Notions de risque et de pronostic - Pratique Vétérinaire Equine n° 171 du 01/07/2011
Pratique Vétérinaire Equine n° 171 du 01/07/2011

Article de synthèse

Auteur(s) : Jean-Michel Vandeweerd

Fonctions : DVM, DES, Cert ES (soft tissue), Dipl ECVSFacultés universitaires Notre-Dame-de-la-Paix
URVI (Unité de recherche vétérinaire intégrée)
Rue de Bruxelles, 61, 5000 Namur, Belgique
jean-michel.vandeweerd@fundp.ac.beFaculté de médecine vétérinaire
Université de Liège, bât. B41
Bd de Colonster, 20, 4000 Liège 1, BelgiqueClinique vétérinaire équine
18, rue des Champs, La Brosse
78470 Saint-Lambert-des-Bois

Les études portant sur le risque et le pronostic comportent divers faiblesses et biais qu’il convient de connaître.

Aux questions cliniques qu’il se pose, le praticien équin ne trouve pas toujours la réponse dans ses connaissances de base ou les livres dont il dispose. Dans ce cas, une recherche plus précise dans les publications scientifiques est nécessaire pour identifier des pistes de solutions [8, 9]. Une connaissance des méthodes utilisées pour la recherche et de la terminologie rencontrée dans les publications est indispensable pour évaluer la qualité scientifique de l’article, et ainsi identifier dans quelle mesure l’information qu’il véhicule est utile pour étayer la décision médicale [10]. Les questions posées peuvent concerner l’étiologie, la fréquence, le diagnostic, le traitement, ainsi que les facteurs de risque et de pronostic d’une maladie [10-13]. L’étude du risque et du pronostic est riche d’enseignements, mais difficile. Les essais peuvent comporter de nombreux biais. Il convient de les identifier à la lecture des publications et de s’assurer que des techniques adéquates ont été mises en œuvre pour les limiter.

Définition du risque

Notion de risque

Le risque fait référence à la probabilité d’un événement inopportun. Dans le contexte de la santé, les facteurs de risque concernent les éléments qui favorisent l’apparition d’une maladie. Leurs origines sont diverses. Ils peuvent faire partie du patrimoine génétique. Par exemple, Johlig et coll. ont récemment étudié la descendance d’un étalon de race warmblood. Ils ont montré que les chevaux qui présentaient une mutation du gène de la glycogène synthase (GYS1) avaient sept fois plus de risque de développer une rhabdomyolyse que ceux qui en sont indemnes [5]. D’autres facteurs font partie de l’environnement physique des animaux. Ainsi, une étude de Hinchcliff et coll. a suggéré que la température ambiante (inférieure à 20 °C) favoriserait les hémorragies après l’exercice chez le cheval de course alors que la dureté de la piste et la qualité de l’air n’auraient aucune influence [3]. Certains comportements favorisent l’apparition d’affections, tel le tic à l’air qui est associé à l’incarcération de l’intestin grêle dans le foramen épiploïque [1].

Notion d’exposition

La définition du risque ne va pas sans celle d’exposition. Un individu devient malade après avoir été exposé à un facteur de risque. L’exposition peut être courte (une toxine alimentaire, par exemple) ou longue (comme une alimentation carencée).

Facteurs de risque

L’étude des facteurs de risque permet aussi celle des causes d’une maladie. Archer et coll. ont montré que l’incarcération dans le foramen épiploïque a moins de risque de se produire chez les chevaux qui ne sont pas nourris en même temps que leurs congénères [1]. Ces éléments pourraient suggérer des causes telles que la vitesse de la prise du repas.

Tous les facteurs de risque ne sont pas nécessairement des causes. Ainsi, Donabédian et coll. ont relevé qu’une concentration plus élevée en ostéocalcine dans le sang des poulains au cours des semaines qui suivent la naissance, témoignant d’un métabolisme osseux plus important, est associée au développement de lésions ostéochondrales à 5 mois. La mesure de l’ostéocalcine permettrait ainsi de détecter les individus susceptibles de présenter ces lésions [2]. Une concentration supérieure de l’ostéocalcine, bien qu’indiquant une probabilité supérieure de développer la maladie, n’en est pas la cause. Ce facteur de risque est appelé un marqueur.

