Principe d’action et propriétés du laser thérapeutique - Pratique Vétérinaire Equine n° 191 du 01/07/2016
Pratique Vétérinaire Equine n° 191 du 01/07/2016

Thérapies complémentaires

Dossier

Le laser thérapeutique chez le cheval

Auteur(s) : Émilie Dallongeville*, Sacha Brévault**, Gwenola Touzot-Jourde***

Fonctions :
*Oniris Nantes
Atlanpôle La Chantrerie
route de Gachet
CS 40706
44307 Nantes Cedex 3
**3, rue des Planches,
50300 Saint-Jean-de-la-Haize
***Oniris Nantes
Atlanpôle La Chantrerie
route de Gachet
CS 40706
44307 Nantes Cedex 3

La thérapie par le laser semble prometteuse chez le cheval. Cet article présente les principes de base de l’action thérapeutique de ce procédé, la photobiomodulation.

L’utilisation du laser thérapeutique est un sujet émergent en pratique équine. Cet article se propose de faire le point sur les données publiées dans toutes les espèces afin de comprendre le fonctionnement et les indications de la photobiomodulation. Plus de mille publications étayent ainsi les propriétés photochimiques du laser, dont la majorité prend pour modèle l’homme ou les animaux de laboratoire. Les propriétés électromécanique, photo-ablative et thermique du laser qui lui confèrent son utilisation chirurgicale ne sont pas traitées ici (tableau 1).

Caractéristiques de la lumière

La lumière possède une double nature, ondulatoire et corpusculaire. Selon la longueur d’onde qui la caractérise, la lumière possède un nom et une énergie différentes (figure 1).

Caractéristiques d’un laser : comment décoder la notice et les publications

Tout traitement laser quelle que soit sa finalité est caractérisé par :

– sa longueur d’onde en nanomètres (nm) : est comprise généralement dans le rouge et le proche infrarouge ;

– son énergie en joules (J) : quantité de photons reçus par la cible durant le traitement, donc à l’énergie dont ils sont vecteurs ;

– le temps d’exposition en secondes (s) : durée d’irradiation de la cible. En mode pulsé, il correspond à la somme des durées de chaque impulsion. Son choix dépend de l’indication pour laquelle le laser est utilisé (profondeur des tissus notamment) et des paramètres propres à celui-ci (mode, puissance, etc.) ;

– la surface d’exposition en centimètres carrés : surface irradiée en cours de traitement. Elle dépend de la forme du faisceau, de sa divergence et de la distance séparant le laser de sa cible ;

– sa puissance en watts (W) : quantité de joules reçus par seconde. Elle dépend du mode utilisé : en mode pulsé, la notion de puissance instantanée diffère de celle de puissance moyenne. C’est à la puissance instantanée qu’il convient de se référer pour anticiper le type d’action provoqué ;

– sa fluence (J/cm2) : elle est aussi appelée densité d’énergie ou dose ;

– son irradiance (W/cm2) : puissance délivrée par unité de surface. Elle est aussi appelée densité de puissance ou éclairement énergétique ;

– son mode d’émission : il existe deux types d’émission de la lumière : pulsé ou continu. L’émission continue permet de délivrer une quantité constante d’énergie au cours du temps, donc une puissance homogène sur toute la durée du traitement. L’émission pulsée délivre des pulses de très courte durée (de l’ordre de la milliseconde), mais de puissance instantanée très importante. Certains lasers sont capables d’émettre alternativement en mode continu et en mode pulsé ;

– son faisceau (forme, profil et divergence) : la forme est propre au type de laser utilisé, et peut être circulaire (HeNe), ovale (diode) ou rectangulaire. En règle générale, la densité de photons est maximale au centre du faisceau et minimale en périphérie. Cette répartition est de type gaussien. La divergence, elle, quantifie la différence entre le parallélisme parfait théorique des ondes et la réalité du laser. Elle permet de prédire l’augmentation du diamètre des tâches (= projections du laser sur la surface cible) en fonction de l’éloignement qui existe entre le laser et le tissu traité [10bis].

