Réalisation et interprétation des examens bactériologiques - Pratique Vétérinaire Equine n° 179 du 01/07/2013
Pratique Vétérinaire Equine n° 179 du 01/07/2013

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

CAHIER PRATIQUE

Fiche pratique

Auteur(s) : Karine Maillard*, Albertine Léon-Seck**

Fonctions :
*Laboratoire Frank
Duncombe,
1, route de Rosel,
IFR 146-ICORE,
Université de Caen,
14053 Caen Cedex 4
**Laboratoire Frank
Duncombe,
1, route de Rosel,
IFR 146-ICORE,
Université de Caen,
14053 Caen Cedex 4

Cet article aborde les prélèvements de choix, leurs modalités de réalisation, selon les grands types d’affections, et leur interprétation.

Réalisation et indication des prélèvements selon les grandes maladies

D’une manière générale, les prélèvements sont à effectuer avant la mise en place d’un traitement antibiotique, et le plus “stérilement” possible. Ils doivent être représentatifs de la lésion ou de l’affection à rechercher, placés dans un contenant stérile ou un milieu de transport gélosé (type Amiescharbon, qui protège les bactéries de la lumière et de la dessiccation), et acheminés dans les 24 à 48 heures sous couvert du froid (utilisation d’éléments réfrigérants tels que des plaques eutectiques dans la boîte de transport, en évitant le contact direct avec les prélèvements pour prévenir le risque de congélation).

La recherche de bactéries anaérobies nécessite des conditions particulières (pas de contact avec l’oxygène). Il convient donc soit de remplir le contenant à ras bord (cas des matières fécales), soit de placer le prélèvement dans un milieu liquide type bouillon de Schaedler ou milieu pour hémoculture (cas des ponctions).

Les recommandations pour la réalisation du prélèvement varient selon la maladie concernée et les bactéries recherchées.

Affections respiratoires

Le prélèvement de choix lors d’affections respiratoires du cheval est le liquide de lavage des voies respiratoires (lavage trachéal ou des poches gutturales). Il est très difficile de réaliser un lavage broncho-alvéolaire sans contamination naso-pharyngée, et son examen bactériologique n’est donc pas recommandé en routine. Pour le lavage trachéal, il existe deux méthodologies distinctes :

– la voie transtrachéale, qui présente l’avantage de réduire les risques de contamination du prélèvement. Cependant, la procédure est longue et lourde ;

– la voie transendoscopique, facile et rapide. Elle permet de visualiser les voies respiratoires. L’inconvénient est le risque d’introduire dans le prélèvement des bactéries en provenance des voies respiratoires supérieures. Pour prévenir ce risque, il convient d’utiliser des cathéters transendoscopiques protégés à leur extrémité par un bouchon de gélose stérile.

Le volume de lavage recueilli doit être réparti de façon homogène dans un tube sec et dans un tube EDTA, pour permettre l’examen cytologique nécessaire à l’interprétation du résultat bactériologique (au minimum 5 ml par tube).

La mise en culture du prélèvement permet le dénombrement et l’identification des bactéries pathogènes, ainsi que la réalisation d’antibiogrammes. L’écouvillon nasal ou pharyngé doit être réservé au diagnostic de gourme. En effet, hormis Streptococcus equi subsp. equi, toute bactérie isolée d’un écouvillon nasal peut être considérée comme appartenant à la flore saprophyte résidente normale.

Pour la détection des porteurs asymptomatiques de gourme, le prélèvement de choix est le lavage des poches gutturales, analysé par culture bactériologique et/ou par PCR, l’association des deux techniques augmentant le pourcentage de détection [9, 12].

Affections digestives

La recherche des bactéries rencontrées dans les maladies digestives est réalisée par coproculture. Les fèces doivent être acheminées dans des pots stériles remplis à ras bord (l’absence d’oxygène préserve les bactéries anaérobies). Cet examen est parfois complexe à interpréter car la flore bactérienne normale des équidés est riche et diversifiée. Les commémoratifs cliniques ou épidémiologiques sont souvent déterminants pour orienter la recherche (suspicion de clostridiose, de salmonellose), et pour utiliser les milieux et les conditions d’incubation adéquats. Souvent, la mise en évidence de toxines par PCR est nécessaire pour déterminer le caractère pathogène ou non de la bactérie isolée. C’est le cas notamment pour Escherichia coli, Clostridium perfringens et Clostridium difficile [7].

Affections de la reproduction

Lors de métrite clinique, les prélèvements de choix sont les écouvillons du col utérin (en Amies-charbon) et les liquides de lavage utérin (tube sec). Il convient de prévoir un tube EDTA pour l’examen cytologique, nécessaire à l’interprétation du résultat bactériologique.

