Les génériques - Pratique Vétérinaire Equine n° 196 du 01/10/2017
Pratique Vétérinaire Equine n° 196 du 01/10/2017

PHARMACOLOGIE

Cahier scientifique

Article de synthèse

Auteur(s) : Philippe Ciantar

Fonctions : Clinique vétérinaire de Launay,
14130 Pont-l’Évêque
pciantar2@wanadoo.fr

Si une moindre efficacité des génériques n’est pas prouvée, des complications lors de substitution sont possibles en raison de la biodisponibilité individuelle. De plus, le coût moins élevé pourrait favoriser leur utilisation et augmenter le risque de résistances.

Afin de diminuer le coût des traitements médicamenteux, le législateur a accepté qu’une copie d’une substance active originale puisse être commercialisée à partir d’un dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM) allégé, donc moins onéreux, et que les médicaments ainsi produits soient substitués aux spécialités originales. Ainsi sont apparus les médicaments dits “génériques”.

Si l’objectif de diminuer l’impact économique des traitements médicamenteux est louable, encore faut-il que l’efficacité clinique soit au rendez-vous. C’est la question récurrente qui est posée par les praticiens à propos des génériques. Aucune étude ne corrobore l’idée qu’ils seraient globalement moins efficaces que les médicaments originaux. Leur utilisation ne crée aucun souci dans la majorité des cas.

La problématique principale des médicaments génériques est celle de la substitution. Il convient, en effet, d’être prudent lors de la substitution du princeps par un de ses génériques, dans les cas de traitements longs avec un médicament à marge thérapeutique étroite, car, dans cette situation, l’efficacité et la sécurité d’emploi ne sont pas toujours prévisibles.

Qu’est-ce qu’un médicament générique ?

Définition

La définition légale du médicament générique est précisée par l’ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 : « On entend par spécialité générique d’une autre spécialité une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées. »

Le générique doit donc répondre à trois critères :

– présenter qualitativement et quantitativement les mêmes principes actifs, ce qui ne veut pas dire que la composition chimique soit strictement identique. Les différents sels, esters, isomères, mélanges d’isomères d’une substance active sont considérés comme une même substance active (sauf si leurs propriétés sont sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l’efficacité [directive européenne 2004/27]) ;

– avoir la même forme pharmaceutique : celle-ci est la forme sous laquelle se présente un médicament et qui détermine son utilisation thérapeutique (formes orale, injectable, rectale, etc.) (photo 1) ;

– démontrer une bioéquivalence avec le princeps : la biodisponibilité du générique après administration à la même dose doit être suffisamment similaire à celle du princeps pour que les effets et la sécurité d’emploi soient considérés comme “équivalents”.

Les autres composants du médicament (les excipients) peuvent être différents dès lors que sa biodisponibilité n’est pas remise en cause.

Différents types de médicaments génériques

La spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un “groupe générique”.

Au sein de ce groupe, différents types de génériques existent (tableau).

Contraintes réglementaires

Un médicament générique est une spécialité pharmaceutique de plein droit. Un dossier d’AMM doit donc être constitué conformément aux normes et aux protocoles européens, et présenté aux autorités d’enregistrement (Agence européenne du médicament [EMA] pour l’Europe ou Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [Anses-ANSM] pour les médicaments vétérinaires en France). Toutefois, le dossier d’AMM est allégé pour les génériques. Les dossiers précliniques, cliniques, sécurité et efficacité sont abrégés dès l’instant où le générique prouve sa bioéquivalence avec le princeps. Seule la partie qui concerne la qualité pharmaceutique de la substance active, de l’excipient et du processus de fabrication est identique à celle exigée pour le princeps.

Bioéquivalence

La bioéquivalence est le principe essentiel dont découle toute la problématique des génériques.

Définition

Deux produits sont dits “bioéquivalents” si leurs biodisponibilités après administration à la même dose sont suffisamment semblables pour que leurs effets et leur sécurité soient considérés comme similaires.

Ce concept de bioéquivalence se fonde sur le paradigme suivant : une exposition identique de l’organisme à une substance active similaire chez un patient donné conduit à un résultat clinique identique . Ce paradigme peut sembler évident. Il présuppose toutefois que le déterminisme en médecine thérapeutique soit complet, ce qui n’est qu’un postulat.

