas correctement brochés. Il convient alors de rebrocher, si nécessaire pendant l’épreuve. Si une fenêtre en pince est réalisée, et plus encore une découpe de la plaque en regard de la fourchette, celle-ci perd une bonne partie de ses propriétés biomécaniques car les bras radicaux sont sectionnés (photo 2).

Plaques Equisoft

Les plaques Equisoft (modèles : simple, sport renforcé ou doublé de cuir) sont celles qui absorbent le mieux les chocs entre la paroi et le fer, mais elles ont le défaut d’être écrasées en talon et de sortir vers l’extérieur du fer en quartier et en talon, surtout si elles sont découpées sous la fourchette (photo 3). Doublées de cuir, elles sont plus épaisses (4 mm), mais elles ont une meilleure tenue pour un poids presque équivalent (135 g).

Plaques Luwex

• Les plaques Luwex sont légères (63 g), et présentent l’avantage de posséder des petits ergots qui viennent se caler sur la rive interne du fer en talon, évitant ainsi le problème rencontré avec les plaques précédentes (photo 4).

• De plus, elles possèdent une bonne tenue dans le temps et sont grillagées, ce qui permet de les coupler avec un silicone, tout en libérant la fourchette. Le maillage permet une très bonne tenue du silicone et une bonne vision de la diffusion de ce dernier sous la sole (photo 5).

Plaque MV2 Dynamic Enduro

La plaque MV2 Dynamic Enduro propose un grand nombre d’innovations intéressantes :

- la légèreté (80 g) ;

- la bidensité. La zone des talons possède une dureté de 38 shore D alors que le reste de la plaque est en élastomère à restitution d’énergie à 60 shore D.

La dureté d’un matériau plastique ou caoutchouc se mesure en Shore avec un duromètre analogique (10 shore correspondrait à la dureté d’une éponge, 100 shore à celle d’un plastique dur ;

- la transparence. Elle permet de bien visualiser la diffusion du silicone. De plus, elle est rainurée en surface pour une meilleure adhésion du silicone et possède quatre orifices pour injecter le produit ;

- l’adaptabilité. Elle est déformable en talon pour accompagner l’ouverture du pied. Et la zone d’appui en talons, plus souple, est renforcée pour prévenir l’écrasement de la zone d’appui (photo 6).

Plaques en cuir

Le cuir chromé est résistant, mais il est épais, donc rarement employé en endurance.

Plaques en polyuréthane bleu

Modèle économique autrefois le plus répandu, la plaque en polyuréthane bleu est très solide, mais a un faible pouvoir amortissant par rapport aux plaques précédentes (photo 7).

Utilisation de polymères sous le pied

Produits de remplissage

Les produits de remplissage doivent être les plus souples possible (10 shore D) et déformables pour ne pas exercer de pression sous la sole. Ils garnissent l’espace libre entre le pied et la plaque pour prévenir l’intrusion de sable et de cailloux. Ils n’assurent pas que des corps étrangers ne puissent se glisser sous la plaque. Pour une meilleure tenue, il est préférable de les utiliser avec une trame pour éviter qu’ils ne se délitent (photos 8 et 9).

Produits d’amortissement

Les produits d’amortissement (par exemple Luwex 7 35 shore D) ont des propriétés biomécaniques qui leur confèrent solidité et amortissement. Utilisés avec une trame, ils peuvent être découpés afin de laisser la fourchette nue.

Leur dureté doit être suffisante pour résister aux agressions du sol. Mais s’ils sont trop durs, ces silicones peuvent entraîner des contusions de la sole.

Recherche de la légèreté

Au bout du pied, le poids relatif de la ferrure est multiplié par 7. Chercher à alléger la ferrure est un souci constant, pour limiter la fatigue bien sûr, mais aussi pour diminuer l’hyperextension métacarpo-phalangienne. Plusieurs solutions s’offrent au maréchal : utiliser le fer en aluminium ou en acier rainuré, et supprimer les plaques et le silicone.

Recherche de la solidité et de la durabilité

• Les fers en aluminium sont parfois trop tendres pour certaines courses ou certains chevaux, et ne durent pas toute la course. Certains sont pourvus d’une grappe en tungstène en pince, ce qui augmente un peu la durée de vie sans trop alourdir le fer, et évite que le fer usé ne se casse et ne s’ouvre en pince.

Il est possible de ferrer en aluminium, en sachant qu’il va être nécessaire de changer les fers durant la course au vet-gate, ce qui occasionne une fatigue supplémentaire pendant les phases de repos, qui sont déjà courtes, et impose de travailler dans la précipitation (photo 10).

• Il convient de ne pas laisser trop de garniture pour la ferrure de course, car les chevaux se marchent et se font marcher dessus fréquemment (photo 11).

Réaliser un fil d’argent (arrondir la rive externe supérieure du fer à la ponceuse à bande) diminue le risque de déferrage et de blessure. Avant la course, il est judicieux de râper la partie de la plaque qui, parfois, déborde en talon après quelques jours de ferrure.