Principe de la photobiomodulation

Au sein des tissus biologiques, il existe des molécules particulières capables de transformer l’énergie des photons en réactions chimiques cellulaires : ce sont les chromophores. Ces derniers sont situés dans la membrane des organites cellulaires. Les principaux chromophores présents dans les tissus sont :

– des protéines : hémoglobine, oxyhémoglobine, cytochrome C oxydase ;

– des vitamines : vitamine A (rétinol) ;

des pigments : mélanine, β-carotène.

L’eau possède également des propriétés d’absorption.

Chaque chromophore possède un spectre d’absorption de la lumière qui lui est propre. Chaque spectre présente un ou plusieurs pics qui correspondent aux longueurs d’onde qui l’activent. Ces longueurs d’onde sont comprises dans l’ultraviolet et le domaine du proche infrarouge. Sur le plan thérapeutique, ce sont les longueurs d’onde plus énergétiques du proche infrarouge qui ont été exploitées afin de pénétrer dans les tissus. L’eau a un comportement différent car elle absorbe le rouge, l’infrarouge proche mais aussi lointain (figure 2).

L’existence de ces chromophores permet de comprendre l’effet photochimique du laser. En soumettant des tissus vivants à une irradiance faible (10-4 à 10-2 W/cm2) et pour des temps d’exposition longs (plusieurs minutes), les photons traversent les tissus de manière neutre. Ils sont seulement absorbés par les chromophores lorsque ceux-ci sont dans un certain état d’excitabilité électronique.

Ainsi, la thérapie laser de faible intensité, en ciblant de manière sélective les chromophores des cellules lésées, permet une stimulation orientée du métabolisme cellulaire (figure 3).

Effet attendu sur la cytochrome C oxydase

La cytochrome C oxydase est fixée sur la membrane interne des mitochondries. Il participe, via la phosphorylation oxydative, à la production d’adénosine triphosphate (ATP) cellulaire. L’ATP étant la monnaie énergétique de la cellule, la photobiomodulation se retrouve donc au centre de son métabolisme.

Lors d’un stress oxydatif, la production d’ATP est perturbée, et des prostaglandines et cytokines (molécules de l’inflammation) sont libérées dans le cytoplasme cellulaire.

Stimulé par une longueur d’onde de 800 nm, la cytochrome C oxydase participe au relancement du métabolisme cellulaire après un stress. Ainsi, une élimination des radicaux libres et la stimulation de la production de monoxyde d’azote sont observées. La production protéique s’en trouve activée et l’agrégation plaquettaire diminuée.

L’activation de la cytochrome C oxydase permet donc d’obtenir des effets anti-inflammatoires, analgésiques et vasodilatateurs (figure 4).

Effet attendu sur l’eau

L’eau est un composant majoritaire des êtres vivants. Elle est omniprésente dans les organismes vertébrés. Activée à une longueur d’onde de 970 nm, elle est à l’origine d’un différentiel de température qui va modifier les gradients de pression et améliorer la microcirculation.

Ainsi, l’effet de la photobiomodulation sur l’eau améliore la microcirculation.

Effet attendu sur l’hémoglobine

L’hémoglobine est responsable du transport de l’oxygène tissulaire.

Sensible aux photons de longueur d’onde 905 nm, son activation va provoquer la libération de l’oxygène qu’elle transportait, et ainsi contribuer à la synthèse aérobie d’ATP et à la fourniture de nouveaux transporteurs disponibles pour les échanges pulmonaires.

Finalement, l’effet de la photobiomodulation sur l’hémoglobine améliore le transport de l’oxygène dans les tissus ciblés et augmente la synthèse d’ATP.

Effet attendu sur la mélanine

La mélanine est un pigment cutané présent en plus ou moins grande quantité selon la pigmentation des individus. Lors d’une exposition à une longueur d’onde de 660 nm, un effet thermique sur la peau est observé, donc une augmentation de la microcirculation, mais aussi une modification de la protéine HSP70. Cela conduit à une multiplication des fibroblastes, à une hausse de la synthèse de collagène et à une diminution des processus inflammatoires.

Ainsi, l’effet de la photobiomodulation sur la mélanine conduit à une potentialisation de certains facteurs de la cicatrisation cutanée.

Quel type de laser utiliser en pratique équine ?

Actuellement, la classification proposée plus haut semble obsolète ou incomplète. Elle ne permet pas clairement de différencier les lasers du marché, notamment en ce qui concerne le nombre de longueurs d’onde délivrées. Quels sont les paramètres à prendre en compte pour le choix d’une machine dans l’espèce équine ?

– la puissance ;

– les longueurs d’onde délivrées ;

– le poids de la machine ;

– la rusticité de la machine.

Puissance

En ce qui concerne la puissance, plus un laser est puissant plus il va être adapté à la pratique équine. Mais ce n’est pas si simple : les tissus biologiques répondent de manière biphasique au rayonnement laser. Il convient d’appliquer la juste dose aux cellules pour qu’elles répondent correctement. Si l’irradiation n’est pas suffisante, aucune réponse cellulaire n’est observée, si elle est trop forte, l’apoptose cellulaire a lieu.

La notion de réponse biphasique est essentielle à retenir car elle peut expliquer l’inefficacité du laser lors de certains essais. Ainsi des revues systématiques ou des méta-analyses d’essais contrôlés et randomisés expliquent que l’inefficacité du laser observée dans des études peut être liée à un surdosage [7, 38]. Il convient donc de respecter un juste équilibre entre irradiance et temps d’application (tableau 2).

Chez le cheval, encore plus que chez les autres espèces, la notion de pénétrance du rayonnement laser est cruciale. Le cheval a une peau épaisse, généralement sombre et en raison de sa grande taille, les zones à traiter sont généralement de grande taille et d’une profondeur qui varie du centimètre à la dizaine de centimètres.

L’intérêt des modes d’émissions pulsée et super pulsée est ainsi vraiment un plus dans l’espèce équine car elles permettent réellement une pénétration plus profonde de l’énergie.

Une grande puissance, sans mode pulsé, peut être délétère pour les tissus car ce sont les tissus superficiels qui vont être exposés à des doses trop importantes.

Finalement, comme pour les médicaments, nous recherchons la fenêtre thérapeutique. Pour l’instant, nous manquons cruellement de données pour cela. En médecine humaine, les données sont déjà peu nombreuses, mais en médecine vétérinaire équine, elles n’existent pas alors que le dosage conditionne le succès thérapeutique.

Longueurs d’onde délivrées

La diversité des longueurs d’onde délivrées semble un atout car chaque longueur d’onde induit un effet spécifique.

Poids de la machine

La particularité de l’exercice chez le cheval nécessite des machines légères car de part sa grande taille et son émotivité, il est important de pouvoir bouger pendant la réalisation des traitements, mais aussi de porter aisément la machine pendant les 30 minutes que dure parfois la séance.

Rusticité de la machine

Les points clés sont une ventilation optimale des diodes (attention aux poils et aux poussières d’écurie), un cable optique pas trop fragile, une mallette pour un stockage et un transport dans les meilleures conditions possibles.

Types d’effets obtenus grâce à la photobiomodulation

Après une présentation des principes fondateurs de la photobiomodulation, la seconde partie de cet article propose un état des lieux des effets de la photobiomodulation scientifiquement observés dans différentes espèces. Des progrès considérables dans la compréhension des mécanismes biomoléculaires sous-jacents sont advenus. Néanmoins, certains de ces processus demeurent obscurs et requièrent des études complémentaires.

Les grands types d’effets de la photobiomodulation à l’échelle de l’organisme sont les suivants :

– effets principaux : analgésie, cicatrisation, prorégénération, acupuncture, actions anti-inflammatoire et antimicrobienne ;

– effets prometteurs : néovascularisation, stimulation de la prolifération des cellules souches, régénérescence nerveuse.

Ne sont développés ici que les effets majeurs : l’analgésie, et les activités anti-inflammatoire et procicatrisante (figure 5).

Analgésie

L’analgésie est très certainement le domaine dans lequel la thérapie laser faible intensité a été le plus étudiée [13]. De nombreuses méta-analyses récentes sont en effet disponibles, majoritairement en médecine humaine.

La douleur résulte d’une succession de cinq étapes permettant l’intégration centrale d’un message nociceptif initialement périphérique :

– la transduction : intégration du stimulus douloureux par les nocicepteurs et transformation en un message douloureux ;

– la transmission : conduction du message par les fibres Ad et C jusqu’à la corne dorsale de la moelle épinière ;

– la modulation : grâce à différents neuropeptides dans la moelle épinière (endorphines, encéphaline, noradrénaline, sérotonine, acide g-amino-butyrique [GABA]) ;

– la projection : transfert du message douloureux depuis la corne dorsale de la moelle épinière jusqu’aux centres intégrateurs : formation réticulée, hypothalamus et thalamus ;

– la perception : intégration de ce message par le cortex cérébral.

La thérapie laser agit sur les étapes suivantes :

– la modulation ;

– la transmission ;

– la transduction (figure 6).

Action sur la transduction

Les radiations laser vont relever le potentiel d’action (PA) des terminaisons nerveuses endommagées en rendant leur dépolarisation plus difficile. Cette action concerne à la fois les fibres Ad (rapides) et les fibres C (lentes) du système nerveux périphérique. Le blocage de la dépolarisation va gêner l’ouverture des canaux sodiques et limiter la naissance d’un PA. Tsuchiya et coll. ont ainsi montré en 1994 que, en irradiant à 830 nm le nerf saphène, le potentiel d’action est inhibé à la suite d’un stimulus douloureux [37].

Action sur la transmission

Une méta-analyse réalisée par Chow et coll. en 2010 démontre très bien l’action du laser de type LLLT (low level laser therapy) sur la transmission du message nociceptif [12]. Ainsi, chez l’homme, sur 18 études, 13 montrent une diminution de la vitesse de conduction et/ou du potentiel d’action au niveau des nerfs périphériques. Il est également décrit que le LLLT inhibe la libération de substance P, un neuromédiateur impliqué dans la transmission d’un stimulus nociceptif.

Action sur la modulation

Des expériences de dosage direct ou indirect des neurotransmetteurs impliqués dans la modulation du stimulus nerveux ont clairement mis en évidence l’effet du LLLT. Ainsi, l’exposition au LLLT induit :

– une augmentation significative du taux d’endorphines sanguines ;

– une diminution de la concentration urinaire d’un des produits de dégradation de la sérotonine, suggérant une hausse de la sérotonine après le laser chez des individus arthrosiques ;

– un effet antalgique du laser annulé en partie par la naloxone [18, 23, 32, 41].

De plus, selon certains auteurs, l’énergie absorbée lors de traitement au LLLT agit préférentiellement sur les fibres Ad et Ab, avec, pour conséquence, des effets inhibiteurs sur les neurones à convergences [2, 24, 34].

Action anti-inflammatoire

L’action anti-inflammatoire du laser participe aux effets cicatrisants et analgésiques décrits auparavant.

Effets biologiques similaires à ceux obtenus lors de l’administration d’anti-inflammatoires

Une revue systématique réalisée en 2010 par Bjordal et coll. de 194 études réalisées in vitro ou in vivo a montré l’effet anti-inflammatoire de la thérapie laser faible intensité [7]. Celui-ci a été mis en évidence pour tous les tests de laboratoire et pour toutes les phases de l’inflammation avec des longueurs d’onde comprises entre 633 et 904 nm. L’effet anti-inflammatoire induit par le laser est similaire à celui qui est obtenu avec les AINS, mais semble légèrement inférieur à celui qui résulte de l’injection de gluco­corticoïdes. Les résultats positifs sont obtenus pour des puissances comprises entre 2,5 et 100 mW, des temps d’irradiation de 16 à 600 secondes et des doses d’énergie délivrées allant de 0,6 à 9,6 J.

Plusieurs articles mettent ces effets étonnants en évidence :

– Pallotta et coll. ont montré en 2012 qu’une radiation de 810 nm chez des rats atteints d’arthrite aiguë est équivalente à une administration de 1 mg/kg de diclofénac ;

– Ma et coll. ont également mis en évidence en 2012 que la diminution de l’inflammation oculaire de lapins atteints d’endophtalmite bactérienne traitée au laser est comparable à celle produite par l’injection intravitréenne de 0,2 mg de dexaméthasone [28, 31].

Actions sur les médiateurs de l’inflammation et les cellules inflammatoires

Les mécanismes d’action anti-inflammatoire du laser commencent à être assez bien connus :

– une diminution de la concentration des cytokines pro-inflammatoires : interleukine (IL)-6, IL-1, facteur de nécrose tumorale (TNF)-α ;

– une baisse de la synthèse des prostaglandines ;

– une action sur les médiateurs circulants de l’inflammation : par exemple, une diminution de l’activité de la bradykinine qui est un puissant neuropeptide pro-inflammatoire [12].

Ces phénomènes s’accompagnent des réponses cellulaires suivantes :

– une diminution du nombre de polynucléaires neutrophiles sur le site de l’inflammation ;

– une stimulation de l’activité phagocytaire des polynucléaires neutrophiles et des macrophages [9, 15, 28, 31, 34].

Vasodilatation

Larkin et coll. indiquent qu’une irradiation avec un laser de classe 4 est efficace pour augmenter le flux sanguin dans les tissus mous [26].

Il est possible d’induire via la photobiomodulation une libération de monoxyde d’azote qui va provoquer cette vasodilatation. Il s’agit d’un des mécanismes les mieux mis en évidence.

Ainsi, le monoxyde d’azote (NO) est un radical libre formé dans les tissus biologiques par l’action d’une enzyme appelée NO synthase.

Une augmentation de la concentration en NO est mise en évidence à la suite d’un traitement au laser thérapeutique [14, 40, 42].

Une partie du NO agit directement dans la cellule. Une autre partie est libérée et provoque une vasodilatation à la suite d’une relaxation des muscles lisses de l’endothélium vasculaire (action sur la guanosine monophosphate cyclique [GMPc]).

Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquer l’origine de l’augmentation de la concentration en NO après irradiation :

– la lumière laser pourrait accroître l’activité d’une isoforme de la NO synthase ;

– le NO serait libéré à la suite d’une dissociation par photolyse à partir des réserves cellulaires telles que les thionitrites, l’hémoglobine et la myoglobine ;

– le NO module la respiration cellulaire en se fixant de manière réversible à la cytochrome C oxydase. À la suite de l’action des rayons laser, le NO se dissocierait de la cytochrome C oxydase, levant ainsi son action inhibitrice. Cette hypothèse permettrait d’expliquer l’augmentation simultanée de la respiration et de la concentration en NO ;

– plus récemment, il a été suggéré que l’induction de la production de NO passe par une augmentation de l’activité de la nitrite réductase de la cytochrome C oxydase. Ball et coll. montrent que des radiations de 590 nm stimulent la synthèse de NO par la cytochrome C oxydase dans des conditions d’hypoxie et pour des concentrations physiologiques de nitrites (NO2-) [3, 8, 19, 27, 36, 42].

Cette vasodilatation permet une meilleure circulation des cellules inflammatoires, une plus grande efficacité de l’élimination des déchets métaboliques locaux et la disparition de l’œdème (dilatation des vaisseaux lymphatiques). Elle participe donc activement à l’effet anti-inflammatoire du laser. Elle améliore également la perfusion locale en oxygène.

Action cicatrisante

L’action cicatrisante du laser a pu être mise en évidence sur plusieurs types de tissus : osseux, cartilagineux et cutané principalement, mais aussi tendineux et nerveux.

Action cicatrisante sur l’os et le cartilage

En 2012, Ebrahimi et coll. ont réalisé une méta-analyse regroupant 25 essais étudiant l’action du laser sur les os in vivo et in vitro [17].

Sur les 13 études in vitro, 11 ont démontré une accélération de la prolifération et de la différenciation cellulaire à la suite des radiations laser. Toutes les études in vivo (12/12) ont relevé une accélération de la cicatrisation osseuse sur les sites traités au laser.

Les mécanismes d’action mis en jeu sont :

– une augmentation de l’expression génique de l’ostéopontine et de l’ostéocalcine ;

– une augmentation de l’activité de la phosphatase alcaline favorisant la prolifération des ostéoblastes et la consolidation osseuse.

Histologiquement, les fibres de collagène apparaissent mieux organisées et un accroissement de leur dépôt est observé.

En ce qui concerne le cartilage, plusieurs études chez des lapins ont mis en évidence une stimulation de la chondrogenèse et une action prorégénérative (radiations à 630 et à 890 nm) [35]. Un autre effet extrêmement intéressant est l’activité chondroprotectrice mise en évidence par l’équipe de Bayat en 2004 à la suite d’une période d’immobilisation [4].