Que le facteur soit une cause possible de la maladie ou simplement un marqueur, sa présence permet de positionner en tête de liste du diagnostic différentiel l’affection associée. Toutefois, la présence du facteur de risque n’indique pas non plus que l’animal développera la maladie. Un cheval tiquant à l’air ne présentera pas nécessairement au cours de sa vie une incarcération de l’intestin grêle dans le foramen épiploïque, et un poulain, même avec une concentration sanguine élevée d’ostéocalcine dans les semaines qui suivent sa naissance, ne développera pas obligatoirement une affection ostéochondrale.

Toutefois, dès lors qu’un facteur de risque est une cause, le supprimer permettrait de prévenir la maladie. Kristoffersen et coll. ont, par exemple, montré que les pistes en tuft réduisaient le risque de fracture biaxiale des sésamoïdes proximaux [6]. Il serait donc possible d’intervenir sur la conception des pistes pour réduire le risque de fracture. À l’opposé, si un facteur de risque est un marqueur, et non une cause, il n’est pas possible d’agir à son niveau pour prévenir l’apparition de la maladie. C’est un non-sens de vouloir diminuer le taux d’ostéocalcine chez les poulains dans l’espoir de ralentir le développement de la maladie ostéochondrale.

Définition du pronostic

Le propriétaire du cheval malade s’inquiète légitimement de la façon dont la maladie va évoluer. Est-ce dangereux ? L’animal peut-il en mourir ? Va-t-il souffrir ? Le pronostic concerne le jugement que porte le vétérinaire sur la durée, le déroulement et l’issue de l’affection. L’analyse du pronostic consiste à rechercher une association entre un ou plusieurs facteurs et le devenir d’une maladie. Prévoir le devenir du cheval malade est une tâche indispensable mais difficile. Il s’agit d’éviter d’être vague, mais également d’être trop sûr de soi.

Il existe des différences majeures entre facteur pronostique et facteur de risque. Un facteur de risque est associé à la survenue d’une maladie. Un facteur pronostique est associé à l’évolution de celle-ci. Par exemple, le tic à l’air chez le cheval peut favoriser l’incarcération de l’intestin grêle dans le foramen épiploïque : c’est un facteur de risque [1]. De plus, si cet animal déclenche la maladie et subit une intervention chirurgicale, sa chance de survie est plus faible que s’il avait été opéré du gros intestin : l’intervention sur l’intestin grêle constitue un facteur de pronostic négatif pour les affections gastro-intestinales [7]. L’étude des facteurs de pronostic concerne des individus malades. Le risque et le pronostic décrivent deux phénomènes différents. Pour le risque, c’est l’occurrence d’une affection qui est mesurée. Pour le pronostic, une variété de conséquences de la maladie est appréciée, comme la mort, les complications, la souffrance, le bien-être.

Les facteurs de risque concernent en général des événements de faible fréquence, ce qui nécessite des protocoles très stricts pour les mettre en évidence. Au contraire, le pronostic décrit des événements plus fréquents. Ainsi, la seule expérience du clinicien lui permettrait d’obtenir une estimation valable du pronostic à court terme. Il lui est toutefois difficile d’apprécier le pronostic à long terme ou l’influence de différents facteurs associés.

Comment le risque est-il étudié ?

Étude expérimentale

La méthode la plus adéquate serait de mener une étude expérimentale au cours de laquelle deux groupes d’animaux, l’un exposé au facteur à l’étude et l’autre pas, seraient comparés. Mais ce n’est pas si simple. Par exemple, dans le contexte des coliques, il est éthiquement inconcevable d’administrer un aliment supposé inadéquat à un groupe de chevaux pour évaluer l’effet du régime sur l’augmentation du risque de développer une affection gastro-intestinale. Un autre écueil, avec le mode expérimental, est celui de la durée de l’essai. Par exemple, il se pourrait qu’il faille exposer les chevaux de façon prolongée à un régime alimentaire avant de voir apparaître la première colique. Étudier un facteur de risque de cette façon prendrait donc du temps, et serait en conséquence onéreux.

Pour ces raisons éthiques et financières, le risque ne peut être analysé par expérimentation. Il convient donc de mener des études dites d’observation en suivant un groupe d’individus (cohorte). Une cohorte est un groupe d’individus qui présentent une caractéristique commune et qui sont suivis dans le temps.

Suivi de cohortes

Il est possible de suivre les individus dans le futur (cohorte prospective) ou de retourner dans le passé (cohorte rétrospective). Dans le dernier cas, il s’agirait, par exemple, de reprendre tous les cas de coliques reçus dans une clinique au cours des dernières années, d’identifier dans les dossiers les chevaux qui tiquaient à l’air et de mesurer l’incidence des incarcérations dans le foramen épiploïque chez ces derniers afin de tester l’hypothèse selon laquelle ils sont plus à risque que les autres animaux [13]. Dans le premier cas, il s’agirait d’effectuer les mêmes observations à partir d’un moment déterminé dans l’avenir. Les études prospectives sont plus précises puisqu’un protocole rigoureux peut être mis en place pour suivre les chevaux avec précision et mesurer les paramètres de la maladie. Mais elles sont aussi plus longues, plus onéreuses, et ne conviennent pas pour des affections rares. Les premiers cas risquent en effet de se faire attendre. Les études rétrospectives sont, elles, plus courtes et plus faciles à réaliser, mais les biais sont nombreux et liés notamment à l’imprécision des dossiers établis dans le passé. Enfin, il est plus facile d’évaluer la causalité dans des essais prospectifs puisque la chronologie des événements est suivie avec précision [13].

Études cas-témoins

Puisque les travaux de cohortes prospectifs et rétrospectifs peuvent être difficiles ou coûteux, les épidémiologistes ont imaginé un autre type d’essai appelé étude cas-témoins. Celle-ci identifie dans le présent les animaux malades et replonge dans le passé de ces individus pour évaluer leur exposition à un facteur de risque. Isgren et coll., par exemple, ont étudié les facteurs de risque de la rhabdomyolyse à partir d’une étude cas-témoins [4]. Ils ont recherché les antécédents de chevaux identifiés comme sujets à la rhabdomyolyse (les cas) et ont déterminé s’ils étaient de tempérament nerveux (facteur d’exposition). À chaque cas, ils ont apparié un autre animal (parmi les chevaux des écuries étudiées) ne présentant pas cette susceptibilité à la maladie et ont observé ce même facteur d’exposition : ce sont les témoins. L’objectif était de démontrer une fréquence plus grande du caractère nerveux chez les animaux sujets à la rhabdomyolyse (les cas), par rapport à ceux qui ne le sont pas (les témoins). Ce modèle permet de mener une étude plus rapide et plus efficace, mais comporte beaucoup plus de biais à gérer.

Ces notions de méthodologie expérimentale ne sont pas aisées à comprendre (figure).

Comment le pronostic est-il étudié ?

Également pour des raisons éthiques évidentes, le mode de l’observation est privilégié par rapport à l’expérimentation. Dès le début de l’observation, les animaux doivent idéalement en être tous au même stade de la maladie. Cette caractéristique peut être plus sûrement déterminée lors d’une étude prospective, comparativement à une étude rétrospective. Le pronostic s’étudie donc par une méthode de cohorte prospective.

Ce groupe doit être suivi à partir d’un temps zéro. Cet instant doit être clairement défini, de même que le début des symptômes, l’établissement du diagnostic et l’instauration du traitement. Si l’observation est commencée à des moments différents pour les animaux suivis, la description du pronostic manquera de précision. Dans ce cas, il sera difficile d’interpréter le moment de leur mort, de leur guérison ou de leur rechute. Le terme de “cohorte liminaire” (“inception cohort” en anglais) est utilisé pour décrire un groupe d’individus qui sont assemblés au début de leur maladie.

La période d’observation doit ensuite être suffisamment longue pour permettre aux différents événements de survenir. La durée appropriée varie avec le type d’affection : il peut s’agir de quelques semaines pour une infection postchirurgicale et de plusieurs mois, voire plusieurs années pour des affections chroniques.

L’étude doit idéalement apprécier un ensemble varié de paramètres et de manifestations de la maladie. Il peut s’agir de la mort, de la maladie, mais aussi du bien-être. Le scientifique a souvent tendance à privilégier des critères technologiques, au détriment de paramètres cliniques très intéressants. Il semble plus précis de mesurer un paramètre sanguin, plutôt que le bien-être de l’animal. Or c’est peut-être ce dernier qui est essentiel. L’évolution de la maladie peut souvent être appréciée par un critère dichotomique correspondant à la présence ou à l’absence d’un événement (animal vivant ou mort, récidive ou pas de récidive, complication ou pas de complication), ce qui en permet une mesure facile.

Mesures du risque

Risque absolu

Dans un article récent, nous avons défini le taux d’incidence d’une maladie comme étant le nombre de nouveaux cas survenant pendant une période donnée divisé par le nombre d’animaux observés au cours de cette période [13]. Il s’exprime en pourcentage par unité de temps. Dans nos exemples, il s’agirait du nombre de chevaux présentant une rhabdomyolyse après l’exercice, une incarcération de l’intestin grêle dans le foramen épiploïque, une hémorragie respiratoire, une affection ostéochondrale ou une fracture biaxiale des sésamoïdes proximaux [1, 2, 3, 5, 6]. Si l’incidence sur une période donnée est supérieure dans le groupe d’animaux exposés au facteur à l’étude par rapport à celle dans le groupe non exposé, c’est que le risque de développer la maladie est plus grand pour le premier. L’incidence est une mesure du risque absolu.

Risque relatif

L’incidence peut ne pas être suffisamment évocatrice pour répondre à certaines questions. Ainsi, le fait de connaître le taux d’incidence d’une incarcération dans le foramen épiploïque n’est pas explicite. Il est souvent davantage utile de savoir combien de fois un cheval qui tique à l’air a plus de risque de développer ce type de colique qu’un autre qui ne le fait pas. Cela correspond plus au langage de tous les jours. Il s’agit du risque relatif (RR). Celui-ci compare directement une population exposée et une population non exposée.

Comment interpréter la mesure du risque ?

Le risque relatif peut être utilisé pour mettre en évidence une association entre un facteur d’exposition et une maladie. Kristoffersen et coll. ont étudié, au cours d’une observation prospective entre 1999 et 2004, l’influence des pistes dites “all weather” (A) par rapport à celles en tuft (B) sur l’incidence des fractures biaxiales des sésamoïdes proximaux. Ils ont donc comparé le nombre de nouveaux cas (fracture) apparus parmi les participants aux courses (nombre de départs) sur un sol de type A par rapport aux nouveaux cas survenus sur un sol de type B. Le rapport de ces deux nombres est le risque relatif (tableau 1).

Le risque relatif est défini par la formule suivante :

Dans l’étude de Kristoffersen et coll., le RR est de 4,4. Autrement dit, il existe 4,4 fois plus de risque de fracture sur le sol all weather que sur le tuft.

Si le RR est de 1, cela signifie que l’exposition au facteur (type de piste) n’a aucun effet sur la probabilité d’être malade (fracture). Une valeur positive indique un risque accru, une valeur négative, un moindre risque, donc un éventuel aspect préventif si le facteur de risque est une cause possible de la maladie.

Mesures du risque dans les études cas-témoins

Dans le cas du risque relatif, les individus exposés sont observés dans le passé ou le futur, et les cas sont dénombrés, c’est-à-dire les individus déclarant la maladie. Mais cette méthode de calcul est inappropriée lors d’étude cas-témoins puisque, par définition, les cas sont identifiés au départ, et que l’opérateur cherche, ensuite, à savoir s’ils ont été exposés ou non.

Pour les études cas-témoins, une autre mesure du risque appelée “odds ratio” (OR) est donc utilisée. Celui-ci est calculé dans l’autre sens.

Les parieurs connaissent bien le système des odds. Les odds représentent le rapport de deux probabilités complémentaires. Par exemple, un cheval pourrait avoir 80 % de chance de gagner, contre 20 % de chance de perdre. L’odds est la probabilité que l’événement se produise divisée par la probabilité qu’il ne se produise pas. D’où (80/100)/(20/100). Les parieurs diront que les odds sont de 4 contre 1.

En reprenant le tableau 1, nous constatons que, chez les malades, il y a a/a + c chance d’avoir été exposé et c/a + c de ne pas l’avoir été. Chez les non-malades, il y a b/b + d chance d’avoir été exposé et d/b + d de ne pas l’avoir été. L’odds ratio est le rapport de deux odds, donc ([a/a + c]/[c/a + c])/([b/b + d]/[d/b + d]) = (a/c)/(b/d) = ad/bc.