• Les plaques sont dangereuses en terrain boueux en raison de l’effet ventouse, surtout si elles sont posées sans silicone ou que ce dernier se délite.

La ferrure ne doit pas être trop épaisse car plus les clous sont longs, plus ils ont du jeu, et plus le risque que le fer s’arrache est important.

• De nouveaux alliages avec l’incorporation d’un pourcentage de titane à l’aluminium sont prometteurs. Plus résistants, ils conservent la légèreté de l’aluminium (par exemple le titanium chez ACR : 30 % de titane et 70 % d’aluminium).

Des essais de fers “tout titane” se sont révélés décevants car ce matériau résistant est très glissant sur le goudron.

Recherche de l’adhérence

La ferrure de course type est pourvue de cônes. S’ils assurent la sécurité du cavalier, ces cônes bloquent le pied au sol lors du posé sur le goudron et suppriment l’effet de glissement, répercutant ainsi au squelette des ondes de choc plus violentes (photos 12 et 13).

Lorsque la ferrure est neuve, ils ne doivent pas dépasser de plus de 2 mm. En effet, ce sont les têtes de clous qui, dans un premier temps, assurent l’adhérence, puis avec l’usure de la matière les cônes prennent le relais.

Sur le goudron, l’aluminium, plus tendre, se révèle moins glissant que l’acier et évite l’emploi de cônes.

Conserver la proprioception

La proprioception est fondamentale dans la prévention des boiteries. Elle est assurée par des terminaisons nerveuses des ligaments collatéraux, mais aussi par le coussinet digital, qui est situé en contact avec la fourchette. Cette dernière joue un rôle primordial dans la récolte des informations. Lors de l’utilisation de plaques fermées, le cheval semble privé des informations nécessaires pour une bonne approche du terrain sur lequel il évolue. Pour ces raisons, il convient de veiller à découper les plaques sous la fourchette lorsque cela est possible.

L’épaisseur totale de la ferrure est un élément important à prendre en compte, car en éloignant la fourchette du sol (fers épais/plaques), le cheval perd en proprioception.

Adapter la ferrure au cheval

• Le choix de la ferrure doit tenir compte des caractéristiques du cheval :

- ses affections locomotrices passées ou présentes ;

- son déplacement : use-t-il beaucoup ses fers ? forge-t-il ? a-t-il tendance à glisser ? déferre-t-il souvent en course ?

• Sur une ferrure en acier, le rolling naturel du cheval doit être préparé à la ponceuse à bande avant la pose du fer, pour éviter qu’il ne le fasse lui-même le jour de la course (photo 14).

• Il est recommandé de posséder un jeu de relevés dans le cas où il serait nécessaire de referrer en course. Utiliser un fer déjà partiellement usé permet d’éviter la différence d’épaisseur possible avec un fer neuf, surtout lorsqu’il s’agit d’une ferrure en aluminium.

Adapter la ferrure à la course

Pour adapter au mieux la ferrure à la course, le praticien doit avoir un minimum de “culture de l’endurance” et connaître au mieux le circuit des courses. Le terrain est un élément primordial dans le choix de la ferrure. Un cheval qui participe à une course d’endurance de 160 km ne doit pas être ferré de la même façon à Florac qu’à Rambouillet.

Le calendrier est aussi un élément à prendre en compte. La ferrure de course doit être posée 8 à 10 jours avant l’échéance. C’est elle qui doit conditionner la date des ferrures précédentes afin que le maréchal ait assez de matière pour travailler, c’est-à-dire suffisamment de corne, et que le maréchal puisse river assez loin du trajet des anciens clous.

La ferrure du cheval d’endurance est avant tout une histoire de compromis : il convient de ferrer léger mais solide, de protéger la sole en conservant la proprioception, pour un résultat antidérapant et amortissant. Le praticien est amené à participer au choix stratégique de la ferrure et doit bien connaître ce sport pour pouvoir dispenser un conseil éclairé.

Le facteur économique entre également en jeu. Les ferrures de repos, d’entraînement et de course ne sont pas les mêmes et les ferrures élaborées coûtent cher pour les amateurs. Le praticien doit garder en tête le coût des ferrures qu’il prescrit.

Éléments à retenir

- Un bon amortissement peut être obtenu par le choix des matériaux, l’utilisation de plaque entre le fer et le pied, dont les modèles sont variés, ou de polymère sous le pied.

- La ferrure du cheval d’endurance doit être légère afin de limiter la fatigue et l’hyperextension métacarpo-phalangienne.

- Lors de la course, le cheval peut se marcher ou se faire marcher dessus par les autres chevaux, ce qui peut entraîner le déferrage. Il convient donc de ne pas laisser trop de garniture.

- La ferrure doit être adaptée au cheval, mais aussi à la course.

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