Fluidothérapie du cheval en coliques - Pratique Vétérinaire Equine n° 176 du 01/10/2012
Pratique Vétérinaire Equine n° 176 du 01/10/2012

Fiche technique

Auteur(s) : Mickaël Robert

Fonctions : Clinique vétérinaire du Lys, 663, avenue Jean-Jaurès, 77190 Dammarie-les-Lys

L’objectif de la fluidothérapie est de restaurer le volume circulant et de corriger les déséquilibres électrolytiques et acido-basiques [8]. Lorsqu’une fluidothérapie est décidée, quelques questions doivent être posées :

– quel volume de fluide doit être administré ?

– par quelle voie ?

– à quel débit ?

– avec quel type de fluide ?

– doit-il être complémenté ?

Le volume nécessaire correspond aux besoins de maintenance, complété du volume nécessaire pour corriger l’hypovolémie et de celui pour contrer les pertes en cours et à venir :

volume à perfuser = maintenance + correction de l’hypovolémie + pertes

Maintenance

Les besoins de maintenance du cheval adulte sont estimés à 50 à 60 ml/kg/j, soit 25 à 30 l pour un cheval de 500 kg [2, 8].

Déshydratation

Les paramètres cliniques suivants doivent être évalués pour estimer le degré de déshydratation de l’animal : fréquence cardiaque, couleur et sécheresse des muqueuses, temps de remplissage capillaire (TRC), élasticité de la peau, température des extrémités, qualité du pouls, production d’urine et, éventuellement, suivi du poids (tableau 1). Les paramètres de laboratoire suivants sont également à considérer : l’hématocrite (Ht), les protéines totales (PT), la créatininémie, la lactatémie et la densité urinaire.

Le volume nécessaire pour corriger l’hypovolémie est ainsi calculable : pourcentage de déshydratation × poids de l’animal.

Pertes en cours et à venir

Les pertes en cours et à venir peuvent parfois être quantifiées, par exemple lorsqu’un cheval en coliques présente du reflux naso-gastrique, mais souvent elles ne sont qu’estimées. Le suivi des paramètres cliniques, de l’Ht, des PT, et éventuellement de la densité urinaire est alors essentiel afin d’objectiver l’efficacité de la fluidothérapie [1]. La créatinine plasmatique doit aussi être mesurée quotidiennement si sa valeur initiale était anormalement élevée, en général à la suite d’une insuffisance rénale d’origine prérénale.

Voies d’administration

Fluidothérapie entérale

La fluidothérapie entérale peut compléter, voire suppléer totalement la fluidothérapie intraveineuse pour remplir les besoins de maintenance quand le système digestif est fonctionnel. Ses avantages sont l’action directe des fluides au niveau intestinal, la stimulation de la motilité du côlon grâce au réflexe gastro-colique, un coût limité et la moindre nécessité d’ajuster la composition des solutions utilisées. Les solutions sont administrées par sondage naso-gastrique ou par une sonde à demeure d’alimentation entérale 18 French. Cette technique de réhydratation devrait être préférée à une fluidothérapie intraveineuse dans le traitement des stases. Des solutions isotoniques sont disponibles commercialement ou facilement réalisables avec des sels et de l’eau du robinet (photo 1, tableau 2). Toutefois, une solution de NaCl 0,9 % doit être évitée car elle entraîne une hypernatrémie et une hyperchlorémie marquées [2].

Le débit recommandé est de 5 l toutes les 2 heures. Un débit supérieur provoque souvent du reflux. Un débit de 4 à 10 l/h peut être obtenu avec une sonde à demeure et une administration en continu [2, 4].

Fluidothérapie intraveineuse

La fluidothérapie intraveineuse est indispensable dès que l’animal présente des signes de déshydratation et/ou d’endotoxémie [1, 8]. Cette voie d’administration permet de reconstituer immédiatement le volume circulant dès lors qu’un cathéter intraveineux est en place. Classiquement, des cathéters 13 ou 14 G sont utilisés chez le cheval adulte, mais des cathéters de plus gros diamètre, de 12, voire 10 G permettent d’obtenir un débit de perfusion plus élevé, notamment lors d’état de choc. Différents matériaux et différents types de cathéters sont disponibles (tableau 3). Les sites de cathétéri­sation classiques sont les veines jugulaires, thoraciques latérales, céphaliques ou saphènes.

Débit de perfusion

En cas de choc, un débit de 60 à 90 ml/kg peut être administré pendant la première heure, ce qui représente 30 à 45 l de fluide isotonique pour un cheval de 500 kg [2]. Ensuite, ou si le cas n’est pas aussi critique, le débit horaire est calculé sur la base des besoins quotidiens. Les volumes perfusés doivent être rigoureusement notés dans le dossier du cheval de façon à s’assurer que les besoins sont couverts.

Types de fluides intraveineux

D’abord, le fluide de base est choisi. Ensuite il convient de décider de l’intérêt d’y ajouter des compléments en fonction des déséquilibres ioniques ou acido-basiques constatés.

Fluide de base

Les solutions équilibrées sont choisies lorsque les électrolytes plasmatiques sont proches de la normale. Elles apportent un précurseur de bicarbonates, sous forme de lactate dans le Ringer lactate, qui est métabolisé par le foie.

Le chlorure de sodium 0,9 % présente des concentrations en chlore et en sodium supérieures au plasma. Il est à réserver aux cas hyponatrémiques, ou plus souvent hyperkaliémiques, comme lors d’insuffisance rénale. Ces solutions cristalloïdes isotoniques administrées par voie intraveineuse vont être rapidement distribuées à l’ensemble du compartiment extracellulaire, et seul 30 % du volume reçu persiste dans la circulation après 30 minutes [1].

Supplémentation en ions

Lors de maladies gastro-intestinales, des déficits en calcium, en potassium et en magnésium sont fréquents.

L’administration de 50 à 100 ml de gluconate de calcium 23 % par poche de 5 l est en général suffisante pour maintenir une normocalcémie. Jusqu’à 500 ml peuvent être ajoutés dans 5 l de Ringer lactate si l’hypocalcémie est sévère (calcium ionisé < 4 mg/dl).

Il est préférable de mesurer le calcium ionisé, directement disponible pour l’organisme, plutôt que le calcium total. En effet, ce dernier est diminué lors d’hypoprotéinémie alors que le calcium ionisé peut être dans les normes. De même, en cas d’alcalose, il peut être normal malgré un calcium ionisé diminué. Une complémentation en calcium (0,2 à 0,4 ml/kg de gluconate de calcium 23 %) est utile lors d’hyperkaliémie [6].

Une hypocalcémie réfractaire au ­traitement indique parfois une hypomagnésiémie. Elle peut être objectivée par mesure du magnésium ionisé et traitée au moyen de sulfate de magnésium ajouté au fluide initial au rythme de 100 à 150 mg/kg/j ou 1,22 mEq/kg/j [2].

L’hypokaliémie est habituellement consécutive au jeûne, au reflux ou à une entérite. C’est surtout un électrolyte intracellulaire et la mesure de la concentration plasmatique peut être trompeuse. Une complémentation est généralement indiquée si la fluidothérapie dure plus de 24 heures. Vingt milliéquivalents de potassium sous forme de KCl, voire davantage selon la sévérité de l’hypokaliémie, peuvent être ajoutés à chaque litre de perfusion. Un débit maximal de 0,5 mEq/kg/h ne doit pas être dépassé pour éviter l’apparition d’arythmies. Une supplémentation orale à l’aide de 0,1 à 0,2 g/kg est possible si le tube digestif est fonctionnel [1].

L’administration de glucose est indiquée en cas d’hyperkaliémie, d’hyperlipémie ou comme source d’énergie chez la jument gestante. Le glucose 5 % est une solution isotonique qui est rapidement métabolisé, laissant juste de l’eau libre, hypotonique pour hydrater le milieu intracellulaire [6].

Troubles acido-basiques

L’acidose métabolique est caractérisée par un pH et une concentration en bicarbonates plasmatiques inférieures à 7,35 et 20 mEq/l, respectivement, et par un excès de base (quantité d’acide fort à ajouter au sang pour obtenir un pH de 7,4 pour une PCO2 de 40 mmHg) négatif [1, 6]. L’accumulation d’acide lactique lors d’hypoperfusion tissulaire, régulièrement observée chez les chevaux en coliques, et les pertes de bicarbonates par le tractus digestif lors de diarrhée en sont des causes fréquentes. L’acidose métabolique est différente de l’acidose respiratoire due à une augmentation de la pression partielle en CO2 (PCO2) lors d’hypoventilation.