L’odds ratio est défini par la formule suivante :

Il représente le rapport des “chances” d’être ou non malade selon la présence ou non du facteur d’exposition. Il a une signification semblable à celle du risque relatif. Si les odds sont supérieurs à 1, cela indique un risque accru, s’ils sont inférieurs, cela signifie un risque moindre. Isgren et coll. ont ainsi montré que les chevaux nerveux sont plus à risque que les individus calmes pour la rhabdomyolyse (odds ratio de 7,1) [4].

Mesures du pronostic

Il est assez facile de résumer le cours d’une maladie et son pronostic par un simple taux. Un taux est une proportion de personnes qui subissent un événement au cours d’une période déterminée. Ces taux ont les mêmes composants de base que l’incidence, les événements se produisant dans une cohorte d’animaux sur une période donnée. Cette façon simple de mesurer le pronostic permet de le communiquer de manière succincte et intelligible (tableau 2). Cette mesure simple ne permet pas de convoyer toute l’information. Les taux de survie à 5 ans peuvent être identiques pour deux maladies, mais celles-ci peuvent avoir eu des déroulements différents. Pour l’une, la majorité des morts pourraient s’être produites très tôt, tandis que, pour l’autre, elles pourraient être survenues beaucoup plus tard. D’autres techniques plus sophistiquées existent donc pour décrire le cours d’une affection. Elles sont appelées “analyse de la survie” et “courbes de survie”. Cependant, elles dépassent le cadre de cet article.

Faiblesses des études du risque et du pronostic

Période de latence de la maladie trop longue

La période de latence est le temps qui s’écoule entre le début de l’exposition et l’apparition des premiers symptômes. Certaines maladies ont une période de latence particulièrement longue. Cet élément est plus important dans les espèces dont l’espérance de vie est élevée. Imaginons que l’exposition prolongée à certaines herbes soit responsable d’une ostéoporose chez les vieux éléphants : aucun vétérinaire ne pourra terminer une étude prospective de son vivant.

Facteur de risque étudié trop commun

Certains facteurs de risque sont devenus si communs qu’il devient difficile de les étudier parce qu’ils font partie du mode de vie de la majorité des individus. Il en est ainsi de l’impact d’une alimentation à base de grains chez les chevaux domestiques car ils sont presque tous nourris de la sorte. Ils devraient alors être comparés à une autre population extrême, comme celle des mustangs américains qui vivent à l’état sauvage aux États-Unis.

Maladie trop rare

Certaines affections sont trop rares pour pouvoir être étudiées. Il serait, par exemple, très difficile d’évaluer les facteurs favorisant l’hydrocéphalie chez les chevaux de sang. Cette réflexion illustre aussi la nécessité de relativiser les propos tenus dans certains manuels de référence. Certains d’entre eux ne sont que d’audacieuses hypothèses.

De nombreux biais possibles

Les biais des études de cohorte sont nombreux. Il est important de savoir à quel niveau ils peuvent se rencontrer de façon à les anticiper. Nous allons illustrer quelques exemples de biais à l’aide d’une étude cas-témoins fictive visant à évaluer l’effet de l’entraînement et de l’exercice intensif chez le poulain sur le développement de fragments ostéochondraux dans le compartiment dorsal de l’articulation du boulet aux membres antérieurs.

Sélection des cas

Dans une étude cas-témoins, le chercheur va, dans un premier temps, identifier les chevaux présentant ce type de lésion, diagnostiquée par radiographie.

Cette étape initiale est la sélection des cas. Elle est très importante car un premier biais, qui serait de choisir des individus déjà porteurs d’une lésion avant la mise à l’entraînement, doit être évité. Cela est difficile à déterminer a posteriori et n’est possible que si des radiographies comparatives prises dans les mois ou les années précédentes sont disponibles. Si nous incluions des individus déjà porteurs de lésions avant qu’ils ne soient exposés, l’estimation du risque serait susceptible d’être augmentée.

En pratique, des radiographies prises dans le passé, par exemple au cours de visites avant l’achat, pourraient être utilisées. Mais, là aussi, la sélection serait biaisée car l’échantillon étudié ne comptera peut-être que des chevaux de sport de qualité et notre échantillon ne sera alors pas représentatif de la population.

Enfin, les critères de sélection doivent être précisément définis, par exemple par une description claire des caractéristiques radiographiques envisagées.

