Gestion conservatoire d’une fracture de radius chez un poney miniature - Pratique Vétérinaire Equine n° 179 du 01/07/2013
Pratique Vétérinaire Equine n° 179 du 01/07/2013

TRAUMATOLOGIE

CAHIER SCIENTIFIQUE

Cas clinique

Auteur(s) : Erin Gillam

Fonctions : North Hatley
Québec, Canada

Les fractures du radius sont relativement rares chez le cheval, et souvent de mauvais pronostic. Cependant, chez un jeune animal et/ou de poids réduit, un traitement peut être envisagé.

Un mâle miniature d’origine constatée âgé de 1 an et pesant environ 200 kg a été retrouvé au pré en suppression d’appui du membre antérieur droit.

Cas clinique

Motif de consultation et anamnèse

Lors de son appel initial, le propriétaire avait déjà noté une instabilité marquée du membre. Il est alors recommandé de stabiliser celui-ci avec un bandage membre entier et de ramener le poulain dans l’écurie en attendant l’arrivée du vétérinaire.

Examen clinique

L’examen physique est normal, à l’exception de la suppression d’appui du membre antérieur droit. À l’inspection, une inflammation marquée est notée proximalement au carpe. À la palpation, la région est chaude, non douloureuse et fluctuante, suggérant une lésion tissulaire sous-jacente importante. Aucune plaie cutanée n’est présente. En raison de l’apparition abrupte de la boiterie, de l’importance de l’inflammation et de l’instabilité du membre, un diagnostic provisoire de fracture complète du radius est établi. Des radiographies ont été prises pour définir la fracture et éliminer les affections concomitantes.

Examen radiographique

L’examen radiographique est effectué avec un appareil conventionnel pour confirmer le diagnostic de fracture du radius et déterminer la configuration de la lésion. Deux vues, l’une antéropostérieure et l’autre latérale, sont prises (photo 1). Un seul trait de fracture oblique du tiers distal de la diaphyse du radius n’impliquant ni l’ulna, ni l’épiphyse distale du radius est observé. Sur la vue latérale, la partie distale du radius est déviée caudalement et proximalement. Le cliché antéro-postérieur montre un léger déplacement latéral. Le cliché latéral est le meilleur pour évaluer le trait de fracture, ainsi que le degré de déplacement des os.

Approche thérapeutique

Options envisagées

Trois options sont proposées au propriétaire. La première recommandation est de référer le poulain dans une structure hospitalière pour une correction chirurgicale de la fracture, soit par un montage d’ostéosynthèse, soit par la mise en place d’un plâtre transfixiant. Malgré un pronostic de bon à excellent, dans ce cas précis, elle est rejetée pour des raisons financières. Une autre possibilité consiste à accepter un moins bon pronostic et à immobiliser la fracture avec un plâtre plein membre à l’écurie. L’euthanasie a aussi été envisagée. En considérant le faible poids de l’animal, son jeune âge et le fait que le propriétaire n’a jamais envisagé un avenir sportif pour le miniature, le traitement conservateur avec un plâtre plein membre est jugé acceptable sur les plans médical et financier.

Immobilisation du membre

Du ceftiofur (2,2 mg/kg) et de la phénylbutazone (2,2 mg/kg) sont administrés par voie intraveineuse. Une prémédication à base de xylazine (0,5 mg/kg) et de butorphanol (0,04 mg/kg) est mise en place, suivie d’un mélange de kétamine (2,2 mg/kg) et de diazépam (0,1 mg/kg) pour l’induction de l’anesthésie générale. Le cheval est placé en décubitus latéral gauche pour faciliter la manipulation du membre antérieur droit. L’anesthésie est maintenue durant la procédure avec un triple-drip composé d’un mélange de 500 ml de GGE (guaïfénésine), de 650 mg de kétamine et de 325 mg de xylazine donné à une vitesse de 2 à 3 ml/kg/h. Une réduction de la fracture est tentée afin de favoriser la cicatrisation osseuse (encadré complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Un assistant tire sur l’extrémité distale du membre alors que le vétérinaire manipule la fracture. Le membre est ensuite maintenu en position horizontale avec les corticales dorsales des phalanges alignées grâce à un fil de Gigli passé dans un trou préalablement percé dans la pince du sabot.

