Gestion de la douleur viscérale d’origine abdominale chez le cheval - La Semaine Vétérinaire n° 176 du 01/10/2012
La Semaine Vétérinaire n° 176 du 01/10/2012

Article de synthèse

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde

Fonctions : Oniris, École vétérinaire de Nantes
Pôle équin-service transversal d’anesthésie-
réanimation
Site de la Chantrerie-Route de Gachet
44300 Nantes
gwenola.touzot-jourde@oniris-nantes.fr

La prise en charge de la douleur est un élément fondamental de la gestion des coliques afin de soulager le cheval, mais aussi de promouvoir le retour du transit et la correction de l’affection causale.

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Les coliques du cheval correspondent à l’expression clinique d’une douleur viscérale ayant, dans la plupart des cas, une origine abdominale, et témoignent d’un dysfonctionnement gastro-intestinal. Si la thérapeutique dans son ensemble s’emploie à régler le dérangement causal, force est de constater qu’un traitement symptomatique initial de la douleur est très souvent incontournable. L’intensité de la douleur abdominale chez le cheval oriente rapidement le choix thérapeutique vers une gestion multimodale de la douleur, avec l’association d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), d’un α2-agoniste et, souvent, d’un opioïde. La gestion médicale d’une douleur persistante requiert un traitement à plus long terme, en général administré en perfusion continue et adapté aux réévaluations cliniques.

Notion de pathophysiologie de la douleur abdominale

La douleur abdominale provient de la stimulation de récepteurs nociceptifs ou nocicepteurs intra-abdominaux qui créent un message nociceptif remontant les voies de la douleur jusqu’au cerveau en passant par la moelle épinière.

Ces récepteurs se trouvent dans la paroi (lamina propria et musculeuse) des organes creux, dans les séreuses (péritoine et capsule des organes parenchymateux) et dans le mésentère. Ils répondent à un stimulus mécanique comme la distension, la contraction, la traction, la torsion et l’étirement. Ils sont aussi stimulés par des substances inflammatoires comme les bradykinines, la substance P, la sérotonine, l’histamine et les prostaglandines. La densité des récepteurs est beaucoup moins importante, par exemple, qu’au niveau de la peau. Cela explique que la réponse à des stimuli localisés, comme une incision, un pincement ou une brûlure localisée est faible et que la douleur viscérale est perçue comme sourde, diffuse et difficile à localiser [4]. Ces particularités permettent d’expliquer la douleur sévère occasionnée par une distension gazeuse du côlon, par exemple, et la tolérance des animaux à la palpation transrectale ou encore à la réalisation de chirurgies par laparoscopie sur cheval debout.

Il est admis, même si cela n’a pas été complètement étudié, donc démontré chez le cheval, que la douleur provoque une réaction de stress organique avec des conséquences neuro-endocriniennes et immunologiques ayant un impact néfaste sur la guérison, la survenue de complications, la durée des soins et, en particulier pour le tractus digestif, sur la reprise du transit [3, 4]. La douleur a une action inhibitrice sur le transit digestif en activant un réflexe spinal qui induit une hyperactivité orthosympathique [2]. De plus, une inquiétude existe quant au traitement inadéquat, trop tardif, trop court, de la douleur viscérale, qui réside dans la possibilité qu’une hypersensibilité des voies de la douleur se développe et aboutisse à un état hyperalgique chronique, avec des conséquences potentiellement désastreuses sur le bien-être de l’animal, donc sur sa qualité de vie, son tempérament et ses performances.

Signes cliniques de la douleur abdominale

Le comportement du cheval en coliques dans sa phase aiguë et très démonstrative a été décrit de nombreuses fois et est facilement identifiable, en particulier en raison de sa violence. L’animal gratte le sol avec ses membres antérieurs, regarde ses flancs, se couche et se lève de façon répétée, se roule au sol violemment. En revanche, des signes plus précoces ou plus légers sont souvent plus difficiles à objectiver : diminution de l’appétit et de l’activité, isolement du troupeau, peu d’entrain au travail, désintérêt et défaut de curiosité, périodes de décubitus prolongées et plus nombreuses, fouaillement de la queue, agitation (photos 1 et 2) [3, 4]. Ces derniers peuvent facilement passés inaperçus, sauf s’ils s’aggravent et se transforment en signes aigus classiques. Ils sont toutefois à rechercher une fois le traitement analgésique en place pour évaluer son efficacité.

Traitement de la douleur lors de l’intervention initiale

Le traitement de la douleur comprend deux volets : une correction de l’affection causale qui aboutit à la suppression de l’origine douloureuse et un traitement symptomatique des conséquences du processus pathologique (douleur, inflammation, iléus). En raison de la violence des signes de coliques chez le cheval et des conséquences désastreuses chez l’animal, mais aussi pour le manipulateur, et pour des questions de respect de l’éthique animale, le traitement antalgique est souvent le premier mis en œuvre en association à une contention chimique. Toutefois, tout traitement analgésique non accompagné d’un traitement causal est souvent insuffisant, car, en général, la douleur réapparaît. La décompression du viscère distendu est essentielle à la disparition de la douleur et permet aussi la reprise du transit digestif.

Traitement causal

Lors de la gestion médicale des coliques, le traitement causal comprend la décompression des organes distendus (estomac, côlon, cæcum), la réhydratation du cheval et de son contenu digestif, la lubrification du tractus digestif, la gestion de l’alimentation et la stimulation du transit par la marche. La décompression de l’estomac est facilement réalisable par le passage d’une sonde nasogastrique [4, 5]. La décompression du côlon et du cæcum par insertion d’un trocart permet d’éliminer des distensions gazeuses importantes. Il convient de considérer le risque de péritonite, à la suite d’un trocardage, avec un risque plus fort à gauche (côlon) qu’à droite (tympanisme du cæcum). Il est conseillé d’envisager l’abord par la gauche seulement si la décompression à droite n’élimine pas les signes de douleur et après un repérage échographique [2]. Ce geste est à réserver à la gestion sans option chirurgicale, de manière générale, et en dernier recours pour le côté gauche. La décompression par trocardage est indiquée lors de distension abdominale sévère à l’origine d’un collapsus cardiovasculaire, par défaut de retour veineux et dans les cas de ventilation difficile [2]. Enfin, marcher le cheval pour de courtes périodes (15 à 30 minutes) peut aider à relancer le transit et à éliminer des distensions gazeuses modérées [4, 6].

L’arsenal thérapeutique pour le traitement de la douleur des coliques d’origine digestive comprend :

– les α2-agonistes qui, en plus d’être analgésiques, apportent immobilisation et relaxation du cheval pour une évaluation médicale de meilleure qualité et plus sécuritaire ;

– les opioïdes, des analgésiques purs, qui ont une action synergique avec les α2-agonistes ;

– les anti-inflammatoires dont l’action prolongée apporte confort au cheval, le temps de la reprise du transit et de la correction du trouble initial ;

– les antispasmodiques, dérivés de l’atropine, qui, en raison de leur effet spasmolytique et de la relaxation de la paroi digestive, diminuent la douleur au prix d’un arrêt temporaire du transit.

α2-agonistes

Les trois α2-agonistes disponibles en France avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) chez le cheval (xylazine, romifidine et détomidine) sont utilisés pour traiter médicalement la douleur des coliques (tableau 1). Le choix est souvent réalisé par préférence personnelle, mais aussi selon la durée d’action et l’efficacité des molécules.

La détomidine présente une action plus longue et apporterait une analgésie viscérale plus profonde. Elle est donc susceptible de masquer les signes précoces caractérisant la nécessité d’une intervention chirurgicale [3, 6]. Elle entraîne aussi une dépression cardiovasculaire plus marquée que les autres molécules. Pour ces raisons, en général, elle n’est pas utilisée en première intention, mais lorsque la réponse aux autres molécules est insuffisante, qu’une analgésie de plus longue durée (jusqu’à 3 heures) est souhaitée, et que l’animal est stable ou stabilisé sur le plan cardiovasculaire.

En raison de la mise en place rapide de l’effet pic (en moins de 5 minutes, contre 10 minutes pour la détomidine), la xylazine et la romifidine sont plus pratiques d’emploi lors de l’évaluation initiale du cheval. Les trois molécules provoquent une diminution du transit, voire un iléus qui peut perdurer après la fin de la sédation. L’association α2-agoniste-opioïde apporte une analgésie de meilleure qualité, mais prolonge la durée de ralentissement du transit. La relaxation des parois du tractus est toutefois bénéfique lors de la présence de spasme. Le dernier paramètre à prendre en compte est la durée plus courte de l’analgésie par rapport à la sédation, ce qui explique le retour de la douleur, dans certains cas, avant la fin de la sédation.

Opioïdes

Dans la famille des opioïdes, le butorphanol, puis la morphine sont utilisés dans la gestion médicale de la douleur viscérale.

Butorphanol

Le butorphanol, κ-agoniste apportant une analgésie viscérale supérieure à l’analgésie somatique, est sans doute le plus utilisé en conjonction avec un α2-agoniste. Il s’agit toutefois d’un opioïde de puissance faible, dont l’activité analgésique requiert une forte dose lorsqu’il est administré seul (minimum de 0,1 mg/kg), alors qu’il a un effet synergique avec les α2-agonistes à plus faible dose (0,01 à 0,05 mg/kg). Il présente l’avantage d’entraîner peu d’effets cardiovasculaires, même chez le cheval déshydraté, et de diminuer la dose d’α2-agonistes nécessaire. Il possède, en revanche, une courte durée d’action, d’environ 1 heure. Il paraît moins perturber le transit digestif que la morphine [3, 6].

Morphine

L’utilisation de la morphine chez le cheval en coliques est controversée en grande partie en raison de son effet prolongé (4 à 6 heures) et d’une diminution du transit plus longue qu’avec le butorphanol. Son action chez le cheval en coliques n’est pas toujours facile à évaluer car, comparativement au butorphanol, elle est plus lente à se mettre en place (15 à 20 minutes par voie intraveineuse, 30 à 40 minutes par voie intramusculaire) et ne potentialise que peu la sédation obtenue avec les α2-agonistes. Toutefois, son emploi à court terme (0,1 à 0,2 mg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire) serait efficace et bénéfique [4]. En revanche, son utilisation paraît avantageuse par voie péridurale (0,1 mg/kg dans 30 ml de NaCl 0,9 %) dans la gestion de la douleur abdominale caudale, comme l’impaction du petit côlon, avec un effet en 20 à 40 minutes pour 8 à 16 heures d’analgésie et une perturbation minime du transit [5, 6].

La méthadone a historiquement été administrée pour l’analgésie des coliques, avec une impression clinique positive, et a sans doute un potentiel chez le cheval maintenant qu’une spécialité vétérinaire existe pour le chien. Son effet est similaire à celui de la morphine avec une action anti-hyper­algique supplémentaire par un antagonisme des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA).

Antispasmodiques

La N-butylscopolamine est un agent anticholinergique muscarinique, parent de l’atropine, qui, en raison de son effet inhibiteur de la motilité digestive, est spasmolytique, donc antalgique lorsqu’un spasme est à l’origine de la douleur. L’iléus est de courte durée, d’environ 30 minutes, et s’accompagne d’une dessiccation du contenu digestif, d’une sècheresse des muqueuses, d’une augmentation de la fréquence cardiaque et d’une dilatation des pupilles. La relaxation du tractus digestif apparaît particulièrement intéressante en regard du rectum pour faciliter la palpation transrectale [5, 6]. Efficace dans le traitement des coliques spasmodiques, la N-butylscopolamine est à utiliser avec précaution car elle peut aggraver l’iléus et la stase intestinale, ainsi que favoriser le tympanisme. La molécule existe en formulation injectable seule ou associée à la dypirone.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

• La dypirone (ou métamizole) a un effet anti-inflammatoire, antipyrétique et antalgique d’une durée de 2 à 3 heures environ. Sa puissance analgésique est faible, mais le plus souvent suffisante pour les coliques de stase ou spasmodiques traitées de façon précoce.

• La flunixine est considérée comme l’AINS le plus efficace dans la gestion de la douleur des coliques. Elle est donc sans doute utilisée plus fréquemment pour ses effets anti-inflammatoire, antalgique et anti-endotoxique. En relais d’une association α2-agoniste-opioïde, une dose intraveineuse de 1,1 mg/kg apporte un confort en 20 à 30 minutes pour une durée de 6 à 8 heures et jusqu’à 12 heures, et peut être répétée toutes les 12 heures. Il est possible que la flunixine masque initialement les signes d’endotoxémie, donc d’aggravation du processus pathologique, pouvant ainsi retarder la décision chirurgicale ou d’euthanasie. Toutefois, la prise en charge de la douleur et la prévention de l’endotoxémie par la flunixine sont jugées plus avantageuses que l’abstention de traitement [2]. Le praticien doit instaurer une surveillance clinique accrue de l’animal et prendre en compte l’administration de flunixine dans l’interprétation du tableau clinique.

• La phénylbutazone n’a pas montré une efficacité similaire à celle de la flunixine et est donc moins utilisée.

