Article original
Auteur(s) : Céline Robert*, Marie Coussedière**, Christophe Pélissier***, Jean-Marie Denoix****
Fonctions :
*Université de Paris-Est, ENV d’Alfort,
7, av. du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort
**Université de Paris-Est, ENV d’Alfort,
7, av. du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort
***Clinique équine, chemin Font-Barjaret, 30190 Sauzet
****Université de Paris-Est, ENV d’Alfort,
7, av. du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort
*****Université de Paris-Est, ENV d’Alfort, Cirale,
14430 Goustranville
Peu de données existent sur le statut ostéo-articulaire du cheval d’endurance. Cette étude comparant, lors de la visite vétérinaire de transaction, les clichés radiographiques de chevaux d’endurance à ceux de chevaux de saut d’obstacles permet une première approche.
La réalisation de bilans radiographiques lors de transactions de chevaux de compétition est devenue quasi systématique. Leur nombre et leur valeur augmentant, les chevaux d’endurance n’échappent plus à cette pratique, d’autant plus que les boiteries sont la première cause d’élimination en course d’endurance [3-5]. Cependant, si les données sur le statut ostéo-articulaire (SOA) des chevaux de saut d’obstacles ou de course ont fait l’objet de plusieurs publications, en revanche, il n’existe aucune information de ce genre pour les chevaux d’endurance ou les pur-sang arabes (race la plus représentée en endurance). Une étude comparative des bilans radiographiques de visite vétérinaire de transaction (VVT) réalisés chez 58 chevaux d’endurance et autant de chevaux de saut d’obstacles a été effectuée afin d’apporter des éléments objectifs pour la réalisation et l’interprétation de dossiers radiographiques dans cette discipline [1].
Les dossiers radiographiques de 58 chevaux d’endurance de haut niveau (notés END) présentés entre 2002 et 2007 en VVT ou sélectionnés en Équipe de France ont été collectés. Cette population se compose de pur-sang arabes (37 individus), de demi-sang arabes (9 individus) ou croisés arabes (CS, SF, AA, AB et Po) répartis en 25 juments, 27 hongres et 6 entiers. Les animaux étaient âgés de 5 à 15 ans au moment des radios (en moyenne 9,1 ± 2,4 ans).
En parallèle, une population témoin de chevaux de saut d’obstacles de haut niveau (notés CSO) présentant la même répartition d’âge a été constituée (en moyenne 8,4 ± 2,7 ans). Pour cela, 58 dossiers de chevaux de race selle français présentés à l’agrément d’étalon national privé ou aux Haras nationaux entre 2001 et 2009 ont été sélectionnés dans les fichiers du Centre d’imagerie et de recherche sur les affections locomotrices équines (Cirale).
Les dossiers CSO étaient constitués de quatorze clichés (face (F) + profil (P) des pieds, P boulets antérieurs et postérieurs, F carpes, P jarrets et P grassets) et les dossiers END de huit à quatorze clichés (au minimum F + P pieds, P boulets antérieurs et P jarrets) selon les chevaux. Les images radiographiques suspectes et anormales (IRSA) ont été notées et classées en fonction de leur gravité selon le protocole habituel (tableau 1) [2].
Les paramètres représentatifs du SOA étudiés sont les suivants : score radiographique (SR) = somme des IRSA, catégorie de SOA, nombre total d’IRSA, distribution des IRSA par gravité, sites radiographiques lésés et types lésionnels observés.
Les performances en compétition ont été répertoriées à partir de la base de données du Sire afin d’être mises en regard des caractéristiques du SOA. Le total des gains sur l’ensemble de la carrière a été choisi comme critère de performance. Les valeurs étant très différentes entre les deux disciplines, des quartiles ont été formés pour comparer les END et les CSO. Les caractéristiques globales (SR, catégorie de SOA, nombre d’IRSA) des deux populations ont été comparées à l’aide du test de Student et les nombres d’IRSA par site à l’aide du test de Ξ2. Pour les performances, les SR moyens et le nombre moyen d’IRSA par quartile ont été comparés à l’aide du test de Student.
Les END présentent significativement plus d’IRSA que les CSO (figure 1). Le nombre d’IRA de gravité légère ou modérée (grade 2 ou 3) est significativement plus élevé chez les END que chez les CSO, bien que le nombre d’IRA de grade 3 chez les END soit faible. Aucune image radiographique grave (grade 4) n’a été observée dans les deux effectifs (figure 2).
Les SR des END se distribuent entre 0 et 9 et ceux des CSO entre 0 et 7. Les END ont en moyenne un SR plus élevé (2,7 ± 2,7) que les CSO (1,7 ± 1,9). En revanche, la répartition des chevaux dans les trois catégories de statut ostéo-articulaire n’est pas statistiquement différente entre les deux populations (tableau 2).