Un plâtre plein membre est posé (1). Par la suite, une attelle est placée en face latérale de l’avant-bras sur toute la longueur de l’épaule pour minimiser le risque accru d’abduction du membre associé à une fracture complète du radius (photo 2). Un bandage adhésif a ensuite maintenu l’attelle en place. Des radiographies prises juste après la pose du plâtre montrent la difficulté de la réduction d’une fracture de radius liée en partie à une forte contraction musculaire (photos 3a et 3b). La principale complication à redouter implique l’extrémité distale de la partie proximale de l’os fracturé, qui risque de percer la peau. Le propriétaire a de nouveau été avisé du mauvais pronostic. Le traitement de ceftiofur et de phénylbutazone est poursuivi pendant 5 jours.

Recommandations

Le propriétaire reçoit pour recommandations de garder le plâtre propre et toujours couvert d’un mince bandage. Chaque jour, il doit prendre la température du poulain, évaluer le plâtre à la recherche de fissures, de mauvaises odeurs, d’une chaleur ou de taches, et, le cas échéant, marquer le contour de celles-ci au stylo. Le membre controlatéral doit être gardé sous une bande de repos et surveillé pour détecter d’éventuels signes de fourbure, comme un pouls digité augmenté et une chaleur du sabot. Des visites vétérinaires hebdomadaires sont planifiées.

Suivi à court terme

Suivi à 20 jours

Vingt jours après la mise en place du plâtre, le poulain est toujours confortable et le plâtre en excellent état. Une première série de radiographies de suivi sont prises (photos 4a et 4b). Celles-ci montrent une descente de la partie proximale du radius et une ébauche de formation d’un cal radio-opaque en région proximale. En raison d’un début de fonte musculaire chez un animal toujours en période de croissance, il a été décidé de changer le plâtre sous anesthésie générale à la fin du premier mois de traitement. Les clichés réalisés avant d’y procéder révèlent une progression adéquate du cal osseux (photos 5a et 5b). Lors du changement de plâtre, l’examen du membre ne montre aucune plaie. Le sabot est râpé légèrement et un second plâtre est posé de la même façon que précédemment. Le propriétaire a assuré le suivi quotidien. Les visites vétérinaires hebdomadaire sont poursuivies.

Suivi à 50 et à 72 jours

Le suivi radiographique à 50 jours de traitement montre un cal osseux plus étendu, ainsi qu’un remodelage évident des extrémités (photos 6a et 6b). Après deux mois et demi de traitement sous plâtre plein membre, ce dernier est retiré sur poulain debout et tranquillisé à la détomidine (photo 7). L’évaluation initiale du membre est satisfaisante, avec une absence de plaie et une stabilité du trait de fracture.

Après 72 jours sous plâtre plein membre, le sabot est long en pince comme en talon, une amyotrophie de l’avant-bras est visible, et, en conséquence, le poulain présente une laxité tendineuse complète avec une descente de boulet et un relevé de pince. Le sabot est alors râpé, un bandage Robert-Jones mis en place et le plâtre coupé de façon à créer deux attelles en positions latérale et dorsale. L’immobilisation du trait de fracture est assurée de cette manière pendant un mois. Par la suite, les attelles sont retirées progressivement sur une période de 2 semaines.

Suivi à 4 et à 5 mois

Quatre mois et demi après le début du traitement, le bandage Robert-Jones est enlevé. Cinq minutes après ce retrait, la laxité tendineuse est suffisante pour que le boulet touche par terre. Une bande de repos avec une attelle caudale s’arrêtant en regard des glomes est positionnée sur le membre distal. Cela est nécessaire pour compenser la laxité tendineuse durant la période de remusculation. En permettant au membre de reprendre progressivement le poids de l’animal durant un cinquième mois, la musculature s’est développée et la laxité tendineuse nettement améliorée.

À la fin des 5 mois, le membre est laissé sans bandage et le poulain est marché en main pour 2 semaines, avant de le mettre en liberté dans un petit paddock.

