Intérêt et réalisation de l’examen électrocardiographique à l’effort

Les arythmies et les souffles cardiaques sont fréquents chez les chevaux athlètes. Le rôle du vétérinaire dans l’évaluation d’une arythmie est primordial car il doit répondre à une série de questions de son client [²]. Les questions majeures fréquemment posées sont :

– le cheval est-il apte à réaliser les performances qui lui sont demandées ?

– existe-t-il un risque pour le cavalier ou le driver d’exploiter le cheval ?

– quel est le pronostic vital et sportif du cheval ?

L’utilité d’un électrocardiogramme (ECG) réalisé au repos est limitée, car les perturbations de rythme cardiaque entraînant une baisse de performance sont rarement évidentes au repos [⁹]. Un ECG d’effort est indiqué pour de nombreuses raisons :

– le suivi de l’évolution d’une arythmie présente au repos (disparition ou pas de l’arythmie, apparition d’autres arythmies, évolution de la fréquence cardiaque à l’effort, etc.);

– l’évaluation d’une baisse de performance (suivi de la fréquence et du rythme cardiaque à l’effort, apparition d’arythmies en relation à d’autres anomalies, etc.);

– la détermination des éventuelles conséquences d’une insuffisance valvulaire sur le rythme cardiaque à l’effort [², ⁵, ⁹].

Réalisation d’un électrocardiogramme à l’effort

Le positionnement des électrodes doit être réalisé de manière à réduire tout artefact de mouvement, à maximiser le contact avec la peau du cheval et à diminuer la possibilité d’un détachement pendant l’effort [⁹]. Afin de réduire les artefacts de mouvements, différents choix de placement des électrodes sont possibles pour obtenir une dérivation de base apex modifié d’un cheval avec ou sans cavalier (^figure) [⁸, ⁹]. Les électrodes adhésives (Ag/Ag Cl) disponibles sur le marché sont habituellement munies d’une petite éponge imbibée qui permet d’obtenir un bon contact avec la peau. Pour diminuer le risque de détachement des électrodes durant l’effort, elles peuvent être attachées à l’aide d’un peu de super glue ou d’une sangle, et de manière à rester accessibles pour l’examinateur.

L’équipement pour la réalisation d’un ECG d’effort par télémétrie est constitué d’un émetteur (placé sur le cheval) relié aux électrodes par un câble, qui permet de suivre le tracé d’ECG sur un ordinateur placé à proximité, par transmission Bluetooth (distance en général inférieure à 100 m), ou de l’enregistrer sur une carte mémoire insérée dans le transmetteur (^{photo 1}). Avant de mettre le cheval à l’effort, la qualité du tracé de l’ECG est à vérifier sur l’ordinateur (le cheval doit être en mouvement).

Les conditions de réalisation de l’ECG d’effort doivent correspondre au type de travail effectué par le cheval et aux besoins de l’utilisateur. Le cheval réalise ainsi un exercice comparable à son travail habituel [¹, ³, ⁴, ⁷]. Il est exercé de manière suffisamment intense pour atteindre sa fréquence cardiaque maximale (qui varie de 204 à 241 bpm selon les chevaux) avant d’exclure toute possibilité d’arythmie durant l’effort [⁷]. Idéalement, la fréquence et le rythme cardiaques sont suivis en direct, ce qui est possible si le cheval est travaillé au manège ou sur tapis roulant (^{photo 2}). Si cela n’est pas réalisable, le travail du cheval est suivi à distance par le vétérinaire ou le cavalier, le driver ou le jockey selon la discipline du cheval (^{photo 3}). L’enregistrement de l’ECG d’effort sur carte mémoire permet au vétérinaire d’en visionner l’intégralité a posteriori.

Si le matériel de télémétrie n’est pas disponible, un ECG peut être réalisé immédiatement après l’effort. Cette méthode est beaucoup moins sensible car la fréquence cardiaque diminue rapidement après arrêt de l’effort, surtout chez un cheval entraîné.

Interprétation d’un électrocardiogramme à l’effort

Évaluation de la fréquence et du rythme cardiaques au cours de l’effort

Au cours de l’effort, le suivi de la fréquence cardiaque permet de juger si elle correspond bien à l’effort demandé. Dans le cas particulier d’un test d’effort standardisé (avec paliers de durée et de vitesse prédéterminées), ce suivi évalue la tolérance à l’effort du cheval en comparant ses résultats avec ceux retrouvés chez des chevaux performants du même âge, dans la même discipline, et fait suspecter la présence de maladies subcliniques concomitantes si une augmentation de la fréquence cardiaque et/ou du taux de lactates est observée.