Cas-témoins

La validité de l’étude dépend aussi de la comparabilité des cas et des contrôles. Si les cas étudiés sont sélectionnés parmi les chevaux vus pour une visite d’achat dans une clinique parisienne, un animal examiné pour boiterie dans un centre vétérinaire de Pennsylvanie ne peut servir de contrôle. En d’autres termes, pour être un contrôle, il convient de faire partie de la même population de base et aussi de présenter autant de chance d’être exposé au facteur étudié (ici, l’exercice intensif) que les cas. La sélection des contrôles est donc une étape importante très discutable, où le meilleur compromis doit être recherché. Une méthode largement employée est de choisir les contrôles dans la population des autres chevaux se présentant à la clinique pour des motifs différents.

Une technique pour sélectionner des témoins comparables aux cas est de les apparier. Dans notre exemple, il s’agit de choisir un cheval de sexe et d’âge identiques, et provenant de la même région ou traité régulièrement par la même structure vétérinaire. Nous pouvons aussi les apparier sur des critères plus précis de race, d’alimentation, de complément vitaminé, etc. Cependant, l’appariement excessif peut aboutir à deux populations trop identiques pour qu’un effet puisse être mis en évidence. L’appariement doit donc lui aussi être stratégiquement pensé.

Biais de mesure

Après ces biais de sélection peuvent survenir des biais de mesure. La difficulté la plus importante consiste à pouvoir retourner avec précision dans le passé de l’animal pour contrôler s’il a été exposé ou non au facteur étudié. En l’occurrence, dans notre exemple, il s’agit de vérifier si le cheval a été exposé ou non à un exercice intensif. Les niveaux d’exercice doivent être clairement définis. Les dossiers médicaux doivent être scrupuleusement tenus pour rechercher l’information souhaitée. Il est possible d’interroger les propriétaires pour obtenir un complément d’informations. Néanmoins, cette étape aussi peut être biaisée. Habituellement, les souvenirs du propriétaire sont plus précis si l’animal est porteur de l’affection (s’il présente un fragment ostéochondral). L’accès à d’autres sources d’informations (carnet d’entraînement tenu par le cavalier de l’époque, par exemple) serait utile également. Enfin, un clinicien participant à l’étude pourrait, au cours d’une discussion avec un de ses clients, apprendre que celui-ci est un éleveur adepte de l’exercice intensif des jeunes chevaux, et être tenté de multiplier les clichés radiographiques des boulets de l’animal dans l’espoir de montrer des fragments ostéochondraux et d’abonder dans le sens de l’hypothèse. Cela constituerait un biais de détection. Idéalement, les cliniciens ne devraient pas être informés des détails de l’étude (en aveugle).

Conclusion

Le risque et le pronostic d’une maladie constituent des éléments essentiels d’une démarche clinique. Seules des études bien menées apportent les informations dont le vétérinaire a besoin pour étayer ses décisions. Il est important que le praticien maîtrise les mesures utilisées pour pouvoir les communiquer utilement et qu’il garde à l’esprit les nombreux biais possibles pour les nuancer objectivement.

Références

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  • 2. Donabédian M, van Weeren PR, Perona G et coll. Early changes in biomarkers of skeletal metabolism and their association to the occurrence of osteochondrosis (OC) in the horse. Equine Vet. J. 2008;40:253-259.
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  • 8. Vandeweerd JM, Perrin R. Evidence based medicine, la médecine factuelle. Prat. Vét. Équine. 2007;156(39):43-48.
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  • 12. Vandeweerd JM, Desbrosse F. Mieux comprendre la validité des tests diagnostiques. Prat. Vét. Équine. 2011;169(43):55-59.
  • 13. Vandeweerd JM. Fréquence des maladies: notions de prévalence et d’incidence. Prat. Vét. Équine. 2011;170(43):59-62.

Éléments à retenir

→ Le risque et le pronostic décrivent deux phénomènes différents. Le risque correspond à l’occurrence d’une maladie à partir d’une population saine. Le pronostic se réfère aux diverses conséquences observées dans une population malade.

→ Un marqueur est un facteur de risque qui indique une plus grande probabilité de développer la maladie sans en être une cause. Une action préventive n’est possible qu’en agissant sur un facteur qui constitue une cause de l’affection, et non sur un marqueur.

→ Les mesures principales du risque sont le risque relatif et l’odds ratio. Les mesures du pronostic s’expriment généralement par le taux de survie, la mortalité, les complications, la rémission ou la rechute.

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