La démonstration de la bioéquivalence entre deux médicaments repose donc sur la comparaison de leurs biodisponibilités obtenues à la suite de l’administration d’une même dose de substance active (par la même voie d’administration puisque la forme pharmaceutique est identique).

Biodisponibilité

La biodisponibilité décrit la façon selon laquelle la substance active devient disponible dans l’organisme pour produire son action biologique. Elle est principalement caractérisée par la quantité de principe actif disponible dans l’organisme et la vitesse de ce processus.

Les paramètres de biodisponibilité qui ont été retenus sont :

– la concentration plasmatique maximale (Cmax) ;

– l’aire sous la courbe des concentrations plasmatiques en fonction du temps (ASC ou SSC, ou, pour l’acronyme anglais, AUC) ;

– le temps nécessaire pour atteindre la Cmax (Tmax) dans certains cas.

Si ces paramètres sont “équivalents” pour le générique et le princeps, l’exposition de l’organisme à la substance active est considérée comme équivalente, donc, conformément au paradigme ci-dessus, l’efficacité clinique et la sécurité le sont aussi.

Aucune étude de bioéquivalence n’est requise pour les médicaments administrés par voie intraveineuse sous forme d’une solution aqueuse si la substance active est identique à celle de la spécialité de référence (article R. 5121-29, 2°, du Code de la santé publique). Dans de tels cas, la biodisponibilité est considérée comme similaire dès lors que la composition et les caractéristiques physico-chimiques sont équivalentes.

Détermination expérimentale de la bioéquivalence

Sur quelle base les paramètres pharmacocinétiques sont-ils retenus comme “équivalents” ?

Les paramètres de biodisponibilité sont équivalents si les bornes [min, max] de l’intervalle de confiance à 90 % du ratio générique/princeps, de la moyenne géométrique de l’ASC et de Cmax sont incluses dans l’intervalle de 0,8 à 1,25.

Les critères de bioéquivalence découlent donc de concepts mathématiques : moyenne géométrique, intervalle de confiance.

Ceux-ci ne permettent pas une compréhension intuitive de cette définition de la bioéquivalence pour les personnes non accoutumées à manipuler ces notions, d’où des erreurs d’interprétation fréquentes (encadré 1).

Les études de bioéquivalence sont réalisées à partir d’échantillons de la population ciblée par le médicament.

En pratique, deux lots randomisés de la population cible sont choisis. Un lot reçoit le princeps et l’autre lot, le générique. Des prélèvements sont effectués chez chaque individu afin de déterminer la Cmax et l’ASC.

Après une période d’élimination complète de la substance active (dite “wash out”), les lots sont inversés. Le lot qui a reçu le princeps reçoit le générique, et inversement. Les paramètres sont calculés à nouveau.

Un échantillon de n individus, pour lesquels ont été mesurées n valeurs de Cmax et d’ASC, est donc obtenu à la fois pour le princeps et pour le générique. Pour chaque paramètre, la moyenne est calculée au sein de l’échantillon.

Cette moyenne est relative à l’échantillon testé. Elle ne permet pas de connaître précisément la moyenne qui aurait été trouvée si la totalité des individus de la population avait été testée.

Toutefois, les statistiques inférentielles permettent de calculer, à partir de cette moyenne d’échantillon, un intervalle dans lequel se trouve, avec une probabilité donnée, la moyenne du paramètre au sein de la population (intervalle de confiance [IC]). Cet intervalle s’accompagne toujours d’un pourcentage qui correspond à la probabilité d’y trouver la valeur recherchée.

Pour les études de bioéquivalence, les moyennes trouvées ne sont pas comparées directement. Le calcul est un peu plus sophistiqué et est souvent à l’origine d’erreurs d’interprétation de la définition. Tout d’abord, au sein de l’échantillon, est calculée non pas la moyenne arithmétique, mais la moyenne géométrique (ce qui revient à travailler avec les logarithmes des valeurs mesurées). Ensuite est mesuré le ratio : moyenne géométrique du générique/ moyenne géométrique du princeps (ce qui donne une valeur sans unité). Ce ratio représente le facteur de proportionnalité existant entre la biodisponibilité moyenne du générique et celle du princeps au sein de l’échantillon.