Dans le cas de la métrite contagieuse équine, maladie à déclaration obligatoire due à Taylorella equigenitalis, une réglementation particulière est en vigueur (tableau 1).

En ce qui concerne les avortements, bien souvent, l’autopsie réalisée par un centre spécialisé permet d’orienter le diagnostic étiologique [5, 6]. Les prélèvements de choix pour un examen bactériologique sont les annexes foetales, le cordon ombilical, le contenu stomacal et/ou les organes (tropisme particulier de certaines bactéries pour des organes).

Autres affections

Affections cutanées

La flore saprophyte résidente limite l’intérêt des examens bactériologiques cutanés aux cas de pyodermite, de surinfection de plaies ou de lésions purulentes. Le prélèvement doit être constitué d’un écouvillon en Amies-charbon ou d’une biopsie. Le prélèvement de poils doit être réservé aux recherches fongiques telles que les teignes (dermatophytes). Lors de dermatophilose, la recherche de Dermatophilus se fait à partir de croûtes prélevées chez le cheval. Dans le cas d’un abcès souscutané, il est préconisé de gratter l’intérieur de la coque de celui-ci, car le pus est souvent stérile (en raison de sa composition quasi exclusive en polynucléaires neutrophiles). En cas de plaies profondes ou de fistules, il est important de demander une recherche de bactéries anaérobies, en plus d’une bactériologie aérobie.

Arthrite

La ponction de liquide synovial est le prélèvement de choix. La microbiologie de ces liquides est particulière car des facteurs au sein du liquide synovial inhibent le développement bactérien et rendent les cultures souvent stériles. Pour pallier ces défauts de sensibilité, il est recommandé d’utiliser des flacons de type “hémoculture” pour le transport du prélèvement, ce qui préserve les bactéries et permet un début de croissance pendant le transport (photo) [4]. Les cultures doivent être incubées pendant 6 jours au minimum et toute bactérie isolée doit être considérée comme potentiellement pathogène [11]. Dans tous les cas, un résultat négatif ne permet pas d’exclure un processus septique, d’où l’intérêt de réaliser une analyse cytologique en parallèle.

Affections oculaires

La plupart des infections oculaires (conjonctivites, kératites, ulcères de cornée, etc.) sont d’origine bactérienne primaire ou secondaire (complications d’infections virales, parasitaires ou de traumatisme). Elles peuvent aussi être la manifestation d’autres maladies, essentiellement respiratoires, des sinus ou des poches gutturales [8].

La recherche de bactéries est réalisée à partir de frottis conjonctivaux et cornéens par écouvillonnage, par raclage à la spatule ou à l’aide d’une cytobrosse stérile.

Interprétation et limites des examens complémentaires de bactériologie

L’interprétation d’un examen bactériologique ne peut être réalisée que si le prélèvement a été effectué avant l’instauration d’un traitement antibiotique (si un traitement est en cours, il convient d’attendre 7 jours au minimum avant de pratiquer le prélèvement).

Les résultats transmis au vétérinaire comportent la nature des bactéries isolées (identification) et leur abondance au sein du prélèvement. Il convient ensuite d’interpréter ces résultats bruts selon l’origine et les modalités du prélèvement, le contexte clinique, et, le cas échéant, les résultats de cytologie.

Nature des bactéries isolées

Toute bactérie isolée d’un site normalement stérile (ponctions abdominale, thoracique, articulaire, etc.) doit être considérée comme significative.

L’isolement de certaines espèces bactériennes telles que Bacillus spp., des streptocoques α-hémolytiques, des staphylocoques à coagulase négative doit faire suspecter une contamination lors du prélèvement, surtout lorsqu’elles sont en faible quantité et associées à d’autres espèces.

Quand le prélèvement est effectué à partir d’un site doté d’une flore saprophyte ou endogène, les cultures montrent une population microbienne variée. Il convient alors de s’intéresser aux bactéries qui n’appartiennent pas à cette flore “normale”.

Il est parfois très difficile de connaître le réel pouvoir pathogène d’une bactérie, d’autant plus que la plupart peuvent être considérées à la fois comme des bactéries saprophytes et des agents pathogènes opportunistes. L’examen cytologique se révèle alors indispensable.

Dans certains cas, il est nécessaire de compléter l’identification bactérienne par une PCR, qui permet de mettre en évidence le caractère pathogène ou non de la bactérie (par exemple, un plasmide de virulence pour Rhodococcus equi, des facteurs entéropathogènes pour E. coli, tableau 2).