• Le kétoprofène et le méloxicam sont aussi prescrits dans la gestion des coliques, mais le manque de données scientifiques sur leur efficacité et la grande popularité de la flunixine ne contribuent pas au développement de leur utilisation.

• Plusieurs protocoles expérimentaux ont montré un effet négatif des AINS sur le transit digestif et des effets variables (négatifs à nuls) sur la cicatrisation de la muqueuse en fonction du segment digestif étudié [2]. Les significations cliniques restent donc incertaines et aucune nouvelle recommandation d’utilisation des AINS dans les coliques du cheval n’a gagné une reconnaissance générale.

Gestion multimodale

Une gestion multimodale et adaptée à l’intensité douloureuse de la colique apparaît comme un tiercé gagnant (α2-agoniste, opioïde et AINS). Les molécules utilisées ont des effets secondaires qui sont minorés à partir du moment où un suivi clinique est mis en place et lorsque les précautions d’emploi sont respectées. En particulier, il convient de veiller aux statuts hydrique et cardiovasculaire du cheval avant d’administrer un AINS pour prévenir une toxicité rénale, d’autant plus si d’autres agents néphrotoxiques comme la gentamicine sont aussi utilisés. Lors de l’emploi répété d’α2-agonistes et d’opioïdes, la reprise du transit doit être surveillée. La réadministration d’antispasmodiques dérivés de l’atropine est à éviter car ils entraînent une déshydratation du contenu digestif et une diminution temporaire du transit, le tout pouvant favoriser l’apparition d’une impaction.

Gestion de la douleur abdominale persistante

La plupart du temps, la douleur rétrocède en quelques heures à la suite du traitement causal et antalgique. Toutefois, des analgésiques de longue durée sont parfois nécessaires lorsqu’une lésion de type chirurgicale est suspectée ou objectivée mais que des considérations pécuniaires orientent vers une gestion médicale jusqu’à la résolution ou l’euthanasie, lorsque le diagnostic est incertain et jusqu’à une prise de décision définitive, ou que la correction d’une anomalie médicale est longue.

L’arsenal thérapeutique comprend alors les familles de molécules précitées, mais aussi la lidocaïne et la kétamine administrées en perfusion continue (encadré). La flunixine constitue la base de la thérapeutique à long terme, mais doit être associée à d’autres molécules si une injection biquotidienne de 1,1 mg/kg par voie intraveineuse ne suffit pas [2]. La mise en place d’un traitement de longue durée requiert de nombreuses réévaluations de l’état clinique du cheval pour évaluer la résolution des troubles, ajuster les doses et surveiller la survenue d’effets secondaires.

Administration répétée ou continue

L’administration d’opioïdes et d’α2-agonistes peut être poursuivie soit en bolus répétés ou en perfusion continue (butorphanol à la dose de 0,05 à 0,1 mg/kg par voie intramusculaire toutes les 6 heures ou 0,01 à 0,015 mg/kg/h, possiblement associé à la détomidine, 10 à 20 µg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire, ou 5 à 10 µg/kg/h en perfusion) (tableau 2). L’impact du butorphanol en perfusion continue sur la motilité digestive est moindre qu’en bolus, et c’est probablement aussi le cas pour les α2-agonistes. Une perfusion continue permet d’administrer une dose totale plus faible pour un résultat plus stable et souvent meilleur. L’administration répétée ou continue d’α2-agonistes requiert une surveillance des paramètres cliniques et biochimiques de la perfusion tissulaire en raison de leurs effets cardiovasculaires.

Lidocaïne

La lidocaïne a montré des effets intéressants dans plusieurs études sur la gestion des coliques. Le taux de survie est amélioré après une chirurgie abdominale de coliques, un iléus postopératoire ou lors d’entérite, qui est diminuée en intensité et en durée. Un effet prokinétique direct de la lidocaïne n’a pu être démontré, mais il est suspecté que son activité antalgique et anti-inflammatoire soit à l’origine de son action sur la reprise de la motilité [2, 3, 5, 6]. Elle semble préserver l’intégrité microvasculaire, prévenir la migration des neutrophiles et réduire la production de cytokines inflammatoires, ce qui favorise la cicatrisation muqueuse et promeut la motilité digestive [4, 6].