C’est à partir de lui que l’IC est calculé, choisi par définition à 90 % (IC 90).

Cet IC 90 du ratio doit être inclus en totalité dans un intervalle d’acceptabilité choisi, selon la réglementation, de 0,8 à 1,25.

Si les deux bornes de l’IC 90 sont situées à l’intérieur de l’intervalle d’acceptabilité, la bioéquivalence pour le paramètre est, selon la réglementation, avérée. Si une des deux bornes se trouve en dehors de l’intervalle, la bioéquivalence n’est pas établie (figure 1).

L’intervalle de 0,8 à 1,25 ne signifie pas que la moyenne d’un des paramètres mesurés avec le médicament générique puisse présenter une variation de 20 % inférieure ou de 25 % supérieure au même paramètre mesuré pour le princeps (c’est là la principale erreur d’interprétation qui est commise régulièrement).

Les bornes de 0,8 et de 1,25 s’appliquent à l’IC 90 du ratio des moyennes, et non pas directement au ratio des moyennes. Le calcul mathématique vise donc à évaluer (avec une probabilité de 0,9) l’écart susceptible d’être rencontré, au sein de la population, entre le princeps et le générique à la fois pour Cmax et ASC. Si les bornes de l’IC 90 sont incluses dans l’intervalle d’acceptabilité, le risque que les paramètres de pharmacocinétique du générique soient vraiment différents de ceux mesurés avec le princeps est faible.

Cela est d’autant plus vrai que l’IC 90 est resserré et loin des bornes d’acceptabilité. Si l’une des deux bornes n’est pas incluse dans l’intervalle d’acceptabilité, le risque qu’il existe une différence significative de biodisponibilité avec le générique est considéré comme trop grand. Dans ce cas, la bioéquivalence n’est pas établie.

La bioéquivalence réglementaire est une bioéquivalence moyenne

Les calculs ci-dessus prennent en compte les moyennes calculées, pour chaque paramètre, à la fois pour le princeps et le générique au sein de l’échantillon, et extrapolées au sein de la population.

Ils ne permettent pas de savoir précisément ce qui se passe pour un individu donné (bioéquivalence individuelle), ni non plus au sein de la population prise dans son ensemble (bioéquivalence de population). Chaque générique est comparé au princeps. Les génériques ne sont jamais comparés l’un à l’autre, ce qui signifie que deux génériques bioéquivalents au princeps peuvent ne pas l’être entre eux.

Bioéquivalence de population

En raison de la définition de la bioéquivalence, ce sont des intervalles calculés à partir d’échantillons qui sont comparés. La répartition du ratio générique/princeps des moyennes géométriques de chaque paramètre de bioéquivalence est, de plus, considérée comme approximativement gaussienne dans la population cible. S’il n’est pas possible de savoir précisément comment se répartit le ratio dans la population, en revanche, les situations limites, respectant les critères définis par la réglementation, peuvent être envisagées afin d’en déduire ce qu’il est possible de rencontrer dans la population cible.

La compréhension de ce concept permet d’appréhender un grand nombre de questions soulevées par les génériques. Dans le cas le plus défavorable, l’étude expérimentale donne un IC 90 dont la borne inférieure est égale 0,8 et la borne supérieure, inférieure à 1,25. La bioéquivalence est donc valide d’après la réglementation (le raisonnement est le même pour une borne supérieure égale à 1,25 et une borne inférieure supérieure à 0,8).

Cela signifie qu’il existe 90 % de chances que le ratio soit compris entre 0,8 et la borne supérieure dans la population. Il est donc possible (en conservant une probabilité de 0,9) que le ratio moyenne générique/moyenne princeps soit en réalité égal à 0,8 dans la population. Dans ce cas, en raison de la répartition gaussienne des paramètres, cela signifie que pour 50 % de la population le ratio est inférieur ou égal à 0,8 (figure 2).

De plus, comme les calculs se font avec un IC 90, il s’en déduit une probabilité de 10 % pour que le ratio soit, dans la population, à l’extérieur des bornes de cet IC. Il existe donc une probabilité de 5 % que le ratio soit inférieur à la borne minimale, soit, dans l’exemple choisi, inférieur à 0,8. Dans ce cas, la majorité de la population possède un ratio inférieur à 0,8 (figure 3). Ainsi, si l’étude expérimentale donne un IC 90 avec une borne inférieure égale à 0,8, il existe 5 % de chances que plus de 50 % des individus de la population se situent en dessous du seuil de bioéquivalence, tout en respectant scrupuleusement les critères légaux.

Conséquences pratiques

Les points développés ci-dessus ne sont que les conséquences mathématiques de la définition. Ils donnent une vision globale des situations qu’il est possible de rencontrer. Mais qu’en est-il en pratique ? Les variations de biodisponibilité de la substance active dans l’organisme ne s’accompagnent pas toujours d’une différence thérapeutique. Sur ce point, deux grands types de médicaments doivent être distingués : ceux dont la marge thérapeutique est large et ceux dont la marge thérapeutique est étroite.

Pour les premiers, les variations de biodisponibilité proches de la dose thérapeutique n’entraînent pas de différence significative d’efficacité clinique ni de toxicité. Pour ces médicaments, même si des variations non négligeables de bioéquivalence existent, elles ne s’accompagnent pas de répercussion clinique (encadré 2).

Pour les seconds, en revanche, les variations de bioéquivalence, même minimes, du générique par rapport au princeps peuvent avoir des conséquences cliniques. De faibles différences de concentration de la substance active dans l’organisme sont parfois à l’origine d’échecs thérapeutiques ou d’effets indésirables, voire toxiques. Les principales familles entrant dans cette catégorie sont les antiarythmiques, les antiépileptiques, les immunosuppresseurs et les produits hormonaux.

Pour pallier cette complication, la définition de la bioéquivalence peut être plus exigeante. Pour cela, il est possible de :

– choisir un IC plus étroit (par exemple un IC 95 : intervalle dans lequel il existe 95 % de chances de trouver la moyenne dans la population à partir de la moyenne calculée dans l’échantillon testé), ce qui a pour conséquence d’“élargir” l’intervalle ;

– diminuer l’intervalle d’acceptabilité.

C’est cette seconde solution qui a été choisie par le législateur pour les médicaments à marge thérapeutique étroite. Pour ces derniers, l’intervalle d’acceptabilité a été amené à 0,9 à 1,11. En revanche, pour certains médicaments dont la marge thérapeutique est large, l’intervalle d’acceptabilité est porté à 0,7 à 1,43.

Questions soulevées par l’utilisation des génériques

En médecine vétérinaire, comme en médecine humaine, les craintes soulevées par les génériques sont :

– une moindre efficacité thérapeutique ;

– l’apparition plus rapide de résistances (antibiotiques, antiparasitaires) ;

– les délais d’élimination.

Une moindre efficacité

C’est la principale interrogation liée à l’utilisation des génériques. Ce phénomène est parfois suspecté quand un princeps est remplacé par un générique et que la même efficacité thérapeutique n’est pas observée. Les raisons qui sont mises en avant dans ce cas sont de trois ordres : une insuffisance de bioéquivalence, des facteurs extrinsèques au médicament et la qualité intrinsèque des constituants (encadré 3).

L’apparition plus rapide de résistances

Cet effet néfaste n’est pas toujours lié à une moindre efficacité des génériques. Le facteur majeur est d’ordre économique. En effet, l’apparition de génériques dans certaines familles (antibiotiques, antiparasitaires) a entraîné une baisse significative de leur prix et une augmentation importante de leur prescription (photo 2). Pour ces familles, cette utilisation massive (surtout si le contexte clinique ne le justifie pas) s’accompagne d’une augmentation rapide des résistances.

Cela est d’autant plus sensible en médecine vétérinaire où le poids économique des traitements médicamenteux repose exclusivement sur le propriétaire du ou des animaux.

Ainsi, l’apparition sur le marché des antibiotiques de nombreux génériques a été un facteur qui a favorisé l’apparition de résistances. Les enjeux de santé publique étant importants, cela a conduit le législateur à prendre des mesures visant à améliorer les règles de prescription et à diminuer les intérêts économiques de façon à réduire de manière significative les volumes de vente des antibiotiques.