Abondance des bactéries dans le prélèvement

Outre la nature des bactéries isolées, l’étude de leur abondance au sein du prélèvement est fondamentale dans l’interprétation des examens bactériologiques.

Lorsque le prélèvement est constitué d’un écouvillon ou d’une biopsie d’organe, un dénombrement précis n’est pas possible. Il est semiquantitatif et permet d’observer l’abondance relative d’une espèce bactérienne par rapport à d’autres. Un prélèvement monomicrobien ou avec une prédominance bactérienne peut généralement être corrélé à la clinique.

Lorsqu’un dénombrement est possible (cas des liquides biologiques), la détermination de la concentration bactérienne, en unités formant colonies par millilitre (UFC/ml), permet d’évaluer l’incidence pathologique de la bactérie isolée.

Ainsi, pour les liquides respiratoires, un dénombrement bactérien inférieur à 10 000 UFC/ml est considéré comme non significatif, quel que soit l’agent considéré [10, 13]. De plus, audelà de trois bactéries isolées à plus de 10 000 UFC/ ml, le prélèvement doit être considéré comme contaminé. De même, l’isolement à plus de 10 000 UFC/ ml de Pseudomonas spp. ou de Pseudomonas fluorescens (non pathogènes) dans un lavage effectué par voie transendoscopique doit conduire à suspecter une contamination du prélèvement (et à considérer la procédure de décontamination de l’endoscope comme étant inadéquate [2]).

Pour les liquides utérins, le seuil de 1 000 bactéries/ml doit être retenu. Pour les urines, il est de 1 000 UFC/ ml lors de recueil par cathétérisme urétral, et de 40 000 UFC/ ml lors d’une miction spontanée [1].

Apports des autres examens de laboratoire : examen cytologique

L’isolement d’une bactérie à partir d’un prélèvement biologique ne suffit pas toujours à établir un diagnostic de certitude (hormis l’isolement d’un agent pathogène strict comme Streptococcus equi subsp. equi dans un prélèvement des voies respiratoires supérieures).

L’examen cytologique est très souvent nécessaire pour confirmer un diagnostic de maladie infectieuse, notamment dans les prélèvements de liquides biologiques (lavages respiratoires, utérins, etc.), pour lesquels il n’est pas rare de rencontrer une contamination par une flore endogène. C’est le cas également pour les prélèvements réalisés par ponction (liquide synovial, ponction thoracique ou abdominale, etc.), qui sont parfois contaminés lors du passage transcutané de l’aiguille.

Lors de demande d’analyse bactériologique à partir de liquides biologiques (prélevés sur tube sec en flacon stérile), il est donc important d’associer un tube EDTA pour la cytologie. L’hypothèse infectieuse va être confirmée par la mise en évidence d’une neutrophilie, d’images de phagocytose ou d’activation des macrophages ou des polynucléaires, et par la présence de bactéries sur les lames colorées, notamment [10]. L’examen cytologique permet de plus d’évaluer la qualité d’un prélèvement. Ainsi, des cellules squameuses dans un lavage trachéal sont typiques d’une contamination par le pharynx lors du passage de l’endoscope et rendent impossible toute interprétation bactériologique de ce liquide [10].

Conclusion

L’examen complémentaire en bactériologie permet de confirmer ou d’infirmer une hypothèse diagnostique infectieuse, mais il permet également, à partir des souches isolées, la réalisation d’antibiogrammes nécessaires à la mise en place d’un traitement antibiotique approprié et/ou la fabrication d’autovaccins (rhodococcose, gourme).

L’interprétation des résultats doit tenir compte d’un certain nombre de facteurs liés à la nature du prélèvement (flore résidente physiologique d’un compartiment biologique, représentativité de la lésion), à la méthode de prélèvement (asepsie, conditionnement, acheminement) et à la nature et à l’abondance des micro- organismes isolés. L’examen cytologique est très souvent nécessaire pour établir un diagnostic de certitude.

Les techniques de biologie moléculaire, de plus en plus souvent utilisées dans les laboratoires de bactériologie, possèdent de nombreux avantages (gain de temps, détection de bactéries de culture difficile ou en faible quantité dans le prélèvement, mise en évidence de facteurs de virulence, etc.). Cependant, l’absence d’isolement de souche bactérienne empêche la réalisation d’antibiogramme et/ou d’autovaccin. À l’heure actuelle, ces deux méthodes restent par conséquent complémentaires.

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  • 3. DebRoy C, Maddox C. Identification of virulence attributes of gastrointestinal Escherichia coli isolates of veterinary significance. Anim. Health Res. Rev. 2001;1:129-140.
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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

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