Biopsies diagnostiques lors de suspicion de maladie du neurone moteur - Pratique Vétérinaire Equine n° 161 du 01/01/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 161 du 01/01/2009

Fiche technique

Auteur(s) : Nicolas Albert*, Céline Mespoulhès-Rivière**, Céline Robert***

Fonctions :
*Clinique vétérinaire équine, Méheudin, 61150 Écouché
**Clinique équine, ENV d’Alfort, 7, av. du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort
***Service d’anatomie, ENV d’Alfort, 7, av. du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort

La maladie du neurone moteur (Equine Motor Neuron Disease ou EMND) est une neuropathie dégénérative acquise du cheval adulte, décrite pour la première fois aux États-Unis en 1990 et en France en 1998 (photos 1 et complémentaire sur www.WK-Vet.fr) [1, 5]. Elle serait due à un défaut d’équilibre entre phénomènes pro- et anti-oxydatifs, résultant d’une carence ou d’une surconsommation en vitamine E (figure complémentaire sur www.WK-Vet.fr).

Le diagnostic définitif de la EMND repose sur la découverte post- mortem d’une dégénérescence et d’une perte de neurones moteurs des racines ventrales de la moelle épinière [1]. Des études histologiques décrivent une dégénérescence axonale des nerfs périphériques, spinaux et crâniens, ainsi qu’une atrophie musculaire neurogène secondaire qui serait responsable de la faiblesse et de la perte d’état [6]. La partie spinale du nerf accessoire (nerf crânien XI) est particulièrement touchée.

Les techniques présentées dans cet article ont pour objectif de mettre en évidence ce type de lésions du vivant de l’animal.

- Préparation des biopsies diagnostiques lors de suspicion d’EMND

En phase préopératoire, dans les deux techniques, l’administration d’une prophylaxie antitétanique, d’une antibioprophylaxie (pénicilline procaïnée, Depocilline®, par voie intramusculaire, à 22 000 UI/kg 30 minutes avant la procédure) et d’anti-inflammatoires (phénylbutazone, Phénylarthrite®, par voie intraveineuse, à 2,2 mg/kg avant la procédure) est recommandée.

- Traitement des biopsies

Afin de prévenir les artefacts (par exemple liés à une contraction du muscle), les pièces de biopsie doivent être fixées étendues sur un abaisse-langue à l’aide de deux aiguilles (photo 2).

Selon les laboratoires d’histologie, le prélèvement doit être conservé dans du formol à 10 % ou envoyé directement frais humidifié (non détrempé). Il convient de se renseigner auparavant auprès du laboratoire de destination.

- Complications

Dans le cas de la biopsie musculaire, les complications sont rares si des conditions d’asepsie ont été maintenues au cours de l’intervention.

La biopsie de nerf accessoire peut entraîner l’apparition d’un œdème, dont la résolution se produit en 7 à 10 jours [6], sans conséquences. Un sérome peut également se former et il est vidé par ponction à l’aiguille après préparation aseptique. Une amyotrophie modérée du muscle sterno-céphalique peut survenir sans conséquences fonctionnelles [6].

- Valeurs diagnostiques comparées des deux techniques

L’examen histologique musculaire révèle des modifications de dénervation et une nécrose musculaire focale compatibles avec une atrophie musculaire neurogénique (fibres atrophiques anguleuses groupées avec atteinte préférentielle des fibres de type I) (photo 16) [7]. Les sensibilité et spécificité sont de l’ordre de 90 % pour un anatomopathologiste expérimenté.

La biopsie de la branche ventrale du nerf accessoire montre une dégénérescence axonale avec une sensibilité et une spécificité de l’ordre de 94 % quel que soit le stade évolutif de la maladie, toujours avec le concours d’un neuropathologiste expérimenté (photo 17) [7]. En effet, parfois, les seules lésions observées sont de petites bandes de Büngner (colonnes de cellules de Schwann proliférantes) [2].

La maladie du neurone moteur du cheval est une affection peu fréquente en France en raison des habitudes alimentaires, où l’absence de mise à l’herbe est relativement rare.

Son évolution s’effectue généralement selon trois schémas avec, dans 20 % des cas, une dégradation vers le décubitus permanent nécessitant l’euthanasie [4]. Dans 40 % des cas, après une phase clinique aiguë de quatre à six semaines, une reprise modérée de muscles est observée et le cheval peut poursuivre une certaine activité sportive pouvant durer quelques années. Dans 25 à 40 % des cas, les signes cliniques se stabilisent pendant quelques mois après la phase aiguë, puis une dégradation menant à l’euthanasie est observée. Néanmoins au moment du diagnostic, il n’est pas possible de prédire l’évolution de la maladie.

D’après Divers et coll., 30 % des chevaux atteints d’EMND sont euthanasiés dans l’année qui suit le diagnostic [4].