Action cicatrisante sur la peau

L’effet cicatrisant du laser sur les plaies a été la première application clinique de la photobiomodulation à la suite de travaux de Mester en 1967, qui ont pu démontrer une accélération de la cicatrisation cutanée chez des rats, puis chez des patients humains après irradiation à une longueur d’onde de 694 nm [29]. De nombreuses publications montrent une action du laser sur les phases inflammatoire et détersive, proliférative et de remodelage de la cicatrisation dans beaucoup d’espèces. Toutefois, la seule étude publiée chez le cheval par Petersen et coll. en 1999 ne montre pas d’effet sur la cicatrisation de plaies métacarpo-phalangiennes après l’utilisation du laser GaAlAs à 2 J/cm2 [33]. Il est probable que les particularités physiologiques de la cicatrisation cutanée du cheval par rapport aux autres espèces (tendance à l’hypergranulation) expliquent les résultats de cette étude. Notre expérience personnelle nous pousserait à coupler le laser avec les méthodes habituellement utilisées pour prévenir l’hypergranulation chez le cheval (corticothérapie topique et bandages, par exemple).

Action cicatrisante sur les tendons

La photobiomodulation induit sur les tendons lésés :

– une diminution de l’inflammation ;

– une augmentation de l’angiogenèse ;

– une hausse de l’activité fibroblastique ;

– une élévation de la production de collagène ;

– une augmentation de la résistance de la cicatrice tendineuse ;

– une baisse de la douleur.

Malgré toutes ces propriétés extrêmement intéressantes, il n’existe aucune méta-analyse validant l’utilisation du laser dans le traitement des tendinites. En effet, en 2010, Tumilty et coll. ont montré que, sur 25 articles sélectionnés traitant de la prise en charge de tendinites du tendon d’Achille et d’épicondylites humérales chez l’homme, seulement 12 études font état des effets positifs de la thérapie laser [38]. L’absence de consensus sur les réglages du laser et la fréquence des séances participe très certainement de ces résultats mitigés.

Cet article propose une fourchette de réglages :

– une longueur d’onde de 904 nm ;

– une puissance pour une structure superficielle inférieure à 100 mW/cm2 ;

– une puissance pour une structure profonde jusqu’à 600 mW/cm2.

Le couplage d’exercices de physiothérapie (par exemple, une contraction excentrique dans le cas du talon d’Achille) et du laser semble procurer de meilleurs résultats que chacune des méthodes réalisée seule [39].

Plus récemment, une étude sur des tendinites induites chez le mouton a démontré l’effet anti-inflammatoire et l’action sur la multiplication des fibroblastes et l’angiogenèse du laser à l’examen histologique [25].

Chez le cheval, il n’existe pas d’étude publiée actuellement concernant l’utilisation efficace ou non du laser sur la cicatrisation tendineuse. Une thèse vétérinaire encourageante a toutefois été réalisée en 2001 à VetAgro Sup [1].

Action cicatrisante sur les tissus nerveux

La dernière famille de tissus sur laquelle les propriétés prorégénérative du laser semblent très prometteuses est le tissu nerveux.

Les premiers travaux concernant la régénération et la récupération fonctionnelle des nerfs après une blessure de la moelle épinière ont été réalisés dans les années 1980. Ils montrent une amélioration de la myélinisation et de la conduction du signal après traitement au laser HeNe [21]. Des études démontrent que la lumière favorise la régénération et la récupération fonctionnelle de la moelle épinière chez des rats blessés, mais qu’elle altère également la réponse immunitaire des cellules de la moelle épinière [11].

La thérapie laser a également été envisagée pour le traitement de maladies cérébrales dégénératives telles que la sclérose amyotrophique latérale, la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson [22].