Suivi à long terme

Un suivi 18 mois après l’accident initial trouve le poulain en parfait état de santé. La laxité tendineuse s’est résolue complètement, sa musculature est de nouveau symétrique et l’avant-bras ne montre aucune déformation. La seule anomalie en regard du membre antérieur droit est un léger valgus, ainsi qu’un discret raccourcissement lié à la superposition des abouts osseux du radius. L’apparence esthétique du membre est excellente. L’indice le plus flagrant d’une lésion survenue antérieurement est une cicatrice en face dorsale du métacarpe du membre controlatéral due aux bandes de repos (photo 8). L’animal est confortable au pré Cependant, une diminution de la phase postérieure du membre antérieur droit lors des tournants serrés vers la droite est observée. Radiographiquement, le remodelage osseux du trait de fracture se poursuit vers un alignement des corticales (photos 9a et 9b).

Discussion

Anatomie du radius

Le radius est l’os principal qui supporte le poids au niveau de l’avant-bras. Proximalement, il s’articule avec l’ulna et l’humérus pour former le coude. Distalement, il s’articule avec la rangée proximale des os du carpe pour constituer l’articulation antébrachiocarpienne. Proximalement, le biceps brachii s’insère sur la surface craniale du radius. La surface latérale de l’os est recouverte des muscles extenseurs du doigt alors que la surface médiale n’est protégée que par la peau et un fascia subcutané. Le radius est courbé cranialement dans le plan sagittal. En conséquence, le cortex caudal subit un stress de compression. À l’inverse, les faces craniale et craniolatérale du radius connaissent des forces de tension (figure 2). Chez l’animal en croissance, le radius présente une physe à la fois proximale et distale. Ces plaques de croissance se ferment anatomiquement et radiographiquement vers l’âge de 11 à 18 mois et de 22 à 42 mois, respectivement [7]. Elles sont soumises à des forces de compression et peuvent présenter des fractures qui sont alors classifiées selon les catégories Salter-Harris.

Fractures de radius

Les fractures de radius sont relativement rares dans l’espèce équine. Elles résultent le plus souvent d’une ruade d’un autre cheval. Chez les poulains, cela crée le plus fréquemment une fracture transverse de la diaphyse ou une fracture d’une plaque de croissance [6, 8]. Généralement, la réparation chirurgicale par la mise en place d’un montage d’ostéosynthèse comportant deux plaques apporte un pronostic sportif de bon à excellent. La littérature décrit des taux de survie de 82 % pour les chevaux âgés de moins de 2 ans traités avec des fixateurs internes. Chez ces animaux, le pronostic sportif diffère selon la configuration de la fracture, les fractures transverses ayant un pronostic de 86 %, les fractures obliques de 75 % et celles qui impliquent une plaque de croissance de 80 % [6, 8]. Chez les chevaux adultes, en revanche, l’impact nécessaire pour casser un os de cet taille et de cette force résulte en une fracture oblique, spiralée ou, le plus souvent, comminutive de l’os [4]. La fixation interne de ces fractures représente un défi pour le chirurgien et le pronostic de survie est faible [6, 8]. La différence entre les taux de succès relevés chez les poulains et les chevaux adultes est liée au poids de l’animal. En général, les chevaux de moins de 300 kg bénéficient d’un pronostic meilleur. Les forces biomécaniques auxquelles les implants doivent résister chez les chevaux de plus de 300 kg prédisposent ces cas à des échecs catastrophiques lors du réveil ou à une fatigue prématurée avant l’union osseuse [2, 3, 9]. La littérature rapporte très peu de cas de fracture de radius qui ont été traités de façon conservatrice.

Options thérapeutiques

Lors de la prise en charge d’un cas compliqué, la discussion avec le propriétaire est particulièrement importante. La plupart du temps, plusieurs options thérapeutiques sont possibles. Chacune comporte des avantages et des inconvénients, concernant le coût, le pronostic et les risques associés à l’intervention. Dans ce cas clinique, considérant le poids du poulain et le fait que la fracture n’est pas ouverte, trois options thérapeutiques existent.

Ostéosynthèse

Une chirurgie d’ostéosynthèse avec deux plaques placées cranialement et latéralement afin de compenser les forces de tension est le traitement de choix pour les fractures spiralées de radius.

Cependant, cette option reste la plus onéreuse et n’est pas sans risques. En plus des dangers inhérents à l’anesthésie, la rupture des implants ou des fractures catastrophiques peuvent survenir au réveil. En période postopératoire, des complications telles qu’une infection et une fatigue prématurée des implants sont aussi à craindre [5]. Malgré cela, cette approche thérapeutique offre le meilleur pronostic, notamment chez les animaux pesant moins de 300 kg.