Références

  • 1 - Cummings JF, de Lahunta AD, George C et coll. Equine motor neuron disease : a preli-minary report. Cornell Vet. 1990;80:357-379.
  • 2 - Desjardins I, Ammann V. La maladie du neurone moteur chez le cheval. Prat. Vét. Équine. 2005;37:33-38.
  • 3 - Divers TJ, Valentine BA, Jackson CA et coll. Simple and practical muscle biopsy test for equine motor neuron disease. Proc. Am. Assoc. Equine Pract. 1996;42:180.
  • 4 - Divers TJ, Mohammed HO, Cummings JF. Equine motor neuron disease. In : Robinson NE. Current therapy in equine medicine. 4th ed. WB Saunders. 1997;321-322.
  • 5 - Giraudet A, Jean D, Collobert C. Un cas de maladie du neurone moteur chez un cheval selle français. Prat. Vét. Équine. 1998;30:143-147.
  • 6 - Jackson CA, Lahunta AD, Cummings JF et coll. Spinal accessory nerve biopsy as an ante mortem diagnostic test for equine motor neuron disease. Equine Vet. J. 1996;28:215.
  • 7 - Tamzali Y, Borde L, Uro-Coste E, Desmaizières LM. A propos de la maladie du neurone moteur du cheval : cas cliniques et revue bibliographique. Rev. Med. Vet. 2005;156(7):367-381.
  • 8 - Valentine BA, Divers TJ, Murphy DJ, Todhunter PG. Muscle biopsy diagnosis of equine motor neuron disease and equine polysaccharide storage myopathy. Equine Vet. Educ. 1998;10(1):42-50.

Biopsie du muscle releveur de la queue

La technique a été décrite à deux reprises dans des publications anglophones [3, 8]. L’incision est réalisée juste latéralement à la crête épineuse des vertèbres caudales, à la racine de la queue.

Cette intervention se réalise chez un cheval debout sous sédation. Il est primordial de natter et de remonter la queue (figure 1).

Les temps opératoires comportent plusieurs étapes.

• Anesthésie locale traçante de la peau après préparation aseptique (veiller à ne pas infiltrer le muscle pour éviter les artefacts à l’histologie). L’utilisation d’un petit champ agrafé peut limiter la contamination per-opératoire (photos 3a et 3b).

• Incision cutanée sur 5 cm à la lame n° 22, dans un axe cranio-caudal, de façon à être parallèle au grand axe des fibres du muscle à prélever (photo 4).

• Incision du fascia musculaire (photos 5a et 5b).

• Idéalement, la biopsie doit être une bande de fibres musculaires de 3 à 5 cm de long sur 1 cm de diamètre. Pour cela, il convient de réaliser deux incisions parallèles dans le sens des fibres musculaires, puis de décoller par dissection mousse aux ciseaux courbes le lambeau ainsi formé (photo 6). Les deux extrémités peuvent ensuite être coupées pour extraire le prélèvement. L’ordre de ces étapes doit être respecté car l’incision préalable d’une des extrémités engendrerait une rétraction musculaire néfaste au bon étalement du prélèvement, ainsi qu’un fractionnement de celui-ci lors de la traction réalisée au cours de la dissection.

• Contrôle des saignements (généralement peu abondants) par compression ou ligature des vaisseaux incriminés.

• Suture du fascia : surjet simple continu au polyglactin 910 ou polydioxanone USP 0.

• Suture du tissu sous-cutané (polyglactin 910, USP 2/0).

En cas de chirurgie contaminée (rupture d’asepsie), il est préférable de ne pas effectuer de plan sous-cutané.

• Suture cutanée : points simples (poly-propylène USP 2/0 ou nylon USP 0) (photo 7).

Biopsie de la racine ventrale du nerf accessoire

La technique décrite s’inspire d’une publication de Jackson et coll. [6].

Cette intervention s’effectue chez un cheval debout ou en décubitus latéral, selon le stade clinique de la maladie et la gêne occasionnée par les mouvements de l’animal. La tête est mise en semi-extension pour bien visualiser les veines jugulaires et linguo-faciales, ainsi que le muscle sternocéphalique (figure 2).

Les temps opératoires comportent plusieurs étapes.

• Préparation aseptique. En cas de chirurgie chez un cheval debout, il est recommandé de prévoir une tonte large en raison des risques de contamination. Une anesthésie locale est réalisée (photo 8).

• Incision commençant en arrière de la veine linguo-faciale et s’étendant caudalement le long du bord ventral de la veine jugulaire sur environ 10 cm (photo 9).

• Isolement du muscle sternocéphalique par dissection mousse ; celui-ci est ensuite retourné pour exposer sa face médiale (photo 10). Le muscle peut être maintenu dans cette position à l’aide de pinces Backhaus.

• La branche ventrale du nerf accessoire pénètre dans le corps du muscle sterno-céphalique par sa face médiale à proximité de la jonction musculo-tendineuse. Elle se situe juste latéralement à une bande tendineuse distincte parcourant le grand axe du muscle. Une incision longitudinale du fascia musculaire est réalisée aux ciseaux de Metzenbaum pour permettre d’exposer le nerf (photos 11, 12 et 13).

• Chez un cheval debout, réalisation de l’anesthésie locale du nerf par application d’une compresse imbibée de lidocaïne pendant quelques minutes.

• Le nerf est excisé sur une longueur de 5 cm (photo 14).

• Suture du tissu sous-cutané : surjet continu (polyglactin 910, USP 2-0) (photo 15).

• Pose d’agrafes sur la peau.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Pratique Vétérinaire Equine.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr