Comment interpréter un frottis sanguin ? - Pratique Vétérinaire Equine n° 191 du 01/07/2016
Pratique Vétérinaire Equine n° 191 du 01/07/2016

HÉMATOLOGIE

Cahier pratique

Fiche pratique

Auteur(s) : Benoît Rannou

Fonctions : VetAgro Sup, Campus
vétérinaire de Lyon
Laboratoire de biologie
médicale1,
avenue Bourgelat,
69280 Marcy-L’Étoile

L’examen d’un frottis sanguin fait partie intégrante d’un bilan hématologique pour l’évaluation des lignées rouge, blanche ou plaquettaire. Le frottis sanguin apporte en effet de nombreuses informations qui ne sont pas forcément obtenues par les automates d’hématologie, même les plus sophistiqués.

Quel grossissement utiliser ?

Un examen microscopique doit toujours débuter avec un objectif × 10 afin d’examiner la lame rapidement à faible grossissement. Cela permet d’évaluer la densité en érythrocytes (GR) et en leucocytes, des grosses cellules (cellules néoplasiques par exemple) ou des amas de thrombocytes. Il permet aussi de visualiser les portions du frottis qui sont les meilleures pour un examen à plus fort grossissement.

Une fois l’examen à faible grossissement terminé, un second plus approfondi doit être réalisé à l’objectif × 40 en plaçant une lamelle sur la lame si l’objectif l’indique, puis, éventuellement, à l’objectif × 100 avec de l’huile à immersion pour évaluer des détails nucléaires ou confirmer la présence de parasites sanguins (photo 1). Il est également possible d’utiliser un objectif × 50 avec de l’huile à immersion, à la place de l’objectif × 40, mais il est beaucoup plus cher.

Quelle partie du frottis doit être examinée ?

À faible grossissement (objectif × 10), toutes les parties du frottis peuvent et doivent être examinées. L’extrémité et la goutte du frottis permettent de rechercher des agrégats plaquettaires. Lorsque la lecture du frottis est réalisée à l’objectif × 40 ou à l’objectif × 100, seule la partie mince du frottis devrait être examinée et ce, autant pour évaluer les GR que les leucocytes et les thrombocytes. La partie mince du frottis est l’endroit où les GR sont séparés les uns des autres et non pas empilés les uns sur les autres (photo 2).

Évaluation des différentes lignées cellulaires

Évaluation des thrombocytes

Une évaluation du comptage plaquettaire est particulièrement importante lorsqu’un animal est présenté avec des signes cliniques compatibles avec une thrombocytopénie : pétéchies ou ecchymoses sur la peau ou les muqueuses, méléna, épistaxis, hyphème ou saignements prolongés après une ponction veineuse. Dans les cas où la fonction plaquettaire est normale chez un animal thrombocytopénique, des hémorragies spontanées sont généralement notées lorsque le comptage plaquettaire atteint moins des 25 à 40 × 109 thrombocytes/l (soit 25 000 à 40 000 thrombocytes/µl).

La première étape, lors de l’évaluation du comptage plaquettaire, est d’examiner le frottis à faible grossissement (objectif × 10) pour détecter d’éventuels amas de thrombocytes, particulièrement en bout ou à la goutte du frottis (photo 3). Leur présence signifie que les thrombocytes ne sont pas distribués uniformément et que le comptage automatisé ou estimé à partir du frottis est imprécis. L’existence de plusieurs gros amas signifie que le comptage plaquettaire se situe probablement dans la fourchette des valeurs usuelles.

En l’absence d’amas, le nombre de thrombocytes peut facilement être estimé par un examen à fort grossissement (objectif × 100 avec huile à immersion). La moyenne du nombre de thrombocytes par champ au grossissement (G) × 1 000 est calculée sur une dizaine de champs et ensuite multipliée par un facteur de conversion pour obtenir le nombre de thrombocytes × 109/l. Pour les microscopes habituellement utilisés en clinique, le facteur de conversion utilisé est généralement de 20. Par exemple, si une moyenne de 6,5 thrombocytes par champ est calculée, le comptage plaquettaire estimé au frottis est de 130 × 109/l. La valeur du facteur de conversion dépend de la largeur du champ et il devrait être ajusté selon l’objectif et l’oculaire utilisé. Chez un cheval sain et en l’absence d’amas, cinq thrombocytes par champ à G × 1 000 devraient être en moyenne observés.

Évaluation des érythrocytes

L’évaluation des érythrocytes est essentielle chez un animal anémique ou ictérique, car quelques anomalies morphologiques des GR sont caractéristiques de certaines maladies. Pour un examen complet, la distribution, la couleur et la morphologie des GR sont évaluées.

Distribution des érythrocytes

La distribution des GR est évaluée dans la région mince du frottis pour détecter la présence de rouleaux ou d’agglutination (photos 4 et 5). Les rouleaux sont des amas de GR ayant l’apparence de pièces de monnaie empilées. La formation de rouleaux est fréquente chez des chevaux sains et ne doit donc pas être considérée comme pathologique comme c’est le cas chez d’autres espèces (chiens et bovins par exemple). L’agglutination se caractérise par des amas ayant plutôt l’apparence de grappes formées par des immunoglobulines se trouvant à la surface des GR. Ces amas peuvent donner une apparence granulaire au sang.

Un test d’agglutination microscopique peut être utilisé pour distinguer la formation de rouleaux et le phénomène d’agglutination. Deux à quatre gouttes de solution saline physiologique (NaCl 0,9 %) sont mélangées à une goutte de sang, puis une petite quantité de ce mélange est déposée entre la lame et la lamelle et examinée au microscope. Si les amas persistent, un phénomène d’agglutination est présent.

Modifications de couleur : polychromasie et hypochromie

Un polychromatophile est un jeune GR de diamètre plus grand qui contient moins d’hémoglobine qu’un GR mature et qui est plus basophile en raison du nombre élevé de ribosomes et de polyribosomes cytoplasmiques. Chez le chien, le chat et les bovins, le nombre de polychromatophiles augmente lors d’anémie régénérative et indique une érythropoïèse accrue (anémie régénérative). Chez le cheval, les polychromatophiles ne sont normalement pas relâchés par la moelle osseuse et ne sont pas visibles au frottis, même lors d’anémie sévère. Seule une lecture de ponction de moelle osseuse permet de déterminer de manière certaine si une anémie est régénérative ou non.

Les GR hypochromes, également appelés annulocytes, présentent une pâleur centrale de diamètre augmenté et leur présence est généralement associée à une anémie par déficience en fer.

Variation de taille

L’anisocytose se manifeste par l’observation de GR de taille variable et peut être secondaire à la présence de microcytes ou de macrocytes. Les microcytes sont de petits GR notamment présents lors d’anémie par déficience en fer ainsi que lors de certaines anémies d’inflammation. Ils sont difficiles à identifier chez le cheval, les GR étant déjà naturellement de petite taille dans cette espèce.

Les macrocytes sont des GR de diamètre augmenté, qui sont souvent observés lors d’anémie régénérative. Leur observation chez le cheval oriente vers un diagnostic d’anémie régénérative.

Morphologie érythrocytaire

Les échinocytes sont des GR montrant plusieurs fins spicules pointus de longueur égale et répartis uniformément à la surface de la membrane (photo 6). Cette anomalie morphologique est fréquemment rencontrée, mais est en général considérée comme non significative. Les échinocytes peuvent en effet être la conséquence d’un excès d’acide éthylène tétra-acétique (EDTA), d’un séchage trop lent du frottis sanguin ou d’un délai prolongé entre le prélèvement du sang et l’étalement du frottis.

Les sphérocytes sont de petits GR sans pâleur centrale. En grand nombre, ce sont des indicateurs d’anémie hémolytique à médiation immune. Ils ne sont pas faciles à identifier chez le cheval puisque les GR dans cette espèce sont naturellement de petite taille et sans pâleur centrale.

Des corps de Howell-Jolly, petites inclusions basophiles à l’intérieur des GR, sont parfois observés, notamment lors d’anémie régénérative. Ils correspondent à?des?fragments de noyaux.

Les corps de Heinz et les eccentrocytes sont deux anomalies morphologiques, indicateurs de dommage oxydatif pour les GR (par exemple secondaire à l’ingestion de feuilles d’érable rouge séchées, d’ail, ou à un surdosage de phénothiazine). Les corps de Heinz sont reconnus par une protubérance rosée ou une inclusion pâle près de la membrane cellulaire. Ils deviennent proéminents et très basophiles lorsque le frottis sanguin est coloré au nouveau bleu de méthylène ou au bleu de crésyl. Les eccentrocytes se caractérisent par une distribution excentrée de l’hémoglobine d’un seul côté de la cellule avec une région claire du côté opposé.

Les acanthocytes, kératocytes et schizocytes sont des GR de forme anormale qui apparaissent généralement lors de fragmentation érythrocytaire. Cette fragmentation peut être observée lors de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ou d’anémie par déficience en fer. Les acanthocytes sont des globules présentant de longues projections cytoplasmiques réparties aléatoirement autour de la cellule. Les kératocytes sont des GR qui possèdent deux projections pointues parfois réunies par leur extrémité. Les schizocytes sont de petits globules aux extrémités pointues.

Parasites érythrocytaires

Certains parasites sanguins s’observent à la surface de la membrane ou dans le cytoplasme des GR. Chez le cheval, le parasite le plus fréquemment rencontré est Babesia caballi (photo 7).

Un à quatre de ces parasites piriformes sont retrouvés dans les GR. Theileria equi est parfois observé. Il peut être notamment formé de structures dites en “croix de Malte”, mais il est de petite taille, donc moins facile à voir (photo 8).

Évaluation des leucocytes

Différentiel leucocytaire

Un différentiel leucocytaire est effectué sur 100 à 200 leucocytes pour obtenir le pourcentage de granulocytes neutrophiles matures et immatures (non segmentés, métamyélocytes et myélocytes), éosinophiles et basophiles, de lymphocytes et de monocytes. Le nombre absolu de chaque type de leucocytes est ensuite calculé à partir du comptage leucocytaire total. Si un comptage automatisé n’est pas disponible, la formule suivante peut être utilisée :

comptage leucocytaire (cellules × 109/l) = nombre moyen de leucocytes par champ × (puissance de l’objectif)2/1000. Par exemple, si on compte en moyenne 7,5 leucocytes par champ (sur environ 10 à 20 champs) en utilisant l’objectif × 50, il est possible d’obtenir un comptage leucocytaire de 18,75 leucocytes × 109/l (c’est-à-dire : 7,5 × 502/1000 = 18,75). Cela est une approximation qui peut varier selon les oculaires et les objectifs utilisés et qui devrait être testée sur plusieurs échantillons à l’aide d’un comptage obtenu à partir d’un appareil fiable. Le comptage leucocytaire peut aussi être approximativement estimé (diminué, normal ou augmenté) à faible grossissement (× 100).

Virage à gauche (sur la courbe d’Arneth)

Lors de foyer inflammatoire important (exemple : broncho-pneumonie bactérienne, colique sévère, etc.), il est fréquent d’observer des neutrophiles immatures en circulation indiquant la présence d’un virage à gauche. Le virage à gauche fait référence à la courbe d’Arneth qui classe les granulocytes neutrophiles selon le nombre de lobulations nucléaires : moins le noyau est lobulé, plus les neutrophiles sont classés sur la gauche de la courbe. Ainsi, plus de neutrophiles au noyau non segmenté, c’est-à-dire immatures, sont observés, plus le virage à gauche est marqué. Ces neutrophiles immatures sont habituellement des neutrophiles non segmentés ou bandes, mais des métamyélocytes et des myélocytes sont parfois notés lors de foyers inflammatoires plus sévères. La présence d’une proportion élevée de neutrophiles immatures indique un foyer inflammatoire, peu importe le nombre absolu de neutrophiles.

Changements toxiques

La présence de neutrophiles démontrant des changements toxiques est également souvent observée lors de foyer inflammatoire. Les changements toxiques se manifestent, par ordre de sévérité, par des corps de Döhle, une basophilie cytoplasmique, une vacuolisation cytoplasmique diffuse et une lyse nucléaire. Les corps de Döhle sont des amas de réticulum endoplasmique rugueux formant des granules bleutés dans le cytoplasme des neutrophiles. La basophilie cytoplasmique correspond à de grande quantité de réticulum endoplasmique rugueux et de polyribosomes. La vacuolisation cytoplasmique diffuse et la lyse nucléaire apparaissent en dernier lieu lors de toxémie sévère.

Micro-organismes

L’examen du frottis permet notamment de rechercher des morulas d’Anaplasma phagocytophilum présentes dans le cytoplasme des granulocytes neutrophiles. Les morulas prennent l’aspect de petits amas basophiles et granulaires (photo 9).

Cellules néoplasiques

Enfin, des cellules d’allure atypique (cellules de grande taille et/ou blastiques) sont recherchées notam­ment lors de forte leucocytose.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

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