Fiche - Cardiologie
Dossier
Souffles et arythmies cardiaques chez le cheval
Auteur(s) : Julie Dauvillier
Fonctions : Equine Sports Medicine
Practice
31, rue des Vieilles-Tuileries
78950 Gambais
Une fois le diagnostic de maladie cardiaque établi, il convient que le clinicien détermine le pronostic et qu’il connaisse les options thérapeutiques disponibles afin de conseiller le propriétaire au mieux sur la conduite à tenir. Bien que moins nombreux que chez l’homme ou même chez le chien, les choix thérapeutiques existent pour plusieurs affections cardiaques chez le cheval. En l’absence de possibilité de traitement, les réévaluations sont souvent un bon moyen de préciser le pronostic et de conseiller le propriétaire sur l’utilisation possible du cheval au cours du temps.
Il n’existe pas, à ce jour, de solution chirurgicale pour remplacer une valve défaillante chez le cheval. Si la cause de la régurgitation est une endocardite, un traitement à base d’antibiotiques systémiques fondé sur l’antibiogramme peut être tenté, mais le pronostic reste réservé à sombre. En effet, même si l’infection bactérienne initiale est contrôlée, les modifications tissulaires de la valve sont difficilement réversibles. Si la régurgitation est à l’origine d’une insuffisance cardiaque (IC) au repos, le pronostic est sombre. Si une intolérance n’apparaît qu’à l’effort intense et que le cheval continue d’être monté à un niveau moindre, un électrocardiogramme (ECG) à l’effort doit être réalisé pour exclure des arythmies potentiellement dangereuses à l’exercice (extrasystoles [ES] ventriculaires, en particulier en cas de régurgitation aortique) et un suivi tous les 6 à 12 mois est recommandé.
Chez les chevaux d’âge moyen, une insuffisance aortique est généralement bien tolérée. Les équidés présentant une insuffisance aortique discrète à modérée qui évolue lentement et non associée à des arythmies ventriculaires à l’effort, peuvent généralement continuer à être montés pendant plusieurs années. Pour les chevaux âgés présentant une insuffisance aortique et encore montés, un suivi étroit est recommandé. Une insuffisance aortique détectée chez un jeune cheval est plus préoccupante car sa cause est différente (il ne s’agit pas d’une lésion dégénérative liée à l’âge).
Le pronostic d’une régurgitation mitrale est fondé sur l’évaluation semi-quantitative du jet régurgitant et sur la taille de l’oreillette gauche, du ventricule gauche et de l’artère pulmonaire (lors d’une distension due à une hypertension artérielle pulmonaire secondaire à une insuffisance mitrale sévère, le pronostic est sombre). Les lésions dégénératives progressent avec le temps, mais généralement lentement, sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Une réévaluation tous les 6 à 12 mois permet de suivre cette évolution.
Les régurgitations tricuspides affectent rarement les performances sportives, sauf en cas de régurgitation très sévère, d’origine congénitale (malformation de la valve) ou associée à d’autres anomalies cardiaques [7].
À ce jour, aucun traitement chirurgical n’est validé lors de communication interventriculaire (CIV) chez le cheval [6, 11]. Une correction chirurgicale a été toutefois rapportée dans un cas [9].
Le pronostic dépend de la taille (mesurée à son maximum en systole et dans deux plans perpendiculaires) et de la localisation de la communication, de la vitesse maximale du flux sanguin entre les deux ventricules, ainsi que des répercussions hémodynamiques de celle-ci. Une communication dans le tractus d’éjection du ventricule gauche de moins de 2,5 cm de diamètre (chez un cheval de 450 à 500 kg), avec une vitesse maximale du shunt supérieure à 4,5 m/s, et sans modification significative de la taille des chambres cardiaques (oreillette et ventricule gauches) ni de l’artère pulmonaire a un bon pronostic vital et sportif chez les chevaux de sport. Néanmoins, chez les chevaux de course, une communication, même petite, peut avoir des conséquences sur les performances en raison de l’intensité extrême des efforts demandés [11].
À l’inverse, si les répercussions hémodynamiques sont telles qu’elles se traduisent par des signes cliniques d’IC au repos, le pronostic est sombre. Lorsqu’une mise à la retraite sportive est envisagée (intolérance à l’effort, mais aucun signe clinique au repos), il est recommandé de ne pas mettre le cheval à la reproduction en raison de l’hérédité possible. Si l’animal continue d’être monté, un ECG à l’effort est indiqué pour exclure des arythmies potentiellement dangereuses. Un suivi est également conseillé tous les 6 à 12 mois.
En cas de rupture de la base de l’aorte, une dissection a lieu vers l’oreillette ou le ventricule droit. Lors de rupture de la crosse aortique (plus fréquente chez les frisons), elle se fait vers l’artère pulmonaire. Dans les deux cas, la rupture de l’aorte peut entraîner une mort soudaine ou être à l’origine de signes cliniques qui persistent plusieurs semaines avant la mort (douleur, intolérance sévère à l’effort, tachycardie, sudation, abattement, pouls jugulaire rétrograde). Le pronostic de ces deux affections est sombre, le cheval atteint pouvant mourir subitement à tout moment [10]. Un cas d’occlusion de fistule aorto-cardiaque a été rapporté chez un étalon pur-sang de 18 ans [5].
Le traitement de la péricardite consiste en un drainage (et éventuellement un rinçage) de la cavité péricardique associé à une antibiothérapie systémique (et éventuellement locale) fondée sur l’antibiogramme réalisé lors du drainage. Des corticostéroïdes sont associés au traitement lorsqu’une composante inflammatoire est suspectée. Le pronostic est réservé, mais certains chevaux recouvrent leur niveau de performance antérieur après le traitement (photos 1a à 1c).
→ Le pronostic est bon si une cause primaire peut être mise en évidence et traitée : rétablissement des déséquilibres électrolytiques et traitement spécifique des troubles métaboliques, prise en charge de la myocardite (corticostéroïdes et repos prolongé). En cas de lésions fibreuses dans le myocarde, le pronostic est moins bon, mais un traitement à base de corticoïdes et de repos peut être tenté. Lors d’endocardite, le pronostic est plus sombre.
→ Il n’existe pas de traitement spécifique pour les myocardites d’origine toxique (ionophores, plantes toxiques). Si l’intoxication est détectée rapidement, l’administration de charbon ou d’huile minérale permet de diminuer l’absorption intestinale de la molécule toxique. L’administration de doses élevées de vitamine E est recommandée pour stabiliser les membranes cellulaires et limiter les dommages oxydatifs. Il convient aussi de respecter une période de repos prolongée [8]. L’administration de digoxine est contre-indiquée dans les cas d’intoxication au monensin.
Une fibrillation atriale (FA) primaire (sans anomalie cardiaque sous-jacente) responsable de signes cliniques à l’effort (intolérance à l’effort, saignements pulmonaires) doit être traitée si le cheval poursuit une activité sportive. Lors de FA primaire et récente (moins de 1 mois), les chances de réussite du traitement sont bonnes (65 à 90 %), avec un taux de récidive d’environ 15 % quelle que soit la méthode de conversion choisie (sulfate de quinidine ou cardioversion électrique). En revanche, si la fibrillation est ancienne, le remodelage structurel et électrique des oreillettes diminue les chances de succès du traitement et augmente les risques de récidive. Si la FA est secondaire à une maladie cardiaque primaire (IC congestive [ICC] ou affection du myocarde), le traitement n’est pas recommandé car les risques de récidive sont très élevés [11].
Si la FA est compatible avec une activité physique moindre et que le cheval continue d’être monté (pas de signes cliniques au repos, insuffisance à l’effort au niveau actuel du cheval), un ECG à l’effort doit être réalisé pour s’assurer que la fréquence cardiaque (FC) reste dans les valeurs physiologiques (< 220 battements par minute [bpm]) et qu’il ne présente pas d’ES ventriculaires à l’effort [11].