En parallèle, l’alcalose métabolique est définie par une augmentation des bicarbonates plasmatiques, souvent lors de pertes massives de chlore, et l’alcalose respiratoire représente une baisse de la PCO2. Classiquement, le traitement de l’acidose métabolique chez le cheval en coliques passe par la restauration du volume circulant, afin d’améliorer sa perfusion périphérique. Si la fluidothérapie n’est pas suffisante pour rétablir le pH plasmatique normal, une complémentation en bicarbonates est possible. Cela n’est classiquement nécessaire qu’en cas de pertes avérées de bicarbonates. Le cheval doit présenter une fonction respiratoire normale afin de pouvoir évacuer le CO2 produit et le pH plasmatique être généralement inférieur à 7,2.

Quantité de bicarbonate nécessaire (en mEq) = excès de base (mEq/l) × poids × 0,3

ou (tCO2 normal – tCO2 actuel) × poids × 0,3.

La moitié de la dose calculée est administrée sur 1 ou 2 heures. L’autre moitié sur 12 à 24 heures. Du calcium ne doit pas être administré en même temps afin de prévenir la formation de cristaux. Une dose de 1 ou 2 mEq/kg peut être utile dans le traitement de l’hyperkaliémie [1, 6] (photo 7).

Solutions colloïdales

Les solutions colloïdales contiennent une molécule qui augmente la pression oncotique. Elles sont conseillées lors d’hypoprotéinémie (< 4 g/dl), d’hypoalbuminémie (< 2 g/dl) ou pour entraîner une expansion volumique lors d’hypovolémie.

Le plasma et l’hydroxyéthylamidon à 6 % sont les colloïdes les plus utilisés en médecine équine.

Le volume de plasma se calcule ainsi (en litres) [2]) :

L’hydroxyéthylamidon s’utilise à la dose de 10 mg/kg. Chaque litre administré entraîne une expansion volumique totale de 2 l et son effet dure jusqu’à 5 jours [3]. Cependant son coût reste élevé, environ 100 €/l (photo 8).

Solutés hypertoniques

Les solutés hypertoniques (NaCl 10 %) administrés à la dose de 4 mg/kg entraînent une expansion volumique rapide et de courte durée, de 4,5 l par litre administré. Ils redistribuent les liquides de l’espace interstitiel et intracellulaire vers le compartiment vasculaire. Après leur utilisation, il existe toujours un déficit net qui doit être comblé par des fluides isotoniques à débit de choc.

Les solutés hypertoniques et les colloïdes peuvent être utilisés ensemble sur des cas extrêmement hypovolémiques [1].

Références

  • 1 – Corley K. Fluide Therapy. In: The equine hospital manual. Corley K, Stephen J. Wiley, Ames. 2008:364-392.
  • 2 – Hardy J. Fluids, electrolytes, and acid-base therapy. In: Equine Surgery. 4th Ed. Auer JA, Stick JA. Elsevier, Saint Louis. 2012:24-35.
  • 3 – Jones PA, Tomasic M, Gentry PA. Oncotic, hemodilutional, and hemostatic effects of isotonic saline and hydroxyethyl starch solutions in clinically normal ponies. Am. J. Vet. Res. 1997;58(5):541-548.
  • 4 – Lopes MA, Walker BL, White NA 2nd, Ward DL. Treatments to promote colonic hydration : enteral fluid therapy versus intravenous fluid therapy and magnesium sulphate. Equine Vet. J. 2002;34(5):505-509.
  • 5 – Monreal L, Navarro M, Armengou L et coll. Enteral fluid therapy in 108 horses with large colon impactions and dorsal displacements. Vet. Rec. 2010;166(9):259-263.
  • 6 – Mosley C. Fluids, electrolytes, and acid-base. In: Manual of equine anesthesia and analgesia. Doherty T, Valverde A. Blackwell publishing, Oxford. 2006:86-104.
  • 7 – Spurlock SL, Spurlock GH, Parker G, Ward MV. Long-term jugular vein catheterization in horses. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1990;196(3):425-430.
  • 8 – Zimmel DN. Management of pain and dehydration in horses with colic. In: Current therapy in equine medicine. 5th Ed. Robinson NE. Elsevier, Saint Louis. 2003:115-120.
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