Lors d’instabilité cardiovasculaire modifiant la pharmacocinétique de la molécule, comme le cas est couramment rencontré dans les coliques, l’utilisation de lidocaïne en perfusion continue demande une surveillance de l’apparition de signes de toxicité. La dose du bolus doit souvent être réduite (0,65 à 1 mg/kg, au lieu de 1 à 1,3 mg/kg par voie intraveineuse) et la dose continue ajustée car une accumulation peut se produire, laquelle entraîne des signes de sédation pouvant aboutir au coma ou à des convulsions, et à un collapsus cardiovasculaire.

Chez le cheval sain, si la perfusion (50 µg/kg/min) est commencée sans bolus, la concentration plasmatique visée est atteinte en 3 heures. Il est probable qu’elle soit atteinte plus vite chez le cheval en coliques. De plus, la lidocaïne étant fortement fixée sur les protéines, l’administration d’autres molécules qui le sont également, comme la flunixine et certains antibiotiques, peut augmenter la fraction libre et active de lidocaïne, potentialisant ainsi son effet et nécessitant une réduction du dosage. Des doses de 20 à 50 µg/kg/min sont donc efficaces pour traiter la douleur abdominale. Le bolus n’est pas toujours nécessaire, mais, dans le cas où il est choisi, il convient d’adapter la dose à l’état du cheval et de l’injecter lentement, sur 20 minutes.

Kétamine

La kétamine est plus un anti-hyperalgique qu’un analgésique au sens propre, mais, à dose subanesthésique, par antagonisme des récepteurs NMDA, elle prévient la sensibilisation des voies de la douleur et le développement d’un état hyperalgique. Chez le cheval sain, elle apparaît diminuer le temps du transit gastro-intestinal et, dans d’autres espèces, posséder des propriétés anti-inflammatoires, en particulier lorsque des endotoxines circulent [4]. Actuellement, elle n’est pas beaucoup utilisée dans la gestion de la douleur abdominale persistante, mais représente probablement une solution alternative lors d’échec ou de douleur chronique.

Conclusion

La douleur aiguë du cheval en coliques est souvent réfractaire à l’administration d’un analgésique seul et requiert la mise en place d’un traitement multimodal associant des analgésiques ayant des mécanismes d’action différents et complémentaires, voire synergiques. La résolution du trouble initial, donc la disparition de la douleur causale, est une étape incontournable dans la guérison du cheval. Cette résolution peut prendre du temps et s’accompagner d’une douleur résiduelle persistante qui demande un traitement à long terme lui aussi multimodal. Lors de traitement analgésique prolongé, une attention particulière doit être portée à la détection d’effets secondaires. Ces traitements analgésiques, en dépit de leur impact sur la motilité digestive, sont globalement bénéfiques et associés à un taux de succès supérieur. L’arsenal thérapeutique analgésique pour les coliques du cheval s’étend. Toutefois, de nombreuses recherches restent à mettre en œuvre pour obtenir des protocoles efficaces avec des effets secondaires minimaux.

Références

  • 1 – Fehr J. Trochardization. In: A practical guide to equine colic. Ed. Southwood LL. Wiley-Blackwell. 2012:160-163.
  • 2 – Santos LC, Southwood LL. Analgesia. In: A practical guide to equine colic. Ed. Southwood, LL. Wiley-Blackwell. 2012:51-61.
  • 3 – Sellon DC. La gestion du cheval en colique. Prat. Vét. Équine. 2007;158:25-33.
  • 4 – Robertson SA, Sanchez LC. Treatment of visceral pain in horses. Vet. Clin. Equine. 2010;26:603-617.
  • 5 – White NA. Current use of analgesics for colic. Dans : Proceedings Am. Assoc. Equine Pract. 2006;52:109-172.
  • 6 – Zimmel DN. How to manage pain and dehydration in horses with colic. Dans : Proceedings Am. Assoc. Equine Pract. 2003; www.ivis.org; Document P0620.1103.

Éléments à retenir

→ L’analgésie conférée par les α2-agonistes est de plus courte durée que la sédation.

→ Les opioïdes comme les α2-agonistes diminuent temporairement le transit et ont donc un effet antispasmodique indirect.

→ Les effets secondaires des traitements analgésiques lors de douleur persistante semblent être moins marqués lorsque les antalgiques sont administrés en perfusion continue plutôt qu’en bolus répétés.

→ La douleur comme le statut cardio­vasculaire et le transit sont à évaluer dans le suivi clinique du cheval traité pour coliques.

Encadré : Cas cliniques

→ Gestion analgésique d’une impaction du petit côlon chez un poney âgé de 11 ans et pesant 350 kg

• Évaluation initiale

– Douleur modérée à sévère ayant partiellement répondu à la dypirone donnée par le propriétaire, fréquence cardiaque de 40 battements par minute (bpm), déshydratation estimée à 7 %.

– Romifidine 30 µg/kg, soit 10 mg (= 1 ml) par voie intraveineuse, et butorphanol 0,03 mg/kg, soit 10 mg (= 1 ml) par voie intraveineuse.

– Diagnostic et mise en place d’une fluidothérapie orale et par voie intraveineuse.

• Retour d’une douleur modérée 2 heures plus tard : flunixine 1,1 mg/kg (réhydratation partielle) et morphine en péridurale à la dose de 0,1 mg/kg.

• Résolution de l’impaction en 36 heures sans retour de la douleur.

→ Gestion analgésique d’une entérite proximale chez une jument âgée de 15 ans et pesant 400 kg

Douleur initiale sévère qui rétrocède à la décompression de l’estomac. La sonde nasogastrique est laissée en place, avec drainage du liquide de reflux toutes les heures initialement.

• Évaluation initiale

– Romifidine 40 µg/kg, soit 15 mg (= 1,5 ml) par voie intraveineuse et butorphanol 0,02 mg/kg arrondi à 10 mg (= 1 ml) par voie intraveineuse.

– Flunixine 1,1 mg/kg après initiation de la réhydratation et stabilisation cardiovasculaire.

– Mise en place d’une fluidothérapie (réhydratation puis entretien + perte par reflux).

• 1 heure plus tard, retour de l’inconfort traité par la détomidine 0,01 mg/kg par voie intraveineuse, soit 4 mg (= 0,4 ml) par voie intraveineuse, et mise en place d’une perfusion continue de lidocaïne, bolus initial de 1 mg/kg sur 20 minutes, puis 50 µg/kg/min, soit 60 ml/h d’une solution à 2 % jusqu’à l’arrêt du reflux (12 heures).

• Flunixine 1,1 mg/kg par voie intraveineuse toutes les 12 heures pendant 36 heures.

→ Gestion analgésique d’un déplacement dorsal à droite du côlon sans option chirurgicale chez un cheval de selle de 650 kg

• Évaluation initiale

– Romifidine 40 µg/kg, soit 25 mg (= 2,5 ml) par voie intraveineuse et butorphanol 0,01 mg/kg arrondi à 6,5 mg (= 0,65 ml) par voie intraveineuse.

– Diagnostic, puis mise en place d’une fluidothérapie et flunixine 1,1 mg/kg par voie intraveineuse.

• Retour de l’inconfort traité par la détomidine 0,005 mg/kg par voie intraveineuse, soit 3,5 mg (= 0,35 ml) par voie intraveineuse, et butorphanol 0,02 mg/kg par voie intraveineuse, soit 13 mg (= 1,3 ml).

• Stabilisation pendant 2 heures, puis retour des signes de douleur modérée.

• Redosage de la détomidine 3,5 mg par voie intramusculaire et du butorphanol 10 mg par voie intraveineuse, suivi d’une perfusion continue de butorphanol 15 µg/kg/h, soit 1 ml/h pendant 6 heures, puis 10 µg/kg/h, soit 0,65 ml/h pendant 3 heures.

Photos 1 et 2. Si les signes classiques de coliques sont évidents (1) et disparaissent dès que le traitement analgésique est administré, il est intéressant de rechercher des signes plus frustes comme le décubitus prolongé (2) ou le manque d’intérêt pour l’environnement dans le suivi de la douleur chez le cheval.

Photos 1 et 2. Si les signes classiques de coliques sont évidents (1) et disparaissent dès que le traitement analgésique est administré, il est intéressant de rechercher des signes plus frustes comme le décubitus prolongé (2) ou le manque d’intérêt pour l’environnement dans le suivi de la douleur chez le cheval.

Tableau 1. Molécules analgésiques fréquemment utilisées chez le cheval, doses et voies d’administration suggérées

Tableau 1. Molécules analgésiques fréquemment utilisées chez le cheval, doses et voies d’administration suggérées

IV : par voie intraveineuse ; IM : par voie intramusculaire

Tableau 2. Doses recommandées des analgésiques utilisés en perfusion continue chez le cheval

Tableau 2. Doses recommandées des analgésiques utilisés en perfusion continue chez le cheval

IV : par voie intraveineuse

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