C’est la seule arythmie qui nécessite un traitement d’urgence car le pronostic vital est en jeu, en particulier si des phénomènes “R sur T”(1), des torsades de pointe(2), des complexes polymorphes ou des signes d’ICC sont présents, ou si la FC est supérieure à 120 bpm [12]. Plusieurs molécules sont indiquées et présentent toutes des risques. La lidocaïne (à la dose de 0,5 à 1 mg/ kg par voie intraveineuse [IV] lente, renouvelée à 5 à 10 min, ou de 0,02 à 0,05 mg/kg/min en perfusion continue) est souvent le traitement de choix en raison de sa disponibilité et de sa rapidité d’action. L’excitation et les convulsions sont des effets secondaires possibles de cette molécule, qui sont traités à l’aide de diazépam (3) (à 0,05 mg/kg IV). Si un œdème pulmonaire est présent, il doit être traité par l’administration de furosémide (1 à 2 mg/kg IV) et d’oxygène intranasal [12].
Rares chez le cheval, les blocs atrioventriculaires du troisième degré peuvent être secondaires à des atteintes inflammatoires ou dégénératives du myocarde dans la région du nœud atrioventriculaire. Un traitement à base de corticostéroïdes peut être tenté. En l’absence de réponse au traitement médical, la prise en charge définitive consiste en l’implantation d’un pacemaker. En urgence (syncopes au repos), des sympathomimétiques (dopamine(4), 3 à 5 µg/kg/min) ou des parasympatholytiques (atropine(4), glycopyrrolate(3)) peuvent être administrés.
Excepté dans les cas de péricardite où un traitement spécifique peut être tenté, le pronostic en cas d’ICC est souvent sombre en raison des anomalies structurelles sous-jacentes [8]. Dans une étude rétrospective portant sur 14 chevaux présentés pour des signes d’ICC, 9 ont été euthanasiés et les autres sont morts dans l’année qui a suivi la consultation [4].
Si la cause primaire ne peut être traitée, la prise en charge de l’ICC vise essentiellement à améliorer les conditions de vie du cheval atteint (encadré). Lors d’IC, l’incapacité du cœur à pomper le sang correctement provoque une diminution de la pression artérielle. Des détecteurs au niveau rénal activent le système rénine-angiotensinealdostérone visant à rétablir la pression sanguine par une augmentation de la réabsorption d’eau et d’ions par les reins et l’induction d’une vasoconstriction périphérique. Ces mécanismes, utiles en cas de chute aiguë de la pression sanguine (par exemple, lors d’une hémorragie), sont contreproductifs lors d’IC car ils augmentent d’autant le travail du cœur. Le traitement vise donc à contrecarrer ces phénomènes compensatoires, en augmentant l’élimination d’eau et en contrant la vasoconstriction.
(1) Complexe QRS superposé à l’onde T précédente.
(2) Tachycardie ventriculaire dans laquelle les complexes QRS et les ondes T se fondent et oscillent autour de la ligne de base de l’ECG.
(3) Administration hors autorisation de mise sur le marché (AMM).
(4) Médicament humain hors AMM.
(1) Administration hors autorisation de mise sur le marché (AMM).
(2) Médicament humain hors AMM.
CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN
Les traitements de l’insuffisance cardiaque congestive chez le cheval s’inspirent de ce qui se pratique chez l’homme et la majorité des études dans l’espèce équine ont porté sur des animaux sains.
→ Le furosémide est le diurétique de choix et peut être utilisé en urgence comme en traitement de fond (1 à 2 mg/kg toutes les 8 à 12 heures). Un contrôle régulier des électrolytes sanguins est nécessaire en raison des pertes électrolytiques urinaires qu’il provoque.
→ Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) inhibent le système rénine-angiotensine-aldostérone. Le bénazépril(1) (0,25 à 0,5 mg/kg per os [PO] toutes les 24 heures) semble être le plus efficace chez les chevaux [1]. Les résultats obtenus par une étude récente réalisée chez des équidés atteints de régurgitation valvulaire mitrale ou aortique sont prometteurs [3].
→ La digoxine(2) (0,011 mg/kg PO toutes les 12 heures) est un inotrope positif qui a également des propriétés antiarythmiques et diurétiques. Sa biodisponibilité orale est variable d’un cheval à l’autre, et il est conseillé de contrôler la concentration sanguine durant le traitement (concentration idéale de 0,5 à 2 ng/ml). Son index thérapeutique est étroit, et les signes d’intoxication sont une anorexie, une dépression, des coliques et des arythmies ventriculaires.
→ Le pimobendane(1), largement utilisé chez le chien, a récemment été testé chez des chevaux sains et les résultats sont prometteurs [2].