Délais d’élimination

Les délais d’élimination de la substance active se situent largement au-delà de la période durant laquelle les paramètres de biodisponibilité sont testés. Les variations de l’ASC autorisées dans l’étude de la bioéquivalence ne permettent pas de se faire une idée précise de ce qu’il se passe en fin de courbe. Or, quand bien même le générique aurait une excellente bioéquivalence théorique, les délais d’élimination ne peuvent pas être extrapolés à partir du princeps. Il convient donc d’être prudent en particulier pour les délais de dopage.

Conclusion

La décision d’autoriser la commercialisation de médicaments génériques est politique. Si les bénéfices en termes de finances publiques semblent évidents en médecine humaine, en revanche, les effets pervers, en particulier les risques de surconsommation médicamenteuse, ne sont pas négligeables. Ceux-ci ne sont pas sans conséquence pour certaines familles thérapeutiques telles que les antibiotiques ou les antiparasitaires, en médecine tant humaine que vétérinaire.

Aucune évidence scientifique n’existe selon laquelle les génériques seraient en moyenne moins efficaces que les princeps. En revanche, l’efficacité thérapeutique est directement liée à la qualité du médicament mis sur le marché. Or, la recherche du coût le plus faible, ainsi que la maximisation des profits ne sont pas des facteurs en faveur de la qualité. Les autorités de contrôle ont donc un rôle considérable à jouer afin d’assurer que le médicament commercialisé, qu’il soit générique ou princeps, soit d’une qualité sans faille.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ÉLÉMENTS À RETENIR

→ La bioéquivalence est le principe sur lequel est fondée la notion de médicament générique.

→ La bioéquivalence permet d’espérer obtenir en pratique la même efficacité clinique.

→ Aucune étude scientifique valide ne corrobore l’idée d’une moindre efficacité générale des génériques.

→ La prudence est nécessaire lors de la substitution pour les médicaments dont la marge thérapeutique est étroite.

ENCADRÉ 1 : DÉFINITION DES CRITÈRES DE BIOÉQUIVALENCE

→ La moyenne géométrique d’une série discrète de n valeurs positives non nulles est la racine nième du produit des n valeurs. Pour une bonne compréhension, une définition plus triviale peut être donnée en énonçant que la moyenne géométrique est à la multiplication ce que la moyenne arithmétique est à l’addition.

Pour la calculer, il suffit de transformer chaque valeur de la série en son logarithme, puis de rechercher la moyenne arithmétique de ces logarithmes et, enfin, de prendre l’antilogarithme de cette moyenne :

log x = 1/n (log x1 + log x2 + … + log xn)

L’intérêt d’utiliser une moyenne géométrique plutôt qu’une moyenne arithmétique est sa moindre sensibilité aux valeurs extrêmes de la série. Elle donne une meilleure estimation de la tendance centrale des données.

→ L’intervalle de confiance (IC) à 90 % (IC 90) de la moyenne d’un paramètre consiste à calculer, à partir de la moyenne mesurée au sein d’un échantillon, l’intervalle de valeurs à l’intérieur duquel il existe 90 % de chances de trouver la moyenne du paramètre dans la population étudiée.

Il se calcule à partir de la moyenne et de la taille de l’échantillon, de l’écart type au sein de celui-ci et d’une constante de distribution dépendant du degré de confiance des marges de liberté souhaités.

Ces calculs sous-tendent deux hypothèses principales : l’échantillon a été sélectionné aléatoirement à partir de la population et la distribution de la variable étudiée est approximativement gaussienne dans la population (si cette seconde hypothèse n’est pas vraie, il existe des méthodes statistiques de rééchantillonnage pour contourner cette difficulté).

L’IC d’une moyenne arithmétique est centré sur la moyenne calculée à partir de l’échantillon. Ce n’est pas le cas de l’IC d’une moyenne géométrique (car l’IC de la moyenne des logarithmes est d’abord calculé, avant de prendre l’antilogarithme de chaque borne de l’intervalle). C’est pourquoi les bornes d’acceptabilité de l’IC 90 du ratio des moyennes générique/princeps ne sont pas centrées sur 1.