Plâtre transfixiant

L’utilisation d’un plâtre transfixiant pour le traitement des fractures de radius est généralement déconseillée. L’épaisse couche de muscles que les broches doivent traverser en face latérale de l’avant-bras prédispose aux infections des voies d’insertion de ce matériel [7]. Cette technique aurait pu être envisagée dans ce cas précis car elle aurait offert un meilleur soutien qu’un simple plâtre, avec, toutefois, un coût supplémentaire [1]. En effet, plusieurs plâtres auraient été nécessaires, avec un changement de broches au besoin. De plus, les fractures au site d’insertion des broches restent toujours à craindre.

Plâtre du membre entier

Le plâtre plein membre posé chez le client peut être une solution alternative de dernier recours. Plusieurs inconvénients accompagnent cette option. Tout d’abord, la réduction d’une fracture de radius est difficile compte tenu de l’importante masse musculaire. De plus, dans la mesure où il est impossible d’immobiliser le coude, l’immobilisation de la fracture n’est pas optimale. À cela s’ajoute le risque d’escarres.

Conclusion

Le traitement d’une fracture d’un os long s’accompagne toujours de risques. L’infection, la non-union du trait de fracture, ainsi que la fourbure du membre controlatéral sont les plus courantes de ces complications. Le traitement conservateur d’une fracture sous plâtre n’est que rarement recommandé. Il est envisagé, le plus souvent, lorsque l’intervention chirurgicale n’est pas réalisable en raison de son coût. Cela s’explique, entre autres, par les nombreuses complications supplémentaires qui peuvent accompagner un plâtre. Dans ce cas précis, le traitement a été efficace en raison du faible poids de l’animal et des soins attentionnés apportés par le propriétaire.

  • (1) Voir la fiche technique “Comment poser un plâtre” du même auteur, dans ce numéro.

  • 1. Adams SB, Fessler JF. Atlas of Equine Surgery. WB Saunders, Philadelphie. 2000:311-317.
  • 2. Auer JA, Stick JA. Equine Surgery. 3e éd. Saunders Elsevier, St Louis. 2006.
  • 3. Auer JA, Watkins JP. Treatment of radial fractures in adults horses: An analysis of 15 clinical cases. Equine Vet. J. 1987;19:103.
  • 4. Bramlage LT. Long bone fractures. Vet. Clin. North Am. Large Anim. Pract. 1982;5:285-310.
  • 5. Frauenfelder BV, Fessler JF. Proximal radius fracture in a Horse: Angle blade plate repair. Vet. Surg. 1981;2(10):96-100.
  • 6. Nigam JM, Amin AJ, Abbas BT. Treatment of a radial fracture in a horse. Equine Pract. 1985;7:18-23.
  • 7. Nixon AJ. Equine Fracture Repair. WB Saunders, Philadelphia. 1996:222-230.
  • 8. Sanders-Shamis M, Bramlage LR, Gable AA. Radius fractures in the horse: A retrospective study of 47 cases. Equine Vet. J. 1986;18(6):432-437.
  • 9. Wisner AB. Full Kirschner splint repair of a fractured radius in a foal. Vet. Med. Small Anim. Clin. 1980;75:1045-1047.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ÉLÉMENTS À RETENIR

• Le radius est courbé cranialement dans le plan sagittal. En conséquence, son cortex caudal subit un stress de compression alors que les faces craniale et cranio-latérale subissent des forces de tension.

• Les poulains présentent le plus souvent une fracture transverse de la diaphyse ou une fracture d’une plaque de croissance du radius. La réparation chirurgicale de telles lésions chez les animaux de moins de 2 ans et pesant moins de 300 kg est d’un excellent pronostic de survie.

• Les grandes forces biomécaniques auxquelles les implants doivent résister chez les chevaux de plus de 300 kg prédisposent de tels cas à de sévères échecs lors du réveil ou à une fatigue prématurée.

• Quelques règles de base s’imposent pour un traitement sous plâtre. Il convient que le client soit en mesure de reconnaître les signes précoces de complications.

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