L’évaluation du rythme cardiaque en fonction de l’effort réalisé est un élément clé pour l’interprétation de l’ECG. Il est essentiel de noter, en parallèle avec l’ECG, l’intensité de l’exercice ou au moins le déroulement dans le temps pour comparer le tracé à tout événement particulier pendant l’exercice comme une transition de vitesse ou la réalisation d’un mouvement particulier (par exemple le piaffer) [¹, ⁴, ⁶, ⁷].

Un tracé d’ECG de bonne qualité est indispensable pour la distinction entre une vraie arythmie et un artefact de mouvement.

Particularités de l’électrocardiogramme d’effort

Tous les critères d’interprétation d’un ECG au repos s’appliquent aussi à l’ECG d’effort (l’évaluation de la fréquence cardiaque, la présence ou l’absence des différents ondes et complexes, leurs séquence, durée, conformation et fréquence, etc.). L’augmentation de fréquence cardiaque à l’effort peut empêcher l’identification des ondes P et T. Dans ce cas, il est primordial d’évaluer le rythme d’apparition des complexes QRS et leur conformation afin de déterminer si une arythmie est présente et, si oui, de quel type elle est [⁶].

Avec les systèmes de télémétrie actuels, un programme d’analyse informatique peut être utilisé pour calculer la fréquence cardiaque (en évaluant l’espace R-R) et marquer des événements anormaux. Le rôle de l’opérateur reste primordial pour juger si oui ou non une arythmie est présente et pour évaluer si le programme a bien détecté toutes les anomalies potentiellement présentes [³].

Distinction entre arythmie physiologique et pathologique

Le cheval étant un athlète avec un tonus vagal élevé au repos, certaines arythmies sont physiologiques au repos et même à l’effort, surtout dans la période immédiatement après l’effort maximal (^{tableau 1}) [¹, ³].

Un nombre de critères sont à considérer pour évaluer l’importance de l’arythmie. Le clinicien doit ainsi évaluer :

– le moment d’apparition de l’arythmie (repos, effort, à l’effort maximal, en récupération juste après l’effort, etc.);

– son évolution avec l’intensité de l’effort (apparition, disparition, aggravation, etc.);

– sa fréquence d’apparition ;

– la fréquence cardiaque au moment de l’apparition des arythmies et par rapport à l’effort réalisé ;

– la présence ou l’absence de signes cliniques, etc. [¹, ³, ⁴, ⁷].

La distinction entre arythmie “physiologique” versus “pathologique” ne s’effectue pas toujours aisément. Ainsi, la présence de blocs atrio-ventriculaires occasionnels au repos et disparaissant à l’effort est clairement physiologique et la présence de fibrillation atriale est toujours à considérer comme pathologique (encadrés 1 et 2). En revanche, l’effet de contractions prématurées (extrasystoles supraventriculaires [ESSV] ou extrasystoles ventriculaires [ESV]) sur les performances à l’effort est moins clair (encadré 3). Plus de deux contractions prématurées durant l’effort et plus de cinq dans la période immédiatement après l’effort maximal seraient pathologiques. Néanmoins, cette classification a été remise en question par certaines études [⁴, ⁷].

Références

• 1 – Barbesgaard L, Buhl R, Meldgaard C. Prevalence of exercise-associated arrhythmias in normal performing dressage horses. Equine Vet. J. 2010; 42: 202-207.
• 2 – Buhl R. Valvular regurgitations in the horse: the importance of an exercise ECG. Vet. J. 2010; 183: 117-118.
• 3 – Buhl R. Cardiac arrhythmias in clinically healthy showjumping horses. Equine Vet. J. 2010; 42: 196-201.
• 4 – Jose-Cunilleras E, Young LE, Newton JR et coll. Cardiac arrhythmias during and after treadmill exercise in poorly performing thoroughbred racehorses. Equine Vet. J. Suppl. 2006: 163-170.
• 5 – Martin BB Jr, Reef VB, Parente EJ et coll. Causes of poor performance of horses during training, racing, or showing: 348 cases (1992-1996). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2000; 216 : 554-558.
• 6 – Norgaard LM, Johnson EB, Restrepo J et coll. Evaluation of R-R intervals from equine ECG recordings during submaximal and maximal exercise intensity: is there a standard criterion for arrhythmia assessement ? In: British Equine Veterinary Association Congress. 2008; 138-139.
• 7 – Ryan N, Marr CM, McGladdery AJ. Survey of cardiac arrhythmias during submaximal and maximal exercise in Thoroughbred racehorses. Equine Vet. J. 2005; 37: 265-268.
• 8 – Trachsel DS, Bitschnau C, Waldern N et coll. Observer agreement for detection of cardiac arrhythmias on telemetric ECG recordings obtained at rest, during and after exercise in 10 Warmblood horses. Equine Vet. J. 2010; 42: 208-215.
• 9 – Young LE. Recent advances in diagnostic cardiac abnormalities with an EKG during exercise: a review. In: Am. Assoc. Equine Pract. Orlando, Florida. 2007; 99-103.