Conclusion

La photobiomodulation possède des champs d’action très vastes (activités analgésique, anti-inflammatoire, procicatrisante) qui font son intérêt, mais qui la desservent aussi, la rendant moins lisible. Richement étayée par de nombreuses publications scientifiques, elle commence toutefois à être mieux comprise. Le cheval, par son utilisation sportive, sa relative fragilité et son tempérament souvent anxieux, paraît un candidat idéal pour ce type de thérapeutique extracorporelle. Les progrès technologiques des 10 dernières années ont permis une révolution dans le matériel utilisé, avec des machines plus petites et des temps de traitement plus courts. Cette évolution entraînera très probablement le développement de la thérapie laser faible intensité chez les équidés. De nouvelles études sont nécessaires pour établir des protocoles de soins précis adaptés aux chevaux. Nous vous proposons de vous faire part de notre expérience dans les articles suivants.

  • 1. Ascher P. Étude expérimentale d’un traitement des tendinites induites du tendon fléchisseur superficiel du cheval à l’aide d’un rayonnement laser. Thèse Méd. Vét., Lyon, n° 97, 2001.
  • 2. Azizi A, Sahebjamee M, Lawaf S et coll. Effects of low-level laser in the treatment of myofascial pain dysfunction syndrome. J. Dent. Res. Dent. Clin. Dent. Prospects. 2007;1:53-58.
  • 3. Ball KA, Castello PR, Poyton RO. Low intensity light stimulates nitrite- dependent nitric oxide synthesis but not oxygen consumption by cytochrome c oxidase : implications for phototherapy. J. Photochem. Photobiol. B : Biol. 2011;102:182-191.
  • 4. Bayat M, Ansari A, Hekmat H. Effect of low-power helium-neon laser irradiation on 13-week immobilized articular cartilage of rabbits. Indian J. Exp. Biol. 2004;42:866-870.
  • 5. Bille C. Douleur aiguë : intérêt d’une prise en charge multimodale. L’Essentiel. 2011;202:14-17.
  • 6. Binvel MS. Utilisation du laser thérapeutique chez les nouveaux animaux de compagnie. Thèse Méd. Vét., Alfort. 2014.
  • 7. Bjordal JM, Couppe C, Chow RT et coll. A systematic review of low level laser therapy with location-specific doses for pain from chronic joint disorders. Aust. J. Physiother. 2003;49:107-116.
  • 8. Borutaite V, Budriunaite A, Brown GC. Reversal of nitric oxide-, peroxynitrite- and S-nitrosothiol-induced inhibition of mitochondrial respiration or complex I activity by light and thiols. Biochim. Biophys. Acta. 2000;1459:405-412.
  • 9. Boschi E, Leite C, Saciura V et coll. Anti-inflammatory effects of low-level laser therapy (660 nm) in the early phase in carrageenan-induced pleurisy in rat. Lasers. Surg. Med. 2008;40:500-508.
  • 10. Bretenaker F, Treps N. Le laser : 50 ans de découvertes. EDP sciences, Les Ulis. 2010:179p.
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  • 11. Byrnes KR, Waynant RW, Ilev IK et coll. Light promotes regeneration and functional recovery and alters the immune response after spinal cord injury. Lasers Surg. Med. 2005;36:171-185.
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  • 13. Chow RT, Johnson MJ, Lopes-Martins R, Bjordal JM. Efficacy of low-level laser therapy in the management of neck pain: a systematic review and meta-analysis of randomised placebo or active-treatment controlled trials. Lancet. 2009;374:1897-1908.
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  • 19. Karu T. Mitochondrial signaling in mammalian cells activated by red and near-IR radiation. Photochem. Photobiol. 2008;84:1091-1099.
  • 20. Karu T. Mitochondrial mechanisms of photobiomodulation in context of new data about multiple roles of ATP. Photomed. Laser Surg. 2010;28:159-160.
  • 21. Karu T. Ten lectures on basic science of laser phototherapy. Prima Books, Grängesberg. 2007:400p.
  • 22. Karu T. Is it time to consider photobiomodulation as a drug equivalent Photomed. Laser Surg. 2013;31:1-3.
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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

Éléments à retenir

• La photobiomodulation agit, via l’action de la lumière émise par le laser à des longueurs d’onde choisies, sur l’eau, la mélanine, l’hémoglobine et la cytochrome C oxydase.

• Elle permet ainsi d’obtenir un effet analgésique, anti-inflammatoire, cicatrisant sur les tissus ciblés.

• Ces propriétés sont très bien documentées chez l’homme et les animaux de laboratoire.

• Les indications restent cependant à préciser chez le cheval.

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