Les END présentent statistiquement plus d’IRSA sur les membres antérieurs que les CSO. En revanche, aucune différence n’existe entre les END et les CSO pour le nombre de lésions observées sur les postérieurs. Sur les antérieurs, le site le plus lésé est le boulet antérieur, suivi de l’os sésamoïde distal en END et de l’os sésamoïde distal en CSO (photos 1a à 1c). Sur les postérieurs, l’étage distal du jarret est le site le plus lésé dans les deux effectifs. Les types de lésions observés sont assez similaires en END et en CSO (tableau 3, photos 2a et 2b).
La carrière de compétition des END s’étend sur 1 à 9 années (moyenne de 4,1 ans) pour une participation à un total de 3 à 24 courses (moyenne de 12 courses). Le nombre de premières places par cheval varie de 0 à 9 (moyenne de 3 victoires). Si le total des gains est significativement lié au nombre d’années de compétition et à celui de courses courues, il n’est, en revanche, pas lié à l’âge.
Chez les END, les scores radiographiques moyens et le nombre total d’IRSA par cheval ne sont pas significativement différents entre les quartiles de gains, et en particulier entre le premier et le quatrième quartile : les chevaux ayant le plus de gains présentent autant d’IRSA que ceux gagnant moins souvent en course (tableau 4). En revanche, les chevaux appartenant à la troisième catégorie de scores radiographiques (c’est-à-dire ceux qui présentent de multiples IRSA ou les IRSA les plus graves) sont ceux qui ont les gains les plus faibles.
La même analyse réalisée sur les 58 chevaux de CSO montre qu’il n’existe aucune relation statistiquement significative entre l’âge, le score radiographique, la catégorie radiographique ou le nombre d’images radiographiques et le total des gains récoltés.
La comparaison des END et des CSO par quartile de gains permet de retrouver les mêmes différences quant à la prévalence et à la gravité des IRSA que pour la population générale.
Il s’agit de la première étude sur le SOA de chevaux d’endurance. Elle s’intéresse à des animaux de niveau international. Les résultats ne peuvent donc pas être directement extrapolés à l’ensemble de la population de chevaux d’endurance. Néanmoins, les animaux de haut niveau étant les plus sollicités, le seuil de tolérance devrait être plus élevé pour les chevaux de niveau plus faible.
Les effectifs étudiés étant de petite taille, des travaux complémentaires sont nécessaires avant de conclure définitivement sur le SOA des chevaux d’endurance. Cette étude ne permet pas non plus de savoir si les différences observées résultent d’un biais de sélection des populations comparées, d’une prédisposition raciale, ou si elles sont la conséquence de conditions d’utilisation différentes (figure 3).
Il semblerait néanmoins que les chevaux d’endurance présentent davantage d’IRSA que ceux de CSO. Toutefois, les lésions sévères chez un même individu sont rares et les images radiographiques les plus graves (de grade 4) sont absentes dans les deux populations. Ces résultats vont dans le sens de ce qui a déjà été observé en course de trot [6] : les IRSA multiples et les IRAc nuisent à la performance. Inversement, la présence d’IRSA pas trop graves chez un cheval d’endurance n’est pas incompatible avec une activité de haut niveau (et a fortiori de niveau plus modeste). Dans le cadre de bilans radiographiques de visites d’achat de chevaux d’endurance, la présence de quelques images peu graves ne doit donc pas nécessairement pénaliser l’animal. Le pronostic doit alors être établi prioritairement en fonction de la clinique (présence de distension articulaire, réduction de l’amplitude de flexion ou douleur à la mobilisation, irrégularité d’allure, etc.).
Les pieds antérieurs et les jarrets sont des sites très souvent lésés dans les deux populations. En revanche, le boulet antérieur n’est fréquemment lésé que chez les chevaux d’endurance. Des données similaires sont retrouvées dans une étude sur les affections ostéo-articulaires juvéniles où les lésions sur le boulet antérieur sont plus fréquentes chez les anglo-arabes que chez les selle français [7]. Ces résultats sont également cohérents avec ce qui est observé en clinique où les arthropathies de boulet antérieur sont l’une des affections les plus fréquentes chez le cheval d’endurance [3, 4]. Le bilan radiographique de visite d’achat de chevaux destinés à l’endurance doit donc toujours inclure des clichés des boulets antérieurs, en plus des pieds et des jarrets.
→ Les chevaux d’endurance présentent un peu plus de lésions radiographiques que les chevaux de concours de saut d’obstacles.
→ Les sites les plus touchés chez les chevaux d’endurance sont les boulets antérieurs, puis les pieds et les jarrets.
→ Les images radiographiques peu nombreuses ou de gravité légère à modérée ne semblent pas handicapantes pour une carrière en course d’endurance de haut niveau.
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