ENCADRÉ 2 : ANTIBIOTIQUES GÉNÉRIQUES

Une attention toute particulière est actuellement apportée aux antibiotiques génériques en raison des complications dues à l’antibiorésistance.

Les soupçons de moindre efficacité de cette famille thérapeutique qui ont été soulevés sont en général liés à la qualité de la fabrication (impuretés, solubilité et stabilité mises en question).

Les antibiotiques ne sont pas considérés comme des médicaments à marge thérapeutique étroite.

Leur intervalle d’acceptabilité de la bioéquivalence est de 0,8 à 1,25.

Les essais de bioéquivalence étudient les différences génériques/princeps au niveau de la concentration plasmatique maximale (Cmax) et de l’aire sous la courbe (ASC).

Ces paramètres sont pertinents pour les antibiotiques concentrationdépendants (paramètre pertinent : Cmax/concentration minimale inhibitrice [CMI]) et les antibiotiques “mixtes” (paramètre pertinent : ASC/CMI).

En revanche, pour les antibiotiques temps-dépendants (le paramètre d’efficacité est le temps pendant lequel l’antibiotique se trouve au-dessus de la CMI), leur efficacité thérapeutique est plus fortement liée à la modalité d’administration (injections journalières répétées, voire perfusion) qu’aux différences de biodisponibilité.

À qualité de fabrication égale, pour pouvoir appréhender les éventuelles différences d’efficacité in vivo des génériques d’antibiotiques par rapport aux princeps, il convient d’étudier les courbes de biodisponibilité par rapport à la CMI et cela pour chaque couple antibiotique-bactérie. Il ne peut donc exister de réponse générale et de nombreuses études restent à réaliser pour répondre scientifiquement aux controverses soulevées par les antibiotiques génériques.

De plus, une part importante de l’efficacité thérapeutique dépend de la bonne utilisation des antibiotiques par le vétérinaire dans sa pratique quotidienne (isolement de la bactérie pathogène quand c’est possible, prise en compte des paramètres pharmacocinétique [PK]/pharmacodynamique [PD], modalités d’administration correctes, etc.). La formation continue revêt une importance considérable dans ce domaine.

ENCADRÉ 3 : RAISONS ÉVOQUÉES LORS DE SUSPICION D’UNE MOINDRE EFFICACITÉ DES GÉNÉRIQUES

→ Une insuffisance de bioéquivalence L’établissement de la bioéquivalence se fonde sur des concepts mathématiques de comparaison de moyennes, et les statistiques n’apportent qu’une connaissance probabiliste de ce qui se passe au sein de la population. Il est donc toujours possible de suspecter que, pour un générique donné, la bioéquivalence ne soit pas réelle pour une fraction importante de la population.

En médecine humaine, des complications ont été rapportées avec les antiépileptiques, les immunosuppresseurs et, encore très récemment, en 2017, avec un générique de la lévothyroxine qui provoque, semble-t-il, des effets indésirables notoires chez de nombreux patients. Toutes ces interrogations concernent des médicaments à marge thérapeutique étroite et, bien que ces génériques aient montré expérimentalement une bioéquivalence avec un intervalle d’acceptabilité resserré de 0,9 à 1,11, la substitution d’une spécialité n’est pas toujours exempte de complications, en raison des variations interindividuelles de biodisponibilité possibles.

Toutefois, les méta-analyses de la médecine factuelle réalisées dans l’objectif d’appréhender une insuffisance d’efficacité thérapeutique des génériques ne mettent pas en évidence de différence significative. Une analyse rétrospective conduite par la Food and Drug Administration (FDA) sur 2 070 études de bioéquivalence menées entre 1996 et 2007 a montré que la différence moyenne (± écart type) des aires sous la courbe (ASC) et concentrations plasmatiques maximales (Cmax) entre les médicaments de référence et les génériques était respectivement de 3,56 % (± 2,85 %) et de 4,35 % (± 3,54 %), et que, dans 98 % des cas, elle était inférieure à ± 10 %. Il apparaît donc que les différences moyennes mesurées sont faibles dans l’immense majorité des cas.

Ces interrogations illustrent la problématique majeure des génériques, celle de la substitution.

Attendre une efficacité identique chez un individu donné, en substituant une spécialité par une autre, revient à imaginer que la bioéquivalence individuelle soit prévisible. Pour une substance active donnée, il existe, pour chaque individu, des variations de la biodisponibilité par rapport à la moyenne de la population qui peuvent engendrer des fluctuations d’efficacité thérapeutique. Ainsi, lors de traitements longs, la substitution du princeps par le générique peut s’accompagner d’une différence d’effets cliniques. Ces phénomènes de substitution ne signifient pas que le générique est moins efficace. Ils peuvent se produire également si un générique est remplacé par le princeps. Ils illustrent la difficulté de substituer une spécialité par une autre lorsqu’une substance active possède des marges thérapeutiques étroites, en raison des variations interindividuelles.

Actuellement, il n’existe aucune preuve scientifique que les génériques soient en moyenne moins efficaces que les princeps. Les difficultés liées à la substitution ne sont que le reflet de notre méconnaissance de la bioéquivalence individuelle.

→ Des facteurs extrinsèques au médicament

En pratique quotidienne, la perception de l’efficacité clinique est fréquemment subjective. Cette subjectivité est présente à la fois chez le prescripteur et chez le propriétaire de l’animal.

Les facteurs qui l’influencent sont :

– le discours du thérapeute ;

– les croyances de la société influencée par les lobbies pharmaceutiques ;

– la résistance aux changements d’habitude.

Chez l’homme, l’influence des facteurs extrinsèques, psychologiques en particulier, est grande. Les effets placebo et nocebo revêtent une importance considérable dans le succès ou l’échec thérapeutique. Même s’il est difficile d’extrapoler en médecine vétérinaire les observations faites en médecine humaine, ces facteurs jouent néanmoins un rôle non négligeable.

Les discours tenus par l’industrie pharmaceutique à l’attention des vétérinaires sont partiaux et susceptibles d’influencer le jugement des praticiens. Les laboratoires fabricants de princeps ont tout intérêt à tenir un discours en défaveur de l’efficacité des génériques auprès des vétérinaires, et ce d’autant plus qu’aucune caisse de remboursement des frais médicaux n’exige la substitution du princeps par un générique. Convaincre le vétérinaire que les génériques sont par nature moins efficaces est donc un bon moyen de continuer à vendre, à bon prix, un médicament princeps tombé dans le domaine public.

Le discours du praticien vis-à-vis du propriétaire de l’animal joue également un rôle non négligeable sur la perception, par ce dernier, de l’efficacité clinique. Si le propriétaire a tendance à penser que les génériques ne sont pas aussi efficaces que le princeps, le moindre événement sera interprété par lui comme relevant de l’utilisation du générique.

Enfin, pour la majorité des vétérinaires, comme pour les autres individus, changer ses habitudes n’est pas toujours aisé.

– La qualité intrinsèque des constituants

Les exigences qualitatives des constituants sont les mêmes pour tous les médicaments qui possèdent une autorisation de mise sur le marché. Les génériques sont en moyenne davantage contrôlés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Les taux de non-conformité sont comparables entre les génériques et les princeps.

En savoir plus

– ANSM. Les médicaments génériques : des médicaments à part entière. Rapport de décembre 2012.

– Davit BM, Nwakama PE, Buehler GJ et coll. Comparing generic and innovator drugs: a review of 12 years of bioequivalence data from the United States Food and Drug Administration. Ann. Pharmacother. 2009;43(10):1583-1597.

– Hecquard P. Le médicament générique. Rapport du Conseil national des médecins, session du 4 février 2010.

– Hugnet C. Limites scientifiques de l’autorisation de mise sur le marché des médicaments génériques. Bull. Acad. Vét. France. 2014;167(2):153-156.

– Juillet Y et coll. Médicaments génériques. Rapport de l’Académie nationale de pharmacie. 2012:1-88.

– Quillon B. La controverse des médicaments génériques à marge thérapeutique étroite et la perception du médicament générique des patients d’officine en Isère. Thèse de la Faculté de pharmacie de Grenoble. 2013:109p.

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